ST011601.jpg

Les musiques et danses traditionnelles

Avec ses influences bantoues, persanes, arabes, mais aussi celles apportées par les immigrants indiens ou les colons occidentaux, la musique et les danses mahoraises racontent l’histoire de l’archipel mieux que quoi que ce soit d’autre. Des témoignages précieux du passé que Mayotte conserve intacts grâce au talent de ses musiciens et à la passion de son public.

Si vous cherchez la musique et la danse mahoraise par excellence, n’allez pas plus loin, il s’agit du m’godro. Pratiquée aujourd’hui par toutes les franges de la population, sans limite d’âge, son histoire est profondément enracinée dans l’archipel et découle sans doute de l’ère malgache. Avec le temps s’y sont mêlés des instruments et des influences venues d’outre-mer. Désormais les rythmes fiévreux du m’godro sont joués avec des instruments purement mahorais comme le gaboussa ou le m’kayamba et convient aussi du tam-tam. Les grands noms du genre sont Mikidache qui, bien que très éclectique en a composé de très bons, Baco Ali, leader du groupe Tama Music et faisant partie des artistes incontournables du paysage musical mahorais, Bob Kira grand défenseur de m’godro aux côtés de son grand frère Lathéral (qui lui le mélange au reggae), la chanteuse Lima Wild qui en a quelques-uns dans son répertoire ou encore Jean-Raymond Cudza, célèbre pour avoir modernisé le m’godro avec de la guitare électrique et du synthé. Aujourd’hui, la jeune garde offre un nouveau souffle au genre sous l’impulsion d’artistes comme M'Toro Chamou.

S’il est très populaire et donc particulièrement visible, le m’godro est loin, très loin d‘être la seule tradition musicale et chorégraphique que l’île cultive. Emblématiques de Mayotte, on trouve les m’biwis, des petits bâtons de bambou (des claves) frappés l’un contre l’autre, joués exclusivement par les femmes en groupe, tout en dansant et chantant. Les m’biwis accompagnent de nombreuses cérémonies. Également réservé uniquement aux femmes, le debaa mélange danse, musique et chants traditionnels. À portée religieuse ou non, cette pratique voit un chœur reprendre la mélodie d’une soliste tout en effectuant une chorégraphie et s’accompagnant de timbales.

Exclusivement masculins cette fois-ci, le shigoma est une pratique de l’île (visible aussi aux Comores) où les danseurs en cercle obéissent aux tambours rythmant la danse tandis que le murengué (ou moringue) est une danse de combat particulièrement brutale, réservée aux hommes où les combattants s’affrontent en duel avec poings et pieds au rythme de percussions. Parmi les danses mixtes, une des plus remarquables est le biyaya. S’exécutant en cercle où l’on se suit les uns les autres, les participants réalisent des pas en avant et en arrière, cadencés par un ensemble de percussions.

Bien entendu, l’archipel compte quelques instruments qui lui sont propres comme le gaboussa (ou gaboussi) et le dzindzé. Le premier est une petite guitare typiquement mahoraise, dont un excellent ambassadeur est Langa, personnage atypique et talentueux, indissociable de l’instrument. Le second, le dzindzé, est également un instrument à cordes, plus original, parfois bâti autour d’une longue caisse de résonance. Colo Hassani en est un joueur réputé.

Un des outils que Mayotte s’est donné pour préserver et valoriser sa culture et ses traditions - tout en la faisant dialoguer avec d’autres - est le Festival interculturel de Mayotte (FIM). Installé à Mamoudzou et soutenu par le conseil général, le rendez-vous convie de grands noms de diverses disciplines, aussi bien originaires de Mayotte que du bassin de l’océan Indien devenant ainsi l'un des événements importants de la région. Au programme : chants, musiques, danses sans oublier l’artisanat et la gastronomie. Une bonne occasion d’entendre du m’godro. Autre grand rendez-vous du domaine, le festival des arts traditionnels de Mayotte (le « FatMa ») est couplé avec la commémoration de l’abolition de l’esclavage, et se déroule donc chaque année fin avril. L’occasion d’assister à des expositions des concerts, des conférences, des spectacles de danses. Une promotion de la culture et des traditions mahoraises et une plongée dans l’âme mahoraise.

Les musiques actuelles

D’une île à l’autre, Mayotte partage une passion avec la Jamaïque : le reggae. Depuis des décennies, le genre est omniprésent, entretenu par quelques figures locales. À commencer par Bob Dahilou. D’aucuns s’accorderont à dire qu’il a importé le reggae ici et il est même si populaire qu’une rue porte son nom. Autre pilier très important de la musique locale, Baco a, durant plus de vingt ans de carrière, joué beaucoup de reggae où se mêlent également afro-jazz et m’godjo. Reggae toujours, citons également Wubani Spirit qui fait partie des artistes locaux chevronnés tournant le plus souvent ainsi que Babadi. Révélation comorienne en 1997, ce dernier s’est imposé avec le temps en défenseur d’un m’godro moderne, alliant textes engagés et influences reggae.

Encore un pilier – ou pas loin - Del Zid est lui une figure plus exploratrice dans le paysage musical mahorais. En perpétuelle recherche, il emmène avec lui les sonorités de Mayotte vers le jazz, le groove, l’afro-blues ou la pop, toujours installé dans une démarche d’hommage à la diversité culturelle de son île. Un peu dans le même esprit, impossible de passer un moment à Mayotte sans entendre un morceau de Chakires. Chanteur multi-instrumentistes, il compose depuis les années 1980 des mélodies douces, où se mélangent les styles. Un parfait exemple est son deuxième album Baswa, lieu de rencontre de rythmes bantous, swahilis et arabes, ponctués d’harmonies européennes.

N’oublions pas de mentionner non plus Mikidache, nom très important de l’île dont la musique marrie traditions locales et rythmes de l’océan Indien, Diho, mahorais basé à Marseille, et inventeur de l’afro-chigoma, ou encore M’toro Chamou, artiste engagé, mentionné précédemment et acteur important du renouveau de la musique mahoraise.

Mayotte est peut-être modeste par la taille mais elle voit les choses en grand en termes de concerts. Il n’y a qu’à regarder la programmation de son Festival Milatsika pour s’en convaincre. Signifions « notre culture » en shimaoré, il est depuis 2007, le grand rendez-vous de l’océan Indien où est conviée la crème des artistes de Mayotte, Madagascar ou la Réunion - sans oublier la France métropolitaine. À l’année, quelques lieux contribuent largement à l’ébullition de l’île comme le M’biwi, adresse vivante et institutionnelle de Mayotte, le Barakili, resto-bar connu pour ses soirées festives à souhait et ses concerts réguliers, et enfin le Faré, restaurant et institution locale.