Cathédrale St Paul vue du Millenium Bridge. © TomasSereda - iStockphoto.com.jpg
St Pancras Station. (c) Stéphan Szeremeta.jpg
Le quartier financier de Canary Wharf. (c) Sven Hansche -shutterstock.com.jpg

Londres antique et médiévale

De la Londinium romaine, on peut encore observer des pans de murs de l’enceinte fortifiée, notamment à la sortie du métro Tower Hill. La Guildhall Art Gallery, au cœur de la City, abrite, quant à elle, les vestiges de l’amphithéâtre de la ville. Mais le vestige le plus impressionnant reste celui du temple de Mithra à l’extrémité est de Queen Victoria Street. Des traces de la présence saxonne sont également observables : dans l’église saxonne d’All-Hallows-by-the-Tower, la plus vieille de la ville, on peut admirer la crypte dont le pavement romain date du IIe siècle, ainsi que l’arche couverte de carreaux de céramique. Elle est un bel exemple de syncrétisme architectural.

Au XIe siècle, Guillaume le Conquérant fait ériger une ligne de forteresses défensives qui vient se greffer sur l’enceinte romaine primitive. Le premier grand édifice militaire est la White Tower, bâtie en pierre de Caen. Son aspect massif et trapu est dû à ses murs, épais de plus de 3 m ! Londres conserve également quelques chefs-d’œuvre d’architecture religieuse normande, à l’image de l’église Saint-Bartholomew-the-Great avec ses colonnes massives et ses arches rondes. Au Moyen Âge, la muraille londonienne abrite plus d’une centaine d’édifices religieux. Parmi eux, un se détache par sa forme étonnante : c’est la Temple Church et son plan circulaire. Ses extérieurs crénelés et sa voûte élancée au-dessus du chœur en font un très bel exemple de style romano-gothique. En matière civile, c’est à cette époque que les marchands de la City financent l’édification de leur Guildhall ou hôtel de ville. Enfin, la mythique Tour de Londres est renforcée par de nombreux ajouts et impressionne par ses hautes murailles et ses basses arcades.

Splendeurs des Tudors

Prenant rapidement conscience que l’architecture est symbole autant que vecteur de pouvoir, les Tudors entament de grands travaux de construction. La plus belle des réalisations entreprises est la chapelle de Westminster Abbey et son impressionnant gothique perpendiculaire, ainsi dénommé car faisant la part belle aux lignes verticales. On admire notamment ses voûtes en éventail et ses larges ouvertures qui confèrent à l’ensemble légèreté et luminosité. De manière générale, les bâtiments prennent de la hauteur, et les maisons se parent de précieux détails comme les colombages ornementaux, les fenêtres en enfilade et les balcons à encorbellement. Le Old Hall de la Lincoln’s Inn et l’ensemble résidentiel de Staple Inn en sont deux beaux exemples. Les Tudors se dotent également d’imposants palais qui ont souvent pour base des résidences ecclésiastiques confisquées qu’ils agrandissent. C’est le cas à Hampton Court que Henry VIII reprend au cardinal Wolsey. Il y fait ajouter the Great Hall et la Royal Chapel. Il dote également le palais de cuisines et transforme le parc en réserve de chasse. Alors que les conditions de vie des souverains ne cessent de s’améliorer, celles des Londoniens, au contraire, ne font qu’empirer. Ils s’entassent dans des logements insalubres, menacés par des épidémies et incendies à répétition. Pour juguler la situation, un édit royal est promulgué en 1580 interdisant toute nouvelle construction.

L’architecture au temps des Stuart et des Hanovre

Dans la première moitié du XVIIe siècle, sous l’impulsion d’Inigo Jones, considéré comme le père de l’architecture anglaise, la ville s’inspire de l’Antiquité et se pare d’édifices de style palladien (en référence à Andrea Palladio, initiateur de la Renaissance italienne) où priment cohérence et harmonie. Les façades des édifices palladiens sont sobres, symétriques, et rythmées de hautes fenêtres, colonnes et arcades surmontées de balustrades ou de corniches. La Banqueting House et la Queen’s Chapel l’illustrent parfaitement. Inigo Jones est aussi urbaniste et l’un des premiers à penser la ville dans son ensemble, tentant de créer un tout cohérent. L’une de ses tentatives est à admirer sur la Covent Garden Piazza. Bordée d’arcades, surmontées elles-mêmes d’élégants édifices classiques aux façades uniformes, point de départ de nouvelles rues ouvrant de nouvelles perspectives, elle est l’ancêtre du square ou place résidentielle.

En 1666, un terrible incendie ravage la ville. De cette catastrophe, une ville nouvelle va renaître, débarrassée de tous les travers urbains médiévaux (usage du bois, rues étroites…) En 1667 est ainsi promulgué le Building Act qui interdit l’usage du bois pour les murs porteurs et qui redéfinit les dimensions des édifices autant que celles des rues afin de sécuriser les constructions et maîtriser l’urbanisation. Le grand architecte de cette reconstruction est Christopher Wren. Également astronome et mathématicien, il s’intéresse à la relation entre masse et espace et propose un style où règnent majesté et profusion du décor. C’est à lui que l’on doit la Cathédrale Saint-Paul. Joyau architectural, l’étonnant édifice mêle les influences : classiques françaises, baroques italiennes, gothiques anglaises et même byzantines avec ses coupoles couvrant la nef. Tout l’art de Wren est d’avoir réussi à harmoniser l’ensemble en en gommant toutes les disparités. Il va également dessiner les plans de plus de 50 églises, dont 23 sont encore visibles aujourd’hui. L’horizon de la ville voit les clochers à flèche remplacer les massives tours carrées médiévales.

Le XVIIIe siècle sera marqué par un style néoclassique, naviguant entre styles néo-palladien et néogrec. Parmi les grandes réalisations, notons Christ Church de Nicholas Hawksmoor et surtout la Chiswick House de Lord Burlington et William Kent, directement inspirée des grandes villas rurales romaines. Notons également les superbes Syon Park Estate et Osterley Park Estate de Robert Adam. C’est aussi à cette époque que se développent les Terraced Houses, alignement de maisons mitoyennes qui donnent toute leur unité aux rues de la ville. Ces immeubles de 4 étages sont très sobres et se distinguent par leur volée de marches menant au perron.

Style Regency

Au début du XIXe siècle, le centre-ville va se transformer sous l’impulsion de l’architecte et urbaniste John Nash qui prône une architecture libre et imaginative où prime l’effet d’ensemble. C’est à lui que l’on doit l’avènement du style Regency (car créé sous le règne du prince régent). Les édifices tout en stuc blanc et brillant sont alignés de manière très stylisée, voire théâtrale. Sur la demande du prince régent, Nash va également repenser l’urbanisme du centre-ville en imaginant un moyen de relier Piccadilly au nord d’Oxford Street. Regent’s Street devient la colonne vertébrale de la ville. De cet étonnant projet d’urbanisme, on peut encore admirer les Crescent, ces superbes courbes, aux allures de cirques, bordées d’élégantes colonnades. La courbe est une des caractéristiques de l’œuvre de John Nash, notamment dans le tracé des routes. Mais Nash ne se limite pas à dessiner cette artère principale, il imagine également le légendaire Trafalgar Square et le superbe Regent’s Park avec ses colonnes corinthiennes et arcs de triomphe.

Sous le règne de Victoria et d’Edouard VIII

Le pays entre dans une ère de prospérité économique et industrielle exceptionnelle. L’architecture de sa capitale doit refléter cette puissance. On imagine alors un style fait d’emprunt aux époques passées et d’utilisation des techniques et matériaux modernes. L’éclectisme victorien s’intéresse ainsi au roman, au normand et surtout au gothique. Teinté de modernité, ce dernier deviendra le Victorian High Gothic, marqué par l’emploi de la brique rouge. En 1834, la plupart des Chambres du Parlement sont détruites par un incendie. La couronne lance un grand concours pour les rénover… mais le concours précise bien que seuls les styles gothique ou élisabéthain pourront être utilisés. Charles Barry le remporte avec un projet néogothique étonnant. Pour équilibrer l’horizontalité de l’édifice, il le dote de trois tours de tailles et formes différentes, dont la célèbre tour de l’horloge reconnaissable à ses arcs-boutants miniatures, ses vitraux et ses gargouilles. Ce jeu entre horizontalité et verticalité confère à l’ensemble un aspect étonnamment harmonieux. Les Royal Courts of Justice sur George Edmund Street sont aussi de superbes exemples de ce néogothique. Le XIXe siècle voit également la poursuite du modèle urbanistique de la place avec jardin. L’un des grands maîtres du genre est le promoteur Thomas Cubitt à qui l’on doit notamment Belgrave Square. C’est également lui qui développe la toute première entreprise de construction moderne en réunissant tous les corps de métiers sous une seule enseigne afin de gagner temps et argent, qui perfectionne les systèmes d’égouts, et qui multiplie les espaces verts.

La reine Victoria dote également la ville de majestueux édifices à vocation pédagogique, à commencer par les Kew Gardens, magnifiques jardins botaniques dont on admire encore aujourd’hui l’impressionnante serre. En 1851, Londres vibre au rythme de l’Exposition Universelle. À cette occasion, Joseph Paxton dévoile son Crystal Palace. Composé d’un hall de 600 m de long, 120 m de large et 34 m de haut, ce palais de la modernité impressionne. Il est aussi le tout premier édifice constitué d’éléments standardisés et préfabriqués. Alors qu’il a été détruit en 1936, ce palais de verre et d’acier reste, encore aujourd’hui, un modèle architectural. C’est également à cette époque que George Gilbert Scott dessine les plans de la future gare de chemin de fer de Saint-Pancras.

L’époque édouardienne, elle, se caractérise par un sens démesuré de l’échelle et du détail. Les grandes réalisations de la période sont l’Admiralty Arch d’Aston Webb avec ses colonnes corinthiennes colossales, et The Quadrant de Reginald Blomfield avec ses bâtiments curvilignes aux façades néobaroques.

Modernisme et reconstruction

A la fin du XIXe siècle, le mouvement Arts and Crafts, lancé par le créateur William Morris et l’architecte Philip Webb, prône un retour à la tradition artisanale et à la confection de qualité. En matière architecturale, on tend à davantage de simplicité tout en mettant l’accent sur le confort moderne. C’est le cas dans la Red House, à l’est de Londres, qui fut le laboratoire d’innovations du mouvement. On notera son mélange de style local et gothique avec son toit de tuiles et ses arcades en ogive.

Au début du XXe siècle, la ville se dote de quelques édifices modernistes étonnants, à l’image du Michelin Building. Véritable bâtiment publicitaire, ses détails soulignent la marque, à l’image des bossages qui rappellent la bande de roulement des pneus ou les frises où est inscrit le nom Michelin. Dans l’entre-deux-guerres, d’autres étonnants édifices voient le jour : l’Adelaïde House, plus haut bâtiment de bureaux à l’époque, avec sa façade mêlant minimalisme et recours à des motifs égyptiens (l’archéologie est alors très en vogue à l’époque !) ; la station de métro de Piccadilly Circus avec sa rotonde de plus de 50 colonnes agencées en cercles concentriques qui soutiennent le rond-point ; ou bien encore le Daily Express Building, premier rideau de verre du pays et son hall de style « Jazz Déco ».

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la ville est en grande partie détruite par les bombardements. Il faut reconstruire. Vont alors apparaître des bâtiments très austères, tout en béton brut… c’est l’avènement du brutalisme. Le Barbican Centre en est peut-être le représentant le plus célèbre. Cette ville dans la ville inspirée de l’urbanisme résidentiel de Le Corbusier se compose notamment de trois tours triangulaires qui étaient les plus hautes d’Europe à l’époque. Autre symbole de ce style : le Royal Festival Hall construit à l’occasion du Festival of Britain de 1951. Il repose sur les  5 points de l’architecture nouvelle édictés par Le Corbusier : pilotis, plan libre, façade libérée de son mur porteur, fenêtres en bandeau et toit formant une 5e façade. C’est aussi l’apparition des premières grandes tours avec Centre Point et sa tour de 121 m et la GPO Tower haute de 190 m.

Postmodernisme et architecture de demain

À partir des années 1970, la ville connaît une nouvelle révolution architecturale avec l’apparition d’un style high-tech lié au développement de nouvelles techniques d’ingénierie. Le plus célèbre représentant de ce courant est Richard Rogers avec son légendaire building de la Lloyd’s of London, largement inspiré du Crystal Palace de Paxton. Ici, Rogers promet plus qu’une architecture, il promet une stratégie qui commence par une externalisation des éléments techniques pour gagner des espaces intérieurs. C’est aussi à lui que l’on doit dans les années 90 le Millenium Dome avec sa structure légère et modulable. À partir des années 80, la ville entreprend de rénover entièrement les Docklands. Ce vaste projet architectural et urbanistique comprend notamment l’édification du quartier d’affaires de Canary Wharf avec pour emblème la One Canada Square de César Pelli, haute de 244 m. Au tournant des années 2000, les suisses Herzog et de Meuron obtiennent le Prix Pritzker avec la Tate Modern qu’ils ont installée dans la Bankside Power Station. Autre réalisation phare de la période : le Millenium Bridge de Norman Foster et Anthony Caro, premier pont sur la Tamise dans le centre-ville depuis le Tower Bridge de 1894. En 2002, Norman Foster dote la ville de son tout nouveau City Hall avec une élégante structure ovale et des systèmes très techniques d’exposition aux vents et au soleil et d’économie de matériaux. Un souci environnemental que l’on retrouve au 30 St Mary Axe… l’adresse du désormais légendaire Gherkin, le cornichon !

Face à la multiplication des tours, la municipalité est contrainte de légiférer et de créer des couloirs de vue afin de préserver l’intégrité de la silhouette des principaux monuments. Mais en 2012, l’Unesco juge la mesure insuffisante et menace d’inscrire le Parlement et la Tour de Londres sur la liste des sites en danger… scandale au pays de Sa Majesté ! La même année, l’organisation des JO donne une nouvelle impulsion à l’architecture contemporaine avec l’aménagement de l’Olympic Park où trônent le London Aquatic Centre de Zaha Hadid, superbe édifice curviligne à l’élégant mélange d’acier, de béton et de bois et l’incroyable Arcelor Mittal Orbit Tower d’Anish Kapoor. Dans les années 2010, c’est la course à la verticalité et la skyline londonienne se transforme avec des tours désormais emblématiques comme le Leadenhall Building (la râpe à fromage), le Shard (l’éclat) de Renzo Piano, le One New Change (le bombardier furtif) de Jean Nouvel, la Strata SE1 (le rasoir et ses trois éoliennes) ou bien encore le 20 Fenchurch Street (le talkie-walkie). D’ici à 2025, la skyline va encore se transformer avec notamment l’édification de la Spire Tower et ses 235 m qui en font l’une des plus hautes tours résidentielles du monde, ou bien le 1 Undershaft, surnommé le Treillis, du fait de l’étrange revêtement qui couvre ses 305 m.

Mais la ville mise aussi sur son patrimoine existant et lance de grands projets de rénovation urbaine comme autour de la centrale de Battersea. Classée aux Monuments historiques, la centrale se transforme sous les coups de crayon de Norman Foster et Frank Gehry notamment. Autour de la centrale, un nouveau quartier, Nine Elms, est en train de sortir de terre avec un complexe immobilier de 866 appartements et même la nouvelle ambassade américaine. Par ailleurs, deux nouvelles stations de métro – Nine Elms et Battersea Power Station – ont été inaugurées en grande pompe en septembre 2021. Londres n’a décidément pas fini de changer de visage  !