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Un peu de politique

C’est en 1660 que le roi Frederik III institua une monarchie absolue au Danemark, un absolutisme qui perdura jusqu’au 5 juin 1849, année durant laquelle le roi Frederik VII accéda à la requête du peuple danois en adoptant une monarchie constitutionnelle, garantissant ainsi à ses citoyens la liberté d’expression et de religion. Depuis, le pouvoir législatif est exercé par le souverain, la reine Margarethe II (intronisée en 1972) et par un parlement monocaméral, le Folketing ou « Assemblée du peuple », composé de 179 députés dont deux pour les îles Féroé et deux pour le Groenland.

La cheffe du gouvernement est Mme Mette Frederiksen depuis le 28 juin 2019. La constitution du gouvernement dépend des élections législatives qui ont lieu tous les quatre ans. Il est fréquent de devoir composer avec un gouvernement de coalition. Ce fut le cas après les dernières élections du 5 juin 2019, remportées par le parti social-démocrate dirigé par Mme Frederiksen. Après trois semaines de négociations, un nouveau gouvernement a été formé sur la base d’un accord politique intitulé « une direction juste pour le Danemark », signé par 4 partis (Social-démocrate, Liste unitaire ou gauche radicale, Parti populaire socialiste (verts) et Parti social-libéral). Ils détiennent la majorité absolue au Parlement avec 91 des 179 sièges. L’arène politique est multipartite et comprend douze partis, pour la plupart représentés au sein du Parlement.

L’appellation des partis politiques danois peut prêter à confusion puisqu’elle n’a pas toujours strictement à voir avec une appartenance gauche-droite : ainsi, le parti libéral Venstre, qui signifie « gauche », est un parti de droite ! On compte trois partis majeurs parmi les douze partis existants : Socialdemokratiet, Parti socialdémocrate de centre gauche fondé en 1871 (c’est un des plus anciens partis européens). Mette Frederiksen est secrétaire générale ce parti depuis 2015. Ce groupe politique soutient en priorité le droit des travailleurs et des chômeurs, leurs idées sont relativement proches de celles du parti socialiste en France. Avec pour emblème, également une rose. Dansk Folkeparti, parti populaire danois fondé en 1995, s’approche de l’extrême-droite et fait régulièrement la couverture des journaux satiriques…. Il est souvent classé « droite populiste ». En 2019, il est arrivé en deuxième position des votes et compte 37 sièges. Présidé depuis sa création par Pia Kjærsgaard, le député Kristian Thulesen Dahl a été choisi en 2012 pour lui succéder. En 2010, une scission dénommée Fokus s’est formée. Sa politique se rapproche du parti libéral Venstre mais est beaucoup plus radicale en matière d’immigration. Venstre, un parti libéral de centre-droit créé en 1870, issu de la tradition agraire scandinave : deuxième parti d’opposition aux dernières élections législatives, avec à sa tête Lars Loekke Rasmussen. Il mise sur une politique basée sur la libéralisation des entreprises, des aides amoindries pour les chômeurs et une baisse de l’imposition.

Les engagements annoncés par le nouveau gouvernement au sortir des élections concernent majoritairement l’écologie. Lors de son discours d’ouverture, Mme Mette Frederiksen a déclaré « entendre profiter de la reprise économique pour tenir la promesse d’une transition verte ambitieuse ». Elle s’est engagée à dépenser 10 Mds DKK (1,3 M€) supplémentaires au cours des cinq prochaines années afin d’accélérer la réduction des émissions de carbone. Sa politique climatique prévoit :

 

-Des mesures dans les secteurs du transport, de l’agriculture et de l’énergie. En effet, le Danemark souhaite que l’Union européenne devienne une « Union climatique », qu’elle adopte des objectifs climatiques intermédiaires pour 2030 afin de garantir la neutralité carbone en 2050.

- La promotion de l’énergie éolienne afin que l’Europe devienne autosuffisante en énergie.

- Un renforcement de l’État-providence par des investissements massifs pour la santé et les politiques sociales, notamment pour les enfants.

- Une politique économique « juste et responsable » : une politique pro-business, un renforcement des services publics, la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités).

En novembre 2020, une vaste polémique a eu pour conséquence un remaniement ministériel. Le ministre de l’Agriculture a démissionné à la suite de la décision du gouvernement d’abattre l’ensemble des élevages de visons, après détection de souches mutantes du coronavirus SARS-CoV-2. Cet abattage massif (près de 15 millions d'animaux) provoqua un scandale retentissant. Raison pour laquelle, les élections législatives initialement prévues en juin 2023 furent avancées au 1er novembre 2022 afin de renouveler le parlement en raison du retrait du soutien du parti Social-libéral.

Sur le plan européen, le Danemark se singularise par quatre options de retrait de la CEE : la monnaie unique (Euro), la défense, la justice et la citoyenneté européenne – mais il est membre de l’espace Schengen. Sur la plan international, le Danemark fait partie de l’OTAN, il fut d’ailleurs l’un des membres fondateurs parmi les 12 pays à avoir signé le traité de sa création en 1949. Les priorités du Danemark sont les migrations, la croissance durable et inclusive, la démocratie et l’égalité des genres. Très actif en termes de « diplomatie technologique », de cybersécurité, d’innovation et de transition numérique, un poste d’ambassadeur dédié aux nouvelles technologies a été créé en 2017.

Un peu d’économie

Le Danemark est un parent pauvre en ce qui concerne les matières premières et les réserves naturelles. C’est pourquoi 70 % des importations consistent en matières premières et produits semi-fabriqués ! L’économie et le PIB du pays reposent largement sur les échanges commerciaux et les exportations avec les pays étrangers. Les pays européens représentent 40 % des exports de marchandises danoises : produits pharmaceutiques, industrie agro-alimentaire, équipements mécaniques et matériel de transport, soit 43 % des emplois du secteur privé. Autrefois, les exportations provenaient majoritairement du secteur agricole (seulement 10 % en 1990) : des céréales telles que le blé et l’orge, largement utilisés pour la fabrication de la bière, du sucre et des pommes de terre. Les bovins, volailles et moutons, les produits laitiers représentaient également une part importante des exportations danoises. Pour résumer, le commerce extérieur représente à lui seul les deux tiers du PIB national. On comprend pourquoi le Danemark est un fervent partisan du libre-échange !

Autre secteur majeur, la pêche qui subit une réduction constante du nombre de poissons due à la pollution, ce qui a entraîné une crise réduisant de deux tiers le nombre de pêcheurs à temps plein. Environ 90 % de la production est destinée à l’export (principalement la morue et les lançons) ; en sylviculture, la forêt produit 12 % de la consommation de bois nationale, et le Danemark est le principal exportateur de sapins de Noël et de bois ornementaux (0,3 % des exportations) ; l’énergie : des gisements de gaz ont été découverts en 1979, ils couvrent 23 % de la consommation totale d’électricité. Les aérogénérateurs produisent à eux seuls 18 % et représentent 3 % des exportations danoises ; le tourisme avec 12,5 millions de visiteurs en 2018, 348 navires de croisière accostés au port de Copenhague et 1,1 million de passagers en 2019, 56,1 millions de nuitées enregistrées en 2019 soit 25 % de plus qu’en 2009.

Au total 132,5 milliards de couronnes dépensées dont 57,5 milliards provenant des touristes étrangers et 74,8 milliards des touristes danois (soit 5,7 % du PIB du Danemark, en comparaison l’agriculture, la pêche ou la sylviculture ne représentent que 2,4% du PIB). Ce secteur emploie 160 000 personnes. Il est à noter que la baisse considérable des tarifs aériens de ces dernières années participe indubitablement à cette augmentation tout autant que le passé du Danemark (en tant que nation viking) qui attire énormément, remis au goût du jour par les séries télévisées telles que Vikings ou The Last Kingdom.

Le miracle danois

C’est ainsi que le modèle économique du Danemark est perçu en France. Après avoir connu un excédent budgétaire conséquent, grâce notamment aux activités pétrolières dans la mer du Nord durant les années 2000, l’économie danoise a subi une forte récession en 2009. Mais depuis 2014, elle affichait une croissance constante (proche de 2 % en moyenne) et une amélioration de ses finances publiques, son économie continuait d’être florissante malgré des signes de ralentissement et les contrecoups de la crise financière mondiale. Le principal moteur de l’économie était la hausse de la consommation privée, grâce à l’augmentation des salaires réels et à la baisse continue du chômage (5,7 % en 2017, 5 % en 2018, 4,8 % en novembre 2019).

La réforme de l’État-providence engagée par le gouvernement a permis de passer d’une économie poussive à une économie dynamique que bien des pays européens lui envient. La clef de cette réussite la « flexicurité », à savoir la souplesse du marché du travail alliée à une formation efficace des travailleurs et à une mobilité élevée. De plus, sa position géographique stratégique entre l’Europe continentale et la Scandinavie, ainsi que sa stabilité économique doublée d’infrastructures parmi les plus modernes, ont fait du Danemark l’un des pays les plus attractifs pour les investissements étrangers. Elle a su gérer le marché du travail permettant au nombre de chômeurs (13 % de la population active à la fin des années 1980) de décroître grâce à sa politique d’aide à la recherche d’emploi pour les jeunes. Cette politique généreuse financièrement exige en revanche des contreparties : les moins de 25 ans sont obligés, au bout de six mois sans travail, d’accepter une formation qui coûte la moitié de leurs allocations. Autre clé pour comprendre la baisse du taux de chômage : le recours au temps partiel qui concerne 19 % des salariés danois. Pour les actifs, le régime d’allocations a été maintenue (80 % de leur salaire mensuel pendant cinq ans). Toutefois, l’assurance chômage au Danemark n’étant pas obligatoire, le salarié peut s’affilier volontairement à une caisse d’assurance chômage agréée par l’État et fonctionnant sous son contrôle. Conséquence de la flexisécurité, le Danemark a aujourd’hui l’un des taux d’emploi les plus élevés de l’Union européenne : 75,6 % des femmes et 80,6 % des hommes pour seulement 4,8 % de chômage en 2019.

Jusqu’au début de 2020, tout allait bien. Mais comme pour de nombreux pays, la crise sanitaire du Covid-19 est venue bouleverser cette dynamique. Pour y faire face, le gouvernement danois a pris rapidement des mesures économiques inédites : compensation salariale (chômage partiel), prise en charge de coût fixes, report de TVA, nouveau régime de prêts garantis pour les PME… et les indépendants, idem pour les agences de voyages (fonds de garantie d’État), les étudiants (aides financières), la culture et l’événementiel (paquets d’aides). Au total, ces plans d’aide s´élèvent à environ 400 Md DKK (53,6 Md€), dont un peu plus de 100 Md DKK (13,4 Md€) d’aides directes, soit 5 % du PIB.

Qu’en est-il du côté des îles Féroé ?

Sur le plan politique, les îles Féroé sont devenues un territoire autonome en 1948 après avoir été sous autorité du Danemark depuis 1388. La capitale est Tórshavn. Y siège le parlement monocaméral, le Løgting, qui a compétence dans tous les pouvoirs à l'exception de la défense. À sa tête, un Premier ministre, le Løgmaður ou « personne de loi », Aksel V. Johannesen depuis 2015. Il travaille avec 33 membres du gouvernement élus au suffrage universel pour quatre ans. Chaque année, les îles bénéficient d'importantes subventions de la part du Danemark. En tant que territoire autonome, elles font partie du Conseil nordique mais leur statut particulier fait qu’elles ne sont ni reconnues en tant que nation indépendante par l’ONU ni en tant que membre de l’Union européenne. En revanche, elles ont leur propre drapeau et leur propre langue, le féroïen même si le danois doit être enseigné.

Une question qui revient souvent dans les attentes politiques de ses habitants : une totale indépendance. Un dilemme revient ponctuer les hésitations des indépendantistes : l’aspect économique. L’économie locale repose essentiellement sur la pêche qui représente environ 97 % des exportations (des harengs et des maquereaux en majorité) et la moitié du PIB. A cela s’ajoutent l'extraction pétrolière - depuis l'été 2012, la compagnie norvégienne Statoil a obtenu des concessions pour prospecter à l'est de l'archipel – et le tourisme en hausse croissante avant la crise sanitaire de 2020 (+13 % en 2019).

L’implantation de nouveaux hôtels et une apparition dans le dernier film de James Bond ont tourné les projecteurs vers l’Atlantique Nord ! Malgré les crises successives, le chômage atteignait seulement 2,2 % de la population active en 2017. Néanmoins, ce faible taux de chômage doit être temporisé. Il serait davantage lié à l'exode massif des jeunes, en particulier à destination du Danemark, qu'à la bonne santé de l'économie. Un exode pénalisant le développement d'industries et de services à haute valeur ajoutée tels que les TIC (technologies de l’information et de la communication).