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Les musique et danse traditionnelles

Loin d’être cantonnées au folklore pour touristes, les traditions musicales et chorégraphiques danoises ont gardé un aspect et une signification authentiques. La tradition musicale danoise remonte au XVIIe siècle, époque où il était courant que les villes possèdent un ou plusieurs musiciens municipaux – seuls artistes autorisés à jouer contre un salaire sur un territoire donné – officiant lors des bals, fêtes ou processions. Étant donné que ces musiciens considéraient certains instruments comme impurs – les tambours, les cornemuses ou les vielles à roue –, la période a été propice à l'essor du violon.

La grande tradition chorégraphique du pays est la « danse de chaîne ». Divers documents et témoignages rapportent l’existence et pratique de ces danses cérémonielles accompagnées de cornemuses, de tambours et de chants, tout au long du Moyen Âge et jusqu'au XIXe siècle.

Cela dit, à partir de XVIe siècle environ, les danses en chaîne médiévales se sont un peu dissipées au profit des danses de couple. La plus ancienne recensée au Danemark est le pols, une variante de danse polonaise généralement exécutée en deux parties, une marche lente et une seconde partie plus rapide. Au XIXe siècle, à l’instar de beaucoup de pays d’Europe, la valse s’impose au Danemark aux côtés du hopsa, danse vive et courte de couple, le sveitrit ou le schottish (proche de la polka, mais plus lente).

Autre exemple éclatant de la bonne préservation des traditions locales : les danses féringiennes (foryskur dansur). Directes héritières des farandoles de la France du Moyen Âge, ces danses furent rapidement démodées puis prohibées sur le sol européen. Mais pas aux îles Féroé, sans doute l’un des seuls endroits au monde où l’on perpétue, depuis le Moyen Âge, ces pas fidèles au passé. Dans cette danse, la chaîne humaine se forme et bouge au rythme de chansons traditionnelles aux couplets infinis, chantées a cappella. À voir pendant les fêtes d’été, lors des soirées féringiennes organisées par les offices de tourisme.
À noter aussi, pour les oreilles curieuses, le groupe Enekk, figure majeure de la scène musicale féringienne, qui s’est évertué à réinventer le folklore féringien dans un folk-rock plus contemporain.

Mentionnons ici aussi le recueil de chansons Højskolesangbogen, l’un des livres les plus vendus au Danemark, qui contient une collection de chansons importantes du patrimoine danois. La première édition date de 1888, Carl Nielsen et N.F.S Grundtvig y sont les auteurs les plus représentés.

La musique classique

Dès le XVIe siècle, la musique danoise doit énormément à sa monarchie, grande mécène des arts nationaux. Christian IV (1577-1648) par exemple, a investi des sommes considérables dans la formation de musiciens locaux et l’import de grands maîtres étrangers au Danemark. C’est ainsi que Mogens Pedersøn (1583-1623), formé à Venise auprès de Giovanni Gabrieli, s’impose comme l'un des plus importants compositeurs danois de son temps, notamment via son œuvre Pratum spirituale. À l’époque, la musique du pays est particulièrement influencée par celle de sa voisine allemande, chose palpable dans l’œuvre du premier grand compositeur danois Dietrich Buxtehude (1637-1707), compositeur fécond et organiste habile, fier représentant de la période baroque. Ses œuvres pour orgue occupent une place centrale dans le répertoire standard de l’instrument et son style a eu une influence majeure dans le travail de compositeurs célèbres, dont Johann Sebastian Bach. Mal connu aujourd’hui, Buxtehude a pourtant été longtemps considéré comme l'un des plus importants compositeurs du XVIIe siècle.

La connexion germano-danoise se prolonge au XIXe siècle avec Friedrich Kuhlau (1786-1832), pianiste et compositeur danois ; mais, né en Allemagne, il s’exile au Danemark en 1810, fuyant Hambourg alors annexée par la France. Connu pour ses nombreuses pièces pour piano mais aussi pour flûte, on se souvient essentiellement de lui pour sa musique de théâtre, dont celle d’Elvehøj, considérée comme la première véritable œuvre du romantisme national danois et la première pièce nationale danoise. À la jonction de la fin de la période classique et du début du Romantisme, Kuhlau s’impose comme une figure centrale de l'âge d’or danois.

L’Âge d’or danois  est, comme son nom l’indique, une période exceptionnellement prolifique et créative couvrant la première moitié du XIXe siècle. C’est à cette époque qu’est créée la Société de musique (1836), institution s’employant à promouvoir la musique danoise, ainsi que quelques années plus tard, la Conservatoire royal du Danemark par le compositeur Johann Hartmann (1805-1900). C’est ce dernier que l’on considère souvent, comme l’initiateur de cet « Âge d’or ». Via ses œuvres Balders død (La Mort de Baldur), inspirée de la mythologie nordique ou Fiskerne (Les Pêcheurs), abordant la vie de pêcheurs contemporains et basée sur des mélodies du folklore scandinave, il pose les bases d’un grand élan nationaliste romantique. Mouvement co-initié par Niels W. Gade (1817-1890), alors à la tête du Conservatoire. C’est lui qui forme de jeunes musiciens de talent comme Thomas Laub (1852-1927), développant lui aussi un style « nationaliste », alliage d’un rejet pour l’influence postromantique allemande et d’inspiration puisée dans la tradition nordique.

Mais l’élève le plus illustre de Niels Gade, formé au Conservatoire, c’est évidemment le grand Carl Nielsen (1865-1931). Véritable icône du classique danois, ce grand violoniste, compositeur d’opéras et de symphonies, est l’un des rares musiciens danois dont le talent a dépassé les frontières. Il naît et grandit dans le petit village de Funen. Montrant très tôt des prédispositions pour la musique, il joue avec des musiciens folkloriques durant l’enfance puis devient clairon dans l’armée. C’est ainsi qu’il intègre le conservatoire de musique de Copenhague en 1884, d’abord comme étudiant avant de remplacer Gade à la tête de l’institution vers 1900. Auteur de six symphonies et de plusieurs opéras dont Maskarade (1906) – en trois actes et basé sur une pièce du grand dramaturge comique Ludvig Holberg, et considéré comme l'opéra national danois –, Nielsen est, depuis son vivant, très fréquemment joué. On conseillera tout particulièrement les divers enregistrements des Symphonies de Nielsen conduites par Leonard Bernstein et le New York Philharmonic. Tout simplement remarquable.

Dernier nom moins connu du nationalisme musical, Rued Langgaard (1893-1952) a, en dépit du caractère parfois novateur de sa musique, rencontré l’incompréhension générale de son temps. Pleinement reconnu des années après sa mort, ce compositeur prolifique laisse derrière lui un répertoire de plus de 400 œuvres rappelant aussi bien Anton Bruckner que Richard Strauss.

Dans la génération suivante, il est important de mentionner Vagn Holmboe (1909-1996), ne serait-ce que pour son influence sur les musiciens contemporains. Ceux-ci se sont détachés de cet esthétisme moderne nordique qui limitait les champs de la composition en renouant avec l’Europe centrale. Parmi les grands de cette nouvelle vague, c’est Per Nørgård, créateur du « sérialisme organique », qui demeure le plus célèbre, ses œuvres étant régulièrement interprétées par de prestigieux ensembles comme  l'Orchestre philharmonique de New York.

L’ébullition avant-gardiste de la première moitié du XXe siècle va susciter après les années 1960 un brutal mouvement de rupture et repli prônant une « nouvelle simplicité ». Le foisonnement musical actuel du pays (qualifié parfois de « deuxième âge d’or ») a été facilité par une loi votée en 1976 visant à aider les compositeurs et à subventionner les orchestres symphoniques, ou les théâtres produisant des opéras de chambre, etc. C’est dans ce cadre qu’a été édifié le magnifique Opéra national de Copenhague, inauguré en 2005 avec une œuvre d’un compositeur danois, Poul Ruders. Très appréciées au Danemark, les symphonies et la musique de chambre de ce dernier sont sans doute les œuvres contemporaines danoises les plus jouées à l’international. En 1994, la création à Copenhague d’un « opéra alternatif » au succès prodigieux contribue également à l’essor de la musique danoise, particulièrement représentée par les œuvres exigeantes de compositeurs tels que Bert Sørensen (né en 1958), de Karsten Fundal (né en 1966) ou Hans Abrahamsen (né en 1952). Depuis le décès de Niels Viggo Bentzon (1919-2000), hyper prolifique pianiste pilier de la musique classique moderne, le compositeur danois le plus en vue de la période actuelle est sans doute le pianiste Frederik Magle, dont l’approche très libre et métissée incarne la pratique savante de la jeune génération danoise.

Et n’oublions pas de mentionner l’orchestre de chambre Aldubáran, seul ensemble professionnel de ce type dans les îles Féroé, qui, tout aussi bien interprète de la musique classique issue du répertoire traditionnel, ou commande des compositions aux artistes féringiens. Le grand nom du classique dans les îles.

Parmi les hauts lieux de la musique au Danemark, citons tout d’abord le fabuleux Opéra de Copenhague. Bijou signé Henning Larsen, il domine l’eau sur son petit îlot avec prestance et dégage une certaine sérénité doublée d’élégance. Disposant d’une belle salle pouvant accueillir plus de 1 500 mélomanes, l’endroit est le lieu de résidence de l’Orchestre royal du Danemark, dirigé par le chef italien Paolo Carignani. D’excellente réputation, il n’égale cependant pas l’ensemble le plus prestigieux du pays, l’Orchestre symphonique national du Danemark dirigé lui aussi par un Italien : Fabio Luisi (autrefois au Metropolitan Opera). C’est vers cet ensemble que quiconque à la recherche des meilleures interprétations de compositeurs danois comme Niels Gade, Rued Langgaard ou Per Nørgård, devra se tourner. L’orchestre se produit d’ailleurs à la salle symphonique de Copenhague dessinée par Jean Nouvel, le Koncerthuset, salle incluse dans le vaste ensemble architectural de la DR-Byen, le siège de la Société danoise de la radiodiffusion nationale. L’auditorium principal, d’un orange velouté, dispose de 1 800 fauteuils et des panneaux amovibles modulent l’acoustique d’un espace sur plusieurs niveaux véritablement extraordinaire. Un must pour les amateurs de musique classique.

Le jazz

Les fans de jazz ne le savent que trop bien, le genre est un vrai plaisir danois et bon nombre d’excellents musiciens viennent d’ici. Le jazz apparaît au Danemark dans les années 1920 via les premiers tubes I've Got a Cross-Eyed Papa et In Bluebird Land composés par le musicien danois Valdemar Eiberg. Le genre séduit les Danois en un rien de temps et très vite, des orchestres se forment, comme celui du musicien classique Erik Tuxen (1902-1957) et un premier âge d’or du jazz danois commence à prendre forme entre les mains des célèbres pianistes Leo Mathisen (1906-1969) et Kjed Bonfils (1918-1984). Poussé à la clandestinité durant l’occupation allemande, le jazz danois renaît de ses cendres à l’issue de la guerre, poussé vers ses sommets par Max Brüel (1927-1995), représentant du be-bop ou le bassiste Erik Moseholm (né en 1930). Mais c’est l’effervescence du début des années 1960, liée à la création du Jazzhus Montmartre qui fait entrer la capitale danoise dans le gotha international du jazz. L’ambiance et l’aura du lieu (ainsi que l’atmosphère de la capitale) y attirent de nombreux musiciens américains comme Stan Getz, Dexter Gordon ou Ben Webster. À leur contact, une formation danoise constituée de Kenny Drew, du bassiste Niels-Henning Ørsted-Pedersen (dit « NHØP » et qui fut le contrebassiste attitré d’Oscar Peterson) et du batteur Alex Riel se bâtit une copieuse réputation. Le free-jazz a pour représentant John Tchicai (1936-2012), un immense avant-gardiste, tandis que le compositeur et trompettiste Palle Mikkelborg (né en 1941) s’impose. Le monde se souvient souvent de ce dernier comme collaborateur de Miles Davis sur Aura en 1989.

Passé au second plan après l’irruption du rock et de la pop, le jazz danois survit cependant grâce aux subventions du gouvernement et à un noyau de passionnés. Les vétérans sont toujours là et de nouveaux noms apparaissent : le saxo ténor Bent Jædig (né en 1935) et ses jeunes disciples Hans Ulrik (né en 1966) et Jacob Dinesen (né en 1968). NHØP fait école auprès de plusieurs remarquables contrebassistes parmi lesquels Mads Vinding (né en 1948) et Thomas Ovesen (né en 1965). Le guitariste Pierre Dørge (né en 1946) fait parler de lui avec son New Jungle Orchestra, de même que le violoniste Kristian Jørgensen (né en 1967), tandis que le bon vieux style New Orleans survit grâce au tromboniste Ole « Fessor » Lindgren (né en 1938). Aujourd’hui, la scène danoise est toujours aussi fournie, menée par une jeune garde particulièrement dynamique. Parmi eux, citons le guitariste Hasse Poulsen (Danois installé à Paris), le très élégant pianiste Magnus Hjorth ou, plus pop, l’excentrique Jeppe Zeeberg et le groupe très rêveur I Just Came From the Moon. Et n’oublions surtout pas de mentionner Eivør Pálsdóttir grand nom de la musique des îles Féroé, qui a excellé aussi bien dans le jazz que la musique traditionnelle ou la pop ou le rock. Si elle privilégie l’anglais et le danois, il est tout sauf rare qu’elle chante dans sa langue maternelle, le féroïen.

Si cette âme jazz court partout dans les artères de Copenhague, rien ne vaut un passage par le fameux Jazzhus Montmartre pour goûter à son prestigieux passé. Toujours en place, on ne fait pas club plus légendaire en ville. Depuis ses débuts en 1959, il a accueilli des monstres sacrés tels que Dexter Gordon, Stan Getz ou Kenny Drew. Après avoir été fermé en 1995, le club a rouvert ses portes à une nouvelle adresse et, de nouveau, les musiciens de renom s’y bousculent. Mais le grand rendez-vous européen des amoureux de jazz, c’est évidemment le Copenhagen Jazz Festival. Chaque année, l’évènement anime les rues, cafés et clubs de Copenhague en juillet avec, au programme, plus de mille concerts en dix jours – la plupart gratuits. Beaucoup de jazzmen danois et de grands invités du monde entier. Et les mélomanes ne sont pas en reste sur les îles Féroé avec la tenue chaque mois d’aout du Tórshavn Jazz Festival, petit rendez-vous, grand par sa qualité.

Les musiques actuelles

Contrairement au voisin suédois, le Danemark n’a pas exporté de vedettes internationales durant la seconde moitié du XXe siècle, tant dans le domaine du rock que de la pop. Le premier tube danois international intervient en 1998 avec le fameux Barbie Girl du groupe Aqua. Un succès qui ne s’est jamais pérennisé puisque après plus de 28 millions de disques vendus dans le monde, le groupe a disparu en 2001, emporté par la fin des boys band et de la « bubblegum dance ».

Aujourd’hui, la pop danoise, souvent très élégante et bien produite, est particulièrement appréciée dans le monde. Une scène gouvernée par les femmes où l’on croise les bijoux de folk sombre d’Agnes Obel, l’électro-pop d’Oh Land, dont Elton John est fan, ou encore cette machine à hits qu’est MØ. Le Danemark est particulièrement porté sur l’électronique ; la figure de proue de cette scène est le très new wave Trentemøller, surtout la plus avant-gardiste. À Copenhague, toute une constellation d’artistes et groupes très intéressants (Croatian Amor, Vanessa Amara, Lust for Youth, Puce Mary, Loke Rahbek) gravitent autour du label Posh Isolation, très chic maison d’électro expérimentale. Moins sombre mais tout aussi arty, citons également l’excellente Sofie Birch. Une autre figure de Copenhague est Elias Bender Rønnenfelt, artiste à fleur de peau multipliant les projets rock et post-punk, dont le plus célèbre est le groupe Iceage. En rupture avec l’ambiance générale très sombre de la création locale, mentionnons Efterklang et son jazz-rock progressif, Erika de Casier et son R&B très 90’s ou encore Main Phase, projet UK garage d’Adam Emil Schierbeck, trois noms à écouter et retenir. Un brin moins vibrante mais pas muette non plus, la création contemporaine des îles Féroé est très bien représentée par Gestir, indie rock mélancolique, planant et rêveur pas trop loin de Radiohead ou Sigur Rós, chanté en féroïen, ou encore Týr, un groupe de folk-metal progressif, pétri d’éléments traditionnels.

Jeune, artsy et dynamique, Copenhague est une capitale faite pour les amoureux de musique et surtout les amoureux de toutes les musiques. On trouve des lieux couvrant à un large éventail de goûts, parmi eux, dans le quartier branché de Nørrebro, le Spillestedet Stengade est apprécié des amateurs de rock et de musique alternative et, plus électronique, le Rust, est le repaire des « clubaholics ». Une des meilleures boîtes de la ville. Autre adresse très populaire : le Vega, très design est installé dans un ancien siège de syndicats.

Évidemment la saison estivale est naturellement criblée de festivals dans la capitale, à commencer par le Distortion Festival en juin, très agréable, qui se déroule dans les rues de la capitale ou le Strøm, réputé pour sa programmation hyper pointue.

Dans les autres grandes villes du pays, on trouve à Odense, le Cafe Kræz, bar branché accueillant régulièrement de nombreux artistes danois et internationaux et le Teater Momentum, théâtre originellement dédié au théâtre contemporain mais élaborant aussi une belle programmation musicale. Du côté d’Aarhus, un des lieux favoris des locaux est le Musikhuset, très bel endroit reconnaissable à son immense façade vitrée de 2 000 m2 et accueillant une programmation très large ainsi que Train, l’une des plus grandes discothèques du Danemark, réputée pour ses nombreux concerts rock, jazz ou pop, ou les performances de DJ.

C’est à Roskilde que se tient le grand festival du pays, le bien nommé Roskilde festival, considéré comme le « Woodstock de l’Europe du Nord » et abonné aux affiches XXL ; on a pu y voir Iggy Pop, Rita Mitsouko, David Bowie ou Daft Punk… Moins connu, mais très agréable le Smukfest est installé au cœur d’une forêt de peupliers à Skanderborg depuis 1980, le cadre parfait pour composer des programmations mélangeant tous les styles (rock, pop, folk, hip-hop, electro…).