Calvinisme aux Pays-Bas : plus qu'une religion

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les protestants ne sont plus majoritaires aux Pays-Bas où, aujourd’hui, le catholicisme est le culte le plus pratiqué. Ainsi, alors qu’un quart des Néerlandais se disent adeptes des diverses Églises réformées, le catholicisme romain regroupe encore un tiers de la population. Mais, comme le dit l’adage : « Les Néerlandais, qu’ils soient catholiques, juifs, libres penseurs, communistes ou agnostiques, sont tous calvinistes. »

Le calvinisme tire son nom de Calvin, le théologien français, réformateur et pasteur emblématique de la réforme protestante du XVIe siècle. Ce courant se répandit d'abord dans les Flandres et le Hainaut. Le calvinisme s'établit dans la république des Provinces-Unies. L'Église réformée est fondée en Frise en 1571 et devient l'Église de la République quelques années plus tard. Le siècle d'or marque une diffusion du protestantisme réformé tandis que le siècle suivant coïncide avec l'arrivée des huguenots venus de France suite à l'abolition de l'édit de Nantes.

Plus qu'une religion, le calvinisme désigne la manière de penser et d'agir qui caractérisent les Néerlandais. Aux Pays-Bas, la sobriété et l'efficacité sont de mise et pendant longtemps, on élevait les enfants en leur disant « Agis normalement, c'est déjà bien assez fou ». Les Néerlandais, nourris de ces valeurs, sont connus pour ne pas dépenser sans réfléchir, mais plutôt investir. Cette réputation, parfois exagérée, de frugalité, tient ses racines dans le calvinisme.

À ce jour, l'Église protestante compte 2,6 millions de membres (un peu moins de 15 % de la population). L'Église catholique compte 3,6 millions de membres (environ 20 % de la population) et traditionnellement située au sud du pays. À noter, on appelle Biblebelt, la zone de protestantisme strict et conservateur qui s'étire de la Zélande à l'ouest à la province de Overijssel. Cette zone se caractérise par un faible taux de vaccination et un taux de fécondité élevé à presque trois enfants par foyer.

Fêtes et traditions populaires

Les principales fêtes religieuses sont Pâques, la Pentecôte, l’Ascension et Noël. En fonction du milieu dans lequel on évolue, ces fêtes seront célébrées avec une plus grande ferveur ou non. Carnaval, en février, est une tradition des régions méridionales des Pays-Bas. Ces célébrations se tiennent, trois jours durant, dans le Limbourg et le Brabant. Il s'agit d'une fête déguisée et souvent très bien arrosée.

Les fêtes de Pâques et de Noël sont synonymes de repas élaborés en famille et parfois entre amis. À noter, Noël est toujours célébré pendant deux jours, les 25 et 26 décembre, le 26 est appelé « deuxième jour de Noël ». Ces deux grandes fêtes religieuses sont par ailleurs marquées par différents concerts dans les grandes salles du pays. Le Concertgebouw d'Amsterdam est réputé pour ses représentations du Messie de Haendel et la Passion selon saint Matthieu de Bach. Les fêtes des autres grandes religions, notamment le Ramadan, font l'objet d'informations dans la presse et de communication dédiée au travail avec un grand respect de la liberté de culte.

L'islam aux Pays-Bas

Si historiquement, les musulmans sont depuis longtemps présents aux Pays-Bas, c'est surtout depuis les années 1960 qu'arrivent les travailleurs venus du Maroc et de Turquie qui établissent des mosquées (environ 300 à ce jour pour environ 1 million de musulmans) et se mettent à célébrer les fêtes musulmanes. Le premier Coran en néerlandais et commenté ne date que de 2005. Le nombre de Néerlandais convertis se monte à environ 15 000. Les Marocains forment le premier groupe de musulmans aux Pays-Bas, suivis des Turcs et des Surinamiens, des Afghans et des Irakiens.

 Le 11-Septembre comme cristallisation de tensions. Les attaques du 11-Septembre ont rendu audibles beaucoup de critiques concernant l'islam radical, aux Pays-Bas également. De nombreux reportages sont réalisés. Pim Fortuyn, qui avait incarné la critique de l'islam de manière flamboyante, est assassiné en mai 2002 par un activiste de gauche qui craignait la menace qu'il représentait pour la société néerlandaise. Ses critiques de l'islam sont reprises par le cinéaste Theo Van Gogh, particulièrement virulent dans ses critiques, il est, lui aussi, assassiné en pleine rue à Amsterdam.

Geert Wilders ou l'incarnation de l'anti-islam néerlandais. Cet homme politique est à la tête de son propre parti PVV, dont la base est la critique de l'islam qu'il associe à une idéologie fasciste. Il souhaite l'interdiction du Coran qu'il associe à Mein Kampf. Il souhaite mettre en place une taxe sur les foulards islamiques pour les bannir de l'espace public. Ses résultats électoraux sont mitigés. Ces dernières années, le calme semble revenu et les positions de Wilders lassent et le cirque médiatique autour de lui perd en puissance.

Le voile n'est pas interdit dans l'espace public et il est bien présent, dans les administrations aussi et les supermarchés, sans que cela ne pose un problème. Ces dernières années, l'intégration des minorités musulmanes progresse et les filles réussissent de mieux en mieux professionnellement.  Le Ramadan est souvent l'occasion d'échanges poussés entre les différentes communautés des Pays-Bas et l'Iftar est souvent partagé avec des non-musulmans. Ces derniers mois, alors que le climat interne se tend aux Pays-Bas (notamment en lien avec les fermiers), le vivre ensemble semble moins remis en question par l'intégration des minorités, notamment musulmanes.

Judaïsme aux Pays-Bas

C'est au XVIIe siècle que la communauté juive s'implanta aux Pays-Bas. Celle-ci se composait pour l’essentiel des descendants de réfugiés espagnols et portugais. C’est à cette époque également que de nombreux huguenots fuirent la France pour s’établir notamment aux Pays-Bas. Ils s'y installèrent pour la liberté de culte. La communauté se regroupe autour des juifs portugais, les plus nombreux.

La communauté juive contribue fortement à l'essor du pays, notamment durant le Siècle d'or. À cette époque, 6 000 juifs hollandais vivent à Amsterdam pour 8 000 présents dans le pays. Ils sont pour la plupart séfarades. Plusieurs personnalités de confession juive participent pleinement à l'essor global du pays. Citons par exemple Isaac Pinto, éminent homme d'affaires. 

Durant cette époque est construite l'Esnoga, l'incroyable synagogue portugaise. Au XVIIIe siècle, la communauté juive néerlandaise est la plus aisée et joue un rôle central dans l'organisation mondiale de la diaspora, notamment par les travaux d'imprimerie. 

Les Pays-Bas et Amsterdam en particulier jouissent d'une réputation illustre dans la communauté : c'est une terre d'accueil où il fait bon vivre.

Le XVIIIe siècle a accordé tous les droits aux juifs des Pays-Bas désormais tenus de s'intégrer à la communauté néerlandaise. Peu à peu, cette communauté perd de son influence au niveau de la diaspora. À la fin du XIXe siècle, une vague d'immigration venue de Russie et Lituanie arrive aux Pays-Bas.

La Shoah aux Pays-Bas a vu la disparition de 75 % de la communauté juive du pays. Dès 1942, les juifs sont déportés via le camp néerlandais de Westerbork vers Sobibor et Auschwitz où ils sont exterminés.

La Shoah est, à ce jour encore, un énorme traumatisme pour le pays. En effet, le taux de survivants très faible laisse entrevoir une coopération intense et complaisante des autorités néerlandaises avec les nazis. Les habitants d'Amsterdam notamment ont été peu nombreux à aider les juifs. Certains évoquent aussi les registres de population ordonnés et très efficaces pour expliquer la localisation et l'identification faciles des communautés juives. Les Pays-Bas ont toutefois mis beaucoup de temps à reconnaître leur rôle dans ce crime contre l'humanité. Nous citerons le poignant discours du roi Willem Alexander qui, dans lors des commémorations de mai 2020, dit  : « Des centaines de personnes ont, sans aucune forme de protestation, regardé les trams bondés, passer devant eux, sous surveillance serrée, à travers cette ville, à travers ce pays… Sobibor a débuté au Vondelpark avec un panneau “Interdit aux juifs”. »

Ce discours résonne encore à ce jour et le monument aux noms de l'holocauste rend enfin hommage aux 102 000 victimes au cœur du quartier juif d'Amsterdam, plus de soixante-dix ans après les faits.