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Les temples et les édifices religieux

L’architecture cambodgienne est une architecture essentiellement religieuse. Inspirés des architectures religieuses hindouistes, ses styles ont créé leurs propres apparences au fil du temps. Cela se voit particulièrement dans la décoration et la sculpture plus que dans l’art de la maçonnerie. Deux styles se sont particulièrement développés. Le style montagne (Angkor Wat, le Bayon) et le style plat (Ta Prohm, Banteay Samre). Dès le VIIe siècle et jusqu’au XIIe siècle, la brique est le matériau le plus employé. A partir du IXe siècle, elle est associée au grès et à la latérite, plus faciles à découper pour la confection des murs d’enceintes. Inspirés de techniques architecturales nées en Inde, les styles khmers se sont développés au fur et à mesure de la construction de nouveaux temples. Le style Baphuon par exemple prédomine tout le XIe siècle alors que la conversion au bouddhisme du roi Jayavarman VII à la fin du XIIe siècle marque l'avènement du style Bayon. Les spécialistes distinguent en général deux types de temples : le temple plat, constitué d'une terrasse surélevée, ceinte de mur et où se trouvent plusieurs tours, construites en l'honneur de la famille royale à l'origine de sa construction. Le temple montagne est quant à lui une représentation symbolique du cosmos telle que l'Inde brahmanique l'avait pensé : le Mont Méru, centre de l'univers, entouré par les astres, six continents et sept mers, fermé par une barrière rocheuse.

Les vestiges architecturaux du royaume d’Angkor. Angkor Wat est le plus important site archéologique d’Asie du Sud-Est. Sa valeur universelle en fait l’attraction touristique la plus visitée du pays. Les vestiges de la plus grande cité du monde préindustriel témoignent du passé glorieux, de la puissance architecturale et de la civilisation exceptionnelle de l’immense empire qui s’étendait jusqu’aux confins de la Birmanie et domina l’Asie du Sud-Est entre les IXe et XVe siècles. Classé en 1992 au patrimoine mondial par l’UNESCO, Angkor Wat est le temple montagne le plus célèbre, avec ses tours pyramidales représentant le Mont Meru. Contenu dans l’un des plus grands complexes religieux du monde, dispersés sur plus de 400 km², il défie l’imagination du visiteur. Composé de 200 temples et de nombreuses structures hydrauliques (bassins, digues, canaux), le site d’Angkor, magique et sacré, reste le plus important vestige de l’art khmer. Édifié par Jayavarman VII, la spectaculaire originalité architecturale du temple du Bayon, orné d’innombrables sculptures, surpasse les structures des temples des rois précédents. D’autres perles architecturales qui témoignent du raffinement de cette civilisation sont à découvrir comme le temple de Banteay Srei (la citadelle des femmes ou de la fortune). A l’écart de la cité royale, à 20 km au nord-est d'Angkor, dans la campagne, ce temple aussi minuscule que délicat, construit avec des murs en grès rose et rouge a traversé un millénaire sans que ses nuances de teintes jaunes ne se détériorent. Ses tours sanctuaires avec leurs sculptures en grès très élaborées sont des chefs-d’œuvre de l’art khmer. L’étonnant temple de Preah Vihear, (le temple de la montagne sacrée) érigé au XIe siècle au sommet de la chaîne de montagnes de Dangrek mérite aussi le coup d’œil. Situé entre la Thaïlande et le Cambodge, ce temple hindou fut pendant plus de huit siècles dédié à Shiva. Le temple est très bien conservé et on constate que son architecture, remarquable, est différente du style khmer classique. Le site abrite cinq gopuras, des tours monumentales richement ornées et typiques de l'architecture dravidienne de l’Inde du Sud ainsi qu’un sanctuaire principal. Les structures sont reliées par des routes de 800 mètres de longueur et qui partent du nord au sud. Le temple de Preah Vihear est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008.

À de rares exceptions (comme Angkor Wat), tous les temples sont orientés sur un axe est-ouest avec l'entrée faisant face au lever du soleil. Grâce à de savants calculs astrologiques, les prêtres délimitaient l'espace sacré qui devait se trouver au centre de l'édifice religieux. Le sanctuaire, qui abrite l'idole, se trouve toujours au fond de la structure principale, sous un système de voûte en encorbellement. Cette condition technique explique la volonté des architectes khmers de construire des structures en hauteur pour abriter le cœur de l'espace sacré. Au fil des siècles, les techniques de constructions s'améliorent (éléphants pour transporter les pierres, systèmes mécaniques de levage, gestion de la main-d'œuvre.) Les tours deviennent plus complexes, les gradins sont plus de plus en plus petits au fil de l'élévation de la tour, les bas-reliefs se révèlent minutieusement détaillés, donnant à l'ensemble cet aspect de pyramide typique du style khmer. Les barray, ces réservoirs géants d’eaux pluviales servant à l'irrigation expliquent l'incroyable démographie de l'empire khmer. Les souverains construisent toujours des douves autour des temples pour l’aspect défensif mais aussi pour représenter le cosmos du Mont Meru. Afin de pouvoir les traverser et accéder à la structure centrale, de vastes chaussées d'accès en brique sont construites. Au IXe siècle, les chaussées sont surélevées grâce à d'ingénieux systèmes de dés. Des balustrades en forme de nagas sont sculptées. A partir du XIIe siècle, ces sculptures se complexifient, représentant le « Barattage de la mer de lait », où dieux et démons font tourner le Mont Meru comme une toupie, à l'aide d'un naga géant, pour en extraire le nectar d'immortalité.

L’architecture traditionnelle khmère

Présentes dans les ravissants villages khmers, les maisons traditionnelles Phtêah khpouh srâlah pi dey (maison surélevée de la terre) bâties en bois ont peu résisté au temps. A cause du climat et de la fragilité des matériaux, les habitations rurales ont rarement plus de 50 ans. Les plus anciennes maisons encore visibles et toujours habitées se trouvent dans la région de Battambang, dans le nord-ouest du pays. Elles sont posées sur de hauts pilotis, pour se prémunir des inondations pendant les moussons et se protéger des animaux sauvages, des serpents ou des scorpions. Elles s’élèvent entre 1 et 2 mètres au-dessus du sol parfois davantage selon les régions. L’espace sous la maison est utilisé comme lieu de stockage ou comme refuge pour les petits animaux de la ferme. C’est également sous la demeure que se trouve le moulin à décortiquer le riz. Le rez-de-chaussée est réservé au travail manuel. Lors de sa construction, la maison khmère obéit toujours aux mêmes règles. La façade fait face à l’est, la porte principale ou l’escalier ne doivent jamais être orientés ni au sud ni à l’ouest. Enfin, la maison est toujours construite autour d’un petit terrain et n’est pas collée à une autre. A l’intérieur, on retrouve trois espaces bien définis. Le salon, la pièce la plus importante, celle qui sert à recevoir des invités. L’espace de couchage, celui des parents. Enfin, à l’arrière, un autre couchage ou la cuisine. Les sanitaires ne se sont pas dans la demeure principale mais à l’arrière de la propriété, au fond du jardin. Il est assez simple d’identifier le statut social d’une famille au Cambodge en observant la structure extérieure de la maison ainsi que les types de matériaux employés pour sa construction. Il existe 3 grands types de toiture facilement reconnaissables et qui donnent leur nom à l’habitat : le modèle Phtêah Ka-taing, le modèle Phtêah Peth et le modèle Phtêah Rong. Le modèle Ka-taing est la construction la plus basique, avec un toit à 2 pentes, c’est souvent le modèle adopté par les familles les plus démunies. La maison traditionnelle khmère de modèle Phtêah Peth, plus cossue, est choisie par les familles de la classe moyenne. Son toit est complexe avec quatre pentes deux à deux symétriques. Enfin, la maison de modèle Phtêah Rong est réservée aux plus riches et comporte une toiture ou une double toiture partiellement tronquée recouverte de tuiles. La maison possède un balcon et un escalier d’accès centré ou en demi-tour.

Au nord-est du Cambodge, dans la province du Mondolkiri, l’une des régions les moins peuplées (4 habitants par km²), l’habitat de l’ethnie Bunong (sauvages en langue khmer) est différent du reste du pays. Les maisons de ce peuple indigène qui habite dans la forêt depuis 2000 ans sont des huttes avec des toits de paille. Dans le groupe ethnique Kreung, qui vit principalement à Ratanakiri, la province voisine du Mondolkiri, lorsque les jeunes filles atteignent la puberté, la tradition veut que leur père leur bâtisse « une cabane d'amour », à l’écart de la maison familiale. Cette petite hutte en bambou conçue pour les célibataires permet aux filles du village de « tester » différents prétendants jusqu’à ce qu’elles trouvent le bon compagnon.

Le patrimoine architectural colonial

Jadis surnommée la perle de l’Asie, Phnom Penh conserve un superbe patrimoine architectural colonial. L'un des monuments les plus anciens de la capitale est le pavillon Napoléon III. Offert au roi Norodom en 1870 par Napoléon III, ce pavillon à l’architecture originale en fer fut bâti pour accueillir l'impératrice Eugénie lors de l'inauguration du canal de Suez. Il faut se promener dans le centre historique, le long du fleuve, pour découvrir quelques édifices emblématiques de la ville. Parmi ceux-là, la superbe poste centrale bâtie en 1890 sur les plans de l’architecte français Daniel Fabre est le premier bâtiment administratif construit par le protectorat français (1863-1953). De style néoclassique, cette imposante bâtisse de deux étages comporte deux ailes latérales. Sa façade jaune citron est ornée de balustrades, de colonnes corinthiennes et de fenêtres romanes. Dès 1925, l’architecte visionnaire Ernest Hébrard et son style néo-indochinois amorce une rupture. L'hôtel Le Royal (1929) que le Français a conçu demeure le plus emblématique des bâtiments coloniaux de la capitale. Sa façade superbement décorée et son élégant intérieur vont faire de Phnom Penh une cité moderne d’expérimentation architecturale. De fantastiques structures de béton parfaitement ventilées telles que celles de la gare ferroviaire initialement construite dans un style Art déco en 1932 sont inventées. Les constructions s’enchaînent comme celle du Phsar Thmey (le nouveau marché central) qui domine le cœur de Phnom Penh. Prouesse technique des années 30, vus du ciel, son gigantesque dôme et ses 4 ailes forment une croix. En 1937, lors de son inauguration, il est le plus grand marché d’Asie. Face au musée national, la maison coloniale de style baroque construite entre 1910 et 1920 qui abrite depuis 1991 les bureaux de l’UNESCO est également à voir.

De nombreuses autres villes provinciales au Cambodge possèdent de beaux vestiges coloniaux comme Battambang, Kratie, Kampong Cham ou Kampot. Au nord-ouest de Phnom Penh, le centre-ville colonial de Siem Reap qui s’organise autour du vieux marché à côté de l’austère résidence royale mérite une visite.

Vann Molyvann, figure tutélaire de l’architecture cambodgienne contemporaine

Vann Molyvann est l’architecte contemporain le plus célèbre au Cambodge. Icône nationale, son œuvre tournée vers l’avenir porte l’héritage du modernisme mais ses lignes architecturales puisent dans le style du Cambodge ancestral. Ses conceptions simples et peu coûteuses s’appuient sur une organisation fonctionnelle de l’espace. Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Paris, disciple de Le Corbusier et de Frank Lloyd Wright, son architecture khmère toute en légèreté s’adapte aux modes de vie. En 1956, Vann Molyvann est désigné ministre d’État en charge de l’urbanisation et de la direction des travaux publics de la capitale. Pendant 15 ans, il va concevoir une centaine de bâtiments et transformer Phnom Penh en ville ultra moderne dans les années 60. Soucieux de concilier modernité et tradition, Vann Molyvann s’appuie autant sur l’héritage du raffinement des bâtisseurs d’Angkor que sur le savoir-faire des paysans. Privilégiant les ouvertures ventilées et les constructions simples, il calque et transpose le bon sens rural à son architecture comme pour l’Institut des langues étrangères de Phnom Penh, un édifice remarquable d’ingéniosité qui conserve la fraîcheur à l’intérieur sans être pourvu de climatisation. Les influences de ses constructions emblématiques sont plus complexes. En 1958, le Roi lui demande de concevoir le monument de l’Indépendance, symbole de la jeune nation cambodgienne. Les proportions de ce monument gigantesque s’inspirent des tours sanctuaires du temple de Banteay Srei qui ont servi de modèle à Vann Molyvann. Les nagas, ces créatures mythiques, moitié hommes et moitié serpents sont visibles sur les frontons de cette réplique angkorienne. Protecteurs puissants, les nagas garderont la jeune nation et peuvent être admirés depuis la rue. Sous le règne du roi Norodom Sihanouk, Vann Molyvann construit plusieurs bâtiments remarquables de la période du Sangkum (1953-1970), l’âge d’or du Cambodge. Parmi ceux-ci, citons le théâtre Chaktomuk bâti en 1960 qui rayonne avec sa forme d'éventail semblable à une feuille de palmier ainsi que l'université royale ou le siège du Conseil des ministres. L’architecte supervisa également l’essor de villes nouvelles comme Sihanoukville au sud du pays, cité balnéaire alors appréciée des colons français. La banque nationale où, jadis, les billets de France arrivaient par bateau est restée intacte. Sur les hauteurs de la ville se dresse majestueusement la résidence royale de Norodom Sihanouk qui domine l’océan. En 1962, Molyvann réalise son projet le plus ambitieux : le stade olympique de Phnom Penh. Il doit être achevé en une année afin d’accueillir les Jeux de l’Asie du Sud-Est en 1963. L’architecte choisit de bâtir un stade sur le modèle d’Angkor Wat, le plus grand des temples d’Angkor. En entourant le complexe sportif de plans d’eau, le génial architecte monumentalise le stade et lui apporte beaucoup de noblesse. A l’extérieur, l’eau devient l’élément central. À l’intérieur, les gradins sont conçus comme des claustras. L’architecte s’inspire des techniques des illustres bâtisseurs khmers en alternant les espaces vides et pleins afin de procurer des émotions fortes aux spectateurs grâce aux jeux de lumière. Vann Molyvann est mort le 28 septembre 2017 à l'âge de 90 ans à Siem Reap.