Réplique du Mayflower, Plymouth. shutterstock -PRILL.jpg
Bas-relief représentant les Pères Pélerins signant le Mayflower Compact. shutterstock - LEE SNIDER PHOTO IMAGES.jpg

La traversée à bord du Mayflower

Le 11 novembre 1620, le Mayflower, un vaisseau marchand ayant quitté l’Angleterre soixante-six jours plus tôt, pose l’ancre à Cape Cod. À son bord se trouvent cent deux hommes, femmes et enfants qui ont, pour un grand nombre d’entre eux, fui l’Europe pour échapper aux persécutions religieuses. Ce sont les Pères pèlerins, des séparatistes anglais ayant échoué à s’établir en Hollande, qui ont organisé le voyage. Ils partent pour le Nouveau Monde dans l’espoir de fonder une communauté, au sein de laquelle ils pourront pratiquer librement leur religion. Le Mayflower ne transporte toutefois pas uniquement des dissidents religieux : parmi les passagers, on compte des aventuriers, des marchands, des artisans et des servants, considérés par les Pères pèlerins comme nécessaires à la réussite de la colonie. La plupart d’entre eux proviennent de milieux modestes. Parmi les passagers les plus illustres, on note la présence John Carver, un séparatiste anglais accompagné de sa femme, d’un de leurs enfants et de cinq servants. Pendant la traversée, Carver est élu gouverneur du Mayflower et deviendra le premier gouverneur de la colonie de Plymouth. Il y a également John Alden, un charpentier faisant partie de l’équipage qui épousera, peu de temps après son arrivée au Nouveau Monde, une passagère du Mayflower. Lorsqu’il mourra, à 89 ans, Alden sera l’un des derniers survivants du Mayflower. Mais de tous les hommes présents à bord, Stephen Hopkins, un marchand et tanneur recruté pour faciliter l’établissement de la colonie, est le seul à bénéficier d’une expérience au Nouveau Monde. Il a déjà passé quatre ans en Virginie entre 1610 et 1614, au sein de la première colonie anglaise de Jamestown établie en 1607. Une quarantaine d’enfants fait également partie du voyage, ainsi qu’un nourrisson, né à bord, qu’on appelle Oceanus. Le périple à bord du Mayflower, qui n’a pas été conçu pour le transport de voyageurs, n’est pas de tout repos : entassés dans les cales sombres et humides du navire, sales, affamés et, pour certains, atteints du scorbut, les passagers doivent faire face à des conditions de vie particulièrement difficiles. Une dizaine de passagers auraient dû se trouver à bord d’un autre bateau, le Speedwell, qui devait effectuer le même trajet que le Mayflower, mais dut rebrousser chemin pour effectuer des réparations. Initialement prévu en juillet, le voyage est repoussé et le Mayflower part, seul sur les eaux, avec deux mois de retard et au plus fort de la saison cyclonique. Pendant la traversée, les Pères pèlerins rédigent un court document dictant que de nouvelles lois vont être mises en place après leur arrivée au Nouveau Monde : c’est le Mayflower Compact, qui spécifie que ces règles devront être justes, égales et instaurées pour le bien de la nouvelle colonie. La quasi-totalité des hommes présents à bord le signent avant de mettre pied à terre. Les colons, qui se décrivent dans le document comme les « loyaux sujets » du roi Jacques Ier, n’ont alors pas l’intention de déclarer leur indépendance. Toutefois, le Mayflower Compact atteste de leur désir de liberté et est le premier document à instaurer l’idée d’une autonomie gouvernementale.

La fondation de la colonie de Plymouth

Les colons ont initialement décidé de s’établir en Virginie, où la première colonie anglaise a été fondée en 1607. Toutefois, ils ne parviennent pas à rejoindre la destination prévue à cause des vents hivernaux qui balayent la côte Atlantique et dévient leur trajectoire. Ils décident finalement de jeter l’ancre à la pointe de Cape Cod, à côté de l’actuelle ville de Provincetown. Les paysages sableux de Cape Cod et les relations conflictuelles avec les tribus d’Indiens locales poussent toutefois les colons à explorer la région en quête d’un site plus propice à la création de leur colonie. Ils s’établissent le long du littoral et fondent la colonie de Plymouth, du nom de la ville anglaise d’où est parti le Mayflower quelques mois plus tôt. En attendant de construire leurs maisons, les nouveaux arrivants passent de nombreux mois à bord du navire amarré. Ici, un nouveau départ semble possible, mais l’environnement hostile et le climat difficile de ce territoire qui leur est totalement inconnu jouent en leur défaveur. Qui pouvait s’attendre à ce que l’hiver dans cette région soit si différent de celui qu’ils ont connu en Europe ? Si terrible ? Le sol déjà gelé rend toute culture impossible et, bientôt, les premiers hommes et femmes meurent de froid, de faim, de maladies. La moitié des passagers du Mayflower, y compris le jeune Oceanus, meurt au cours du premier hiver à Plymouth. Ceux qui survivent doivent leur salut à l’intervention de Massasoit, chef de la tribu des Wampanoags qui prend en pitié ces étrangers affamés et leur offre de la nourriture. Il leur apprend à chasser, à pêcher et à cultiver la terre de leur nouveau pays. Sous ses conseils, les colons plantent des courges, des haricots et du maïs. En avril 1621, un traité de paix et de protection mutuelle entre les colons et les Wampanoags est rédigé, dans lequel les deux parties s’engagent à ne pas faire de mal à l’autre. Il est signé par Massasoit et John Carver, le premier gouverneur de la colonie de Plymouth, qui meurt tragiquement quelques jours plus tard. C’est le premier accord connu signé entre des colons et une tribu amérindienne. Il sera honoré pendant plus de cinquante ans.

Le Mayflower s’inscrit dans l’histoire

Grâce à l’aide de Massasoit, la récolte de l’automne 1621 est bonne et les colons peuvent enfin manger à leur faim. William Bradford, le nouveau gouverneur de la colonie et l’un des signataires du Mayflower Compact, décrète alors trois jours d’Action de grâce et organise un grand repas de célébration. C’est l’occasion pour les pèlerins, très religieux, de remercier Dieu des bénédictions reçues depuis leur arrivée sur le continent. En guise de remerciement, ils convient Massasoit et une centaine de Wampanoags à participer à ce festin. Des dindes sauvages, du gibier, des baies, du homard et des courges sont dégustés. C’est de ce repas partagé à Plymouth que naît la traditionnelle fête de Thanksgiving, l’une des plus importantes aux États-Unis, célébrée le quatrième jeudi novembre. Les années suivantes, la colonie de Plymouth se développe avec l’arrivée de nouveaux bateaux venus d’Angleterre. Dans les années 1640, elle compte environ 2 000 habitants. Certains passagers du Mayflower sont rejoints par leur famille, qu’ils avaient laissée au pays. En 70 ans, la population de la colonie passe de moins de 100 personnes à près de 3 000. William Bradford et Edward Winslow racontent, dans un livret intitulé Mourt’s Relation, leur quotidien à Plymouth, y narrant notamment le premier Thanksgiving et la traversée à bord du Mayflower. Publié à Londres en 1621, le livre donne un excellent aperçu de la vie au Nouveau Monde et encourage d’autres puritains à venir grossir les rangs des colons. Entre 1620 et 1640, environ 20 000 personnes quittent le Royaume d’Angleterre pour s’installer en Nouvelle-Angleterre. Certaines sont issues d’un milieu favorisé et quittent un quotidien confortable pour une vie remplie d’inconnu et d’adversité. Toutes ne resteront pas : près de 10 % des colons rentreront finalement en Angleterre avant 1640. À la fin des années 1680, la population de Nouvelle-Angleterre est estimée à 60 000 personnes. De nos jours, plus de 35 millions de personnes ont pour ancêtre un passager du Mayflower, dont 10 millions d’Américains. Parmi ces derniers, on compte des figures historiques telles que les présidents John Adams et Franklin D. Roosevelt, mais aussi quelques célébrités, comme Marylin Monroe et Clint Eastwood.

L’héritage du Mayflower et de la colonie de Plymouth

Le 5 avril 1621, soit quatre mois après l’arrivée des colons à Cape Cod, le Mayflower repart en Angleterre avec les membres de l’équipage. Les colons ont achevé la construction de leurs maisons en bois et n’ont plus besoin de passer la nuit à bord du bateau, qui fait son retour en Angleterre le 9 mai. On retrouve la trace du Mayflower en 1624, date à laquelle une évaluation du navire a lieu afin de l’authentifier, puis personne ne sait vraiment ce qu’il devient par la suite. On suppose qu’il a été vendu en pièces détachées en Angleterre. Toutefois, une réplique du navire, appelée Mayflower II, est construite en Angleterre en 1955, en utilisant des techniques traditionnelles similaires à celles du premier Mayflower. Dès 1956, le Mayflower II quitte la ville anglaise de Plymouth pour sa jumelle américaine, reproduisant le trajet effectué par les Pères pèlerins en 1620. Après plusieurs années de rénovation, notamment au Mystic Seaport Museum dans le Connecticut, la réplique a fait son grand retour à Plymouth en 2020. Il est aujourd’hui possible de revivre la vie quotidienne des premiers colons de la côte Est en visitant la Plimoth Plantation. Ce complexe muséal raconte l’histoire des pèlerins et reconstitue la colonie de Plymouth telle qu’elle était au XVIIe siècle. On y découvre plusieurs sites dont un moulin, de modestes maisonnettes de bois ou encore une ferme, fidèlement reconstitués pour se replonger au temps des pèlerins. Des personnages en costumes d’époque nous font revivre l’histoire des colons, comme si nous étions ! Chaque année, au mois de novembre, le repas de Thanksgiving y est recréé le plus fidèlement possible. Le centre-ville de Plymouth possède lui aussi plusieurs sites qui témoignent de l’importance des colons. Le Pilgrim Hall Museum est un musée dédié aux Pères pèlerins et à l’histoire du Mayflower. Il a été fondé en1824, ce qui en fait le plus vieux musée continuellement ouvert aux États-Unis. Pour avoir une idée de l’endroit où les passagers du Mayflower ont posé l’ancre il y a quatre siècles, il suffit de jeter un œil au Plymouth Rock, un large rocher sur lequel est gravée la date de leur arrivée, 1620. Non loin de là, le National Monument to the Forefathers, monument de granit réalisé en 1889, rend lui aussi hommage aux pèlerins. Quant à la statue de Massasoit, elle honore le chef de tribu indien qui est venu en aide aux pèlerins et commémore l’alliance entre les colons et les Wampanoags. Enfin, quelques maisons historiques dont la construction remonte à l’ère des colons sont encore debout. C’est le cas de la Richard Sparrow House, bâtie dans les années 1640 et considérée comme étant la plus ancienne maison de Plymouth. De quoi se mettre dans la peau de ces hommes et femmes en quête de liberté et d’aventure, qui ont façonné ce territoire inconnu et posé les jalons des futurs États-Unis. Le 400e anniversaire de l’arrivée du Mayflower devait être célébré en grande pompe en 2020, mais les festivités prévues à Plymouth ont été malheureusement chamboulées par l’épidémie de Covid-19.