Studios Cinecittà à Rome© Em Campos - Shutterstock.com.jpg
Le conservatoire Benedetto Marcello a servi de décor dans le film Casino Royale © Aliaksandr Antanovich - Shutterstock.com.jpg

Prémices d’une histoire du cinema italiano

Dès 1896, les opérateurs Lumière sillonnent les grandes villes du nord de l’Italie, où la diffusion des premiers films est exponentielle. C’est d’ailleurs à Turin que fut organisée la toute première projection de l’histoire du pays.

Le cinéma italien va rapidement devenir l’un des plus prolifiques de l’Europe, voire du monde. C’est en Italie que naissent les premiers films historiques en costume, bientôt suivis par les péplums. Quo Vadis (1913) et Cabiria (1914) sont les deux films les plus importants de cette période. En plus d’être parmi les premiers longs-métrages de l’histoire, l’ambition et les moyens mis en œuvre pour réaliser ces films dépassent l’entendement, et vont inspirer des dizaines de cinéastes comme David W. Griffith, qui tournera bientôt aux États-Unis des chefs-d'œuvre comme Intolérance (1916). Petit à petit, et avec la montée du fascisme de Mussolini, le cinéma va se rapprocher de Rome. Après la guerre, la production cinématographique se concentre autour de Cinecittà.

Cinecittà, apothéose du cinéma italien

Créée à la fois pour insuffler une nouvelle énergie à l’industrie nationale, mais aussi pour lutter contre l’omniprésence des films américains et pour développer la production de films de propagande mussolinienne, Cinecittà possède à sa fondation en 1937 vingt-et-un plateaux de tournage, ainsi que des infrastructures pour accueillir les centaines de techniciens, de stars, et de travailleurs qui vont bientôt faire grouiller cette fourmilière cinématographique. Après la guerre, les réalisateurs américains vont eux-mêmes s’inviter à Cinecittà pour y tourner les grands péplums des années 1950 comme Quo Vadis (1951), Ben Hur avec Charlton Heston (1959) ou Cléopâtre, avec Elizabeth Taylor (1962). En parallèle, les studios accueillent également les comédies de Fernandel, puis les premiers westerns de Sergio Leone qui y tourne Pour une poignée de dollars de plus en 1964, avant de poursuivre sa longue carrière entre Hollywood et l’Italie. Dans les années 1970, la télévision prend petit à petit le pas sur les tournages de films, mais un réalisateur reste fidèle à Cinecittà, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Federico Fellini. Malgré tout, le déclin se poursuit, et même si les années 2000 voient quelques tournages prestigieux comme celui de Gangs of New York (2002) de Martin Scorsese ou la dernière saison de la série Kaamelott (2009), les productions de renom se font plus rares. En 2007, un incendie gigantesque ravage une bonne partie des studios. Heureusement, les grands décors comme ceux de Ben Hur ont pu être conservés jusqu’à nos jours. Tous ne sont pas forcément ouverts au public, mais plusieurs expositions vous accueilleront également au Musée italien de l’audiovisuel et du cinéma, attenant aux studios.

De Sica, Fellini, Rossellini, Visconti et les autres

Les ouvrages ne manquent pas sur les maîtres du cinéma italien. Voici tout de même un petit panorama des grands noms des années 1950 à nos jours, au travers de leurs films.

Vittorio De Sica. Né au début du siècle, Vittorio De Sica tourne son premier long métrage Les Enfants nous regardent dans la station balnéaire d'Alassio, entre 1943 et 1944. Drame humain, le film annonce déjà la veine néoréaliste du cinéaste derrière Le Voleur de bicyclette (1948), mais aussi Miracle à Milan (1951), Umberto D (1952) et tant d’autres. Ses fables opposent la pauvreté et la richesse, et racontent l’histoire des petites gens avec toute la poésie qui fait la force de l'artiste. La scène finale de Miracle à Milan, tournée le 5 janvier 1951 sur la piazza Duomo avec des centaines de comédiens et de figurants amateurs, est sans doute l'une des plus belles du cinéma italien. Un film qui vaudra à De Sica la Palme d'Or.

Roberto Rossellini. Comme De Sica, ses films se concentrent sur l’humain. Rome Ville ouverte (1945), Païsa (1946), Allemagne Année Zéro (1948) en sont de grands exemples, en plus d’être des œuvres poignantes. C’est également à Rossellini que l’on doit Voyage en Italie (1954), l’un des grands films d’Ingrid Bergman. Si vous ne deviez en voir qu’un, pourquoi ne pas découvrir Stromboli (1950), en combinant cette vision avec un voyage sur l’île ? Vous pourrez y retrouver, toujours aux côtés d’Ingrid Bergman, les ruelles des villages, ainsi qu’une scène de pêche traditionnelle. Une vraie plongée dans l’histoire.

Luchino Visconti. Visconti a également fait partie des cofondateurs du néoréalisme, genre qu’il explore notamment dans Rocco et ses frères (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot et Claudia Cardinale. Plus tard, le cinéaste va se départir de ce courant pour se pencher sur les affres de la bourgeoisie et sa décadence. Adaptant des œuvres littéraires ou de théâtre, on lui doit notamment le célèbre Mort à Venise (1971). Le Guépard (1963) ou L’Étranger (1967) font également partie des grandes adaptations littéraires de sa carrière, avec toujours des castings grandioses.

Federico Fellini. Qui ne connaît pas ce nom ? Et cette trogne très reconnaissable, associée à celle des grands noms comme Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, Anouk Aimée, et bien d’autres ? Ce maître du cinéma italien a été l’inspiration de plusieurs générations de cinéastes, lui-même en activité pendant près de quarante ans. Du Cheick blanc (1952) à la Voce della luna (1990), les trésors de sa filmographie s’appellent La Dolce vita (1960), Huit et demi (1963), Amarcord (1973), ou encore Casanova (1976). Grand amoureux de Cinecittà, il y tourne la plupart de ses œuvres. Le film Intervista (1987) est d’ailleurs un hommage non dissimulé à ce lieu mythique. Fellini, personnage plus grand que l’écran, fait également l’objet de nombreux documentaires et fictions, comme la comédie musicale Nine (2009).

Pier Paolo Pasolini. Difficile d’évoquer le cinéma italien sans parler de son réalisateur le plus iconoclaste et le plus controversé, Pasolini. Né en 1922, assassiné en 1975, le cinéaste a laissé derrière lui une œuvre plurielle et complexe. Œdipe Roi (1967), Théorème (1968), Salò ou les 120 journées de Sodome (1975), autant de films à tiroirs où le passé, le présent et le futur s’entremêlent pour aboutir à des réflexions existentielles difficiles, parfois aux limites de la folie. Des films extrêmement intéressants pour celles et ceux qui auront le courage de s’y plonger. Et sûrement l’un des cinéastes les plus analysés, vous n’aurez donc aucun mal à dégoter des ouvrages plus poussés sur la question.

On pourrait passer un guide entier à vous parler de Sergio Leone, de Roberto Benigni, de Matteo Garrone, de Nanni Moretti, ou encore des réalisatrices récentes qui redéfinissent les standards du cinéma italien comme Alice Rohrwacher, Asia Argento, sans compter les grandes actrices comme Monica Bellucci, Claudia Cardinale, qui ont fait ce qu’est le cinéma italien aujourd’hui. Mais attardons-nous maintenant sur les lieux de tournage mythiques que recèle l’Italie, afin de mieux préparer votre séjour.

Qu’est devenu le cinéma italien aujourd’hui ?

On pourrait passer un guide entier à vous parler de Sergio Leone, de Roberto Benigni, de Dario Argento ou des autres grands du cinema italiano du XXe siècle. Mais depuis cette période de faste, et même si l’on peut considérer que le cinéma italien contemporain n’est plus aussi renommé que celui qui le précède, il existe nombre d’artistes de talent qui y évoluent et continuent à le faire découvrir à l’international.

Nanni Moretti. Le doyen de cette nouvelle génération, c’est sans doute Nanni Moretti. Né à Brunico, dans le nord de l’Italie, le cinéaste s’est dès ses débuts différencié par un cinéma autobiographique entre fiction et réalité, ancré dans les décors qui ont fait son enfance et où il incarne souvent les rôles principaux. À partir des années 1980, il accumule les succès d’estime avec ses longs métrages comme Sogni d’oro, grand prix à Venise, La Messe est finie, Ours d’argent à Berlin, ou encore Journal intime, prix de la mise en scène à Cannes en 1994. En 2001, c’est la consécration avec la Palme d’Or pour La Chambre du fils, tourné entre Ancône, Menton et Roquebrune-Cap-Martin. On peut d’ailleurs reconnaître dans le film le restaurant Cocody Sun, toujours en activité aujourd’hui. Depuis le début des années 2000, Nanni Moretti poursuit sa carrière de manière plus ponctuelle mais toujours avec beaucoup de réussite. Son Habemus Papam fait sensation en 2011, et sa dernière œuvre, Vers un avenir radieux, neuvième film du cinéaste à découvrir sur la Croisette, est en sélection officielle au festival de Cannes 2023.

Matteo Garrone. Dans une veine très différente de Moretti, Matteo Garrone se révèle à la presse et à l’international avec Gomorra en 2008, Grand Prix du jury à Cannes. Adaptation du best seller de Roberto Saviano qui dénonçait les exactions de la Camorra, mafia napolitaine, le film est un violent témoignage de la spirale qui peut mener les existences de différents personnages au crime organisé. Après ce coup d’éclat, le réalisateur confirme avec Reality en 2012, plongée dans le monde âpre de la télé-réalité, qui remporte lui aussi le Grand prix cannois. Tout récemment, Matteo Garrone a été aux commandes d’une adaptation réaliste et touchante de Pinocchio, où Roberto Benigni (qui avait été l’interprète malchanceux d’un Pinocchio très décrié dans les années 2000) joue un Geppetto attendrissant.

Alice Rohrwacher. Force est de le constater, les cinéastes italiennes sont assez rares, par rapport au grand nombre d’actrices qui ont réussi à traverser les frontières comme Claudia Cardinale, Monica Bellucci et tant d’autres. Avec le changement de siècle, un nouveau paradigme est peut-être en train de se mettre en place. Alice Rohrwacher, formée à Turin, a réussi depuis 2011 et son Corpo Celeste à imposer le cinéma italien au féminin sur la Croisette. Dans les salles d'art et essai du monde entier, on s’est ainsi bousculé pour découvrir Heureux comme Lazzaro, prix du scénario à Cannes 2018. Oscillant entre le court et le long métrage, Alice Rohrwacher incarne le renouveau d’un cinéma italien à la fois conscient de son passé néoréaliste mais également orienté vers le merveilleux et le futur.

Asia Argento. Scénariste, productrice, actrice, réalisatrice et même DJ, Asia Argento est une touche-à-tout du cinéma italien contemporain. Face caméra, elle a tourné avec Olivier Assayas, Sofia Coppola, Abel Ferrara ou encore Bertrand Bonnello. Derrière celle-ci, elle filme les clips d’Indochine ou de Marylin Manson, avant de tourner courts et longs métrages. Parmi ceux-ci, nous vous invitons à découvrir Scarlet Diva (2000), œuvre touchante et autobiographique sur la jeunesse difficile de cette cinéaste. Plus récemment, elle a été sélectionnée au Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard avec L’Incomprise, sorti en 2014.

Du côté de la série

L’essor de la télévision n’a pas permis uniquement l’avènement de Mussolini, fort heureusement. Au travers de ce nouveau médium, le cinéma italien a pu également trouver une nouvelle jeunesse et élargir ses horizons en revisitant ses propres mythes comme avec Les Médicis, maîtres de Florence (2016-2019) ou Leonardo (2021), ou en déclinant sur le petit écran à l’international les succès du grand, avec Gomorra (2014-2021) sur Netflix. Thriller et corruption sont également au menu de la série Suburra (2017-2020), adaptée du film éponyme sorti deux ans plus tôt. Enfin, on vous recommande de découvrir la coproduction italienne d’HBO, L’Amie prodigieuse, qui vous fera découvrir l’Italie des années 1950 au travers une intrigue complexe comme sait si bien les mettre en scène la chaîne productrice de Game of Thrones ou de The Last of Us.

Mais attardons-nous maintenant sur les lieux de tournage mythiques que recèle l’Italie, afin de mieux préparer votre séjour.

Des décors de cinéma à chaque coin de rue

À Venise, vous ne saurez où tourner de la tête, tant chaque bâtiment pourra vous rappeler les grandes scènes des nombreux films internationaux qui ont été faits dans la cité lacustre. Ce n’est d’ailleurs pas un, mais deux épisodes de James Bond qui ont été tournés à Venise, respectivement Moonraker en 1979, et Casino Royale en 2006, tandis que Tom Hanks foule la place Saint-Marc à plusieurs reprises dans Inferno (2016), adapté du livre éponyme de Dan Brown. Rome est tout aussi présente à l’écran, avec les séquences de fêtes grandioses de La Grande Bellezza (2013). La Fontaine de Trevi est l’un de ces décors récurrents, où il faut régulièrement sortir de l’eau des couples voulant reproduire la scène culte de Fellini dans La Dolce vita. Et bien sûr, le Vatican et la basilique Saint-Pierre ont été maintes fois décors de cinéma, comme dans Anges et Démons, avec Tom Hanks également. En Sicile, c’est l’empreinte du Parrain de Francis Ford Coppola qui est la plus présente. Sur les traces de Michael Corleone, vous vous promènerez dans les rues de Savoca, où furent tournées certaines des scènes cultes de ce classique. Vous préférez plutôt poursuivre votre périple sur les traces de l’agent 007 ?  Rendez-vous dans le Nord, sur les bords du lac de Côme, où de nombreuses productions ont par ailleurs amené leurs équipes. Ainsi, la Villa del Balbianello a été l'un des décors marquants de L'Attaque des Clones (2002), 2e épisode de la saga Star Wars. Quatre ans plus tard, c'est au tour de Daniel Craig et d'Eva Green de s'y ressourcer dans Casino Royale, encore. Preuve s'il en fallait une que cette villa – accessible au public – est un véritable havre de paix. À quelques kilomètres de là, la villa Balbiano a quant à elle accueilli le tournage de House of Gucci (2021) de Ridley Scott, où Lady Gaga donne la réplique à Al Pacino et Jared Leto.

Découvrez, puis vivez le cinéma en Italie

Inauguré en 1953, le musée national du cinéma de Turin, abrité dans la Mole Antonelliana, est la plus grande institution d’Europe de ce type. Avec des collections dépassant les 1 800 000 entrées, le musée regorge de pépites pour les cinéphiles, dont l’idole originale utilisée dans Cabiria. Son ascenseur panoramique est tout simplement spectaculaire.

Mais la manifestation la plus prestigieuse du pays est sans aucun doute la Mostra de Venise, qui se tient chaque année sur le Lido, à la fin de l’été. Festival le plus vieux du monde, la Mostra est fondée en 1932 et a fêté en septembre 2022 ses quatre-vingt-dix ans. Elle est l’un des festivals les plus reconnus par la critique, au même titre que Cannes, Berlin, Toronto ou Sundance. Et sa plus haute distinction, le Lion d’Or, l’une des plus convoitées par les cinéastes du monde entier. Il vous faudra cependant vous munir de patience si vous souhaitez fouler le tapis rouge, car les places sont chères pour ces avant-premières. Ce qui n’empêche pas de croiser les grands noms du septième art au détour d’une terrasse, ou sur le vaporetto qui relie la ville au Lido. Une expérience de cinéma unique, pour un pays qui l’est tout autant.