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Aux origines

La petite île de Schockland abrite pas moins de 160 sites archéologiques dont d’étonnants vestiges d’une occupation préhistorique (digues, tertres artificiels…) témoignant du combat millénaire mené par les hommes contre les eaux. Les Romains, eux, fortifièrent la rive gauche du Rhin. Ce Limes de Germanie inférieure se compose notamment de vestiges de camps légionnaires, forts, tours, routes, cimetières, temples, canaux et aqueducs. Au Moyen Âge, les premiers édifices religieux portent la marque du roman mosan, que l’on reconnaît à l’importance de leur avant-corps et à la présence d’un massif occidental. Puis ce style va évoluer avec l’ajout d’une tour-clocher occidentale et d’un triforium (galerie ménagée autour du vaisseau central). Les basiliques Saint-Servais et Notre-Dame de Maastricht en sont les plus belles représentantes. Le complexe monastique de Rolduc est aussi un très beau témoin de ce roman, et son église impressionne par son plan tréflé témoignant de l’évolution d’un style qui se fait plus décoratif. Une flamboyance du décor qui caractérise le gothique brabançon. Inspiré du gothique français, on le reconnaît à son élan vertical, à l’ordre et à la clarté de ses lignes, à ses nefs à 3 vaisseaux, à son chœur entouré d’un déambulatoire d’où partent des chapelles rayonnantes et à la persistance d’une tour-porche occidentale. Les vitraux polychromes de la Grote Kerk d’Edam, la superbe voûte nervurée en bois de cèdre de la cathédrale Sainte-Bavon d’Haarlem et la tour octogonale de l’Abbaye des Prémontrés de Middelburg sont de magnifiques témoins de ce gothique. Un style qui se fait aussi civil avec le développement des communes. L’hôtel de ville de Middelburg avec sa façade principale sculptée comme de la dentelle est un des plus beaux du pays. Middelburg est aussi un très bel exemple de ville fortifiée. La gestion de l’eau est également une préoccupation majeure au Moyen Âge et conditionne le fonctionnement même de la société, avec la création des Waterschappen, associations de propriétaires terriens chargées de la construction et de l’entretien des digues et canaux. Une charge coûteuse mais qui leur donnait alors voix au chapitre en matière de décisions prises pour la communauté ! À cette époque, l’asséchement des marécages commence à se faire à l’aide de moulins sur pivot creux dont la base pyramidale sert aussi de lieu d’habitation.

Siècle d’or

La Renaissance hollandaise se reconnaît aux jeux de courbes et à la polychromie de pierre et de brique des façades ornées de pilastres, colonnes et obélisques. Les 3 grands temples protestants d’Amsterdam (Noorderkerk, Westerkerk et Zuiderkerk), réalisés par Hendrick de Keyser, en sont de beaux représentants, tout comme l’hôtel de ville et la Halle aux viandes de Haarlem. Voyez les têtes de bœufs et grotesques ornant sa façade. Une décoration au service de la fonction que l’on retrouve dans les maisons de guildes dont les pignons deviennent symboles d’identification. Sur l’île d’Ameland, les maisons des capitaines de bateaux se reconnaissent aux cordons de brique disposés en épi sur la façade, tandis qu’à Middelburg, les arquebusiers ont orné leurs pignons de boulets de canon ! Simple, à redans, en cloche, en pointe aplatie, en col, orné de sculptures…, le pignon est au cœur de toutes les attentions.

Au XVIIe siècle, Amsterdam fait l’objet d’une planification urbaine et hydraulique sans précédent. Il s’agit d’étendre la ville en drainant les terres marécageuses par des canaux en arcs concentriques. Création de parcelles étroites (compensées par des maisons souvent très profondes), emploi de la brique et du grès, division de la façade en 3 travées…, la ville contrôle tout et, de ce dirigisme, naît une ville à l’étonnante cohérence architecturale. Vous aurez sans doute remarqué que bon nombre de ces maisons ont des façades penchées. Cette inclinaison permet de faire paraître la maison plus grande et de protéger les boiseries décoratives de la pluie, mais cette inclinaison s’explique surtout par le fait que ces maisons reposent sur des pilotis dont le bois finit par jouer ! Le Palais Royal, qui repose sur 13 659 pilotis, est l’œuvre de Jacob van Campen, maître du classicisme hollandais, à qui l’on doit également le Mauritshuis de La Haye. C’est aussi à cette période que se développent les hofjes ou hospices privés à destination des plus démunis. Haarlem compte 19 de ces ensembles composés de petites maisons organisées autour d’une cour. Une organisation similaire à celle des béguinages dont Amsterdam possède un bel exemple. Cette période est aussi celle de l’évolution de l’architecture militaire, fortement marquée par l’influence des théories de Vauban, comme à Naarden, dont on admire la double rangée de fortifications en étoile à 12 branches et 6 bastions. Ce XVIIe siècle est aussi celui de l’invention de moulins à calotte pivotante permettant de varier l’orientation selon la direction du vent. On les reconnaît à leur socle en brique, leur corps octogonal en bois et à leur toit de chaume. Le Polder de Beemster est un autre exemple fascinant de cette gestion de l’eau. Il a été entièrement aménagé selon un plan géométrique rationalisé et a conservé intact son découpage en parcelles, ses routes et ses villages.

XVIIIe-XIXe siècles

Au XVIIIe siècle, les commerçants-voyageurs se sédentarisent, voilà qui explique le goût immodéré de la période pour les décors intérieurs, peuplés de faïences et céramiques. Le grand architecte de l’époque est Daniel Marot, huguenot français exilé, à qui l’on doit la diffusion d’un style Louis XV, mêlant confort, fonctionnalité et exubérance du décor, que l’on retrouve autant dans le mobilier que dans les grilles et impostes extérieures. Au XIXe siècle, l’architecture militaire va être profondément bouleversée avec la création de la Nouvelle Ligne d’Eau de Hollande et la Ligne de Défense d’Amsterdam constituées d’un réseau de forts, digues, écluses, stations de pompage et surtout de zones d’inondation temporaire visant à ralentir l’ennemi. En matière architecturale, le XIXe se fera d’abord éclectique avec un recours systématique aux canons du passé. L’un des grands architectes de l’époque est Pierre Cuypers, très friand de néo-Renaissance et néobaroque, à qui l’on doit notamment le Rijksmuseum d’Amsterdam. Cette période est également marquée par de nouvelles réflexions urbanistiques. Les Pays-Bas développent ce que l’on a appelé les Colonies de Bienfaisance. Il s’agissait alors de réduire la pauvreté urbaine en établissant des colonies agricoles dans des régions reculées. Il pouvait s’agir de colonies dites libres, comme à Frederiksoord, où de petites fermes ont été construites par des familles ; ou de colonies dites forcées, comme à Veenhuizen, où les habitants étaient logés dans des structures dortoirs et grandes fermes centralisées. Au milieu du XIXe siècle, près de 11 000 personnes vivaient dans ces « colonies ». La Haye fit, à cette époque, l’objet d’une planification urbaine d’un tout autre genre. Élevée au rang de capitale des Provinces Unies, la ville vit ses canaux comblés et remplacés par de grandes avenues rectilignes. Enfin, le XIXe siècle est également marqué par le développement d’une architecture industrielle, symbole de prospérité. Grandes manufactures de brique aux allures de châteaux néogothiques, marchés et halles aux élégantes structures métalliques, et premiers essais de cités ouvrières à l’image du quartier d’Agneta Park à Delft avec ses 70 maisons organisées autour d’un jardin à l’anglaise…, la révolution industrielle prend les formes les plus variées.

Éloge de la modernité

Hendrik Petrus Berlage, père de l’architecture moderne néerlandaise, rejette l’historicisme décoratif pour s’inspirer de la simplicité sans fard des constructions traditionnelles en brique. La salle de la Bourse d’Amsterdam est ainsi constituée d’une structure porteuse en brique voûtée et compacte dans laquelle s’insère une charpente en acier, étonnant mélange de tradition et de modernité. La brique est le matériau privilégié par l’École d’Amsterdam. L’édifice-manifeste du mouvement est la Maison de la Navigation, réalisée par Johann Melchior van der Mey, Michel de Klerk et Pieter Kramer. La structure en béton armé est revêtue d’une façade faite de brique et de terre cuite, travaillées dans les formes les plus exotiques. L’architecture, tout en inventivité et expressionnisme, est ici traitée comme une sculpture. L’École d’Amsterdam s’intéresse également aux logements sociaux. Michel de Klerk imagine notamment le Het Schip, qui se distingue par la combinaison de motifs et de formes de fenêtres expressionnistes, du triangle au trapèze, en passant par l’arc, excluant ainsi toute forme de monotonie. De Klerk va ensuite s’associer à Pieter Kramer pour imaginer la cité ouvrière De Dageraad. Bâtiments cubiques, formes ondulées, sculptures en brique, chromatisme des différents matériaux…, les deux architectes créent un habitat aéré et lumineux rythmé par une infinité de formes architecturales. Robert van’t Hoff, lui, s’inspire des théories et réalisations de Frank Lloyd Wright et réalise la villa de Huis ter Heide, construction en béton armé, aux volumes cubiques et aux lignes claires, dominées par l’horizontalité des fenêtres en bandeaux. Van’t Hoff finira par rejoindre le deuxième grand mouvement de la période : De Stijl. Inspiré de la géométrie claire des édifices de Wright et de la peinture de Mondrian, le mouvement De Stijl se base sur un langage des formes abstrait, rationnel et libéré de l’ornement. La première application concrète du mouvement n’est pas un édifice, mais une pièce de mobilier ! Il s’agit de la célèbre Chaise Bleue et Rouge de Gerrit Thomas Rietveld. C’est également à Rietveld que l’on doit la Rietveld-Schröderhuis à Utrecht. Toiture plate en terrasse, murs s’interpénétrant et se prolongeant au-delà des angles d’intersection, structures en porte-à-faux, cloisons amovibles pour permettre un plan libre…, les innovations sont nombreuses. Le mouvement De Stijl s’intéresse lui aussi à la question du logement social, comme le montre le projet de J.J.P. Oud à Hoek van Holland. La monotonie de l’alignement des logements y est rompue par des socles jaunes, des volées de marches rouges, des portes bleues et des balcons aux courbes élégantes. Malheureusement, les réalisations du mouvement De Stijl sont coûteuses et peu pratiques à mettre en place et on leur préféra rapidement un fonctionnalisme d’acier, de verre et de béton. L’architecture industrielle se renouvelle également, comme en témoigne le complexe Van Nelle composé d’un ensemble d’usines aux façades de verre et d’acier utilisant le principe du mur-rideau et aux espaces intérieurs évolutifs et baignés de lumière.

Architecture contemporaine

Rotterdam est la ville des Pays-Bas qui illustre le mieux l’évolution de l’architecture contemporaine. Au lendemain de la guerre, la ville est entièrement détruite. En 1946, l’architecte Van Traa imagine le plan « Rotterdam pour l’avenir » décomposant la ville en différents secteurs et fonctions, le centre étant dévolu aux tours en béton des banques et administrations, et les périphéries accueillant les grands ensembles résidentiels, le tout étant relié par de grandes artères automobiles. Parangon de la modernité de l’époque, ce plan va progressivement concentrer toutes les critiques, qui mèneront au renouveau des années 1970. La cité portuaire se transforme alors en laboratoire architectural accueillant les projets les plus fous, dont ceux de l’inclassable Piet Blom. C’est à lui que l’on doit la forêt de maisons-arbres surplombant le boulevard Blaak, la marina aux allures de casbah, et la tour en forme de crayon ! Rotterdam est aussi la ville de naissance de Rem Koolhaas, détenteur du prestigieux prix Pritzker, le Nobel d’architecture. Organisation libre et fonctionnelle de l’espace et utilisation d’innovations technologiques dans le processus créatif caractérisent son architecture. À Rotterdam, il a imaginé le Kunsthal, et plus récemment le De Rotterdam, véritable ville verticale qui, avec ses 150 m, est le plus haut bâtiment du pays. L’autre grande tour de la ville, surgissant du World Port Center, est l’œuvre de Norman Foster.

La Haye aussi est une ville étonnante. En 1978, Rem Koolhaas et Zaha Hadid travaillent de concert sur l’extension du Parlement, tandis que quelques années plus tard, Richard Meier y réalise un hôtel de ville tout en blancheur et fenêtres en bandeaux. Plus récemment, Jean Nouvel y a dessiné le siège de l’Office européen des brevets, plus fin et plus grand bâtiment de bureaux de verre et d’acier d’Europe. Depuis les années 1980, d’autres grands noms de l’architecture sont venus apposer leur marque dans le pays comme Alessandro Mendini, Philippe Starck et Coop Himmelb(l)au qui ont dessiné le Musée de Groningen, étonnant bric-à-brac d’acier, de pierre artificielle, de bois et de béton tout en courbes ; ou bien encore Aldo Rossi qui a réalisé le BonnefantenMuseum de Maastricht avec sa tour métallique bombée. Amsterdam n’est pas en reste avec NEMO, le Musée scientifique à la coque verte géante imaginée par Renzo Piano ; la ING House, étonnante créature de métal perchée sur 16 pattes élancées ; l’extension du Stedelijk Museum, surnommée « la baignoire », imaginée par Mels Crouwel ; l’étonnant cube d’acier du Muziekgebouw ; et bien sûr les quartiers flottants, comme celui du Waterbuurt sur l’île de Steigereiland, entièrement en matériaux non polluants !

Architecture vernaculaire

Bois, brique, chaume, roseau et tuiles sont les matériaux privilégiés dans l’architecture vernaculaire. Aux Pays-Bas, il existe presque autant de types de fermes que de propriétaires ! Avec leur toit surélevé se terminant en pyramide, les fermes de Frise sont immanquables. Dans le Groningue et en Frise, existent également les fermes dites à « cou-tête-tronc ». La maison d’habitation (tête) est reliée par une partie plus étroite (cou) au grand corps de ferme (tronc). Dans le centre du Pays, on rencontre fréquemment des fermes-halles. La charpente y est soutenue par des piliers qui dessinent 3 nefs comme dans les églises-halles. Dans la région de la Twente, certaines fermes conservent de beaux exemples de colombages en damier. Les fermes de la Drenthe se reconnaissent, elles, à leur forme allongée et à leur imposante toiture de chaume à 4 pans descendant quasiment jusqu’au sol. Dans le Limbourg, les bâtiments de la ferme sont organisés autour d’une grande cour centrale fermée par une imposante porte cochère. Les fermes du Brabant se distinguent, elles, par leur longue façade rythmée de plusieurs portes donnant sur la rue. À la différence de toutes ces formes plutôt compactes, la ferme zélandaise se caractérise par des bâtiments isolés dont la grange en bois est l’édifice phare. On la reconnaît à ses parois goudronnées (le goudron protège le bois de l’eau salée) et à ses encadrements soulignés de peinture blanche. On retrouve également cela dans les petites maisons des villages du Zaan, dont on remarque le pignon surmonté d’un ornement en bois baptisé Makelaar. Le village de Zaanse Schans a même été transformé en musée de plein air ! Autres petites maisons étonnantes, celles de la péninsule de Marken, que l’on reconnaît à leur rez-de-chaussée en maçonnerie, à leur bel étage en bois et à leur escalier extérieur. Certaines conservent le noir du goudron, d’autres sont peintes de couleurs vives.