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Aux origines

L’histoire des Pouilles, de la Calabre et de la Basilicate est millénaire, comme en témoignent les dolmens et menhirs jalonnant le Salento notamment. Mais la véritable richesse de ces régions réside dans le témoignage qu’elles donnent de la Magna Grecia et de ses cités prospères. A Métaponte, vous découvrirez ainsi une partie des murailles qui ceignaient la ville, mais aussi des vestiges de son agora et de son bouleutérion (salle du conseil), et surtout les 15 colonnes du temple dorique dédié à Héra surnommé les Tables Palatines. La ville abrite également les vestiges de son kerameikos ou quartier des potiers avec ses nombreux fours. Héraclée, autre cité de légende, possède encore les contours réguliers du plan en damier inventé par les Grecs, duquel ressort la plateia, avenue principale longue de 1,5 km. Autre site incontournable : Locri avec les vestiges des murailles cyclopéennes qui la protégeaient et son tracé en damier couplé d’un ingénieux système de conduites d’eau. Mais pour voir les deux dernières colonnes encore debout d’un des plus anciens temples de la Magna Grecia, c’est à Tarente qu’il faudra vous rendre. Quant à la légendaire colonne levée du Cap Colonna ayant appartenu au temple d’Héra Lacinia (qui en comptait 48), elle apparaît comme l’ultime témoin de cette splendeur passée. De la période romaine, il reste peu de vestiges. Lecce abrite l’unique théâtre romain des Pouilles. La ville possède également une imposante colonne romaine, pendant de celle de la ville de Brindisi qui marquait l’extrémité de la célèbre Via Appia. Canosa di Puglia possède les vestiges d’un très beau temple dédié à Jupiter auquel on accède par un escalier de briques, tandis que, non loin, un pont sur l’Ofanto, avec ses belles voûtes en plein cintre, témoigne du génie civil romain. La plupart des vestiges de l’époque romaine appartiennent en réalité désormais au monde souterrain… En effet, beaucoup de temples, basiliques et même thermes ont servi de fondations aux premiers édifices chrétiens. La Basilique de San Leucio à Canosa di Puglia reprend ainsi tous les éléments du temple païen sur lequel elle est construite : cella encadrée de deux grands vestibules, colonnes doriques et ioniques peintes, mosaïques polychromes. Un syncrétisme que l’on retrouve dans les étonnantes grottes de Matera. Existant depuis la Préhistoire, elles abritent des églises rupestres dont certaines possèdent de belles fresques byzantines. Une influence byzantine que l’on retrouve quelques siècles plus tard dans la Cattolica de Stilo, devenue célèbre grâce à la perfection de ses proportions et à son plan en croix grecque surmonté de 5 dômes à haut tambour, plan alors très répandu dans le grand Empire byzantin. Le sud de l’Italie est davantage gréco-byzantin que romain !

Etonnant Moyen Age

Les premiers à avoir imposé leur marque sont les Normands. Leurs châteaux se caractérisent par des volumes massifs dominés par de puissantes tours, à l’image de la tour de San Marco Argentano, ancien fief du légendaire Robert Guiscard. Les premiers édifices religieux normands témoignent d’une grande sobriété (surtout la cathédrale d’Andria) et là encore d’un étonnant syncrétisme. La cathédrale de Gerace, la plus grande de Calabre, possède 3 nefs soutenues par 40 colonnes antiques ; tandis que Santa Maria d’Anglona, édifiée par les Byzantins sur un ancien temple antique, fut reconstruite par les Normands qui lui ajoutèrent un très beau campanile, attribut phare des édifices religieux de l’époque. Ce syncrétisme constitue l’ADN de l’architecture de ces régions, comme en témoigne l’évolution de l’art roman. Cathédrales et églises vont progressivement se parer des atours de ce que l’on a appelé le roman apulien. Entre art de la haute Antiquité, imaginaire germanique, rigueur formelle byzantine et abondance décorative arabe, cet art roman est au carrefour de toutes les influences. Rosaces, arcs suspendus et chapiteaux sculptés aux formes d’un bestiaire mêlant créatures fantastiques et imagerie chrétienne comptent parmi les grands attributs de ce style. La basilique San Nicola de Bari en est le plus beau des manifestes. Voyez sa majestueuse façade ornée d’arceaux et de fenêtres géminées et ses puissants volumes rythmés par des frises et autres bandes lombardes aux arcatures aveugles. La cathédrale de Bitonto, elle, impressionne par la sobriété de ses lignes que vient rehausser son étonnant portail d’où surgissent lions et griffons. Autres incontournables : le Duomo Vecchio di San Corrado à Molfetta, célèbre pour ses coupoles pyramidales de proportions différentes, et la cathédrale de Troia avec sa rosace en pierre à 11 pétales reliés par des arceaux de marbre polychrome. Et ce ne sont là que quelques exemples de ces « fleurs de pierre » qui jalonnent l’Italie du Sud ! Autres incontournables: les forteresses de l’empereur Frédéric II. Le long de la Popilia, ancienne voie romaine, il a fait reconstruire les anciennes fortifications normandes, à l’image de la forteresse de Consenza à laquelle il a fait ajouter 4 tours octogonales. En parallèle, le souverain a construit de nouveaux châteaux, tels celui de Gioia del Colle avec ses imposantes murailles et celui de Bari avec sa forme trapézoïdale flanquée de 4 tours. Mais le grand chef-d’œuvre de Frédéric II est Castel del Monte, surnommé la « couronne des Pouilles ». De forme octogonale, le château est flanqué de 8 tours octogonales et organisé autour d’un patio central lui-même octogonal. A cette dimension symbolique s’ajoutent la richesse des décors en marbre, mosaïque et stuc et l’incroyable modernité des installations : le château possédait des cabinets d’aisance et des conduites encastrées dans les murs pour acheminer l’eau ! Châteaux et cathédrales surplombaient alors des bourgades à l’urbanisme typiquement médiéval fait d’un enchevêtrement de ruelles étroites, de passages voûtés et de rues en escaliers bordées de maisons à arcades et menant à des places aux formes irrégulières et bordées de portiques. La Citta Vecchia de Bari, de même que le village de Monte San’Angelo, ou bien encore Lucera ont su conserver ce charme médiéval. Lucera possède également une très belle cathédrale portant la marque du gothique angevin, de même que 900 m de murailles érigées par Charles d’Anjou.

Effervescence baroque

Le XVIe siècle est marqué par l’adaptation des châteaux aux évolutions de l’artillerie, à l’image du château de Barletta qui se voit ainsi adjoindre 4 bastions d’angle abritant chacun 2 salles circulaires superposées destinées à recevoir des canonnières. Mais c’est au siècle suivant que le sud de l’Italie, et notamment les Pouilles, va connaître une période de faste architectural avec l’avènement du baroque. Lecce devient même la « Florence du baroque ». Toute la ville porte les couleurs de cet art du décor et de la théâtralité. Balustrades, corniches et fenêtres croulent littéralement sous les guirlandes aux motifs végétaux ou marins, les angelots et cariatides aux courbes arrondies, et les colonnes torses, tous finement ciselés telle de la dentelle. Cette précision décorative est permise par l’emploi de la pierre de Lecce, une pierre calcaire blanche et friable au départ et qui se dore progressivement, ce qui lui vaut la dénomination de pietra dorata. Les sculpteurs disent qu’un simple coup d’ongle dans la pierre peut durer des centaines d’années ! Le grand maître de ce baroque est Giuseppe Zimbalo, surnommé « le Gitan ». C’est à lui que l’on doit tout ou partie des grands fleurons baroques de la ville, à commencer par la somptueuse basilique Santa Croce. Dans sa partie inférieure, sa façade est d’une étonnante sobriété, mais dans sa partie supérieure, c’est une véritable féerie de pierre : consoles en forme d’animaux étranges, rosaces, feuilles, coquillages et rubans se juxtaposent dans une débauche décorative à faire tourner la tête ! Martina Franca est l’autre grand lieu phare du baroque. N’y manquez pas : la collégiale San Martino, le Palazzo Ducale avec son balcon en fer forgé et ses fresques, ou bien encore l’église del Carmine avec sa coupole octogonale et son autel en marbre polychrome. A cette effervescence baroque succèderont les lignes apaisées du classicisme. A Caserta, le grand architecte Luigi Vanvitelli réalise le Palazzo Reale, un des plus grands palais royaux d’Italie. Jugez plutôt : 1 790 fenêtres, 94 escaliers, plus de 1 000 pièces décorées de stucs et peintures et de somptueux jardins peuplés de jeux d’eau, fontaines et kiosques. Objectif : rivaliser avec Versailles !

Architecture moderne et contemporaine

Le XIXe siècle est une période de renouveau urbanistique pour de nombreuses villes, à commencer par Bari dont Murat lance la construction du Borgo Nuovo, surnommé Murattiano. Suivant les lignes d’un rigoureux plan en damier, le nouveau quartier se divise en lotissements carrés ou rectangulaires, entre lesquels s’intercalent de nombreux espaces verts, l’ensemble étant découpé par de grandes avenues arborées. L’architecture qui accompagne ce renouveau se pare des atours du néoclassique. Les théâtres Piccini et Petruzelli, de même que le Palazzo Ateneo, comptent parmi les élégants témoins de ce style aux lignes sobres et épurées. La fin du XIXe siècle annonce également le triomphe de la modernité avec une prouesse d’ingénierie civile : le Ponte Girevole de Tarente avec son grand arc métallique en réalité composé de deux branches fonctionnant indépendamment autour d’un pilier central. Le séisme de 1908, lui, change à nouveau le visage de Reggio de Calabre que l’on reconstruit selon un plan en damier jalonné d’édifices parés aux couleurs d’un éclectisme baptisé « style humbertien ». Le Palazzo Corrado Alvaro avec ses marbres et son allure de palais Renaissance et la Villa Zerbi avec ses arches gothiques, sa loggia Renaissance et ses colonnes antiques en sont les plus beaux exemples. La ville abrite aussi des exemples de Liberty, l’Art nouveau italien, comme le Palazzo San Giorgio ou le Palazzo Melissari-Musitano, étonnant mélange de rigueur néoclassique et de Liberty. Durant la période fasciste, Bari se transforme à nouveau : le port s’agrandit, tandis qu’un lungomare vient redessiner le front de mer. La ville se dote également d’un nouveau quartier, celui de la Foire du Levant, et d’un nouveau réseau de distribution d’eau. En matière architecturale, les édifices de l’époque se font monumentaux et épurés, empruntant aux codes de l’Antiquité, à l’image du Musée national de Reggio de Calabre, œuvre de Marcello Pacentini, même si certains empruntent à d’autres époques, tel le Palazzo del Governo de Tarente aux atours résolument médiévaux. A partir des années 1950, la plupart des grandes villes de Calabre, des Pouilles et de Basilicate sont ceinturées de béton, tandis que de nombreuses usines apparaissent dans les zones reculées, d’où leur surnom de « cathédrales du désert ». Fort heureusement, à partir des années 1990, d’autres voix se font entendre, à commencer par celle du grand architecte Renzo Piano. C’est à lui que l’on doit la structure légère et modulable du stade San Nicola de Bari, et surtout l’un des plus grands complexes religieux jamais construits : l’église Padre Pio à San Giovanni Rotondo. 30 000 m3 de ciment, 22 arcs en pierre s’appuyant sur un pilier central de 4 m de diamètre, une travée principale de 50 m, 60 tonnes d’acier, 500 m2 de verre, la création de systèmes antisismiques… Ce sanctuaire est une prouesse architecturale ! En parallèle, les architectes contemporains multiplient les réhabilitations d’anciennes manufactures et imaginent des villas faisant la part belle aux matériaux naturels dans un souci constant d’intégration à l’environnement. Bart Conterio, lui, a repensé le Risorgimento Resort en remettant au goût du jour des techniques ancestrales, telle celle des camere dello scirocco, chambres souterraines creusées dans la roche et destinées à rafraîchir les pièces en surface. Un lien entre passé et présent qui caractérise l’œuvre d’Edoardo Tresoldi à qui l’on doit l’incroyable treillis métallique reconstituant les volumes de la basilique paléochrétienne Santa Maria de Siponto. Entre illusion et réalité, cette œuvre est une véritable sculpture architecturale. Enfin, Reggio de Calabre devrait bientôt accueillir un Musée de la Méditerranée aux courbes rappelant les formes d’une étoile de mer et imaginé par la célèbre Zaha Hadid !

Insolites trésors vernaculaires

Revenons d’abord sur les légendaires sassi (littéralement pierres/cailloux) de Matera. Utilisées dès la Préhistoire, ces grottes ont longtemps abrité des familles de paysans qui y vivaient dans le plus grand dénuement, et le plus souvent avec leurs bêtes, ces dernières occupant la partie arrière de la grotte. Evacués entre 1952 et 1977, les sassi font aujourd’hui l’objet d’importantes campagnes de réhabilitation et de restauration. A vous donc cet incroyable enchevêtrement d’ouvertures béantes, de façades de pierre plaquées contre la roche, de simples cabanes et de belles demeures creusées dans la roche, et de caves à vin côtoyant des églises rupestres romanes et baroques ! Autres étonnantes réalisations architecturales : les trulli des Pouilles. Leur nom viendrait du grec troullos signifiant coupole, leur principe de construction étant basé sur celui de la fausse coupole. Leur toit est en effet réalisé en cercles concentriques faits de plaques de lauze que l’on superpose les unes sur les autres sans mortier, créant à l’intérieur un voûtement en encorbellement. La coupole se termine par un pinacle décoratif, tandis que la lauze est décorée de motifs symboliques peints en blanc. Généralement chaque pièce est surmontée d’un toit, créant une étonnante succession de coupoles et de cônes de pierre. De plan carré ou circulaire, ces petites maisons sont toujours blanchies à la chaux. Ces « mamelons de pierre » seraient les directs héritiers des maisons en pain de sucre du Moyen-Orient dont les moines revenant de Terre Sainte auraient ramené le modèle. Pour découvrir cette architecture, rendez-vous à Alberobello, village abritant pas moins de 1 500 trulli dont l’incroyable Trullo Sovrano avec 2 étages et 12 toits ! Enfin, ne manquez pas les belles masseria, fermes fortifiées construites entre les XVIe et XIXe siècles et qui tirent leur nom du massero, le fermier qui les exploite. Entourées de terrasses et d’oliveraies, organisées autour d’une cour centrale, ces fermes aux murs blanchis à la chaux se caractérisent par des volumes simples et une architecture fonctionnelle. Aujourd’hui, beaucoup ont été réhabilitées et transformées en hôtels de luxe ou en gîtes agrotouristiques !