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Des feuillus et des oiseaux

Si dans un temps très éloigné, le Danemark consistait en de vastes forêts essentiellement composées de tilleuls, chênes, frênes, bouleaux et ormes, l’arrivée d’un climat moins froid et humide a permis l’apparition du hêtre, toujours très présent dans les forêts danoises. Au fil de l’histoire et du développement de l’activité humaine, la déforestation a radicalement bouleversé le paysage : dès 1600, la forêt ne représentait déjà plus que 20 à 25 % du territoire, et 4 % seulement en 1800 !

En 1990, des mesures environnementales ont heureusement renversé ces pourcentages en ramenant à 12 % la superficie forestière avec une prédominance de conifères, hêtres, chênes et frênes. Les fruitiers sont également présents : arbres à papillons, sureaux noirs, pommiers dont la variété ancienne Patte de loup (Nord Seeland), bouleaux et noisetiers. Du côté des arbustes, le choix est large : houx, groseillers, rosiers « Reine du Danemark » ou « Irène du Danemark » une variété ancienne datant au Moyen Âge, résistante au froid et très parfumée, sureau hièble, if, ronce commune, oseille des bois, ail des ours… Le sous-bois préfère les variétés de fougères et de mousses. À Valby Hegn (Seeland nord), chaque printemps voit fleurir un tapis d’anémones blanches.

Les landes et marais sont l'habitat de prédilection de nombreuses fleurs, très souvent médicinales, parfois comestibles : criste marine ou fenouil marin, benoîte des ruisseaux, orties, plantain grand et moyen, pâquerettes, Conopodium majus aussi appelé noisette de terre et consommé par l’homme depuis la Préhistoire, houblon, pissenlit, cranson du Danemark qui aime les sables, Astragalus danicus qui pousse sur la craie et le grès, et scabieuse des prés.

Dans les tourbières, les mousses de sphaignes sont la principale composante de ces terres humides, acides et pauvres en éléments nutritifs. D’autres variétés recherchent les eaux davantage minéralisées. Roseaux, graminées, luzule Starmaker de la famille des joncs, aux longues feuilles bleu-vert persistantes et aux fleurs blanches vaporeuses, ou Drosera rotundifolia, plantes à fleurs carnivores se nourrissant d’insectes attirés par les gouttes sucrées recouvrant ses feuilles. Ce sont majoritairement des hyalocystes, c’est-à-dire que leur paroi est percée de plusieurs pores (2 à 5) qui permettent de stocker l'eau dans la plante. Ainsi, les sphaignes peuvent absorber jusqu'à 40 fois leur poids sec.

Dans les îles Féroé, quelque 400 espèces constituent le patrimoine floral. Plus de la moitié est commune à celle de l'Islande dont une espèce endémique l’Alchemilla faeroensis, une plante vivace à feuilles caduques. Le territoire est essentiellement constitué de landes et de prairies. Les espèces ligneuses non arborescentes (arbustes ou arbrisseaux) n’existent presque pas. Or l’analyse pollinique de sols datant de 2500 ans, donc antérieurement à l’installation humaine, a révélé la présence de noisetiers et de bouleaux. Les espèces existantes furent introduites par l’homme, notamment les hêtres austraux.

La faune danoise

Elle doit composer avec un territoire que l’activité humaine a profondément modifié. Aujourd’hui, 54 % de cette faune est forestière. Si elle jouit d’un climat favorable, puisque tempéré, elle reste fragilisée par une gestion tardive de l’écosystème : l’agriculture intensive et l’urbanisation ont eu un effet néfaste sur la préservation de nombreuses espèces. Néanmoins, le cerf élaphe règne en maître des sous-bois. Ce grand cervidé, qui a survécu à trois glaciations, y déploie ses ramures majestueusement. Le corbeau est un autre habitant important de la forêt. Il y a 50 ans, il avait presque disparu. Aujourd'hui, cet oiseau identifiable à son plumage d’un noir métallique, impressionnant par son envergure allant jusqu'à 130 cm, est protégé et de nouveau répandu. S’il est présent toute l'année, il ne s'éloigne jamais de sa zone de reproduction. Autre particularité : il vole presque toujours par paire et son croassement peut être entendu des kilomètres à la ronde. N’oublions pas qu’il a joué un rôle important dans la mythologie nordique. Les deux corbeaux, Hugin et Munin, étaient les éclaireurs d’Odin, et le Raven Banner, ancien drapeau danois avant Dannebrog, était orné d’un corbeau sur fond rouge. Autre oiseau répandu au Danemark, proche des zones boisées et des prairies : la buse, appelée fauvette des souris en danois car elle se nourrit essentiellement de rongeurs. Environ 5 000 couples au Danemark et plusieurs milliers d’autres traversant le pays lors de la migration hivernale. Cette richesse aviaire est en partie liée à la situation géographique, entre Scandinavie et continent européen, qui permet à de nombreux oiseaux migrateurs « une connexion de ponts » et d’espaces où se reposer avant de continuer leur voyage. Majestueux, les cygnes sont indissociables des parcs et jardins des plus beaux châteaux danois.

Dans les îles Féroé, ce sont les oiseaux qui dominent avec 300 espèces recensées, nichant sur les falaises et dans les rochers (Fou de Bassan, pie de mer ou huîtrier pie, oie féroïenne…). Les plus nombreux sont les macareux moines ou « clown des mers », des oiseaux marins blanc et noir, reconnaissables à leur bec triangulaire avec une pointe rouge sur une base bleue. Autres espèces majeures, le mouton, indissociable de l’archipel auquel il a donné son nom; aujourd’hui encore, ils sont 70 000, ils étaient plus de 600 000 au XIXe siècle ! – et le cheval Féroé, un poney de petite taille aux poils très épais en hiver, qui s’était adapté au relief et au climat, et dont la race a failli disparaître dans les années 1950-1960.

Plus inédit, le safari papillon à Valby Hegn, près d’Helsinge. Au moins 15 espèces différentes vivent dans et autour de la forêt. Le Cul doré aux ailles blanches et au corps velu en fait partie. Il vole en août et septembre et pond ses œufs sur les rameaux de plantes arbustives ou fruitières. L’Agreste aux ailes fauves marbrées de marron et de blanc préfère les landes à bruyères, les bois clairs ou les lieux buissonneux. Le parc de Sommerfugle sur l’île de Bornholm émerveillera les lépidoptéristes. D'autres espèces d'insectes relativement rares : la callidie rouge sang, un coléoptère xylophage amateur de bois morts ou la fourmi Hercule, la plus grosse du Danemark, préférant les forêts de conifères (Jutland N et Seeland N). Elle porte bien son nom : fortement bâtie avec une tête large et un corps noir façon cuirasse !

Des espaces protégés

Il existe actuellement quatre parcs nationaux au Danemark et une écorégion terrestre aux îles Féroé :

Le parc national de Thy dans le Jutland-Nord est surnommé « le désert de sable ». Ici 240 km² principalement composés de landes et de dunes. Créé en 2007, il fut le premier parc danois. Ce paysage dunaire n’est pas uniforme, il est dynamique et ses variations dépendent de la force du vent ou des conditions physiques telles que la teneur en chaux, l'orientation des pentes et la distance par rapport à la nappe phréatique. La végétation se compose essentiellement d'arbustes nains, de camarine noire et de bruyère, mais aussi de gentianes, habitat préféré de l'Azuré des mouillères ou Petit bleu des marais, un papillon aux ailes bleutées, d’oyat ou « roseau des sables ». Les plus grandes dunes sont Hanstholm, Vangså et Alvand : on y trouve des porc-épic, des loutres et des vipères, et un certain nombre d'oiseaux rares tels que les grues, les cygnes, l’engoulevent d'Europe (un oiseau nocturne) et le courlis cendré. Pour l’anecdote, question insectes : la mouche est très présente. Au cours d’une étude réalisée en collaboration avec le musée d'Histoire naturelle d'Aarhus, pas moins de 227 espèces différentes ont été répertoriées dont une vingtaine jusque-là jamais trouvées au Danemark. La star : la mouche géante Harald, la plus grande mouche parasite d’Europe. Elle se nourrit de nectar et de pollen.

Le parc national de Mols Bjerge, dans l’est du Jutland, s’inscrit dans un vaste paysage de 180 km2 témoin de la période glaciaire. Des collines morainiques (la moraine est un mélange de roches, de sable et d'argile poussé par les glaciers), des amas rocheux et des dépressions remplis d’eau après la fonte des glaces. Vous pouvez imaginer de riches pâturages où paissent moutons, poneys sauvages d’Exmoor (l’une des plus anciennes races au monde venues des îles britanniques) et vaches Galloway (race ancienne à la robe noire, longue et frisée). La biodiversité bénéficie dans ce parc d’une quarantaine d’habitats préservés sur les 60 répertoriés dans tout le Danemark. Si vous êtes attentif, vous y verrez la très rare araignée-coccinelle ou érèse-coccinelle dont le mâle se reconnaît aisément à son abdomen rouge vif marqué de quatre points noirs. Levez les yeux, vous verrez planer le cerf-volant rouge, autre nom du milan rouge, un oiseau de proie domestiqué et mentionné dès le XVe siècle.

Le parc national de la Mer des Wadden (2014) protège l'une des plus grandes zones de marée mondiales (d’où le classement par l’Unesco). Trois pays sont concernés : les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark. Ce paysage sauvage et unique – beau mélange d’îles, de canaux de marée, de lagunes, de vasières et de côtes – change constamment de forme et parfois même d'emplacement. Sa grande diversité de vie, végétale et animale, en fait l'un des écosystèmes les plus productifs du monde. Sa biomasse élevée fournit aux poissons, phoques (une colonie de 500 sur l’îlot de Fanø) et oiseaux, toute la nourriture dont ils ont besoin. La zone est également un espace fréquenté par près de 10 à 12 millions d'oiseaux migrateurs qui s'y arrêtent aussi bien en hiver qu’en été. Autre phénomène extraordinaire à vivre absolument : le soleil noir. Il se produit lorsque des volées d'étourneaux se rassemblent dans un ballet millimétré pour se reposer pendant la nuit dans les roselières du marais. Par milliers (parfois jusqu’à 500 000 à la fois !), ils viennent masquer la lumière du couchant d’où le nom de soleil noir. Les ornithologues danois l’appellent aussi « le ballet de la mort » car ce vol de masse sert à se protéger des prédateurs que sont les faucons pèlerins. Il a lieu durant deux semaines en mars-avril et deux autres semaines en septembre-octobre.

Le parc national de Kongernes Nordsjælland (2014), dans la région de Hovedstaden-Seeland, est le deuxième plus grand parc du pays, avec 246 km² de landes et de forêts. Il s'étend depuis l’ouest, du lac Arresø jusqu’à la ville de Gribskov au nord, du détroit de Kattégat au sud-est jusqu'aux limites septentrionales de l'agglomération de Copenhague. Environ 70 % du parc bénéficient de plusieurs statuts de protection Natura 2000. Côté faune, à Holløse Bredning et aux lacs d’Arresø et d’Esrum se rassemblent un grand nombre d'oiseaux nicheurs – notamment une importante colonie de cormorans –, ainsi qu’une population de castors sauvages (éteinte au Danemark, elle fut réintroduite en 2009). La forêt de Gribskov possède la plus grande population de daims sauvages du Danemark. Côté flore, toujours dans la forêt de Gribskov (5 500 ha), le chêne est roi. Beaucoup furent plantés après la conquête de la flotte danoise par les Anglais en 1807, en prévision de la construction de navires pour de nouvelles batailles. Même si les arbres sont prêts pour la coupe, outre le fait que le temps des paquebots est révolu, le coût de ce type de construction est exorbitant. En effet, un seul paquebot nécessite environ 2 000 chênes adultes, et un grand chêne de qualité coûte plus de 20 000 DKK !

Écorégion terrestre, c’est l’identification de l'archipel des îles Féroé dans la classification de WWF, le Fonds mondial pour la nature, afin de préserver ses spécificités sous le nom de « prairies boréales des îles Féroé ». Un écosystème, caractérisé par des prairies, des savanes et des brousses tempérées de l'écozone paléarctique, très fréquenté par les oiseaux migrateurs.

Info futée : dans les pays membres de l'Union européenne, Natura 2000 est un réseau qui recense les sites naturels ou semi-naturels ayant une faune et une flore exceptionnelles. Au Danemark, fin 2018, on comptait 384 sites dont 124 zones de protection spéciale (ZPS) pour les oiseaux, soit une superficie de 14 664 km2, et 269 zones spéciales de conservation (ZSC) pour les habitats et les espèces, sur une superficie de 19 781 km2.