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Les origines

On dit des participants déguisés du carnaval qu'ils jouent la mascarade, nom prenant son origine en Italie où de superbes bals costumés avaient lieu, les « Mascheratas ». Si vous visitez Port of Spain en période de carnaval, on vous demandera souvent si vous y participez en vous déguisant, en vous posant la question « Do you play Mas ? ». Ce terme en dit long en soi sur les origines du carnaval. Les Mascarades étaient en effet le nom donné au XVIIIe siècle par les propriétaires de plantations de canne à sucre aux bals masqués qu’ils organisaient avant d’attaquer le jeûne du carême. Les esclaves, qui ne pouvaient pas participer au carnaval, formaient leur propre fête parallèle appelée « Canboulay ». Le Canboulay (du français cannes brûlées) est un précurseur du carnaval de Trinidad & Tobago et a joué un rôle important dans le développement de la musique de l'archipel. C’est en effet à l’occasion de ces Canboulays que les esclaves, qui souvent n’avaient même pas le droit de parler entre eux, communiquaient en chantant en créole. Le calypso, célèbre musique de Trinidad, était né et il accompagne aujourd’hui les défilés de carnaval de la Caraïbe. Les chanteurs créoles de calypso étaient appelés les « griots », terme venant d’Afrique noire où sont ainsi appelés les membres de la caste des poètes musiciens ambulants, dépositaires de la culture orale et réputés être en relation avec les esprits. Les chanteurs de calypso sont aujourd’hui appelés les « Calypsonians ».

Les costumes, quant à eux, étaient souvent destinés à se moquer des colons et ont formé les personnages stigmatisés encore aujourd’hui au cours du carnaval.

Les combats de bâtons et la musique de percussions africaines ont été interdits en 1881, en réponse aux émeutes de Canboulay. Ils ont été remplacés par des bâtons de bambou "Bamboo-Tamboo" frappés l’un contre l’autre, eux-mêmes interdits à leur tour. En 1937, ils réapparaissent, transformés en un orchestre de poêles à frire, de couvercles de poubelles et de bidons d'huile. Ces steelpans (ou casseroles) font désormais partie intégrante de la scène musicale trinidadienne et sont une section populaire des concours de musique de Canboulay. En 1941, la marine américaine est arrivée à Trinidad et les panmen ont contribué à populariser la musique steelpan parmi les soldats, ce qui a provoqué sa vulgarisation internationale.

C’est après l'indépendance de Trinidad, en 1962, que le carnaval a commencé à être vu comme un événement national qui célèbre la diversité culturelle de l'île. Les traditions musicales africaines et les costumes de carnaval sont devenus une partie intégrante de la célébration, et le carnaval est devenu un événement populaire pour toutes les classes sociales.

Le carnaval de nos jours

Aujourd’hui, le carnaval est devenu une source de revenus évaluée à un milliard de dollars trinidadiens. Comme dans la plupart des pays catholiques romains qui le fêtent, les célébrations ont lieu le lundi et le mardi juste avant le mercredi des Cendres. Les activités des deux jours prennent la forme de défilés de rue par des bandes de personnages costumés, les « Mas bands ».

En plus des défilés et des compétitions de « bands », la période de carnaval, qui commence en novembre, est également marquée par de nombreuses « fêtes », concerts et événements culturels articulés autour du thème de l’année. Ils ont lieu aux quatre coins du pays, avec de la musique en direct, de la nourriture et des boissons, et nombre de visites, guidées ou non, sont organisées pour que les étrangers de passage puissent découvrir cet évènement si particulier au pays. La plupart des « fêtes » ont lieu le week-end et leur liste circule dans les quotidiens locaux ainsi qu’en ligne.

Du côté de la compétition, notons le Panorama (concours international de steelpan), l’International Soca Monarch, le Chutney Soca Monarch, le Calypso Monarch ainsi que l’élection du roi et de la reine du carnaval. Le meilleur moment pour visiter Trinidad & Tobago pour le carnaval est la semaine précédant le lundi et le mardi du carnaval. C’est en effet à cette période que se tiennent la plupart des finales des compétitions citées ci-avant, vous mettant dans l’ambiance avant de vous défouler le lundi de J’ouvert et le Mardi gras.

J’ouvert

J'ouvert (prononcez « Jouvay »), contraction de « jour d’ouverture », symbolise le début des deux jours officiels du carnaval. Dès le lundi à 2h du matin, les fêtards défilent dans la ville dans la tradition des fêtes de Canboulay et cela jusqu’au début de l’après-midi. Les participants de J'ouvert couvrent leur corps de peintures colorées, de boue, d'huile de poix, s'habillent en diables bleus ou rouges (Jad Jab) pour danser dans les rues pour exprimer la libération des contraintes du passé et en célébration des ancêtres qui les ont précédés. C'est un contraste frappant avec les costumes attrayants et plus formels qui sont enfilés plus tard pour terminer la journée et surtout le lendemain pour Mardi gras. Les diables de J’ouvert dans leur ensemble sont appelés « Jab Jab Jab », expression provenant de la prononciation créole de « diable ».

Mardi gras

Le Mardi gras commence en réalité dès le lundi après-midi à Port of Spain ! Les participants s’échauffent en mangeant et en buvant et commencent souvent à porter leurs costumes dès le lundi soir. C’est alors que des milliers de personnes inondent les rues à travers les deux îles, arborant des costumes audacieux, colorés et flamboyants tout en dansant à travers les itinéraires du défilé aux sons exaltants de la soca, des steelpans et du calypso.

Les « bands »

Les "Mas bands" sont un élément clef du carnaval de Trinidad. Ils mettent en scène la musique et les costumes colorés qui font la renommée de cet événement. Un "band" est un groupe de personnes qui participent ensemble au carnaval, habillés de costumes conçus sur un thème qui change chaque année. Chaque "band" est dirigé par un "band leader" qui planifie les costumes, la musique et les défilés pour le groupe, et le jour du Mardi gras, les membres du "band" dansent et marchent ensemble dans les rues de Port of Spain, créant un spectacle unique et très animé ! Les "bands" commencent à préparer leur participation au carnaval des mois à l'avance, concevant et créant leurs costumes, répétant leur chorégraphie et choisissant leur musique. Ils peuvent compter jusqu'à plusieurs milliers  de membres, chacun portant un costume différent, tous se complétant pour créer un tableau coloré dans les rues de Port of Spain. La musique est un élément essentiel des "bands", avec des chansons entraînantes qui incitent les membres du groupe à danser et à marcher dans les rues au rythme du calypso, de la soca et du chutney afin de créer une ambiance festive inoubliable. Pour contrôler ce nombre impressionnant de personnes dans les rues, les organisateurs divisent chaque band en sections de 200 à 500 carnavaliers. La plupart des fanfares du carnaval sont dirigées par un roi ou une reine, dont certains ont concouru le Dimanche gras pour remporter le titre convoité de roi ou de reine du carnaval. L'épicentre du défilé des "bands" à Trinidad and Tobago est Port of Spain, cependant des fêtes de rue similaires ont lieu dans la capitale sœur, San Fernando, ainsi qu’au niveau communautaire à Mayaro, Chaguanas, Arima et Tobago. On pense généralement que le meilleur endroit pour passer un bon moment est "en ville", c'est donc là que de nombreux fêtards se rejoignent pour participer aux festivités. A Port of Spain, voici quelques bands importants qui acceptent la participation de visiteurs étrangers : Mystique Jouvert, Paparazzi Carnival, Ronnie & Caro, Showtime Carnival.

Les instruments

Deux instruments sont essentiels en période de carnaval : le steelpan et le tamboo bamboo.

Le steelpan est un instrument unique, fruit d’une évolution empirique et endémique de Trinidad & Tobago même si aujourd’hui on peut trouver des fabricants de steelpan dans le monde entier, de l’Australie aux États-Unis en passant par l’Europe. Il est traditionnellement conçu sur la base d’un bidon  industriel qui peut avoir contenu différents produits chimiques, du pétrole, voire même des huiles végétales. Ces derniers sont d’ailleurs aujourd’hui recommandés afin de préserver la santé des artisans qui les transforment en steelpans. Les fabriques plus modernes utilisent bien entendu des bidons neufs. La fabrication d’un steelpan comporte plusieurs étapes essentielles que vous pouvez découvrir en rendant visite à un des rares artisans locaux qui les fabriquent de façon traditionnelle comme Joseph Malomo du Southern Marines Steel Orchestra de San Fernando, ou en visitant une fabrique plus moderne comme MITTCO à Port of Spain. Afin de transformer un vulgaire bidon en instrument de musique précis, la première étape essentielle consiste à le sélectionner en fonction de l’épaisseur de son acier ainsi que de ce qu’il a contenu. La plupart des bidons sont peints afin de les protéger de l’oxydation, il faudra donc prévoir d’enlever la peinture avant de les travailler. Après la sélection, vient l’étape de l’emboutissage (sinking) à la masse, qui consiste à transformer le disque plat supérieur du bidon en une forme de coupelle destinée à contenir les notes de musique. Plus le Pan doit être aigu, plus profond doit être l’emboutissage. Sont ensuite dessinées les notes avant d’être séparées par une petite gouttière tracée avec un petit marteau et un burin. Chaque note est bombée (grooving)  au marteau et accordée (tuning) à l’oreille. Le pan sera ensuite passé au feu de bois, à gaz ou même au chalumeau afin de stabiliser les notes et d’améliorer sa sonorité. Viendra enfin l’accordage final (fine tuning) pour lequel l’artisan utilise de nos jours un accordeur électronique avant de passer à la peinture ou au chromage, en fonction des demandes des clients.

Le tamboo-bamboo est quant à lui un ensemble de percussions fabriquées avec des tronçons de bambous de différentes tailles que l’on frappe au sol ou percute avec un bâton. Il est en quelques sortes l’ancêtre des pans.

Les personnages

Les costumes du carnaval de Trinidad & Tobago représentent des personnages bien précis. Ils sont souvent des caricatures parodiques des riches propriétaires d’esclaves du temps des exploitations de canne à sucre, créées par les esclaves pour se moquer de leurs maîtres. Voici une liste non exhaustive des principaux :

Burrokee. Un personnage moitié âne, moitié homme, construit de manière à donner l'illusion d'un danseur chevauchant un petit âne (burro en espagnol). Ce caractère a été apporté à Trinidad par des colons vénézuéliens.

Dame Lorraine. Un des personnages les plus connus ; il représente une femme voluptueuse. Ce costume parodie la robe des femmes aristocratiques françaises du XVIIIe siècle et est rembourré au niveau des hanches et du buste.

Jab Jab. Costume de diable dont le nom provient du mot créole pour le diable.

Midnight Robber. Incontournable du défilé du lundi et du mardi du Carnaval, le Midnight Robber perpétue la tradition du conteur africain, le griot dans son propre dialecte « robber talk ». Ce personnages solitaire porte un chapeau à larges bords et un sifflet indispensable.

Pierrot Grenade. Souvent vêtu d'un costume chic, il déclame des rimes sur des sujets d'actualité.

Jab Molassie. L'imitation d'un diable avec une peau peinte, des cornes, une queue et une fourche à trois dents ; ces personnages se promènent souvent en bandes, ils peuvent sembler menaçants mais sont inoffensifs.

Ménestrel. Tout comme les ménestrels d'autrefois, ces bardes sont vêtus de noir de pied en cap.