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Les danses traditionnelles

Peut-être est-ce l’unification tardive, mais l’Italie est un assemblage d’identités régionales distinctes très fortes. Et rien n’a aussi bien enregistré le caractère affirmé de chaque territoire que ses musique et danse traditionnelles. Elles sont généralement le reflet d’une culture, de son dialecte et son histoire. Cela dit, on trouve des caractéristiques communes traversant chaque aire. Par exemple, dans le nord, on note des influences celtiques (remarquables dans l’utilisation des flûtes à six ou sept trous comme fiffaro ou de cornemuse appelée ici piva) et la récurrence du chant polyphonique (particulièrement en Lombardie, Ligurie ou dans le Frioul). Dans le sud, on devine (logiquement) des influences balkaniques ou nord-africaines, notamment dans les Pouilles ou la Campanie.

Dans le nord, les traditions musicales ont été particulièrement bien préservées grâce au travail de groupes locaux à l’approche ethnomusicologique. Par exemple, dans le Piémont, La Ciapa Rusa, son groupe affilié Tendachënt et ou encore Tre Martelli maintiennent le folklore local vivant en réorchestrant des musiques et danses ancestrales comme les monferrine, alexandrine, curente ou sestrine. Outre l’aspect artistique, la mission de ces entités est presque d’intérêt public et passe parfois par la collecte et l’enregistrement des traditions piémontaises. La Lombardie et la Vénétie présentent des cas similaires avec, pour la première, le groupe Barabàn, qui redonne aux polyphonies de la vallée du Pô ou les chansons archaïques des Apennins du sang neuf et pour la seconde, le groupe Calicanto et l’Orchestre populaire des Dolomites.

Dans le nord-est, et plus exactement en Frioul-Vénétie Julienne, on pratique la villotta, chant polyphonique de trois ou quatre voix, axé autour d’un court texte poétique et pétri d’improvisations. On y danse aussi la bien nommée « forlane », cousine d’une gigue, énergique et ponctuée de sautillements. Si le nom chatouille les oreilles des mélomanes, c’est peut-être parce qu’ils l’ont déjà croisée dans des compositions de François Couperin (Quatrième Concert Royal en 1722),  Jean-Philippe Rameau (Les Indes galantes, 1737) ou Mozart dans Bastien et Bastienne (1768). Plus au sud, dans une bande reliant les Marches au Latium, on pratique une danse cousine de la tarentelle et la zumbarella : le saltarello. Vive et tout en sauts, elle figure les jeux de l'amour et de la séduction et se pratique toujours beaucoup aujourd’hui, notamment dans les mariages.

Dans le nord-ouest, en Ligurie, on use de ses cordes vocales au travers du trallallero, un chant a capella polyphonique typique de l'arrière-pays génois est axé sur la répétition d’onomatopées dénuées de sens mais harmoniques. Le trallalero est un art (purement masculin) de la spontanéité, il est tout sauf rare de voir des chanteurs improviser en groupes sans se connaître - au sein de « bœufs » nommés arrecheugeiti - dans les rues de Gênes.

Chez la voisine Toscane et à Florence plus particulièrement, on aime également faire bon usage de ses cordes vocales, puisque les chansons populaires sont un pilier de l’identité de la région. Berceuses, chants de travail ou simples chansonnettes contiennent la mémoire toscane et ont particulièrement bien survécu grâce aux recherches et travaux d’ethnomusicologues-musiciens comme Claudio Malcapi ou Caterina Bueno.

En Émilie-Romagne, les couples dansent le liscio, pratique dont les racines remontent au XIXe siècle, époque où l’Italie appréciait particulièrement la valse, la polka et la mazurka. Ce sont ces trois danses qui en compagnie de la tradition musicale locale ont donné forme au liscio. Secondo Casadei (1906-1971), le « Strauss de Romagne », a largement contribué à populariser cette danse et cette musique dans tout le pays.

L’Ombrie n’est pas dépourvue de traditions et l’on y danse les Sor Cesare, Punta e Tacco, Trescone, Lo Schiaffo et La Manfrina maintenues vivantes par des groupes folkloriques - ici encore - comme Agilla e Trasimeno.

Le sud de l’Italie est évidemment synonyme de tarentelle. Native des Pouilles aux alentours du XVIIIe siècle, elle n’est pas une danse mais une famille de danses qui, à l’origine, possédaient une fonction thérapeutique puisqu’elles servaient d’antidote à la morsure de la tarentule (ce qui explique son nom). Très populaire dans les Pouilles, en Calabre ainsi qu'à Naples, sa forme varie selon les régions. Dans les Pouilles, et particulièrement dans la péninsule du Salento, on trouve la très célèbre pizzica, danse frénétique en duo, en Calabre, la tarentelle est assez proche de la pizzica et se pratique aussi en couple mais dans une ronde dansante et mouvante appelée « rota » (roue) tandis que dans la région de Naples on pratique la tammurriata. Cette dernière est vraiment la danse napolitaine par excellence, rythmée à la tammorra, un tambourin chargé de cymbales elle s’exécute en rond sur un rythme binaire, en couple face à face, les bras tenus devant le corps et les coudes vers l’extérieur.

Des artistes comme Peppe Barra ou la troupe Nuova Compagnia di canto popolare sont d’excellents points de départ pour découvrir la musique traditionnelle napolitaine et en Calabre, le groupe Re Niliu est connu pour son mélange de traditions et instruments calabrais et musique du monde.

La musique classique

On n'étonnera personne si l’on énonce que l’Italie est depuis toujours une des terres les plus fertiles du monde pour… absolument tous les arts ! Et le domaine de la musique dite savante ne déroge pas à la règle. L’Italie est même pionnière, car si l’on remonte l’histoire musicale jusqu’au XIe siècle, on tombe sur un certain Guy d’Arezzo, natif de la province de Ferrare et inventeur - révolutionnaire - du système de notation musicale sur portée. Excusez du peu.

Par la suite, même si le XIVe siècle est une période d’un grand dynamisme artistique en Italie, il faut patienter jusqu’à la Renaissance pour la voir briller de mille talents. À commencer par le plus grand musicien italien de la période : Palestrina. Figure importante du XVIe siècle, Giovanni Pierluigi da Palestrina est souvent considéré comme le père de la musique religieuse occidentale. Durant le même siècle, c’est Venise qui s’impose comme la ville italienne incontournable de la vie musicale européenne. Prospère et stable, la Sérénissime assoit rapidement son statut de pôle de l’édition de partitions musicales, un atout aimantant à elle des compositeurs européens, dont certains Flamands restés emblématiques de l’école vénitienne comme Jacques Buus ou Adrian Willaert.

Le XVIIe siècle est celui d’une petite révolution musicale en Italie. Et plus particulièrement à Florence où les compositeurs Jacopo Peri et Ottavio Rinuccini collaborent en 1598 à une œuvre intitulée Dafne qui donne naissance à l’opéra. Étant donné qu’il ne reste que quelques fragments de cette dernière aujourd’hui, c’est le fameux Claudio Monteverdi (1567-1643) et son non-moins célèbre Orfeo (joué pour la première fois en 1607) qui est considéré comme la première œuvre d’opéra.

Ce même siècle est également celui de l'ère baroque, dominé par les grandioses Alessandro et Domenico Scarlatti et surtout Antonio Vivaldi (1678-1742). Ce dernier est un prodige du violon que l’on ne présente plus, ni son œuvre phare, les Quatre Saisons, jouée à toutes les sauces - et parfois pas du meilleur goût.

Alessandro Scarlatti (1660-1725), quant à lui, est un Sicilien de naissance, mais identifié à la ville de Naples, car c’est ici qu’il élabora ses travaux majeurs. Prolifique compositeur d’opéra (une centaine !), son œuvre principale reste Il Trionfo dellonore, d’abord proposée à Rome où elle fut couverte de louanges avant de connaître un immense succès à Naples. Alessandro Scarlatti initia son fils Domenico (1685-1757) à la musique dès son plus jeune âge, lui aussi resté célèbre, surtout pour ses sonates.

Les Scarlatti baignent à la fin du XVIIe siècle dans l’ébullition artistique napolitaine. Naples, avec Paris, domine la scène musicale du continent - l’effervescence est telle que 400 églises possèdent alors leur propre formation musicale. C’est dans cette atmosphère que naît à Naples une forme théâtrale singulière et nouvelle : lopera buffa (« l’opéra bouffe » comique et léger). Cette variante originale devient peu à peu influente dans l’Europe entière et finit même par symboliser ce que l’on appellera par la suite « l’école napolitaine ». Initiée par Scarlatti père, cette dernière a contenu tous les grands esprits musicaux napolitains qui vont marquer le siècle suivant : Francesco Provenzale, Nicola Porpora, Francesco Durante, Giovanni Battista Pergolesi puis plus tard Niccolò Jommelli, Tommaso Traetta, Niccolò Piccinni, Giovanni Paisiello et Domenico Cimarosa…

Début XVIIIe siècle, l’opéra napolitain alimente également sa réputation avec ses castrats, la plupart formés ici. Pour rappel, les castrats étaient ces chanteurs (de sexe masculin) dont on avait ôté, par opération chirurgicale, les glandes génitales entre 7 et 12 ans afin que la voix ne mue pas. Ainsi l’appareil vocal ne se développait pas tandis que le reste du corps, lui, mûrissait, permettant de conserver le timbre lumineux d’un enfant mais avec le « coffre » d’un corps adulte. Stars totales, les castrats les plus célèbres vivaient dans une gloire absolue, comme Farinelli, resté dans la légende autant pour sa voix exceptionnelle que pour ses caprices...

Le XVIIIe siècle est aussi celui des grands travaux en Italie. C’est à cette époque que sont construits le théâtre San Carlo à Naples en 1737 puis La Scala (1776-1778) à Milan, deux scènes légendaires où les artistes les plus respectés du monde continuent de se produire saison après saison.

Le XIXe siècle est celui du Risorgimento. C’est l’époque du romantisme dans la littérature, l'art et la musique en Europe, un courant attentif aux passions humaines et aux tumultes de l’âme comme l’amour, l'héroïsme, le courage, la liberté, etc. Un siècle d’abord dominé par des artistes comme Vincenzo Bellini (1801-1835), l’un des plus importants compositeurs d’opéras italiens (dont La Somnambule, Norma et Les Puritains) et son grand rival Gaetano Donizetti (1797-1848), lui aussi célèbre pour ses opéras : L'Elisir d'amore, Lucia di Lammermoor, Don Pasquale… Ce dernier est souvent considéré comme le précurseur de Giuseppe Verdi (1813-1901), éternel et indémodable compositeur d’opéras (vingt-six) dont l’œuvre est marquée par la dimension psychologique insufflée à ses personnages - le plus fameux exemple est bien sûr Rigoletto. Il est peut-être le compositeur italien d’opéra le plus joué (et aimé) dans le monde, encore aujourd’hui.

Autre icône du siècle, Niccolò Paganini (1782-1840) est le « plus grand violoniste de tous les temps », un compositeur fabuleux et novateur qui a influencé de nombreux autres musiciens romantiques - à commencer par Liszt.

Si le XXe siècle italien est marqué par la musique minimaliste, l’abstraction, l’atonalité - une avant-garde incarnée par Luigi Nono, Luciano Berio ou Sylvano Bussotti -, il est aussi celui des grands chefs d’orchestre italiens. À commencer par Claudio Abbado (1933-2014), incontournable, inoubliable, un emblème de la direction italienne. Prenant la tête de la Scala à tout juste 35 ans, c’est sous son impulsion que l’institution se transforme et renouvelle son répertoire et son public. Directeur d’entités parmi les plus prestigieuses au monde - l’Orchestre symphonique de Londres, l’Opéra d’État de Vienne ou encore l’Orchestre Philharmonique de Berlin -, Claudio Abbado est à tout jamais une figure de référence.

Durant son temps à la Scala, Claudio Abbado a eu pour assistant un certain Riccardo Chailly, jeune talent précoce qui ne demande qu’à exploser. La chose se produit en un rien de temps, l’Italien devenant un objet de convoitises pour les plus prestigieuses institutions musicales telles que le DSO Berlin, l’Orchestre philharmonique de Londres et l’Opéra de Leipzig. Il revient à la source, la Scala, en 2017, mais en tant que directeur musical cette fois-ci. Une consécration.

Autre Italien adoré, Daniele Gatti est un directeur d’une grande agilité, aussi habile dans le domaine de l’opéra que de la symphonie et dont la qualité des interprétations lui vaut d’être régulièrement couvert de louanges. Un talent bien connu du public français puisqu’il a été directeur musical de l’Orchestre national de France entre 2008 et 2016 avant de prendre la direction du prestigieux Concertgebouw d’Amsterdam.

Et comment mieux conclure ce prestigieux podium qu’avec Riccardo Muti ? Passé par le Philharmonia Orchestra avant de prendre la direction de l'Orchestre de Philadelphie en 1980 puis de la Scala entre 1986 à 2005, sa carrière connaît son apogée lorsqu’il accède à la tête de l'Orchestre symphonique de Chicago dès 2010. C’est ici, à la tête d’un des « Big Five » (les cinq plus prestigieux orchestres symphoniques des États-Unis), que ce spécialiste de Verdi, Rossini ou Puccini s’impose comme l’un des directeurs les plus précieux de son temps.

Notons que les monuments musicaux ne sont, en Italie, pas faits que de chair et de sang et parmi les scènes importantes, n’oublions surtout pas de mentionner le Teatro Regio de Turin, magnifique lieu chargé d’histoire, où la première de La Bohème de Puccini fut donnée ici en 1896 en présence du roi Victor-Emmanuel II. N’omettons pas non plus le Teatro La Fenice, sans conteste l’une des plus belles scènes lyriques au monde où Verdi créa Rigoletto, en 1851.

La musique populaire

La chanson italienne, c’est tout un monde. Et qu’on s’y intéresse ou non, on la connaît toujours un peu plus qu’on ne le croit. Dans cette galaxie d’airs éternels, Come Prima, tube des années 1950 repris par Dalida sous le nom de Tu me donnes, est un des premiers frissons. C’est l’icône Mina dont la carrière comporte une inégalable quantité de bijoux (Une anno damore et Cittá Vuota sont à écouter et réécouter d’urgence). Sinon, pêle-mêle citons Domerico Modugno dont le hit Nel blu dipinto di blu (il s’agit du fameux « Volare ») sera repris par les Gipsy Kings, Toto Cutugno, l’auteur de LItaliano, ou le crooner Adriano Celentano dont le 24 000 baci, fut également chanté par Dalida. Plus tard, ce sont les Umberto Tozzi et son lancinant Ti amo, Laura Pausini et sa Solitudine ou encore Andrea Bocelli, le ténor aveugle, qui connaîtront de grands succès, ici et là-bas. Plus jazzy et mélancolique, citons aussi le merveilleux Paolo Conte, emblème de cette bonne humeur douce-amère tout italienne.

Dans un autre genre, l’Italie est un grand pays de bandes originales. On ne peut s’empêcher de penser en premier lieu à Ennio Morricone, dont les compositions pour les westerns-spaghettis ont largement contribué à populariser le genre. Quand elles ne volaient pas la vedette aux premiers rôles. Autre très grand nom de la B.O, Nino Rota reste célèbre pour son travail sur les films de Federico Fellini et, plus tard, sur la série des Parrain. N’oublions pas Piero Umiliani qui, s’il a travaillé sur des œuvres de série B ou de niche, a laissé des B.O magnifiques - dont celle de La Fille à la peau de lune, film érotique de Luigi Scattini (1972), qui est à réécouter d’urgence.

Les musiques actuelles

La musique italienne n’en finit plus de se renouveler. Son sang se rafraîchit, porté notamment par une magnifique nouvelle scène pop criblée de jeunes gens talentueux comme Andrea Laszlo De Simone, sophistiqué, doux et rêveur, l’incroyable Giorgio Poi, qui modernise superbement la pop 60’s/70’s de ses aînés Lucio Battisti et Lucio Dalla, ou encore Calcutta, adoré pour son écriture. À l’instar de sa cousine française, la nouvelle scène italienne brille également par la qualité de sa musique électronique : Not Waving, Lorenzo Senni, Caterina Barbieri, Alessandro Adriani, Silvia Kastel ou Andrea Belfi… Une poignée de noms garants de la bonne santé de la jeune création musicale italienne.

Dans un autre registre, quelques groupes italiens ont connu un large succès dépassant leurs frontières ces dernières années. D’abord dans l’électro, avec The Bloody Beetroots ou Crookers, deux cartons des années 2010, puis, plus récemment, les vainqueurs de l’Eurovision 2021, Måneskin, groupe un brin sulfureux qui porte à merveille la devise « sex, drugs & rock’n'roll » !