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Le mythe d’Hollywood

John Wayne, Clint Eastwood et beaucoup d’autres, sont devenus le visage iconique du cow-boy tel qu’il est illustré par Hollywood depuis les années 1940. Les fameux films western trouvent leur origine bien plus tôt, remontant jusqu’à la fin du XIXe siècle avec par exemple le film Kidnapping by Indians réalisé en 1899. Cela marque le début d’une légende imprimée en images, racontant la rencontre entre indigènes et colons et les batailles territoriales qui s’ensuivirent. L'âge d'or des westerns dure entre 1940 et 1950 avec certains films iconiques tels que Bronco Apache de Robert Aldrich ou Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country) de Sam Peckinpah, puis plus tard Le Banni (The Outlaw) de Howard Hughes. Leur point commun est leur protagoniste : généralement un vagabond-nomade, un homme, blanc, qui monte à cheval armé d'un Colt et/ou d'une Winchester. Ces personnages masculins portent généralement des chapeaux Stetson à larges bords, des foulards, des gilets et des bottes de cow-boy à éperons. Leur ennemi numéro un : les Indiens ; toujours identifiés comme un personnage "au pluriel", un ennemi avec une subjectivité effacée par son identification généralisante, provoquant une tension entre des tribus entières contre un seul homme, solitaire et mystique : le cow-boy. Et c’est ainsi que le cinéma ne s’est jamais empêché de fabuler le rêve, au risque de peindre un portrait légèrement, voire très déformé des cow-boys, des Indiens, et de la vie en général à l’époque de la conquête du Far West. La médiatisation de ce mythe a-t-elle probablement mis un voile sur l’histoire difficile, compliquée et disputée de la formation des États-Unis ? L'histoire compliquée du Texas vous offrira une réponse plus clair. De plus, c'est un Etat qui, même aujourd’hui encore, est fier de sa culture individualiste et libérale : caractéristiques qui sont au cœur du personnage mythique du cow-boy, livré à lui-même dans un monde sauvage, sans lois. L’État voisin, le Nouveau-Mexique, par contraste, est habité par l’histoire si peu racontée et pourtant si présente du territoire nord-américain d’il y a plus de mille ans. Afin de mieux parcourir ces régions, il est important de mieux comprendre qui ont été les cow-boys, vraiment.

Les Vaqueros

Le Texas n’a rejoint les États-Unis qu'en 1845. Le Texas est un territoire principalement anglophone depuis moins de 200 ans, avant quoi ce fut un territoire disputé entre colonies françaises et espagnoles, puis appartenant brièvement au Mexique avec une courte période d'indépendance. Le Texas a passé une grande partie de son histoire en tant que territoire hispanique, et tout commence là. Car, en réalité, les cow-boys étaient originellement appelés vaqueros, issu du mot vaca qui veut dire vache en espagnol, en référence aux troupeaux de vaches qu’ils gardaient. Les cow-boys sont en fait tout simplement des gardiens de troupeaux de bétail, et leur nom anglais le traduit bien aussi. Et dans les traditions hispaniques, le berger garde son troupeau à cheval et souvent avec un lasso. Si l’on remonte encore plus loin, cette même tradition est partiellement influencée par la culture arabe de bergers nomades. Ainsi, historiquement, les vaqueros espagnols forment la plus ancienne culture de cow-boy dans la région qui traverse le Texas et le nord du Mexique, s’étendant même jusqu’en Louisiane. Leurs fameux chapeaux leur offraient de l’ombre pour se protéger des heures interminables sous un soleil de plomb, et leurs chansons étaient chantées lors de nuits solitaires à promener leurs troupeaux dans des plaines sauvages et isolées. Les premiers chevaux qui marquèrent l'avènement des cow-boys furent les mustangs, importés par les Espagnols au Mexique au XVIe siècle, puis plus tard vers la région de Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Pendant les révoltes des pueblos, beaucoup de mustangs se sont échappés et sont retournés à la vie sauvage. De nos jours, au nord du Mexique, demeurent une grande tradition de dressage de chevaux et une véritable culture des vaqueros.

Les cattle drives, ces longues randonnées à cheval de transhumance au cours desquelles les cow-boys déplaçaient le bétail d’un endroit à un autre, prennent aussi leur origine au Mexique. Ce fut une source de revenus économiques majeure pour les régions du Sud-Ouest des États-Unis et certains cattle trails sont encore connus, comme le Goodnight-Loving Trail, ouvert en 1866 par Charles Goodnight et Oliver Loving et reliant le Texas au Wyoming via le Nouveau-Mexique, ou bien encore le Chisholm Trail, qui allait jusqu'au Kansas.

Pour finir, il est important de voir que la majorité de la terminologie associée à la culture des cow-boys est d'origine hispanique, avec des mots comme « rodeo », qui vient du verbe espagnol « rodear » et signifie d'abord encercler le bétail, ou ranch issu du mot « rancho ».

La vraie culture des cow-boys

Outre les vaqueros et les cow-boys qui parcouraient à cheval les plaines sauvages du Far West, il y avait aussi les Indiens, ou Native Americans qui étaient aussi des cavaliers redoutables. La fameuse légende des Comanches raconte qu’ils arrivaient à se cacher sous leur cheval en plein galop, et tiraient leurs flèches avec grande et dangereuse précision. Il y avait aussi une large population de cow-boys afro-américains, trop souvent oubliés, qui aujourd’hui persiste encore. Justement, un tier de la population texane ayant été composée d’esclaves noirs, les afro-américains formaient la majorité des cow-boys au XIXe siècle. Selon le livre The Trail Drivers of Texas de J. Marvin Hunter, un cow-boy sur trois était afro-américain ou hispanique, contrairement aux légendes hollywoodiennes …  À notre grande surprise, l’autobiographie de 1907 du cow-boy afro-américain Nat Love raconte l’histoire de sa vie sur le Frontier si clichée que ça se lit comme des scènes d'un film de John Wayne : « un grand nombre de saloons, de salles de danse et de casinos, et pas grand-chose d'autre ». Ce fameux cow-boy gardaient des troupeaux de bétail, buvait des verres avec Billy the Kid et a participé à des fusillades avec les amérindiens. Pour le coup, c’est plus au moins ce à quoi on s’attendait. Pour arrondir la chose, on peut rajouter une autre phrase de Nat Love, décrivant les cow-boys : « il n'y a jamais eu d'hommes plus courageux que ces fils sauvages des plaines dont la maison était la selle et leur lit, la terre mère, avec le ciel pour couverture ».

Les cow-boys ont instauré la culture du rodéo, avec par exemple le fameux Bill Pickett, une grande star qui devint, en 1972, honoré par le National Rodeo Hall of Fame, lui-même aussi afro-américain. Les rodéos sont issus des cultures hispaniques du Mexique, devenus un sport compétitif inspiré par les tâches requises par l'élevage de vaches, dont attraper l’animal en mouvement avec un lasso. À la fin du XIXe, les rodéos sont devenus des divertissements publics, avec des spectacles mettant en vedette des individus tels que Buffalo Bill Cody, Annie Oakley et d'autres stars. Les cow-boys inventèrent encore d’autre sources de divertissements, aujourd’hui devenus populaires mondialement, tels que la country western music. On peut trouver ce même lien entre la musique et la vie solitaire de bergers ailleurs dans le monde, probablement lié au besoin de se divertir lors de longs trajets isolés. Ce genre musical est lié aux anciennes ballades anglaises, irlandaises, écossaises ainsi que la musique folklorique mexicaine du nord du Mexique. Chantés autour d’un feu sous un ciel étoilé avec une guitare ou un harmonica, faciles à transporter. Une des plus connues est la chanson Streets of Laredo, faisant référence à la ville au Texas. La gastronomie est également liée au mode de vie nomade des cow-boys, avec par exemple le fameux chili con carne, qui garde son nom espagnol, inventé à San Antonio, Texas. Essentiellement un ragoût contenant des piments et des ranchero beans, ou des haricots typiques de la région, auquel on peut rajouter ce que l’on a sous la main, et le préserver pendant plusieurs jours. Finalement, on ne peut pas oublier la mode vestimentaire iconique des cow-boys ! Avec leurs chapeaux Stetson qui sont, en fait, l’évolution des chapeaux mexicains appelés sombreros, ou leurs belles bottes en cuir, les plus populaires étant les casey boots.

La légende de Billy the Kid

Vous l’avez sûrement déjà entendu de nom, peut-être à travers la bande dessinée des Daltons. Ce cow-boy bandit, qui fut d’abord orphelin puis plus tard criminel, était recherché de partout par les posters indiquant « wanted ». Il devint plus connu à travers la diffusion d’articles sur lui à New York et au Nouveau Mexique, qualifié comme un assassin terrible. Il fut mis en prison pour meurtre, d’où il s’échappa, tuant deux shérifs, puis arriva à se cacher pendant plusieurs mois. Jusqu’à ce qu’il soit finalement assassiné à son tour, à l’âge de 21 ans, à Fort Sumner au Nouveau Mexique en 1881. Aujourd’hui, vous pouvez y voir sa tombe. Pendant des décennies après sa mort, des légendes se sont développées selon lesquelles Billy the Kid aurait survécu, et un certain nombre d'hommes se sont fait passer pour lui. Billy the Kid reste l'une des figures les plus fameuses de l'époque, dont l’histoire a été fréquemment dramatisée à travers plus de cinquante films et plusieurs séries télévisées. Le livre qui raconte l’histoire de sa vie est The Authentic Life of Billy the Kid, écrit en 1882 par l’assassin de Billy the Kid lui-même.

Les Cow-boys aujourd’hui

On pourrait dire à première vue qu’une seule chose reste des cow-boys aujourd’hui, et c’est probablement la mode vestimentaire. Vous verrez sûrement beaucoup de personnes se balader en bottes de cow-boy ou en chapeau, mais qui n’ont jamais monté à cheval de leur vie. Cela dit, les vrais texans savent qu’il existe encore de 'vrais cow-boys'. Ce que l’on veut dire par là n’est pas tout à fait littéral, mais plus abstrait, dans l’âme et dans le caractère du personnage. Surtout dans certaines manières de faire la politique au Texas : les méthodes du Far West plaisent encore, même au XXIe siècle. Bouche cousue, tout le monde sait que le juge a été acheté mais on ne dira rien, il faut garder le status-quo … Chacun pour soi dans un monde sans loi, la corruption n’est pas absente. Cela dit, ce que l’on entend par « l’âme du cow-boy » fait référence à une forme de liberté, celle de la personne solitaire et pensive, qui aime du fond de son cœur la nature sauvage, la vie simple, le tex-mex, et connaît son répertoire de chansons westerns par cœur. La disparition des cow-boys tels qu’on les connait a commencé lorsque les transports de bétail ont pris fin au tournant du siècle. Les chemins de fer devinrent un mode de transport plus important, les fils de barbelés furent adoptés et les Amérindiens furent relégués dans des réserves, réduisant le besoin de cow-boys dans les ranchs. De nombreux cow-boys traversèrent une période de transition difficile. Aujourd’hui, la version la plus proche d’un cow-boy à l’ancienne que vous verrez sera probablement lors d’un rodéo. Rendez-vous au Fort Worth Stock and Rodeo Show à Fort Worth, la capitale des cow-boys !