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Arbre de Guernica © Roger De Marfà - iStockphoto.com.jpg
La culture du vin est importante dans la région de la Rioja © Eloi_Omella - iStockphoto.com.jpg

Des pouvoirs morcelés

La Constitution de 1978, établie après la fin du régime franquiste, a structuré l’État espagnol de manière singulière : le pouvoir est ainsi réparti entre le Roi, le gouvernement central et les communautés autonomes. L’Espagne est donc une monarchie constitutionnelle et Felipe VI, roi d’Espagne, règne depuis 2014. Chef de l’État, il ne gouverne pas ; ses compétences étant limitées. Il est chef des armées, il ratifie les lois, nomme le président du gouvernement central et peut dissoudre le gouvernement.

Ainsi, l’exécutif est mené par le gouvernement central. Le président du gouvernement, actuellement le socialiste Pedro Sanchez, est à la tête de l’exécutif et nommé pour 4 ans. Il est le leader de la majorité parlementaire, le jefe del gobierno. Le pouvoir législatif appartient au Parlement, ou Cortes generales. Il est composé du congreso de los diputados (Congrès des députés) et du senado (Sénat). Les plus importantes missions du gouvernement central concernent l’élaboration et la conduite de la politique intérieure et extérieure, l’administration civile et militaire et la défense de l’État, l’exercice du pouvoir exécutif et la réglementation conformément à la Constitution et aux lois, et enfin, l’élaboration des budgets généraux de l’État. 

Optant pour un système intermédiaire entre centralisme et fédéralisme, la Constitution de 1978 institue des gouvernements régionaux. La Catalogne et le Pays basque sont les premiers à y accéder en 1979. En dix mois, c’est l’ensemble des Espagnols qui demandent un statut pour leur région. 17 communautés voient le jour, disposant chacune d’un statut d’autonomie propre. Aragon, Navarre, Valence, Castille-et-León, Castille-La Manche, Andalousie, Murcie, Estrémadure, Galice, Asturies obtiennent un statut d’autonomie en 1981. Madrid, la Rioja et la Cantabrie obtiennent leur statut en 1983. La Communauté autonome a été définie selon des critères historiques, culturels et linguistiques. Les critères géographiques, voire démographiques, n’ont pas été retenus comme critères pertinents de cette division communautaire. Ainsi, l’Espagne a des communautés qui peuvent être très disparates (La Rioja représente 1 % du territoire en termes de superficie, contre 18,5 % pour la Castille-et-León).

Pays basque et Navarre, deux communautés spécifiques

Exceptions au sein des 17 communautés, les deux territoires disposent d’une capacité pour réglementer les impôts et d’une autonomie pour leur gestion. En contrepartie, l’Accord économique établit une quote-part que la Navarre et le Pays basque doivent verser à l'État espagnol pour faire face aux charges générales qui sont de la compétence exclusive du gouvernement central, telles les relations internationales, la défense et les forces armées. Ensuite, elles demeurent aujourd'hui encore des « communautés forales ». Pendant la Reconquista espagnole, de nombreux fueros furent accordés par les rois et seigneurs afin d'attirer une population catholique sur les terres reconquises. Ces fors garantissaient certains privilèges et libertés au peuple. En Navarre, les premiers fors sont rédigés en 1237 et établissent les droits juridiques des habitants du royaume. C'est ensuite le tour de la province d'Álava en 1483, du Guipúzcoa en 1491 et de la Biscaye en 1526. Ces fors sont à l'origine de l'actuelle autonomie politique, administrative et fiscale du Pays basque et de la Navarre. L'arbre de Guernica, en Biscaye, est le symbole des libertés basques depuis que les rois de Castille y ont prêté serment de respecter les fors basques. Aujourd'hui encore, le lehendakari (président de la communauté autonome basque, actuellement Iñigo Urkullu) vient prêter serment sous l'arbre au moment de sa prise de fonction.

Au-delà des partis nationaux, dont les principaux sont le PSOE (socialistes), le PP (conservateurs), Podemos (gauche radicale), Ciudadanos (centre-droit), Los Verdes (écologistes), Izquierda Unida (alliance de gauche), il existe un grand nombre de partis régionaux, qui opèrent au sein des Communautés. Voici les trois principaux partis du nord de l’Espagne : le Parti nationaliste basque (PNV), nationaliste centriste, qui bénéficie de la plus grande représentation au Parlement basque (28 sièges). Pratiquement tous les présidents du gouvernement basque depuis 1980 sont issus de ce parti ; deuxième force politique, avec 18 sièges, Euskal Herria Bildu, coalition politique nationaliste et indépendantiste créée en 2012 qui rassemble les partis de la gauche « abertzale » du Pays basque et de Navarre ; troisième force avec 11 sièges, Elkarrekin Podemos, coalition politique de gauche radicale.

La question de l'ETA

En plus des partis politiques, le Pays basque est caractérisé par la présence de l’ETA, ou Euskadi Ta Askatasuna (qui signifie Pays basque et Liberté), un mouvement politique qui a pris diverses formes depuis sa création en 1959, sous la dictature du général Franco. À ses débuts, cette formation a pour objectif la défense de l'identité basque face à l'oppression franquiste. Dans les années 1970, le mouvement se divise en une branche politique (qui renonce à la lutte armée en 1982) et une branche militaire, qui se radicalise et évolue en organisation terroriste. Malgré la signature du statut d'autonomie basque en 1979, l'ETA poursuit ses attentats. Les années 1990 sont marquées par le scandale du Groupe antiterroriste de libération, GAL, responsable de plusieurs dizaines de meurtres et d’actes de torture sur des membres de l'ETA, dont les liens avec les plus hauts échelons du gouvernement espagnol ont été prouvés. Dans les années 2000, l'ETA est affaibli par la mise hors la loi de Batasuna en 2003 (parti basque indépendantiste de gauche), puis par le renforcement de la collaboration policière entre la France et l'Espagne. Après une trêve avortée en 2006, l’organisation armée basque ETA annonce le 20 octobre 2011 « l’arrêt définitif de son activité armée », après plus de 50 ans de lutte pour l’indépendance du Pays basque, qui a fait plus de 800 morts. Le 20 avril 2018, l'organisation demande pardon à une partie des victimes dans un communiqué publié dans le journal basque Gara, avant d'annoncer sa dissolution unilatérale en mai.

Une instabilité politique nationale depuis les années 2000

L’Espagne contemporaine commence avec le premier mandat de José Luis Rodríguez Zapatero (2004-2008) est placé sous le signe de la croissance économique et des réformes sociales (dont la régularisation massive des sans-papiers, la légalisation du mariage homosexuel avec droit à l'adoption et la fin des cours obligatoires de religion dans les écoles publiques). Cependant, lors de son deuxième mandat (2008-2011), Zapatero se heurte à la crise économique qui frappe très durement le pays. Fin 2008, l'Espagne entre officiellement en récession et le chômage dépasse la barre symbolique des 20 % au printemps 2010. Cette période est également marquée par l'émergence du mouvement des « indignés ». Malgré la mise en place d'un plan d'austérité, les socialistes perdent la confiance des électeurs. Ainsi, lors des élections anticipées de novembre 2011, Mariano Rajoy (PP) connaît une victoire écrasante et obtient la majorité absolue pour gouverner. Il met alors en place une sévère politique d'austérité, qui n’empêche pas le pays de s'enfoncer dans la récession, avec un taux de chômage à 26 % – la colère populaire augmente violemment. La pression des marchés conduit le gouvernement à solliciter le sauvetage des banques au cours de l'été 2012. La même année, les nationalistes basques reviennent au pouvoir : Iñigo Urkullu devient le cinquième lehendakari de l’histoire démocratique basque. En octobre 2013, la doctrine Parot, un système de remise de peine qui permet de maintenir les détenus en prison jusqu'à la limite des 30 ans prévue par la loi, est condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette décision entraîne la libération de dizaines de détenus espagnols, en majorité des prisonniers de l'ETA. En décembre 2019, le Parlement Basque réclame « un droit des citoyens à décider ». Du côté de la Catalogne, des velléités d’indépendance se font également entendre.

Sur le plan politique, l’année 2015 a été marquée par l’irruption de deux nouveaux venus, Podemos et Ciudadanos qui ont perturbé le classique bipartisme d’exercice du pouvoir en Espagne. Conséquence des résultats des élections législatives de décembre 2015, l’Espagne a connu en 2016 la plus longue crise gouvernementale de son histoire avec 315 jours sans gouvernement à sa tête. Une crise résolue partiellement le 29 octobre 2016, avec l’élection de Mariano Rajoy comme président du gouvernement.

En 2018, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy est renversé par une motion de censure. Le socialiste Pedro Sanchez lui succède, mais s’empêtre, et le pays avec lui, dans une instabilité chronique. Après deux élections législatives sans majorité, il parvient finalement à être élu en 2020 grâce à une coalition inédite depuis Franco, les petits partis de gauche dont les nationalistes basques du PNV et Podemos (gauche radicale).

Des régions prospères économiquement

Au Pays basque, la tradition industrielle remonte au XIXe siècle, avec les mines de fer. Jusqu'au début du XXe siècle, elle est la seule région d'industrie lourde d'Espagne, mais la crise des années 1980 entraîne la région dans la reconversion industrielle. La construction du musée Guggenheim à l'emplacement d'une ancienne usine sidérurgique est le symbole de cette nouvelle étape. Plusieurs grandes entreprises cotées à l'Ibex 35 ont leur siège social au Pays basque. Le secteur primaire, en perte de vitesse, demeure florissant dans le domaine de la pêche, activité traditionnelle du Pays basque. Mais c'est le secteur des services, avec plus de 60 % du PIB basque, qui génère le plus de richesses.

En Navarre, le développement industriel s'est produit bien plus tardivement, vers la moitié du XXe siècle. L'automobile, l’industrie agroalimentaire et les biens d’équipement sont les secteurs d’activité les plus importants. La production agricole et l’élevage représentent une faible proportion du PIB, mais jouissent d'un important rayonnement, avec plusieurs dénominations d’origine. Enfin, le secteur des services génère plus de la moitié du PIB.

En Rioja, le secteur primaire représente 7 % du PIB de la région, principalement grâce à la culture du vin (plus de 40 % de la production agricole). Il s'agit de la troisième région agricole d'Espagne après l'Estrémadure et Castille-La Manche.

Depuis longtemps, l’importance de l’industrie du tourisme dans l’économie nationale n’échappe plus à personne. Rappelons que l’Espagne est le deuxième pays le plus visité au monde, après la France. Cependant, le tourisme en Navarre, au Pays basque et dans la Rioja s'est développé plus tardivement que dans le reste du pays. Ces régions misent sur le tourisme vert, culturel, gastronomique et œnologique, attirant principalement un tourisme national.