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Les musiques et danses traditionnelles

Traditionnellement, la musique et la danse accompagnent la vie sociale des villages et de leurs habitants. Il ne s’agit pas que d’une distraction, mais d’une forme de communication qui maintient la cohérence culturelle et sociale du groupe : rites monarchiques, cathartiques, initiatiques et de passage ; chants pastoraux ; exaltation du courage et de l’amour... Chacun y trouve un moyen d’exprimer son pouvoir, sa force, sa spiritualité, son charme et sa virtuosité. La danse est par ailleurs un art très vivant en Ouganda, probablement celui qui draine le plus de troupes et de foules.

Chaque ethnie dispose d’un répertoire propre. Chez les Bagandas (au centre du pays), par exemple, on trouve des traditions musicales et chorégraphiques telles que le Bakisimba ou le Nankasa, essentiellement jouées lors de mariages ou diverses cérémonies. La première, le Bakisimba, est une des plus anciennes et des plus répandues. D’abord lente, cette danse s’accélère dans un second temps, s’appuyant sur des mouvements de la taille et des jeux de pieds complexes. Le Nankasa est une danse cousine du Bakisimba, qui reprend les mêmes tenues et musiques, mais s’exécute à une vitesse plus rapide du début à la fin.

Au nord-ouest du pays, on trouve le peuple Alur, pratiquant une danse appelée Otwenge. Signifiant littéralement « coude », elle voit des danseurs (hommes comme femmes) agiter leurs coudes à l’unisson. Voisins des Alur, au nord du pays, le peuple Acholi possède lui aussi une culture riche de danses, musiques et chants. On y voit le larakaraka, danse de séduction au rythme vigoureux et on y entend l’anjolinaye, chanson éloge de la beauté féminine ou encore la musique ding ding aux mélodies douces et aux rythmes intenses et syncopés. Le très célèbre ensemble Watmon Amone, composé de danseurs et de musiciens incarne à merveille la culture Acholi et fait résonner dans ses chants, la douleur, l’espoir et la mémoire de ce peuple pris en otage durant 20 ans par la LRA. Leurs œuvres sont aussi l’occasion d’entendre des instruments de la musique des Acholi comme le lukeme, un lamellophone répandu dans toute l’Afrique centrale aussi connu en tant que sanza, mbira ou likenge ; le nanga, une harpe arquée à huit cordes s’apparentant à une cithare ou encore l’adungu, un autre type de harpe arquée.

Sur le reste du territoire, les instruments traditionnels les plus répandus sont le ngalabi (un long tambour arrondi), l’endongo (une lyre à caisse de résonnance), l’enkwanzi (flûte de Pan en bambou), l’entongoli (sorte de lyre munie d’une caisse de résonance en peau de lézard) ou encore l’endingidi (vièle monocorde avec la caisse de résonance cylindrique en bois).

En France, on se souvient du « Leonard Cohen africain » Geoffrey Oryema, ougandais de naissance qui vécut ici jusque ses derniers jours (il s’éteint en 2018) et a laissé une grande place au lukeme et au nanga dans ses œuvres. À noter également, quelques très bons artistes ougandais comme Samite ou Giovanni Kiyingi qui utilisent fréquemment les instruments traditionnels du pays dans leurs compositions. À Kampala, le Théâtre National (ou Uganda National Cultural Centre) est une institution incontournable en ville. S’il programme énormément de films, pièces de théâtre et de danse contemporaine, il est très fréquent d’y voir également des danses traditionnelles ougandaises. Autre scène d’importance, le Ndere Cultural Centre situé au nord-est de la capitale, dispose d’un amphithéâtre et d’un auditorium où le visiteur peut découvrir la diversité et la richesse des traditions ougandaises. Le centre est aussi célèbre pour sa troupe de danse traditionnelle Ndere.

Les musiques populaires

Une des musiques les plus populaires et influentes du pays est de loin le Kadongo Kamu. Signifiant littéralement « une guitare » en luganda, le Kadongo Kamu se structure originellement – comme son nom l’indique – autour d’une seule guitare (acoustique) et se caractérise aussi par des refrains longs et parfois complexes. Les textes sont une part essentielle du genre, raison pour laquelle il n’est pas rare que les chansons durent 10 minutes. Parmi les pionniers de ce genre, on compte Fred Masagazi dans les années 1960, ainsi qu’Elly Wamala, considéré comme un des fondateurs avec Nabutono, premier morceau de Kadongo Kamu à être enregistré sur vinyle. Dans les années 1980 et 1990, d’autres artistes tels qu’Herman Basude, Fred Ssebatta ou Paul Kafeero popularisent le genre. Aujourd’hui le Kadongo Kamu est un brin délaissé, notamment pour le kidandali. Très populaire, ce dernier apparaît au milieu des années 1970 avec Afrigo Band – premier groupe du genre devenu institution – mélangeant la base du Kadongo Kamu à la soukous et quelques éléments de jazz. Avec le temps, le genre s’est enrichi de dancehall – particulièrement populaire en Ouganda – entre les mains d’artistes comme Bobi Wine. Ce dernier est d’ailleurs devenu un tel porte-voix pour la jeunesse ougandaise qu’il s’est présenté aux élections présidentielles de 2021.

Les musiques actuelles

Sans conteste, le dancehall a trouvé en Ouganda une amène terre d’accueil. Le pays adore le genre jamaïcain, ce dernier étant même devenu ici un des styles les plus influents en deux décennies. Depuis les pionniers Rasta Rob et Ragga Dee, des grands noms locaux tels que Bebe Cool ou Jose Chameleone ont permis au genre de prendre une nouvelle ampleur. Parmi les MCs les plus intéressants citons Swordman Kitala ou MC Yallah qui, par leur avant-gardisme, témoignent à eux seuls de l’audace de la scène ougandaise actuelle.

Et de l’audace, la jeune création locale en a à revendre. Bonne preuve avec le catalogue du label Nyege Nyege Tapes. Passionné par l’avant-garde électronique locale et des pays voisins, le label sort aussi bien des rééditions de figures oubliées comme Otim Alpha – ancien boxeur qui devint au début 2000 le pionnier de l’électro-acholi (version électronique des musiques traditionnelles Acholi) – que les percussions ougandaises modernisées de Nihiloxica, celles restées parfaitement traditionnelles du Nilotika Cultural Ensemble ou encore des artistes de Singeli, l’électro frénétique de Tanzanie (attention, ça décoiffe). Citons également Hakuna Kulala, label affilié à Nyege Nyege et se spécialisant dans l’exploration des musiques électroniques congolaises et est-africaines. Devenue une vraie institution auprès de la jeunesse (et d’un public de niche à l’international) le label organise son propre rendez-vous, le Nyege Nyege Festival à Jinja, regroupant durant quatre jours, sur plusieurs scènes, des DJ et musiciens venus d’Afrique et d’ailleurs, fidèles à sa ligne artistique. Tout simplement le plus important festival musical d’Afrique de l’Est. Dans le même esprit, le club One 54 Culture de Kampala compose une programmation bien ficelée (Nyege Nyege n’est jamais loin) quant au restaurant Torino, il s’est lui aussi bâti une bonne réputation avec ses concerts du jeudi soir.