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Les musiques et danses traditionnelles

Comment penser au sud de l’Italie sans rêver de ses tarentelles ? Née dans la région, aux alentours du XVIIIe siècle, cette grande famille de danses possédait à l’origine une fonction thérapeutique puisqu’elle servait d’antidote à la morsure de la tarentule (d’où son nom). Très populaire dans les Pouilles, en Calabre ainsi qu'à Naples, sa forme varie selon les régions. Par exemple, dans les Pouilles, et particulièrement dans la péninsule du Salento, on trouve la très célèbre pizzica. Issue de la famille de la tarentelle, cette danse effrénée s’exécute en duo, parfois mixte, les pas obéissant aux tambours. Des violons, accordéons ou zampogna (cornemuses) peuvent également accompagner la danse. Une voix incontournable du pizzica est Enza Pagliara, artiste du Salento qui constitue une excellente porte d’entrée pour découvrir les sonorités de la région. En Calabre, la tarentelle est assez proche de la pizzica et se pratique aussi en couple mais dans une ronde dansante et mouvante appelée rota (roue), un « maître de danse » désignant les danseurs à l’intérieur de la rota.

La musique traditionnelle calabraise est particulièrement axée autour des différentes formes de zampogna, la cornemuse du sud de l’Italie. Au même titre que l’ensemble des musiques et danses de la région, les esthétiques calabraises ont connu un renouveau incontestable ces dernières années, portées par une scène hyper dynamique. Ses ressortissants les plus intéressants sont sans aucun doute le groupe Re Niliu, qui mélange traditions et instruments calabrais et musique du monde, tout comme le groupe TaranProject à la démarche très proche tandis que le groupe Kalamu associe plutôt musique tzigane, ska, folk et tarentelle. En Basilicate, il est intéressant de noter que de nombreux musiciens originaires de la région deviennent itinérants à la fin du XIXe siècle et s’installent notamment aux États-Unis. C’est ainsi que Carlo Curti (1859-1926), musicien originaire de Gallicchio, a popularisé la mandoline dans la musique américaine, amorçant même un engouement national pour l’instrument.

Un des témoignages les plus frappants du renouveau des traditions musicales du sud de l’Italie est le succès de la Notte della Taranta. Depuis 1998, Melpignano, petit village de la campagne du Salento, accueille chaque été cette nuit de la taranta, grand moment de musique traditionnelle des Pouilles, offrant son lot de pizzica. Autrement, des célébrations comme la Festa d’Autunno, en novembre dans le charmant bourg de San Donato di Ninea, ou la Festa di San Giuseppe, en mars à Ferrandina, sont d’excellentes occasions d’entendre les musiques traditionnelles du sud et d’assister, bien sûr, à des danses.

La musique classique

Pendant longtemps, l’aura de la voisine Naples semble attirer et concentrer toute l’énergie musicale du sud de l’Italie sans vraiment dégorger sur ses voisines que sont les Pouilles, la Calabre ou la Basilicate. Au XVIe siècle, Naples est même, avec Paris, une des capitales mondiales de la musique. C’est à cette époque qu’apparaissent des figures comme le compositeur de Venosa (Basilicate) Don Carlo Gesualdo (1566-1613), joueur de luth et auteur de beaux madrigaux (pièces vocales polyphoniques sur un texte profane). Après lui vont éclore ici et là quelques noms de manière éparse comme Egidio Duni (1709-1775), sorte de précurseur de l’opéra-comique, puis plus récemment le grand flûtiste Leonardo De Lorenzo (1875-1962), qui officie notamment au sein du New York Symphony Orchestra sous la baguette de Gustav Mahler, ou encore la mezzo-soprano Anna Bonitatibus.

Dans les Pouilles, si Giovanni Paisiello (1740-1816) fut l'un des compositeurs italiens les plus populaires de son temps, le grand nom de la région est évidemment Umberto Giordano (1867-1948). Ce natif de Foggia est parvenu à s’installer au Panthéon des grands compositeurs italiens grâce à son célébrissime opéra de 1894 : Andrea Chénier. Inspiré de la vie du poète André Chénier, guillotiné lors de la Révolution française, cette œuvre lui apporte une reconnaissance internationale. En plus d’être une figure du mouvement vériste – l’équivalent lyrique du naturalisme littéraire –, cet opéra a été le point de départ de nombreuses carrières de ténors dans le rôle-titre. Et en parlant de ténors, les Pouilles sont le berceau de l’un des plus grands du pays : Tito Schipa (1888-1965). Originaire de Lecce, « le prince des ténors » compte parmi les chanteurs d’opéra qui marquèrent de leur voix le XXᵉ siècle. En Calabre, hormis le compositeur Nicola Antonio Manfroce (1791-1813), dont le nom revient de temps en temps, l’enfant du pays est définitivement Francesco Cilea. Lui aussi proche du vérisme, Cilea a notamment écrit L'Arlesiana, opéra en trois actes tiré de L'Arlésienne d’Alphonse Daudet.

C'est un artiste éminent dont le nom a naturellement été donné à l’opéra de Reggio de Calabre. La région compte quelques autres scènes notables comme le Teatro Politeama de Catanzaro, consacré entièrement à l’opéra, ou le Teatro Rendano, de Cosenza, réputé pour son excellente acoustique et sa programmation lyrique. En Basilicate, on trouve à Matera le Teatro Egidio Romualdo Duni, où l’orchestre provincial de Matera donne régulièrement des concerts. À Potenza, est installé le Teatro Francesco Stabile, principal opéra de la région et réplique, en plus petit, de l’opéra San Carlo de Naples. Dans les Pouilles, enfin, on trouve à Bari le Teatro Petruzzelli, opéra construit en 1903. Quatrième plus grand opéra d’Italie, il a vu quelques pontes fouler sa scène, d’Herbert von Karajan à Rudolf Noureev en passant par Riccardo Muti. Centre de la vie musicale de la ville et de la province de Bari, le Teatro Petruzzelli abrite également l’Orchestre symphonique de Bari, un des ensembles les plus importants de la moitié sud du pays. Et, bien sûr, tous les mélomanes le savent, les Pouilles sont également le lieu du Festival della Valle d’Itria. Festival dénicheur de nouveaux talents depuis 1975, cet évènement de renommée internationale ravit tous les passionnés de musique classique, lyrique et d’opéra, chaque année en juillet et août. C'est l'une des manifestations culturelles les plus importantes du sud de l’Italie.

La musique populaire

À l’instar de Naples, le sud italien est une région de chant, et par conséquent de chanteurs, et l’on trouve quelques noms de la région qui ont marqué le pays. À commencer par Otello Profazio, grande voix de la Calabre qui a interprété les chants populaires de la région et trempe ses textes et mélodies des mythes et couleurs de la région. Toujours en activité, il est l'un des chanteurs les plus aimés du sud du pays et l’un des chanteurs les plus calabrais qui soient. En Calabre toujours, citons Mino Reitano, Mia Martini et sa sœur Loredana Bertè, tous trois très populaires dans la variété des années 1970, Rino Gaetano, chanteur connu pour sa voix et ses textes, Sergio Cammariere, plus jazz, ou Brunori Sas, plus pop-rock.

Les Pouilles aussi ont été un terreau particulièrement fertile pour la chanson. Parmi les artistes les plus connus citons Matteo Salvatore dont Italo Calvino louait les textes, Al Bano dont on se souvient surtout du duo qu’il formait avec sa femme et muse, Romina Power, Domenico Modugno, dont le hit Nel blu dipinto di blu reste éternel (il s’agit du fameux Volare), ou encore Checco Zalone, chanteur parodique dont le personnage de beauf a fait hurler de rire les Italiens.