Le Grand Dragon Rouge et la Femme Vêtue du Soleil, par William Blake, 1805. (c) Everett-Art -shutterstock.com.jpg
Intérieur de la Tate Modern. (c) Stéphan Szeremeta.jpg
Image courtesy of Saatchi Gallery, London © Matthew Booth, 2009.jpg

Le réveil des artistes britanniques

Peu actifs auparavant, du moins peu repérés par la royauté et les notables, c’est au XVIIIe siècle que les artistes britanniques commencent à se révéler avec des maîtres tels que William Hogarth (1697-1764), Sir Joshua Reynolds (1723-1792) et Thomas Gainsborough (1725-1806). Hogarth est un des premiers artistes à diversifier sa pratique : il est peintre, mais aussi un imprimeur et un philanthrope reconnu qui organise par exemple une exposition à l’Hôpital Foundling à partir de 1746 et crée l’Académie St. Martin Lane en 1735. Celle-ci fut finalement absorbée par l’Académie royale en 1768, dispensant un enseignement gratuit aux étudiants inscrits. Reynolds et Gainsborough dominent l’art anglais de 1750 à 1790 environ, jouissant d’une renommée extraordinaire comptant parmi les personnalités les plus riches du pays, et devenant sujets des conversations circulant en ville et dans les journaux populaires. Reynolds se forge très vite une réputation de portraitiste londonien à la mode, il est le premier président et co-fondateur de la Royal Academy. Ses discours publiés et livrés aux étudiants sont considérés comme les premiers écrits majeurs sur l’art anglais. Atypique, Reynolds est à la fois un traditionaliste et novateur : il ouvre la voie à la modernité, car il fait la synthèse des écoles passées et les transforme. Il aura une influence notable sur les artistes du XIXe siècle. Le principal rival de Reynolds est William Gainsborough. Rival, mais aussi ami selon les périodes, avec un respect mutuel jamais démenti. Ses influences principales viennent de la France pour les portraits et des Pays-Bas pour les paysages, Van Dyck étant un de ses peintres préférés. Il se distingue par ses portraits intimistes, ses paysages poétiques et imaginaires rendus grâce à un coup de pinceau léger et brillant. La reconnaissance totale de ses paysages ne vient qu’au XXe siècle.

La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, caractérisés par le romantisme britannique, comptent avec les Londoniens William Blake (1757-1827), John Constable (1776-1837) et J. M. W. Turner (1775-1851), ce dernier étant sans doute le plus influent des artistes britanniques au niveau international et le plus admiré aujourd’hui encore. Turner voyage beaucoup tout au long de sa carrière, d'abord en Angleterre et en Écosse, puis en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Autriche et en Italie. Il visite l’Italie en 1819 et se détourne du réalisme pour aller vers un impressionnisme singulier. On raconte qu’il s’est fait attacher au mât d’un bateau lors d’une tempête pour mieux observer le spectacle naturel qu’il avait sous les yeux. Quant à William Blake, il se démarque pour ses aquarelles allégoriques remarquables, mais aussi il compose, illustre, imprime des poèmes empreints de mysticisme obscur, dans un style visionnaire. Il exerce une influence notable sur les artistes modernistes du XXe siècle, notamment sur les peintres britanniques du Bloomsbury Group. William Blake a également une très forte influence sur les poètes de la Beat Generation des années 1950 et de la contre-culture des années 1960.

Des préraphaélites à l’École de Londres

L’art victorien et les préraphaélites sont nés à Londres en 1848. Le préraphaélisme prend comme modèle la peinture des maîtres italiens du XVe siècle prédécesseurs de Raphaël.  Tous rejettent le conformisme académique et ils souhaitent retrouver les tonalités claires, vives et chantantes des grands maîtres d’autrefois. Les thèmes bibliques, le Moyen Âge, la littérature et la poésie (Shakespeare, Keats, Browning…) inspirent ces artistes. Les figures de proue sont John Everett Millais (1829-1896), Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), Edward Burne-Jones (1833-1898) et le peintre animalier Edwin Landseer (1802-1873). Vers la fin du siècle, ces artistes s’enrichissent souvent en vendant les droits de reproduction de leurs peintures à des éditeurs et des imprimeurs. Les œuvres de Landseer, en particulier Monarch of the Glen (1851), sont très populaires. Ce tableau a notamment servi d’inspiration pour le graphiste et designer anglais Peter Saville (entre autre directeur artistique des groupes Joy Division et New Order) pour une tapisserie nommée After, After, After Monarch of the Glen en 2017.

Francis Bacon (1909-1992) est une figure majeure de la modernité du XXe siècle. Chassé de sa maison familiale par ses parents qui le rejettent à cause de son homosexualité, il voyage et découvre à Berlin en 1927 où il prend connaissance des œuvres réalistes de George Grosz, Otto Dix et Max Beckmann. Il s’installe à Londres en 1929. Bacon, qui commence véritablement sa carrière durant la guerre, voit son œuvre remarquée en 1944 avec les Trois études de personnages au pied d’une crucifixion (Tate Modern) qui choque les visiteurs. Bacon se focalise principalement sur le portrait, sur l’homme, sujet qu’il peint impitoyablement et sans fard. Pour cela, il puise dans la peinture classique et ses figures (Le Titien, Velázquez, Grünewald, Van Gogh, Picasso, ou encore les expressionnistes), qu’il renouvelle par le biais des grandes tragédies du XXe siècle. Il s’inspire également d’autres médiums, comme le cinéma d’Eisenstein, Stroheim et Buñuel, de la photographie (des mouvements d’Edward Muybridge) et même d’imageries médicales. Son compagnon, George Dyer, est son meilleur modèle pour exprimer l’image tourmentée de l’homme moderne déchiré par une société qui l’oppresse. Il travaille la plus grande partie de sa vie artistique dans un modeste atelier situé au 7 Reece Mews à South Kensington.

Lucian Freud (1922-2011) est le petit-fils de Sigmund Freud, père de la psychanalyse. De 1939 à 1943, il étudie les arts à Londres. À l’image de Francis Bacon, ses œuvres sont inspirées par des artistes allemands comme Otto Dix. La vie et l’art de Freud sont indissociables. Il projette tout son être dans les portraits qu’il réalise. On retrouve ses interrogations existentielles sous une épaisse couche de peinture. Il essaie de représenter toutes les vérités qui constituent chacun de nous, sans apparat. Des corps nus posant sur le canapé défoncé de son atelier, sur le matelas, dans les draps froissés entourés par des murs étouffés de couches de peinture, sont des sujets de prédilection de l’artiste posant sur eux un regard cru, sans bienveillance, sans détour, sans sentiments.

Photographe britannique né à Londres, Cecile Beaton (1904-1980) a photographié les plus grandes stars, de Marylin Monroe à Churchill. Portraitiste de talent et renommé partout dans le monde, il est aussi un photographe de mode réputé, voir sa longue collaboration avec Vogue Britain pour lequel il fait sa première couverture en 1932. Renvoyé du magazine dans les années 1950, il devient photographe indépendant et scénographe. Rares sont les photographes londoniens qui ont pesé autant que lui dans l’histoire de la photographie.

Du Pop art au street art

En 1956, un nouveau mouvement est lancé depuis l’Angleterre, à partir d’un photomontage réalisé par le photographe Richard Hamilton. L’œuvre intitulée Just What Is It That Makes Today’s Home so Different, so Appealing ? ou « Qu’est-ce qui rend les maisons d’aujourd’hui si différentes, si attirantes ? » introduit le mouvement pop art et notamment ses références à la culture populaire, dont David Hockney est aujourd’hui l’un des représentants les plus éminents.

David Hockney, né à Bradford en 1937, est l’un des artistes les plus connus et les plus côtés encore vivants. Influencé par Francis Bacon et Picasso, ses « Love Paintings » et ses peintures pop art sont connues dans le monde entier. Description Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) est son œuvre la plus connue. Elle a fait l’événement en novembre 2018 en devenant l’œuvre la plus chère jamais vendue (90,3 millions de dollars) lors d’une vente aux enchères, et ce du vivant de l’artiste. En 2017, une grande exposition rétrospective eut lieu au Centre Pompidou en collaboration avec la Tate Britain de Londres.

Quant à Howard Hodgkin, né en 1932 à Hammersmith et décédé récemment à Londres en 2017, il reste l’un des artistes contemporains les plus importants. Il fut l’un des maîtres de l’abstraction.

On ne peut que citer également le duo d’artistes Gilbert et Georges, qui depuis leur rencontre à St Martin’s School of Art de Londres en 1967, ne se séparent pas. S’habillant à l’identique, ils décident de devenir des sculptures vivantes. Leur projet artistique s’élabore à partir de leur vie personnelle avec des thèmes de prédilection comme le sexe, la violence, la mort et la religion. Le travail à partir de leurs obsessions intimes traduit également l’actualité du monde contemporain. On sent l’influence de la publicité et du marketing dans la conception de leurs œuvres.

Londres est à l’origine et au centre de ce nouveau mouvement d’art contemporain souvent appelé « Britart ». « Young British Artists » donne son nom aux artistes qui ont participé une série d’expositions initiées par la galerie Saatchi dès 1992. Charles Saatchi expose et finance de jeunes artistes. Largement étayées par les médias, ces expositions  dominent l’actualité artistique des années 1990, car elles sont provocatrices et transgressives. L’opinion publique britannique assiste à une bataille médiatique qui soulève bien des débats sur l’art contemporain anglais. Alors que Damien Hirst est certainement l’artiste le plus connu du mouvement – il expose un requin coupé en morceaux et conservé dans du formol – celui-ci compte de nombreux autres talents, tous plus provocateurs les uns que les autres, Sarah Lucas, Jake et Dinos Chapman, Sam Taylor Wood, la représentation d’une Vierge noire par Chris Ofili ou encore des œuvres composées à base d’urine, d’excrément ou de sang. Et ce ne sont pas les nombreuses critiques faites au mouvement qui ont changé quoi que ce soit, bien au contraire, elles semblent même avoir aidé à sa notoriété. Pourtant, après avoir atteint son apogée avec certains de ces jeunes artistes qui remportèrent le prix Turner, il semblerait que le mouvement s’essouffle un peu.

Quant au street art, Londres n’a rien à envier à d’autres capitales, certains quartiers sont des musées à ciel ouvert. Bansky, le plus connu des street artists britanniques, n’est pas né à Londres, mais à Bristol. Pourtant, il est très actif dans la capitale. Durant le week-end du 3 au 5 mai 2008, Banksy organisa une exposition intitulée The Cans Festival, située sur Leake Street, un tunnel routier utilisé autrefois par Eurostar sous la gare de Waterloo à Londres. Les graffeurs munis de pochoirs furent invités à participer et à peindre leurs propres œuvres d'art, à condition que celles-ci ne couvrent pas celles des autres. Banksy invita des artistes du monde entier à exposer leurs œuvres. Le street art à Londres a aujourd’hui acquis toute sa légitimité et se hisse au rang des beaux-arts.