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Une économie à plusieurs vitesses

Après la Seconde Guerre mondiale, la création de la « Cassa per il Mezzogiorno » (littéralement la « Caisse du Midi ») fut salvatrice pour une région minée par l’enclavement, la précarité et une émigration endémique. L’action de cet organisme, institué en 1950 pour régler la « question du Sud de l’Italie », s’est déroulée en deux étapes : de 1950 à 1960, la Cassa s’est attachée à moderniser les infrastructures des régions (construction de routes, irrigation, bonification des terres, reboisement) ainsi qu’à améliorer les conditions foncières. A partir de 1960, la Cassa a porté tous ses efforts sur le secteur industriel, en tentant d’attirer les capitaux vers les pôles de développement du Sud. Le bilan de ce vaste plan d’actions s’est soldé par des résultats visibles mais non révolutionnaires : le revenu moyen par habitant reste inférieur à la moyenne nationale.

Par ailleurs, le taux de chômage dans le Mezzogiorno demeure interpellant avec une moyenne à 16% : dans les Pouilles, il représente 14,3% de la population active, et 18,8% en Calabre (chiffres du 3e trimestre 2019). Avec 9,5% de chômeurs, la Basilicate présente un taux légèrement inférieur au pourcentage national (9,8%). D’après un rapport alarmant publié par Eurostat en 2019, quatre des cinq régions européennes présentant le taux d’occupation le plus faible se trouvent dans le sud de l’Italie : il s’agit des Pouilles (49,4%), de la Calabre (45,6%) de la Campanie (45,3%) et de la Sicile (44,1%). Ces chiffres prennent en considération la population âgée entre 20 et 64 ans. Par comparaison, la moyenne européenne est de 73%, celle de l’Italie est de 63%. Les tranches de la population méridionale les plus touchées sont les femmes et les jeunes de moins de 35 ans, qui ne sont donc ni actifs sur le marché du travail ni en demande d’emploi.

Dans l’ensemble du Mezzogiorno, la région des Pouilles est celle qui connaît la situation économique la plus favorable. Le revenu par habitant est un peu plus élevé que la moyenne nationale, et il est très supérieur à la moyenne de la zone méridionale. Cela est dû à la croissance du secteur tertiaire et de l’industrie. La Calabre, en revanche, est la région la plus pauvre d’Italie, et la Basilicate demeure peu développée sur le plan économique ; l’une et l’autre souffrent d’un manque d’infrastructures et de leur situation marginale face aux marchés. Sans oublier, pour la Calabre, les activités de la ‘Ndrangheta qui alimentent une économie parallèle.

L’agriculture, point fort de l’économie du Mezzogiorno

L’agriculture a entamé sa phase de modernisation avec la réforme agraire des années 1950. L’exemple le plus frappant de cet essor est présenté par la zone du Tavoliere, actuellement la plus riche des Pouilles, caractérisée par la culture intensive du blé et de la tomate. Dans les Pouilles, la monoculture domine : on peut citer les oliviers des Murge et du Salento, les vignobles et les arbres fruitiers de la région de Bari. D’autres produits de l’agriculture, notamment les artichauts, les salades, le raisin de table et les amandes, complètent la liste. En Basilicate, la réalisation d’ouvrages d’irrigation a permis, à côté de la production de céréales, de développer les cultures d’agrumes et d’oliviers. En Calabre, la culture des agrumes est la principale ressource de la région, avec l’huile d’olive, le vin DOC et le bois.

La place discrète de l’industrie

Les trois pôles industriels des Pouilles composent un triangle formé par Tarente, Bari et Brindisi. Une quarantaine de groupes internationaux, actifs dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, de la chimie et des technologies de l’information et de la communication (TIC), est installée dans la région. C’est le cas, par exemple, de l’entreprise Getrag, spécialisée dans l’équipement automobile, et de la multinationale Bosch: chacune possède un siège à Modugno près de Bari.  Brindisi s’illustre dans les secteurs de la pétrochimie et de l’énergie électrique avec la présence sur son territoire de trois centrales thermoélectriques et d’un vaste parc photovoltaïque. Quant à Tarente, elle accueille depuis 1961 le plus grand pôle sidérurgique d’Europe. Celui-ci a contribué à relever l’économie de toute une région durant les premières décennies, mais il a subi la crise de l’acier des années 1980 alors qu’en même temps, des voix s’élevaient pour dénoncer l’impact environnemental de l’implantation et le nombre inquiétant de cas de tumeurs chez les habitants vivant à proximité. En 2012, une partie du site a même été mise sous séquestre pour graves violations environnementales. Diminution de la production, mise au chômage d’employés, rachat annoncé par Arcelor Mittal, mais finalement annulé en novembre 2019, ont marqué l’histoire récente de l’aciérie.

A l’inverse, le secteur industriel s’avère peu développé en Calabre : on citera la présence d’industries de la pétrochimie et de la mécanique autour des villes de Reggio di Calabria, de Vibo Valentia et de Crotone.

En Basilicate, outre la production d’énergie hydroélectrique et la découverte récente de gisements de gaz naturel et de pétrole, les usines Fiat de la région de Melfi sont parmi les plus modernes d’Europe.

Le tourisme, moteur essentiel de l’économie

Le tourisme, d’abord balnéaire, s’est peu à peu implanté dans les Pouilles depuis les années 1990. La présence de cités d’art, comme la baroque Lecce et la byzantine Otranto, a beaucoup compté dans l’attrait exercé par le territoire, enregistrant des chiffres de fréquentation record ces dernières années. Ce récent développement touristique explique en partie la croissance économique des Pouilles, mais est également à l’origine de l’augmentation parfois désordonnée de nouvelles implantations qui ont agi négativement sur les conditions environnementales. Région oubliée et cachée, la Basilicate voit dans le tourisme un moyen de rebondir économiquement. Les efforts ont été portés sur la valorisation du littoral, et plus récemment sur la promotion de la ville de Matera, Capitale européenne de la Culture en 2019. Enfin, la Calabre séduit de plus en plus de touristes, attirés par ses magnifiques plages. L'enjeu reste de valoriser l'image de la région, trop associée aux affres de la mafia.

Le crime organisé

Et parlons-en, de la mafia ! Le crime organisé, encore important dans cette partie du Mezzogiorno, contribue à alimenter l’économie parallèle du pays.

Née en Calabre, la ‘Ndrangheta occupe la position peu reluisante d’organisation mafieuse italienne la plus puissante à l’heure actuelle. Son nom est dérivé d’un mot grec qui signifie « héroïsme et vertu ». Outre l’importation de narcotiques provenant du Triangle d’or asiatique, l’organisation fait pression sur toutes les entreprises de Calabre pour les empêcher de s’enrichir et garder le pouvoir. Ses moyens d’action sont la taxation des entrepreneurs jusqu’à la faillite, le racket, le blanchiment d’argent et le détournement des fonds européens. Selon de récentes études, le chiffre d’affaires annuel réalisé par la mafia calabraise atteindrait 35 milliards d’euros, soit davantage que le produit intérieur brut de la Calabre tout entière.

Autre organisation criminelle, la Sacra Corona Unita est active essentiellement dans les Pouilles. Elle est issue des tentatives d’extension de la Camorra napolitaine dans les Pouilles au début des années 1980. Le principal domaine d’action de cette mafia, moins puissante que les autres, est le trafic (et surtout la vente finale) des stupéfiants, le jeu illégal, l’extorsion et la contrebande, en association avec la mafia du Monténégro. L’immigration clandestine, gérée en accord avec la mafia albanaise, est un marché auquel a pris part l’organisation dans les années 1990, à la suite de la chute du régime de Tirana et de la guerre du Kosovo.

Panorama politique du sud de l’Italie

Les Pouilles, la Calabre et la Basilicate sont trois des vingt régions que compte l’Italie. Les régions sont elles-mêmes subdivisées en provinces et communes. Ces collectivités territoriales sont autonomes depuis 1970 et possèdent des pouvoirs et des fonctions qui leur sont propres dans les domaines administratifs, législatifs et fiscaux fixés par la Constitution. Chaque région possède :

-        Une Assemblée législative.

-        Une Giunta regionale qui représente l’organe exécutif et est guidée par le président de région. Ce dernier siège dans le chef-lieu régional durant les cinq années de son mandat.

Dans les Pouilles, le président actuel, en charge depuis 2015 et réélu en 2020, est Michele Emiliano, ancien maire de Bari issu du Parti Démocratique (PD), un parti de centre-gauche. A partir de 1970 et durant une vingtaine d’années, la composition de la Giunta a été majoritairement démocrate chrétienne (DC). Elle a ensuite alterné formations de centre-gauche et de centre-droite.

En Basilicate, c’est Vito Bardi, un ancien militaire, qui exerce la fonction de président de région depuis le 16 avril 2019. Il est issu du parti politique de centre-droite Forza Italia, un parti fondé en 2013 par Silvio Berlusconi. Cette orientation politique constitue une première pour la Basilicate qui, auparavant, a été gouvernée pendant 24 ans par des formations de centre-gauche et, avant cela, par les démocrates chrétiens.

La Calabre a été gouvernée par les partis démocrate chrétien (DC) et socialiste italien (PSI) de 1970 à 1994. A partir de 1995, formations de centre-droite et de centre-gauche se sont alternées. Depuis le 29 octobre 2021, le président de la région est Roberto Occhiuto, du parti Forza Italia. Celui-ci a succédé à Jole Santelli, issue du même parti et qui fut la première femme à assumer la fonction de présidente de la Calabre, mais aussi la première femme présidente de région de l’Italie méridionale. Son décès prématuré en octobre 2020, huit mois seulement après son entrée en fonction, a entraîné la tenue d'élections régionales anticipées.