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Art roman et architecture mudéjare et gothique

Sous le règne de Sanche le Grand (1004-1035), la Navarre est un puissant royaume. L’hégémonie navarraise se traduit par une floraison artistique tout au long du chemin de Saint-Jacques en Navarre, avec la construction de nombreuses églises, monastères et chapelles. La Rioja, sous domination Navarre à cette époque, bénéficie également de ce rayonnement architectural. En témoigne le monastère de Suso, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, dont Sanche le Grand ordonna l’ampliation (action d’agrandir et de compléter) et la restauration en 1030, dans le pur style roman.

Le style roman s’épanouit jusqu’au XIIe siècle, présentant à cette époque des influences musulmanes qui donneront naissance à l’architecture mudéjare. Les musulmans devenus sujets chrétiens du Royaume d’Espagne appliquent leur style architectural caractéristique à des édifices religieux (églises, mais aussi synagogues) et civils. Les arcs outrepassés et leurs variantes sont une des caractéristiques aisément identifiables : des arcs de cercle plus grands que des demi-cercles, évoquant des bulbes, achèvent la partie supérieure des fenêtres et des percées. C’est aussi aux mudéjares que l’on doit les premières utilisations d’azulejos, ces célèbres carreaux de faïence, sur la péninsule ibérique – et qui font aujourd’hui la renommée du Portugal. L’église San Bartoloméo à Logroño, dans la Rioja, remonte au XIIe siècle, ce qui fait d’elle la plus ancienne de la ville. C’est un magnifique exemple d’architecture romane mudéjare. Son originalité tient à sa tour-clocher, autrefois intégrée aux remparts, qui faisait partie intégrante du système défensif de Logroño. Ce n’est qu’à la destruction de ceux-ci que l’édifice a pu se distinguer, donnant à l’église la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

Au XIIIe siècle, la couronne de Navarre s’est unie au royaume de France. Sous l’influence française, le gothique pénètre alors en Espagne par la Navarre. Il s’exprime dans l’architecture religieuse, mais aussi dans la peinture, la sculpture et l’orfèvrerie. La cathédrale Santa María de Pampelune, et les principaux monuments d’Olite datent de cette époque. Le gothique ne se développe que plus tard au Pays basque, principalement à partir du XIVe siècle. L’essor des grandes villes à cette époque favorise la construction de nombreuses maisons, bâtiments administratifs et religieux, notamment à Vitoria-Gasteiz, où l’on peut admirer plusieurs constructions gothiques, dont on retiendra la cathédrale de Santa María, l’église de San Miguel et la Casa del Cordón.

Du style plateresque au baroque, en passant par la Renaissance

L’Espagne se distingue en Europe par une tradition ornementale qui a traversé les âges, s’adaptant aux époques en prenant toujours de nouvelles formes, et qui triompha même du classicisme épuré de la Renaissance.

Au XVIe siècle, les richesses issues de la découverte des Amériques permettent la construction ou la restauration de nombreux édifices. C’est à cette époque que se développe le style plateresque, qui marque en Espagne la transition entre le gothique et le style Renaissance à l’italienne.

Ce style se démarque par ses ornementations raffinées qui rappellent le travail d’un orfèvre, qui lui doit son nom : platero désigne un orfèvre travaillant l’argent. Ce style hybride est hérité aussi bien de l’architecture mudéjare que du gothique flamboyant. Il marque l’ascendant de l’ornementation sur la structure dans la conception des édifices. Ce sont donc les éléments de décor qui le caractérisent tandis que les structures conservent leur style gothique, et plus tard, classique. Il s’est décliné en deux périodes distinctes et consécutives, communément appelées gothique isabélin (1480-1520) et Renaissance plateresque (1520-1560). On trouve un magnifique exemple de cette dernière à Guipuscoa au Pays basque sur la façade et le patio de l’université Sancti Spiritus d’Oñati.

De la fin du XVIe siècle au milieu du XVIIIe siècle, le style baroque impose sa profusion ornementale aux codes de l’époque. Il marque le summum de l’architecture ornementale à l’espagnole. Il trouve son apogée au Pays basque avec la construction du sanctuaire de Loyola au XVIIIe siècle, chef-d’œuvre du baroque « churrigueresque » : nom donné à l’interprétation du baroque en Espagne, qui se caractérise par une surabondance dans l’ornementation. Il tient son nom d’une célèbre famille de sculpteurs de retables à Salamanque, les Churigguera. Ce style se veut un mélange de l’héritage ornemental passé avec encore plus de profusion, empruntant ici aux motifs mudéjares, là au plateresque, dans l’extravagance frisant l’excès qui le caractérise.

« L’effet Bilbao » et l’architecture contemporaine

L’architecture de la région ne connaît pas de grandes spécificités au cours du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe, et semble plutôt empruntée de-ci de-là à ses voisins européens. Cependant, il faut reconnaître la beauté de bâtiments à l’instar de la Gare de Bilbao Concordia (1898) à la façade jaune et verte d’acier et de verre caractéristique des terminaux ferroviaires de l’époque, suite à la découverte de ces nouveaux matériaux structurels. Les façades basques, de Bilbao à San Sebastián, en passant par Vitoria-Gasteiz se parent souvent de bow-windows aux montures blanches, plus ou moins ouvragées et abritant des loggias. Sur certaines, ces fenêtres en saillie courbe forment des blocs sortant irrégulièrement des bâtiments et composant un jeu géométrique original sur les façades. C’est une des spécificités de l’habitat urbain côté espagnol, qui n’a pas connu, comme chez son voisin français, l’essor du style néo-basque au cours du XXe siècle. S’il est difficile de caractériser précisément cet usage des bow-windows, on y retrouve en revanche différents styles. Leur emploi semble avoir parcouru la fin du XIXe siècle et s’être développé durant la première moitié du XXe.

Bilbao est sûrement l’emblème de l’architecture contemporaine de la région, si ce n’est de l’Espagne. En 1997, l’implantation du Guggenheim de Frank Gehry marque le renouveau de cette ancienne ville industrielle et un regain d’attrait touristique, significatif de dynamisme économique, pour en faire la cité cosmopolite d’aujourd’hui. Son dessin évoque le passé portuaire de la ville. Sa ligne organique et le titane de ses parois peuvent rappeler aussi bien des écailles qu’une coque effilée ou encore les voiles d’un navire. Cette coquille d’acier, de verre et de titane abrite en son sein un grand atrium – une des signatures de l’architecte – qui se déploie sur les différents étages du bâtiment. Les galeries se présentent sous forme de grands volumes qui accueillent les œuvres – la salle Richard Serra, et réalisées sur mesure pour accueillir les grandes plaques en acier oxydé de l’artiste est l’une des plus impressionnantes. Les formes des sculptures répondent à celles de l’architecte.

Les courbes extravagantes du musée de titane trouvent aujourd’hui un écho sur les façades vitrées du bâtiment du Département Basque de la Santé (COLL-BARREU Arquitectos en 2008) à l’étrange géométrie organique. Le métro est signé Norman Foster. Ses bouches vitrées évoquent un ver translucide sortant de terre pour avaler les voyageurs. L’architecte britannique a d’ailleurs été retenu pour la refonte du Musée des Beaux-Arts, dont les travaux devaient s’achever fin 2023.

L’espagnol Santiago Calatrava a quant à lui signé la passerelle Zubizuri (le « pont blanc » en basque), reconnaissable à ses courbes en opposition : la passerelle dessine un arc de cercle au-dessus du Nervion, tandis que l’arc structurel qui maintient celle-ci se déploie dans une courbe opposée. Avec l’œuvre de Gehry, c’est l’autre emblème de la capitale de la province de Biscaye. Cette profusion artistique et architecturale vaudra à la ville son élection au rang de Meilleure ville européenne en 2018.

Les bodegas de la D.O.C. (équivalent espagnol de l’A.O.C.) Rioja opèrent également une petite révolution en investissant des sommes colossales dans la construction de bâtiments avant-gardistes. Ainsi les Bodegas Ysios sont également signées Santiago Calatrava ; elles déploient leurs toitures qui ondulent, et reflètent comme une mer étincelante le ciel avec la sierra en arrière-plan. À préférer pour une balade des parties extérieures toutefois, l’accueil ayant bien mauvaise réputation.

Frank Gehry a aussi sévi en Rioja en imaginant une véritable cité du vin pour les Bodegas Marqués de Riscal. Des cascades de titane se répandent sur un bâtiment en béton, non sans évoquer un délire dionysiaque. Leurs reflets roses, or et argent rappellent autant la capsule des bouteilles de Marqués de Riscal que les couleurs du vin rouge qui fait la réputation de la Rioja. Là encore, une œuvre caractéristique du style envolé de l’architecte américain.

À San Sebastian, il faut à tout prix se rendre sur le parvis de l’auditorium Kursaal où les Deux rochers échoués (1999), signés Rafael Moneo qui, comme leur nom l’indique sont figurés par deux pavés inclinés trônant entre mer et terre. La nuit, ils s’illuminent entièrement, devenant un point de repère sur le bord de mer de San Sebastian. Conçus sur une structure à double paroi, un grand volume est laissé libre à l’intérieur des façades en acier et en verre, donnant accès à la salle de concert enfermée, comme prise dans un écrin, derrière des parois boisées. Du même architecte :  les archives générales et royales de Navarre, à Pampelune. Celles-ci reprennent  la forme du bâtiment initial, perché sur un rocher, dans un style plus épuré mais en utilisant les mêmes matériaux, ainsi qu’en reproduisant de façon stylisée des formes médiévales - telles que les tours et les percées.

Aussi à Pampelune, le centre hydrothermal Aquavox (2009) du basque J. M. Otxotorena, offre un bel ensemble rythmé. Sa façade est composée d’un mur rideau de béton qui rythme les percées de lumière qui viennent inonder les bassins. Une cure idéale pour les amateurs d’architecture !