Sur les pas d’Ernest Hemingway

Des écrivains issus du Midwest se détachent pourtant bien évidemment. On cite d’emblée Ernest Hemingway, peut-être le plus célèbre des midwesterners en France, avec L’Adieu aux Armes ou Pour qui sonne le glas. Il est né le 21 juillet 1899 à Chicago dans le quartier d’Oak Park d’un père médecin, chasseur et pêcheur, et d’une mère musicienne. Comme son père, il adore la pêche et en rapportera plus tard des récits. Il devient rapidement journaliste au Kansas City Star. En 1917, il s’engage dans la Croix-Rouge et devient ambulancier sur le front italien. Gravement blessé à dix-huit ans, il sera hospitalisé à Milan où il va s’amouracher d’une infirmière Agnes von Kurowsky : ce sera la trame de L’Adieu aux armes. De retour aux États-Unis, il épouse Hadley Richardson et ne pense qu’à revenir en Europe. Il décroche une mission journalistique et n’est pas encore connu lorsqu’il s’établit à Paris en 1920 où il rencontre Gertrude Stein qui va lui apprendre à écrire dans un style précis, clair et dépouillé. Trois histoires et dix poèmes (1923), In Our Time (1925) où déjà les thèmes de la violence, de la guerre et de la mort sont présents. Il fréquente les intellectuels de Paris. En mai 1925, il rencontre Fitzgerald à Paris au Diego Bar : ce dernier est déjà célèbre et se rendra compte de la qualité d’écrivain de Hemingway ; une relation empreinte à la fois d’amitié et de rivalité va naître entre eux. Après le suicide de son père, son divorce et son remariage, il publie L’Adieu aux armes (1919), ouvrage qui s’inspire de sa propre expérience sur le front d’Italie. En 1930, il s’installe en Floride à Key West et écrit Mort dans l’après-midi avec les corridas pour toile de fond. En 1936, il est en Espagne et s’engage aux côtés des forces républicaines. Il devient alcoolique et écrit En avoir ou pas (1937) où il dénonce l’injustice sociale ; l’ouvrage For Whom the Bell Tolls (Pour qui sonne le glas, 1940) est quant à lui inspiré par son engagement dans la guerre d’Espagne. Il s’installe ensuite dans une grande maison à côté de La Havane et reviendra à Paris, qu’il adore, à de nombreuses reprises… En 1952, The Old Man and the Sea (Le Vieil Homme et la mer) dénonce la précarité du succès matériel. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1954. Vieilli, malade et physiquement diminué, il se suicide le 2 juillet 1961 dans sa propriété de Kechtum dans l’Idaho. Trois ans après sa mort paraît Paris est une fête.

Dans le quartier d’Oak Park, à l’ouest du centre-ville de Chicago, il est possible de visiter sa maison d’enfance et le musée qui lui est consacré, de façon libre ou en visite guidée bien entendu ! Les deux bâtisses de l’Ernest Hemingway Birthplace and Museum sont nichées seulement à quelques mètres l’une de l’autre. Dans le musée, les visiteurs découvrent tout ce qu’il faut savoir de l’auteur et de sa vie. Il est possible de lire le journal qu’il tenait lorsqu’il était enfant, certaines de ses premières œuvres également et même de découvrir des photos de sa jeunesse… Les aficionados peuvent se faire plaisir dans la petite boutique qui vend romans, affiches et autres cadeaux. La maison, de style victorien, où il a passé les premières années de sa vie, a été édifiée par ses grands-parents. Rien de plus agréable et de déroutant que de fouler le sol où le petit Ernest a fait ses premiers pas !

 

D’autres grands noms à retenir

Autre génie du Midwest, Francis Scott Fitzgerald est né à St. Paul, Minnesota, en 1896. Chef de file de la Génération perdue, il découvrira notamment Ernest Hemingway et lancera sa carrière. Fitzgerald marque la littérature américaine avec Gatsby le Magnifique (1925), splendide drame considéré comme son chef-d’œuvre. Il écrira aussi d’autres romans : L’envers du Paradis (dans sa maison de St. Paul en 1920), Les Heureux et les Damnés (1922), Tendre est la nuit (1934) et Le Dernier Nabab (1941). Ses nouvelles les plus connues sont Bérénice se fait couper les cheveux (1920), L’Étrange Histoire de Benjamin Button (1921) adapté au cinéma par David Fincher en 2008 et joué par Brad Pitt, Un diamant gros comme le Ritz (1922) ou encore Rêves d’hiver (1922). Fitzgerald est aussi connu pour ses frasques sentimentales avec sa femme Zelda. Il vivra dans une certaine pauvreté à la fin de sa vie, finalement peu reconnu de son vivant.

On pense aussi à Carl Sandburg. Né en 1878 à Galesburg, Illinois, Sandburg est l'un des meilleurs poètes de l’ère industrielle américaine, un « poète du peuple » qui combine le patriotisme mystique de Walt Whitman et l’activisme social de Woody Guthrie. Il s’engage dans l’armée, et sert durant la guerre entre l’Espagne et les États-Unis, en 1898. Devenu écrivain, il s’intéresse surtout aux agitations et à l’esprit du Middle West et de l’Amérique urbaine. Il a publié quatre volumes de poèmes : Chicago Poems (1916), Oke and Steel (1920), Good Morning America (1928) et The People, Yes (1936). Sandburg est également très connu pour sa colossale biographie en six volumes d’Abraham Lincoln. En 1927 est paru son American Songbag, un recueil de chansons et de poèmes folkloriques qu’il a collectés au cours de ses voyages à travers les États-Unis. Il a reçu à deux reprises le prix Pulitzer : en 1940, pour Abraham Lincoln : The Prairie Years and The War Years, et, en 1950, pour Complete Poems. Sandburg était marié avec Lillian Steichen. Il est mort en juillet 1967.

Dans la même veine, Hamlin Garland, né en 1860 à West Salem dans le Wisconsin, fut reconnu pour ses travaux de fiction racontant principalement la vie des fermiers du Midwest dans les années 1910-1920.

Autre grand écrivain américain du siècle dernier, Thornton Niven Wilder est né à Madison, Wisconsin, en 1897. Fils d’un diplomate américain, il passe une grande partie de son enfance en Chine. Son frère, Amos, et ses trois jeunes sœurs, Charlotte, Isabel et Janet, étaient également des écrivains reconnus. Considéré par ses condisciples comme un surdoué, Wilder commence à écrire très tôt. En 1926, il publie son premier roman, The Cabala, et, en 1927, The Bridge of San Luis Rey lui vaut un grand succès commercial ainsi que son premier prix Pulitzer, en 1928. Entre 1930 et 1937, il enseigne la littérature à l’université de Chicago. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Wilder s’élève au rang de lieutenant-colonel dans l’armée de l’air et reçoit de nombreuses décorations. Après la guerre, il devient professeur à l’université de Hawaï puis enseigne la poésie à Harvard. Il continue cependant à écrire et reçoit la « Presidential Medal of Freedom » en 1963. Il meurt en décembre 1975, dans le Connecticut, où il vivait depuis plusieurs années avec sa sœur Isabel.

Sinclair Lewis, né à Sauk Center, Minnesota, en 1885, fut le premier Américain à recevoir le Prix Nobel de Littérature en 1930, pour son roman Babitt (paru en 1922). Ce romancier décrit la société américaine moderne, ainsi que les travers parfois vulgaires des petites villes de campagne.

Laura Ingalls Wilder, née en 1867 dans le Wisconsin, est l’auteur de la série de romans pour enfants La Petite Maison dans la Prairie (publié à partir de 1932), dont sera issu le programme télévisé bien connu. Les Ingalls déménagent sans cesse et s’installent dans plusieurs États du Midwest, dont le Missouri, le Kansas, le Wisconsin, l’Iowa et le Minnesota. Inspirée par ses expériences et sa propre famille, Laura Ingalls dépeint dans ses romans la vie dans les fermes du Midwest dans les années 1870. En 1929, elle écrit son autobiographie, Pioneer Girl, qui sera publié bien après sa mort, en 2014.

Plus récemment, Jane Smiley, originaire de l’Iowa, s’est démarquée avec A Thousand Acres et Moo. De nos jours, Garrison Keillor, né à Anoka, dans le Minnesota, est connu pour ses romans mais aussi ses shows humoristiques à la radio. Également, Thomas McGuane, né à Wyandott en 1939, évoque la vie en plein cœur du Michigan. Écrivain de la nature et des grands espaces, il a publié neuf romans, dont Ninety-two in the Shade (33° à l’ombre, 1973) est le plus célèbre.

Quelques plumes contemporaines !

On notera aussi la plume de Joseph Coulson, né à Détroit, Michigan, en 1957. Romancier, poète, il est célèbre pour ses satires sociales et sa critique acerbe de la société américaine. Il a écrit plusieurs pièces et poésies, ainsi que deux romans, Le déclin de la lune (2004) et Le blues des Grands Lacs (2007).

Autre natif du Michigan et chantre des grands espaces, Jim Harrison est l’auteur de Nord Michigan ou encore Légendes d’automne. Enfin, des auteurs comme Chad Harbach avec L’Art du jeu (paru en français en 2013) ou Nickolas Butler avec Retour à Little Wing (paru en français en 2015) nous font découvrir le Wisconsin profond contemporain.

En 2002 paraît The Devil in the White City (Le Diable dans la ville blanche), roman publié par Erik Larson (né en 1954), auteur de plusieurs best-sellers. Celui-ci est d’ailleurs vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Erik Larson s’est inspiré d'événements et personnages réels pour écrire ce roman policier qui se déroule pendant l’exposition universelle de 1893 à Chicago. A cette époque sévissait un certain H.H. Holmes, pharmacien considéré comme le premier tueur en série de l'Histoire américaine.

L’autrice irlandaise Nuala O’Faolain (1940-2008) publie en 2005 L’Histoire de Chicago May qui raconte l’histoire d’une voleuse qui séduisait les hommes pour mieux les voler. Ce roman est couronné par le Prix Fémina étranger en 2006.

Il faut également citer Veronica Roth (née en 1988) qui a écrit dès 2011 la trilogie Divergente, publiée à plus de 20 millions d’exemplaires à travers le monde… Ces romans se passent dans un Chicago post-apocalyptique où la société est divisée en cinq clans. La trilogie est bien entendu adaptée au cinéma et en plusieurs volets.

Sebastian Barry, écrivain né à Dublin en 1955, a écrit Du côté de Canaan (2011) qui relate l’histoire de Lilly Berre de son enfance à son arrivée à Chicago. Daryl Gregory (né en 1965) a publié la même année un roman de science-fiction : L’Éducation de Stony Mayhall.

Musée des écrivains américains

Au 180 North Michigan Avenue se trouve l’American Writers Museum (AWM) que nous pouvons traduire comme Musée des écrivains américains. Ouvert depuis 2017, cet espace a pour dessein de retracer les 500 ans de littérature américaine à travers la vie et l’œuvre des 100 écrivains les plus connus. Inspiré par le Writers Museum de Dublin, Malcol O’Hara, un banquier à la retraite, s’est lancé dans ce projet fou, premier du genre aux États-Unis ! Ce musée est emmené par un concept d’interactivité. La technologie y tient une place d’honneur, ainsi que la dimension sonore, façon attractive de faire renaître toutes les plus belles plumes états-uniennes. On peut également se souvenir, à la façon de Proust, grâce aux odeurs que ces écrivains affectionnaient particulièrement ! Bref, un musée qui allie culture classique et modernité.