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Héritage viking

Le Danemark abrite de fascinants témoins de la civilisation viking : les forteresses circulaires. Ces cercles parfaits, protégés par des remparts de terre, des palissades et des fossés, étaient divisés en quadrants par deux larges « rues » se coupant à angle droit et menant à quatre portes orientées chacune vers un point cardinal. Chaque quadrant accueillait plusieurs maisons longues. Avec leur silhouette aux murs légèrement bombés vers l’extérieur rappelant celle d’un navire renversé, elles impressionnent par leur taille et leur puissante architecture, l’ensemble étant soutenu par des piliers de bois intérieurs et extérieurs. Les parois étaient souvent protégées par une couche d’argile, tandis que le toit, en chaume le plus souvent, pouvait aussi être couvert de petites tuiles de bois. L’intérieur se découpe le plus souvent en trois espaces : deux petites pièces aux extrémités servant de chambres ou lieu de stockage, et une vaste salle principale le long de laquelle court le foyer central de la maison, à demi enterré. Trelleborg, Frykat et Aggersborg sont les plus célèbres forteresses vikings du pays.

Le site de Lindholm Hoje, lui, vous fera découvrir les rituels funéraires vikings. Ce vaste cimetière abrite près de 700 tombes délimitées par des pierres disposées selon d’étonnants schémas géométriques. Le site de Jelling fait, quant à lui, la transition entre les rites funéraires païens – comme en témoignent ces deux tumuli de tourbe abritant, pour celui du Nord, une chambre funéraire en chêne – et le culte chrétien – comme l’ont montré les vestiges des églises en bois retrouvés sous l’église actuelle. Charpentiers de génie, les Vikings ont su développer d’ingénieuses techniques comme l’assemblage en tenon et mortaise permettant aux rondins de bois de s’imbriquer parfaitement pour une solidité maximale, tandis que le bois lui-même pouvait être sculpté à des fins décoratives, notamment sur les pignons et portails.

Richesse médiévale

À partir des XIe et XIIe siècles, la pierre remplace le bois, comme le montre la très belle église en pierre de taille de Tveje Merlose à Holbaek. L’art roman se caractérise alors par des édifices plutôt massifs et ramassés avec nefs à plafonds plats et arcatures en plein cintre. Puis la pierre sera remplacée par la brique locale. Saint-Bendts de Ringsted et Notre-Dame de Kalundborg en sont les premiers exemples. La seconde, avec ses tours octogonales, n’est pas sans rappeler l’architecture byzantine, tout comme la cathédrale de Ribe, toute de grès et de tuf, avec son dôme à la croisée du transept. Son portail méridional est, lui, l’un des rares exemples de sculpture romane au Danemark.

À ne pas manquer non plus à Osterlars, sur l’île de Bornholm, les étonnantes églises romanes et… rondes ! Les églises rurales, notamment dans le Sjaelland, amorcent, elles, la transition avec le gothique. On les reconnaît à leurs murs blanchis à la chaux, leurs toits de tuiles rouges, leurs massives tours carrés et leurs galbes à redans. La cathédrale de Roskilde est sans doute le plus beau témoin du gothique danois. Sa silhouette de brique rouge dominée par deux tours surmontées de flèches élancées et ses hautes voûtes à croisée d’ogive sont autant de manifestes de cet art de la hauteur et de la légèreté… tout comme les superbes voûtes nervurées et les arches pointues de la cathédrale Saint-Knuds à Odensee.

Le Moyen Âge voit également se multiplier les édifices civils qui se parent aux couleurs du gothique. C’est l’avènement des hôtels de ville, témoins du pouvoir urbain. L’hôtel de ville d’Odensee, inspiré du Palazzo Pubblico de Sienne, et le Radhuskirken de Naestve, plus vieil édifice civil du pays, en sont les fiers représentants. Les villes s’organisent alors autour d’une place principale, torvet, et d’une grande artère commerçante, stroget, le reste se mêlant dans un enchevêtrement de ruelles pavées étroites… Une atmosphère pittoresque que des villes comme Aarhus ou Ebeltoft ont su parfaitement conserver.

Renaissance et Baroque

La Renaissance danoise porte clairement l’influence de la Hollande, ses édifices de brique rouge aux élégantes proportions multipliant pignons à volutes, tours surmontées de dômes et de flèches et riches décorations de grès. Le château de Kronborg, réalisé par des maîtres flamands, et le Palais de Frederiksborg, baptisé le Versailles danois, en sont les plus beaux représentants. Le second est l’œuvre de Christian IV, surnommé le roi bâtisseur. C’est à lui que l’on doit le développement de Copenhague et notamment du quartier de Christianshavn, centré autour du Kastellet, la citadelle de la ville, dont ne subsiste plus aujourd’hui que la Tour Jarmers. Dans ce nouveau quartier, comme dans de nombreuses villes du pays, apparaissent les maisons à colombages, reconnaissables à leur toit de chaume et à leur structure tout en longueur.

À Koge, vous pourrez admirer la plus ancienne maison à colombages du pays datant de 1527. Ne manquez pas non plus le quartier historique d’Aarhus avec ses superbes maisons rouges et jaunes. C’est également à Christian IV que l’on doit deux des plus étonnants édifices de la capitale : la Tour Ronde, dont la rampe tournant 7 fois et demie autour de la tour rappelle la Tour de Babel, et la Bourse, dont la flèche en spirale domine la ville de ses 56 m. Une architecture très personnelle dont les formes annoncent l’exubérant baroque et ses influences italiennes. L’église Notre-Sauveur de Copenhague, avec son escalier en colimaçon externe et sa flèche en spirale, s’inspire ainsi des œuvres de Franscesco Borromini, maître du baroque italien. Le baroque est aussi l’art de la mise en scène de la nature comme le montre le complexe de Fredensborg, inspiré des villas italiennes.

Copenhague va connaître de nouvelles grandes transformations sous l’impulsion de l’architecte Nicolaï Eigtved au style mêlant exubérance rococo et harmonie classique. C’est à lui que l’on doit le quartier de Frederiksstaden aux larges avenues bordées de somptueuses demeures bourgeoises convergeant toutes vers la grande place que domine le Palais Amalienborg, aux élégantes façades classiques abritant une surcharge ornementale toute rococo. C’est également à Eigtved que l’on doit la célèbre Marmorkirken, dont le dôme est inspiré de Saint-Pierre de Rome.

Néoclassicisme et romantisme national

Durement touchée par la Bataille de Copenhague de 1807, la capitale fait l’objet d’importants travaux de reconstruction mettant à l’honneur le style néoclassique. Le grand architecte de l’époque est Frederik Christian Hansen, célèbre pour la pureté formelle de son style, que certains qualifièrent d’austère et sévère, à l’image de sa Cour de justice à l’imposante façade de pierre ornée de colonnades. On lui doit également l’impressionnante cathédrale Notre-Dame dont la façade flanquée de colonnes doriques supportant un fronton sculpté rappelle celle des temples antiques…, tout comme le Musée Thorvaldsen inspiré du Parthénon.

Puis ces lignes classiques vont laisser place à un style historicisant cherchant à redéfinir l’identité nationale. C’est ce qu’on appelle le romantisme national. Les deux grands représentants de ce style sont Martin Nyrop et Vilhelm Dahlerup. Au premier, on doit l’hôtel de ville de Copenhague dont la silhouette rouge brique emprunte autant au gothique nordique qu’au gothique italien. Au second, on doit le musée d’Art national dont les lignes harmonieuses sont des emprunts directs à la Renaissance italienne, l’Hôtel d’Angleterre et surtout le grand complexe de la Brasserie Carlsberg mêlant décor antiquisant, inspiration florentine et puissance gothique. Ces formes historicisantes ont également accompagné les premiers élans de la modernité. La Gare centrale de Copenhague est ainsi un étonnant mélange de lignes médiévales et prouesses d’architecture métallique, tandis que la silhouette néogothique du Palace Hotel laisse apparaître de somptueux éléments Art nouveau, notamment de belles ferronneries aux courbes douces et harmonieuses.

Triomphe de la modernité

L’église de Grundtvig opère de façon spectaculaire la transition entre historicisme et modernité. La hardiesse de ses lignes verticales et sa silhouette de brique rouge sont des emprunts évidents au gothique, mais la distorsion de ses formes résulte d’un expressionnisme très moderne. La véritable modernité va faire son apparition avec Arne Jacobsen et sa Fremtidens Hus qui lui fit remporter, en 1929, le Concours de la Maison du Futur, grâce à des gadgets aussi géniaux qu’un système d’aspiration à poussière sous le paillasson. Jacobsen va ensuite poser les bases du modernisme organique scandinave, combinant rationalité, fonctionnalité, respect des matériaux et respect de l’environnement naturel. C’est à lui que l’on doit l’immeuble Bellavista à Klampenborg, l’hôtel de ville d’Aarhus, et l’hôtel de ville de Rodovre, superbe exemple d’une utilisation fonctionnelle de matériaux naturels dans un rendu sobre et élégant, teintant le style international de touches très personnelles.

L’autre grande figure de la modernité danoise est Jorn Utzon (créateur du légendaire Opéra de Sydney !) qui a su associer culture régionale et valeurs universelles, comme dans l’église de Bagsvaerd. Très sollicité lors de la reconstruction d’après-guerre, il a développé de nouvelles solutions d’habitat, comme avec ses Utzonian Houses, reconnaissables à leur silhouette de briques jaunes, à leurs murs s’étendant sur le terrain alentour et s’y intégrant ainsi parfaitement et à leurs grands espaces intérieurs tout en fluidité et lumière. La maison de l’architecte à Hellebaek en est le manifeste. On lui doit également des lotissements travaillés comme des compositions paysagères, comme le lotissement Kingo Houses à Helsingor dont les maisons en forme de L sont directement inspirées des fermes traditionnelles danoises.

Les musées aussi se font les vecteurs de la modernité, à l’image du musée des Beaux-Arts du Jutland du Nord réalisé par Elissa et Alvar Aalto, tout de marbre et de verre, dont les espaces intérieurs sont divisés par des cloisons mobiles offrant clarté et lumière.

Effervescence contemporaine

Le Danemark est une destination phare pour tous les férus d’architecture contemporaine. Vous pourrez y découvrir les réalisations de grands architectes internationaux, tels le Musée Juif du Danemark de Daniel Libeskind, l’extension du Musée Ordrupgaar signée Zaha Hadid, et la Maison Enchantée de Kengo Kuma à Odensee, structure inspirée des contes d’Andersen inaugurée en 2021. Mais vous découvrirez surtout l’incroyable vivacité de la création contemporaine danoise :

- le Diamant Noir de Copenhague de l’agence Schmidt-Hammer-Lassen (nouvelle aile de la Bibliothèque Royale en forme de cube tout de marbre noir et de verre fumé) ; le musée ARos à Aarhus, étonnant cube rouge aux espaces intérieurs circulaires ; le complexe résidentiel baptisé La Vague à Bolgen et l’Opéra de Copenhague, dont la structure en béton armé et la façade rehaussée d’une grille en acier firent quelque peu…polémique de Henning Larsen ! Pas de polémique en revanche pour Arken, structure émergeant des dunes imaginée par Soren Robert Lund.

Et c’est à l’agence 3XN que l’on doit les étonnantes tours torsadées du Bella Sky Hotel (plus grand hôtel design de Scandinavie) et Planète Bleue - le plus grand aquarium d’Europe à la silhouette ondulant comme une vague.

Mais la grande star de l’architecture danoise, c’est Bjarke Ingels : transformation du quartier d’Orestad avec des édifices tels le Big House (étonnant complexe résidentiel reprenant la forme d’un 8) ou The Mountain (prix du meilleur complexe résidentiel du monde en 2008) ; le Musée maritime à Helsingor aménagé dans un vieil embarcadère asséché, on y accède par des passerelles aux allures futuristes. Mais son projet le plus fou est sans aucun doute celui de CopenHill ou Amagger Bakke. Il s’agit d’un incinérateur à déchets imaginé comme une montagne artificielle. Au-dessus de la structure qui alterne briques en aluminium et grandes fenêtres de verre, le toit entièrement végétalisé se transforme en… piste de ski ! Une manière de rendre l’architecture durable et ludique. Autres de ses projets durables : les maisons biologiques convertissant les déchets agricoles en matériaux de construction… Et qui sait, peut-être certains architectes s’inspireront-ils des étonnantes maisons aux toits d’algues de l’île de Laeso pour imaginer la maison durable de demain ? En juillet 2023, Copenhague accueille en tant que Capitale mondiale de l’architecture le Congrès mondial de l’UIA-UNESCO !

Escapade aux Féroé

Les Féroé sont célèbres pour leurs maisons traditionnelles aux toits recouverts d’herbe. Inspirées des techniques élaborées par les Vikings, ces maisons de pierre sèche ou de bois sont recouvertes d’un toit composé de carrés d’herbes et de tourbes disposés sur des écorces de bouleau, l’ensemble assurant une parfaite isolation. Les maisons de Tjornuvik en sont de beaux exemples, tout comme la ferme médiévale de l’île de Koltur. Le centre-ville de Toshavn, lui, conserve le charme des petites cités médiévales avec ses ruelles étroites et ses maisons de bois. Sur le promontoire de Tinganes, les maisons de bois rouges abritant les instances gouvernementales donneraient presque au lieu des allures de village de poupée. Ne manquez pas non plus le village de Kirkjubur. Célèbre pour abriter l’une des plus vieilles maisons en bois d’Europe (une ferme en bois noir aux fenêtres encadrés de rouge), le village possède également une jolie petite église du XIe siècle aux murs chaulés de blanc et à la charpente en coque de bateau renversé, une tradition que l’on retrouve dans de nombreux villages de pêcheurs, peuplés également de petites maisons basses (pour éviter la prise au vent) et habillées de couleurs vives.

Mais l'archipel abrite aussi quelques belles réalisations contemporaines, à l’image de la Nordic House du norvégien Ola Steen, qui combine design moderne et toit végétalisé, ou du Glasir-Torshavn College, véritable tourbillon architectural porté par plusieurs architectes dont…Bjarke Ingels ! Et n’oublions pas les prouesses d’ingénierie réalisées pour relier les îles entre elles. Dernière en date : l’Eysturoyartunnilin reliant Streymay et Eysturoy et possédant sans doute l’unique rond-point sous-marin du monde. Méduse de pierre illuminée de bleu, ce rond-point est l’œuvre de l’artiste Trondur Patursson… un Féroïen évidemment !