Surprenante architecture maya

Les Mayas ont rivalisé de prouesses et d’audace dans l’édification de leurs impressionnantes cités-Etats. Ces cités ont connu une première période de prospérité, dite période classique, entre les IIIe et Xe siècles, puis, après le déclin de certains centres urbains, une seconde période d’effervescence, dite postclassique, entre les XIe et XVIe siècles. Leur puissante architecture de pierre est celle du pouvoir et de la religion et s’organise de manière très codifiée. La cité se divise en deux parties. Il y a d’un côté son cœur cérémoniel, auquel on accède le souvent par une arche, concentrant pyramides, temples, palais, jeux de balle, observatoires et citernes ou chultunes, l’ensemble s’organisant autour de grandes aires, à l’image des agoras. C’est le lieu de résidence des prêtres et hauts dignitaires. La population réside, elle, à l’écart de la cité, à proximité des champs découpés par des canaux d’irrigation et des murets de pierre, dans des huttes ovales et allongées, composées d’une seule pièce et faites d’une structure en bois sur laquelle repose une toiture de chaume. Un art d’habiter qui se perpétue aujourd’hui encore dans de nombreux villages mayas. L’ensemble de ces espaces, ainsi que les cités-Etats entre elles, sont reliés par des sacbés, des voies de circulation rectilignes, construites en calcaire et légèrement surélevées par rapport au niveau du sol. A cette maîtrise de l’urbanisme s’ajoute celle de l’architecture qui exprime toute sa splendeur dans les centres cérémoniels. Elle est d’autant plus extraordinaire que les Mayas ne font usage que d’outils extrêmement rudimentaires, en pierre ou en bois. Le matériau privilégié pour les constructions est le calcaire dont les Mayas relient les blocs à l’aide d’un mortier en calcaire pilé, avant d’élaborer une technique de taille de pierre permettant l’emboîtement des blocs entre eux. Les surfaces sont recouvertes de plâtre et peintes à l’aide de pigments minéraux et organiques. De façon générale, les édifices de la cité sont érigés sur des soubassements de pierre plus ou moins importants. L’édifice phare est la pyramide, surnommée El Castillo. Il ne s’agit pas d’une sépulture comme chez les Egyptiens, mais d’une plateforme sur laquelle est construit un sanctuaire. Une architecture verticale pour permettre de se tenir au plus près des dieux. A degrés, ces pyramides possèdent des escaliers à l’impressionnante déclivité, et des étagements en terrasses se réduisant progressivement dans un art consommé des proportions et de la perspective. Rien n’est laissé au hasard et astronomie et mathématique président à l’édification de chaque construction. C’est en particulier vrai pour les observatoires de forme arrondie, souvent munis d’escaliers en colimaçon, dont les ouvertures sont calculées pour permettre une observation précise des astres. Les Mayas sont le seul peuple d’Amérique à avoir largement utilisé la technique dite de la « fausse voûte », consistant en une superposition de pierres liées au mortier qui se chevauchent et finissent par se rejoindre, mais sans que la pierre centrale ne joue le rôle de clé de voûte pour soutenir l’ensemble, d’où le terme de « fausse voûte » ou voûte à encorbellement, et d’où le fait que les espaces dégagés par cette structure soient de faible hauteur. L’architecture maya possède également une grande richesse décorative, usant d’un style résolument épique. Les Mayas maîtrisent notamment l’art du bas-relief et de la mosaïque (fruits d’une production déjà standardisée et préfabriquée !) que l’on retrouve sur la totalité de la façade ou uniquement sur les crêtes et linteaux, soulignant ainsi la structure. Il existe plusieurs styles. Le style Puuc, dont le site d’Uxmal est connu pour être le grand chef-d’œuvre, se caractérise par des murs relativement sobres à leur base, mais dont la partie supérieure est ornée de complexes mosaïques alternant motifs géométriques, masques de Chaac (le dieu de la pluie) et entrelacs de symboles religieux, le serpent en tête. Le style Rio Bec, que l’on retrouve sur le site de Xpujil notamment, se caractérise par des plateformes et édifices tout en longueur flanqués de tours aux angles arrondis, allant souvent par paires et alors édifiées de façon parfaitement parallèle. Le style Chenes se reconnaît à ses façades entièrement recouvertes de masques Chaac, tandis que le site de Chichen-Itza met en lumière un style maya-toltèque entre sobriété des colonnes sculptées toltèques et richesse géométrique des linteaux mayas. La presqu’île du Yucatán abrite des centaines de sites mayas, sans compter tous ceux qui n’ont pas encore été découverts ! Mais parmi les plus étonnants, ne manquez pas : Tulum, unique exemple de cité construite en bord de mer et que l’on reconnaît à ses fortifications et murailles ; Uxmal avec son incroyable Pyramide du Devin et son Temple du Gouverneur aux proportions impressionnantes ; Chichen Itza avec sa Pyramide de Kukulcan (le dieu serpent) dont l’orientation a été pensée afin que l’ombre portée durant les équinoxes donne vie aux serpents qui la décorent, et son très bel observatoire ; ou bien encore Coba reliée aux autres sanctuaires par 40 sacbés et Kabah et son arche richement décorée. Vous remarquerez également, sur de nombreux sites, la présence de plusieurs structures au sein d’un même édifice : cela est dû au fait que les Mayas reconstruisent toujours au même endroit, comme pour s’enraciner et perdurer dans une nature qui, elle, ne cesse de se transformer.

Héritage colonial

La première volonté des colons espagnols est d’évangéliser ce Nouveau Monde, les premiers témoins de leur présence sont donc des édifices religieux. D’abord de bois, d’argile et de chaume, ces édifices vont ensuite être édifiés en pierre et prendre l’allure de véritables forteresses avec tours crénelées et contreforts… Il faut impressionner les habitants du Nouveau Monde tout en protégeant les missions, véritables villes dans la ville, regroupant église, cellules des moines, école, hôpital, bibliothèque, jardins… Parmi les plus célèbres édifices à la silhouette fortifiée, notons : le couvent San Francisco de Campeche, le couvent de Muna, ou bien encore l’imposante église fortifiée non loin de Mayapan qui possède deux tours et même un chemin de ronde. Les premiers édifices sont très souvent bâtis sur d’anciens sanctuaires mayas, voire avec les pierres mêmes des anciens temples, généralement à proximité d’un cenote (comme les cités mayas), et disposent souvent d’une chapelle ouverte, comme pour mieux attirer les Mayas habitués, eux, à des cérémonies en plein air. Une étrange « cohabitation » entre compréhension des rites ancestraux des peuples originels et volonté farouche d’une assimilation forcée… Puis, progressivement, les édifices vont perdre leur aspect austère pour emprunter d’abord les atours de la Renaissance avec sa symétrie et son sens des proportions, comme le montre la cathédrale de Mérida avec ses portiques en façade et ses superbes voûtes en berceau libérant une impressionnante hauteur ; avant de suivre les codes plus exubérants du baroque, à grand renfort de pilastres cannelés, niches et colonnes engagées, même si, dans la presqu’île du Yucatán, le baroque se fait moins foisonnant que dans le reste du Mexique, les extérieurs restant relativement sobres. C’est à l’intérieur que se trouve la grande richesse décorative, la plupart des églises possédant de très beaux retables de bois doré. Le couvent Saint-Antoine de Padoue, à Izamal, est un beau mélange de ces influences. Bâtie sur le soubassement d’un ancien temple maya, son église domine les alentours, tandis que l’on ne peut qu’admirer le superbe atrium de 7 800 m2 entouré par d’impressionnantes galeries à colonnades. En parallèle, les Espagnols édifient de nombreuses villes qui suivent le plus souvent un plan en damier dont les grandes avenues se rejoignent sur la Plaza Mayor, la place principale de la ville, bordée d’arcades et regroupant les grands édifices de la cité : cathédrale, palais municipaux… En matière résidentielle, l’architecture coloniale se fait fonctionnelle. Les maisons à un étage sont ainsi organisées autour d’un rafraîchissant patio, tandis que les espaces intérieurs privilégient une grande hauteur sous plafond permettant une meilleure évacuation de la chaleur. L’architecture civile connaît une évolution stylistique similaire à celle des édifices religieux, empruntant d’abord aux codes de la Renaissance, comme le montre la superbe façade de la Casa Montejo de Mérida dont les conquistadors de pierre finement ciselés et les parures d’ocre et d’ivoire sont empruntés à la Renaissance plateresque en vogue en Espagne, avant de se faire baroque avec de belles façades colorées agrémentées de balcons et portails en fer forgé. Mais c’est à Valladolid que vous pourrez le mieux apprécier cette atmosphère coloniale. Ses ruelles colorées, son très beau couvent San Bernardino de Siena et sa place centrale ornée d’un superbe jardin lui ont permis de devenir l’un des Pueblos Magicos du pays… : le réseau des villages magiques ! L’architecture coloniale se fait aussi défensive. La plus belle représentante de cette architecture militaire est Campeche, unique ville fortifiée du Mexique, avec ses beaux remparts polygonaux munis de bastions et ses forts, tels ceux de San José et San Miguel. Le fort San Felipe de Bacalar, avec sa structure en étoile, en est aussi un beau témoin.

Effervescence éclectique

Entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, la presqu’île du Yucatán va connaître une étonnante effervescence architecturale. Les grandes familles s’étant enrichies grâce au commerce des ressources naturelles de la région, elles désirent désormais montrer leur nouveau statut. Manoirs, châteaux et petits palais urbains vont ainsi voir le jour dans les grandes villes. Les architectes en charge de ces constructions sont souvent français ou italiens, ce qui explique la présence de styles très européens. Pour admirer ces très belles demeures, c’est sur le Paseo Montejo, les « Champs-Elysées de Mérida », qu’il faudra vous rendre. Le Palacio Canton, avec ses colonnes doriques et ioniques, ses médaillons et son imposant escalier de marbre blanc est un bel exemple d’emprunts au baroque et à la Renaissance, intégrés à un ensemble aux lignes néoclassiques. Les théâtres aussi se font les témoins de cette effervescence architecturale. Avec ses portes en verre, métal et bois, ses rosaces de verre et ses miroirs ouvragés, le Théâtre Armando Manzanero est un superbe (et détonnant !) exemple d’Art déco. Ces familles aisées sont souvent les propriétaires qui gèrent les haciendas dont les cheminées traditionnelles ponctuent les campagnes. Il s’agit là de véritables complexes autonomes comprenant la Casa Grande ou maison du propriétaire aux allures de château français ou de manoir anglais, une chapelle, une école, une infirmerie, un cimetière, une prison, des maisons ouvrières, des jardins, vergers et champs de culture ; l’ensemble s’organisant autour d’une grande place centrale et de petits patios bordés de galeries à colonnades. Certaines de ces haciendas sont protégées de grands murs d’enceinte et de tours de guet, les transformant en véritables forteresses. Aujourd’hui, de nombreuses haciendas font l’objet de réhabilitation, se transformant en somptueux hôtels. L’hacienda Xcanatun à Mérida et l’hacienda San José Cholul à Tixkokob en sont de superbes exemples.

Renouveau contemporain

En 1956, le peintre et sculpteur Romulo Rozo imagine, à Mérida, l’Altar de la Patria, l’Autel du Peuple, monumentale rotonde d’inspiration maya parée de sculptures des grands personnages de la nation et de symboles mayas, et abritant une flamme éternelle, symbole de l’indépendance du pays… Une réalisation très symbolique, qui traduit le besoin d’un ancrage dans une tradition, dans un héritage. Même constat à Chetumal. Détruite par un cyclone en 1950, la ville est reconstruite, certes de façon raisonnée autour de grandes avenues, mais en laissant une grande place à l’influence caribéenne, que l’on retrouve dans les petites maisons jaunes, vertes ou bleues, rappelant ainsi la position unique de la presqu’île du Yucatán, nichée entre le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. Construite ex-nihilo à la fin des années 1960 pour satisfaire l’afflux touristique croissant venu des États-Unis, forêt de complexes hôteliers de béton, Cancun semble, elle, rompre ostensiblement avec l’histoire et l’héritage de la presqu’île. Et pourtant, au cœur de la partie la plus célèbre de la ville, la Isla Cancun ou Zona Hotelera, sur le site d’El Rey, c’est bien une petite pyramide maya que vous pouvez observer ! La Riviera Maya est jalonnée de nombreux complexes hôteliers comprenant moult golfs et marinas, et pourtant certains ont le mérite de maintenir un lien avec l’histoire, comme le parc éco-archéologique de Xcaret qui entoure les ruines de Polé, grande implantation côtière maya. Mais pour qui préfère le charme discret de l’authentique, mieux vaut s’écarter des zones très touristiques et profiter d’un écotourisme qui ne cesse de se développer et qui propose de séjourner dans des cabanas, petites cabanes en bois typiques des villages de pêcheurs que l’on reconnaît à leur couverture en feuilles de palme et aux hamacs qui se balancent à leur structure, ou dans des hôtels se fondant parfaitement dans la nature grâce à des matériaux naturels. Tulum en possède deux beaux exemples : le Jungle Keva Hotel avec ses toits en feuilles de palme et ses murs enduits de chukum, une biorésine locale, et le complexe Azulik dont on apprécie surtout la très belle galerie d’art, IK LAB, aux murs arrondis et couverts de plantes, et au sol mêlant surface lisse du béton et surface brute en bois. Faisant le lien entre tradition et modernité, les musées se multiplient dans la presqu’île. L’un des plus beaux est sans conteste le Grand Musée du Monde Maya de Mérida par 4A Arquitectos/XYZ tech, dont la façade formée de rubans métalliques entrelacés évoque le tronc et le feuillage du Ceiban, l’arbre sacré des Mayas. Un Palais de la Musique devrait bientôt voir le jour. Organisé autour d’un grand patio et possédant une belle toiture végétalisée, il s’intégrera harmonieusement à la ville. En 2023, Mérida devrait également accueillir l’Estadio Sostenible, grande arène imaginée par le cabinet d'architecture Populous, dont la façade circulaire s’inspire de l’anneau du jeu de balle maya, tandis que sa couleur blanche est un clin d’œil à « la ville blanche » comme est ainsi surnommée Mérida. La presqu’île du Yucatán n’a pas fini de nous surprendre !