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Mosaïques antiques

Plusieurs sites invitent à découvrir la culture antique en Sicile. La Villa romaine du Casale est particulièrement célèbre pour ses mosaïques en excellent état de conservation. Non loin de piazza Armerina, la villa abrite une trentaine d’œuvres. Les mosaïques illustrent des scènes mythologiques et de la vie quotidienne.

Ne manquez pas le couloir de la grande chasse, long de presque 60 mètres. Dans une profusion de détails, les mosaïques montrent des animaux capturés prêts à être transportés pour les jeux du Colisée de Rome. Le style pictural laisse penser que des ouvriers africains ont participé à ces créations.

La salle la plus cocasse est sans doute celle des « jeunes filles en bikini ». Sur ces mosaïques, dix demoiselles s’adonnent à différents sports… en maillot deux-pièces ! Pour l’anecdote, la salle a été mise au jour en 1950, peu après la naissance du bikini.

Toutes ces témoignages de la civilisation romaine, soigneusement restaurés, sont considérés comme les plus précieux de ce type de vestiges.

Renaissance sicilienne

La Renaissance se diffuse en Sicile aux XVe et XVIe siècles à partir de Florence, Rome et Naples. Elle prend ici un style spécifique à la croisée des explorations picturales italiennes, de l’héritage culturel de la fin du Moyen Âge et des caractéristiques de la peinture flamande. Car c’est à Messine qu’arrivaient les Flamands venus travailler sur l’île. Etape incontournable, la Galleria Regionale della Siciliana de Palerme propose un panorama détaillé de la peinture sicilienne de cette époque, montrant que la Renaissance s’établit lentement sur l’île, dès 1460-1470 avec trois artistes majeurs : Francesco Laurana, Domenico Gagini et Antonello da Messina.

Antonello est le seul maître du Quattrocento originaire du sud de l’Italie. Portraitiste de génie, il s’intéresse à l’Antiquité, à la perspective et au travail des Flamands. Sa curiosité le conduit à étudier à Naples, à Venise puis à Bruges où il s’initie à la technique de la peinture à l’huile dans l’atelier de Jan van Eyck. L’œuvre d’Antonello da Messina est une synthèse entre le réalisme flamand et le traitement de l’espace à l’italienne. Mais ce qui rend son talent exceptionnel, c’est l’acuité psychologique de ses portraits. Il est le peintre de la vie intérieure. Après un premier séjour à Venise, il rentre en Sicile en 1470 et peint le retable de Saint-Grégoire. Ses personnages ne posent plus de face mais de trois-quarts et le volume est préféré au contour. Rentré d’un second voyage en 1476, il réalise le célèbre Condottiere. Dans ses portraits, la sensibilité des regards ne cesse de s’aiguiser. Il exécute alors le Portrait du marin inconnu, une huile sur noyer conservée au Museo della Fondazione Mandralisca, à Cefalu. Ses œuvres sont aujourd’hui dispersées dans le monde entier mais la Sicile garde le polyptyque de la Madone du Rosaire au Musée régional de Messine. Ses représentations du Christ, une larme à l’œil, ou de Marie, au doux sourire, expriment une compassion véritablement humaine. Personne n’avait jamais représenté le divin dans une telle proximité avec le commun des mortels.

Art baroque

Bien qu’elle suive les tendances du continent, la peinture sicilienne du XVIe siècle ne présente pas d’artistes majeurs. Aux environs de 1550 des artistes viennent s’installer sur l’île tels que l’Espagnol Juan de Matta ou le Flamand Simone de Wobreck, apportant diverses influences.

Pietro Novelli (1603-1647) est le peintre sicilien le plus important du XVIIe siècle. Influencé par Le Caravage, il étudie à Rome les tableaux de la Renaissance italienne. A Naples, en 1630, il s’intéresse aux naturalistes napolitains. Toutes ces influences vont lui permettre de développer un art réaliste. Rentré en Sicile en 1637, Novelli peint essentiellement des scènes religieuses. Il compose pour les bénédictins de Monreale et réalise de nombreuses fresques pour différentes églises en Sicile. A Palerme, il signe Le Miracle de saint Philippe de l’église del Gesù. L’oratoire del Rosario dans le quartier de la Vucciria à Palerme possède également une peinture de l’artiste. Parmi la série des Mystères du Rosaire, sur la voûte, la cinquième toile n’est autre que la représentation du Couronnement de la Vierge de Pietro Novelli.

Son contemporain Antonio Barbalonga (1600-1649) est un peintre baroque formé par Simone Comandè. Il déménage à Rome où il devient élève de Domenichino. Barbalonga exécute de nombreuses peintures pour les églises, dont la Conversion de saint Paul pour l'église du couvent Sant'Anna à Messine. Pour sa ville natale, il peint aussi un Saint Grégoire pour l'église du même nom, et une Assomption pour San Michele. Rome, Madrid et Palerme abritent plusieurs de ses œuvres.

Sculpture

Au XVIe siècle, la sculpture confirme sa place majeure en Sicile.

La famille des Gagini a œuvré durant tout le XVe siècle aussi bien sur la péninsule italienne qu’en Sicile et notamment à Palerme, Messine et Trapani. Sa production se partage entre des commandes répétitives d'atelier et des thèmes sculpturaux religieux comme des tabernacles de marbre. Antonello, fils de Domenico Gagini, se démarque grâce à la formation qu’il reçoit de Michel-Ange. Son atelier de Palerme sera ensuite florissant. Le petit-fils de Domenico, Antonino, a embelli la chapelle de la Madone de Trapani en parant l’arc de ses statues massives. Cet arc aurait inspiré le baroque sicilien aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Giacomo Serpotta (1652-1732), maître du stuc, est l’un des sculpteurs phares de la Palerme du XVIIIe siècle. On lui doit notamment la statue équestre de Charles II visible au musée de Trapani.

Dans un palais du XIIIe siècle, le Musée régional d’Art médiéval et moderne présente une collection éclectique de sculptures parmi des peintures et divers objets. Domenico Gagini est représenté par sa Madone à l’Enfant. L’Annonciation d’Antonello de Messine, récemment restaurée, a enfin repris sa place.

Genre nouveau

La Sicile aime l’art urbain. Depuis quelque temps, les initiatives se multiplient en sa faveur. Les murs délaissés de Palerme, Messine et Catane accueillent de grands noms du street art tels que Blu, C215 ou Vhils.  Depuis 2012, le petit village de Giardini Naxos organise l’Emergence Festival, dédié au street art. Récemment la ville de Catane a invité huit artistes à s’exprimer sur des silos à l’entrée du port. Les Street Art Silos illustrent les grands thèmes de l’identité sicilienne tout en revalorisant l’image de la zone maritime et de la politique culturelle.

À Palerme, plusieurs projets associent art et action sociale. L’association Push s’est ainsi alliée à l’artiste Ema Jons pour exécuter des fresques avec des enfants de Borgo Vecchio. Fort de son succès, le projet s’étendra bientôt à Naples et Catane.

L’épicentre du street art sicilien se trouve dans la vieille ville de Palerme, dans la Vucciria : Don Corleone se cache derrière un poteau, tandis qu’un personnage cartoonesque conduit un bolide sur un rideau de fer. Des surprises à tous les coins de rue !

Dans la réserve de Capo Gallo, un chantier abandonné a été changé en galerie à ciel ouvert. Baptisé Pizzo Stella Art Village, le lieu dispose en prime d’une vue imprenable !

L’art photographique

Les photographes siciliens ont très tôt développé un style particulier avec une préférence pour le noir et blanc. La première génération est marquée par quatre maîtres : Letizia Battaglia, Nicola Scafidi, Ferdinando Scianna et Enzo Sellerio, le maître de la photographie néoréaliste.

Letizia Battaglia, née à Palerme en 1935, a documenté les actes sanguinaires de la mafia contre l’Etat italien. Récompensées par le prix W. Eugene Smith, ses images d’une réalité violente se caractérisent par un profond respect envers les victimes et les criminels.

Nicola Scafidi, né en 1925, débute comme photojournaliste en 1943, date du débarquement des forces alliées sur l’île.  Par la suite, il entretient des relations fortes avec le milieu culturel et des personnalités telles qu’Ingrid Bergman et Roberto Rossellini.

Son amour pour son île natale imprègne le travail de Ferdinando Scianna, né en 1943 à Bagheria. Il rejoint l’agence Magnum avec l’appui de Henri Cartier-Bresson. Très jeune, il se met à photographier ses compatriotes. Par la suite, il développe une carrière internationale, notamment dans la mode, sans jamais se détacher de Palerme. Sa célébrité explose quand il immortalise le mannequin Marpessa dans les rues et sur les places de Sicile. On retiendra de lui ses instantanés, gamins des rues et dames aux fichus noirs, en plus de ses célèbres portraits de Barthes et de Borges.

La nouvelle génération est menée par Carmelo Bongiorno, Carmelo Nicosie et Sandro Scalia. Carmelo Bongiorno et Carmelo Nicosia sont nés à Catane en 1960. Sandro Scalia a étudié la photographie à Milan. Dans ses images en couleur, il cherche à offrir des visions alternatives du territoire sicilien.

Carmelo Bongiorno est à la fois artiste, photographe professionnel et enseignant. Fondateur du Gruppo Fase, il se concentre sur le rendu du détail. Primé à Arles en 1989, il devient en 1993, avec Sieff et Depardon, l’un des six photographes choisis par la CEE pour Les Routes du Lait.

De nos jours

La Galerie KōArt de Catane travaille en collaboration avec un comité établi à Florence pour promouvoir des artistes majeurs de la scène nationale et internationale. Elle se présente d’ailleurs comme un espace de création sensible aux recherches allant au-delà du plaisir purement esthétique.

Parmi les galeries d’art de Palerme, le Musée d'art contemporain de Sicile ou Palais Riso s’attache à exposer des interprétations novatrices de l’héritage artistique sicilien. Les peintres issus de l’art pauvre sont richement représentés ainsi que le Land Art avec des œuvres de Richard Long. Vous pourrez admirer le travail de Carla Accardi, grande figure de l’art abstrait, du sculpteur Pietro Consagra ou de notre Boltanski national. Bon à savoir : le café-librairie est fréquenté par les artistes, en particulier les avant-gardistes locaux.