Le cimetière juif. © Petr Bonek-shutterstock.com.jpg
La synagogue du Jubilée. ©  DeepGreen - shutterstock.com.jpg

Un peu d’histoire

Pour profiter pleinement de la visite du quartier juif et décrypter son visage actuel, replaçons rapidement quelques jalons historiques. S’il semble que les Juifs aient commencé à s’installer à Prague au tournant des Xe et XIe siècles, ce n’est qu’au XIIIe siècle, et dans le cadre d’une politique de ségrégation, qu’ils se retrouvent murés entre la place de la Vieille Ville et la Vltava. Dès lors, ils obtiennent un statut d’autonomie – autonomie bien sûr circonscrite au ghetto – et la communauté se développe en suivant son propre chemin, indépendamment de ce qui arrive et se décide dans le reste de la ville. Le ghetto vit aussi grâce à ses propres services administratifs, devenant une sorte de bulle au cœur de Prague. Aux XVIe et XVIIe siècles, Prague est devenue l’un des plus grands ghettos du monde : près de 11 000 Juifs y vivent en permanence alors que l’on recense moins de 200 bâtiments ! En 1783, Joseph II rétablit les droits civiques et religieux des communautés non catholiques, en particulier des Juifs. C’est pour commémorer cet acte que le quartier fut rebaptisé Josefov en 1850, lorsqu’il devint un véritable arrondissement de Prague. Mais ayant perdu son autonomie, Josefov va aussi devoir rattraper le reste de la ville en termes d’urbanisme, et l’entassement des siècles passés a été tel qu’il apparaît bien plus simple de tout détruire pour reconstruire. Les maisons et immeubles de bois érigés de manière anarchique sont devenus des nids à épidémie et des foyers d’incendie en puissance. En 1848, les murailles qui séparaient les Juifs du reste de la population sont abattues, ainsi que les six portes qui permettaient de gérer les accès au quartier juif.

Un nouveau visage

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le quartier fait partie d’un plan d’assainissement radical : toutes les habitations sont rasées et ne subsistent que les synagogues et le cimetière. Quelques années plus tard, Josefov change complètement de visage, en particulier avec la rue Pařížská, l’axe le coupant en deux et reliant la place de la Vieille Ville à la Vltava, affichant une superbe continuité architecturale dans le style Sécession – nom tchèque pour l’Art nouveau – qui offre toujours la même magie. Dans les années 1930, le quartier de Josefov redevint l’un des plus prospères de Prague et la communauté juive comptait plus de 100 000 personnes en Tchécoslovaquie. Comme le souhaitait le président Masaryk, les Juifs étaient alors citoyens tchécoslovaques à part entière, bénéficiant des mêmes droits et devoirs que leurs compatriotes. La politique des pays voisins comme la Pologne et la Hongrie étant bien plus ségrégationniste, Prague apparut alors comme un îlot de bien-être pour la communauté juive et la population monta jusqu’à 135 000 personnes. Après le génocide nazi, au cours duquel près de 80 000 Juifs furent déportés à Terezín, et les purges du régime communiste d’après-guerre, seuls 10 000 Juifs survécurent et moins de 2 000 vivent toujours à Prague, sans plus être forcément concentrés dans Josefov. Toujours classée parmi les plus belles rues du monde, Pařížská offre aux regards un spectacle extraordinaire : demeures colorées, statues et frises ornant les façades, caryatides supportant des balcons à ferronneries aux motifs végétaux, portes sculptées… On est donc très loin de l’idée que l’on peut se faire d’un « vieux ghetto juif ». Pour se rendre compte de ce qu’était le quartier, il faut se planter devant la synagogue Vieille-Nouvelle : son enfoncement dans le sol témoigne de son ancienneté et de l’importante couche de débris issus de l’ancien quartier et ayant été recouverts lors de sa modernisation.

Une page sombre

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la population juive de Prague n’a cessé de prospérer et de s’accroître et Josefov compte près de 20 000 habitants dans les années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des édifices juifs de Prague hors de Josefov sont rasés, à l’exception de la synagogue du Jubilée, dans Nové Mesto. Le IIIe Reich veut effectivement faire de Josefov une sorte de musée et, tout en exterminant la population, entrepose dans les bâtiments vides quantité d’objets et archives liés au judaïsme et issus des pillages de toute l’Europe. Ils constituent aujourd’hui le fonds très hétéroclite du Musée juif de Prague. La visite de l’ancien quartier occupera une bonne journée au cours de votre séjour, avec les différentes synagogues. Tôt le matin ou tard le soir, pour éviter la foule, vous visiterez aussi le très photogénique cimetière juif, où tous les regards cherchent avec attention la tombe du rabbin Löw, celui qui aurait donné vie au Golem, ce personnage légendaire, protecteur de la communauté juive de Prague. La ville juive possédait également son propre hôtel de ville, qui abrite aujourd’hui le rabbinat de Prague et ne se visite pas, mais dont on peut admirer la très belle horloge, ornée de caractères hébreux et dont les aiguilles tournent à l’envers. Mais la Prague juive ne se limite pas à Josefov : dans Nové Mesto, la synagogue du Jubilée témoigne d’une volonté d’inclure les juifs dans la société praguoise et affiche une étonnante architecture alliant lignes mauresques et style Art nouveau. À Žižkov, le nouveau cimetière juif, construit en 1890, vaut également le détour pour ses nombreuses tombes style Art nouveau ou pour les célébrités qui y sont enterrées, en premier lieu Franz Kafka. Ce n’est pas le seul lieu de mémoire lié au célèbre écrivain juif praguois : la façade de sa maison natale est également toujours visible place de la vieille ville.

Un quartier bien vivant

Mais au-delà de ce lourd passé, Josefov reste un quartier dynamique et animé à toute heure du jour et de la nuit. Depuis l’indépendance, les plus grandes enseignes de luxe se disputent les vitrines de la rue Pařížská. Shopping, restauration, bars et boîtes de nuit : rien ne manque pour découvrir l’autre visage de la « Prague juive » qui, dès que l’on ressort des musées, n’a plus rien de réellement juif. Bien sûr, vous pourrez toujours goûter une excellente cuisine casher au restaurant du Roi Salomon, rue Siroka, mais dès la nuit tombée, les bars à cocktails huppés, les boîtes de nuit rétro, vintage ou techno donnent au quartier un tout autre visage apprécié des locaux comme des touristes, et qui redonnent un souffle de vie à un quartier qui étouffe sous son succès touristique en journée.

Avertissement : il est déconseillé de visiter ce quartier le samedi et pendant les fêtes juives car tous les musées sont alors fermés.