La cathédrale Saint-Etienne. (c) shutterstock - Alex Alexandrov.jpg
L’église baroque Saint-Charles (Karlskirche). (c) shutterstock - RossHelen.jpg
La Hundertwasser Haus. (c) shutterstock - Ekaterina Lin.jpg

Architecture romaine et médiévale

Malgré la passion des Habsbourg pour le style baroque qui a incontestablement transformé la ville, Vienne abrite encore de beaux monuments hérités des époques romaine et médiévale. Véritable symbole pour la capitale autrichienne et témoin d’un passé romain, la majestueuse cathédrale Saint-Étienne est l’une des plus belles œuvres gothiques viennoises. Le mérite de l’âge revient en revanche à l’église Saint-Rupert, déjà considérée au XIIIe siècle comme étant la plus vieille église de la ville, probablement fondée en 704 ! En outre, quelques ruines romaines sont toujours visibles sur la superbe Michaelerplatz, donnant sur le palais de la Hofburg. Il s’agit des restes de Vindobona, cité celte devenue fort romain protégeant la lime (la frontière de l’Empire) des Germains. Le musée de la Judenplatz, quant à lui, a été édifié sur les ruines de la première synagogue de Vienne, datant du Moyen Âge.

Vienne la baroque

On dit parfois que le baroque est l’expression du génie autrichien tant il a trouvé dans le pays un terrain fertile. C’est après le départ des troupes turques suite au second siège de Vienne (1683) que ce courant commence à rayonner dans la capitale. Le baroque est l’expression du catholicisme, dont les Habsbourg se font les ardents défenseurs face au protestantisme. Johann B. Fischer von Erlach (1656-1723), chef de file du mouvement, développe, à partir d’éléments d’inspiration italienne, un style propre au pays. Ce dernier laisse foisonner l’ornementation, insiste sur l’asymétrie des contours, utilise des couleurs pastel à l’extérieur et vives à l’intérieur, multiplie les dorures, les corniches, les balcons et les statues…

Architecte de la Cour, il dédie ses talents à nombre d’édifices, de la Karlskirche à la colonne de la Peste, de la chancellerie de Bohême à la fontaine du Mariage de la Vierge et au palais Augarten, etc. Le génie de l’architecte, l’un des premiers théoriciens de la discipline, imprègne plus que tout autre la ville impériale de son style. Il est relayé par quelques grands noms de l’époque, parmi lesquels Lukas von Hildebrandt (1668-1745) et Jakob Prandtauer(1660-1726).

De la fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe siècle, les façades de nombre de bâtiments de style classique ou Renaissance sont ravalées à la mode baroque, alors considérée comme un signe extérieur de richesse. Les grandes familles de l’aristocratie se font construire des palais-résidences en ville, souvent entourés de jardins ou de parcs, affichant un faste exubérant : c’est le cas des palais Liechtenstein et Schwartzenberg. Cet élan architectural s’accompagne d’un âge d’or de la peinture et des arts décoratifs. Le baroque accorde une grande importance à la décoration intérieure : les plafonds et les murs ne se conçoivent qu’ornés de fresques et de dorures, et les sols se composent de somptueuses marqueteries.

Parmi les quartiers les plus caractéristiques du style, on trouve les petites rues étroites du 1er arrondissement, le nord du Graben, l’est du Stephansdom ou encore le quartier du Spittelberg. Le palais de la Hofburg contient sûrement les plus beaux espaces baroques du monde, tandis que les palais du Belvédère édifiés pour Eugène de Savoie (1663-1736) par Lukas von Hildebrandt vers 1715 constituent des pièces maîtresses du style. L’Augarten est, quant à lui, le jardin baroque le plus ancien de Vienne, aménagé sous Ferdinand II (1578-1637). On verra aussi la Bibliothèque nationale, le ministère des Finances, le palais Trautson, l’église des Piaristes, les fontaines de Neuer Markt et bien d’autres !

À partir de 1750, le baroque évolue vers le rococo, avec son abondante utilisation du trompe-l’œil, du stuc et du marbre. Les rénovations du château de Schönbrunn par Nicolò Pacassi (1716-1790) sont commanditées par Marie-Thérèse d’Autriche et réalisées dans ce style : l’ensemble du bâtiment est alors transformé.

Dans les environs de Vienne, les amateurs d'architecture baroque ne manqueront pas d'aller visiter les abbayes de Melk, de Göttweig, de Dürnstein, ou de Klosterneuburg.

La bourgeoisie Biedermeier

La courte période qui s’étend du congrès de Vienne de 1815 à la révolution de 1848, appelée Biedermeier, se démarque par ses aspects conservateurs et ses privations de liberté. La répression politique et la censure rigoureuse de Klemens von Metternich (1773-1859) occasionnent chez les Viennois un retrait de la vie publique vers la sphère privée ou celle, plus spirituelle, des arts. C’est à cette époque que sont construits de nombreux théâtres, salles de concert et bibliothèques.

Les nobles et les bourgeois attachent une grande importance à leur intérieur : des murs aux meubles, au moindre détail. L’ensemble demeure sobre, mais se veut opulent et chaleureux. Les meubles Biedermeier, typiques de Vienne, se caractérisent par un aspect décoratif délibérément fonctionnel, préfigurant le design moderne. Le Hofmobiliendepot, Musée du meuble, abrite d’ailleurs la plus grande collection du style. À noter que le Biedermeier est aussi une mode vestimentaire simple et fonctionnelle. À voir également, le Mercure Grand Hotel Biedermeier à Sünnhof (3e arr.), la villa Geymüller (18e arr.) et le quartier du Spittelberg.

Historicisme

L’avènement de François-Joseph (1830-1916) coïncide avec la transformation de l’Empire en un État moderne, à l’économie florissante. En 1857, l’empereur décide d’abattre les fortifications médiévales de Vienne qui sont remplacées par le Ring, un large boulevard symbolisant la monarchie danubienne. Tout doit être aligné et visible - ces aménagements transforment radicalement la physionomie et l’urbanisme général de la capitale. Les bâtiments qui émergent de part et d’autre de l’artère sont devenus des symboles, et on compte nombre d’édifices monumentaux, à l’image de l’hôtel de ville (Friedrich von Schmidt, 1825-1891).

La pensée historiciste triomphe à cette époque, avec la foi en la finalité de l’histoire : son étude permet de tirer les leçons du passé pour s’orienter vers un avenir meilleur. Ce courant se traduit, en architecture, par une approche historique du style. Ainsi, le Parlement, imaginé par Theophil Hansen (1813-1891), rappelle dans ses formes que la démocratie nous vient de la Grèce antique. L’église votive est réalisée dans un pur style gothique, l’Opéra conçu par Eduard von der Nüll (1812-1868) dans un style Renaissance à la française, et le Burgtheater, par Gottfried Semper (1803-1879), inspiré par la Renaissance tardive. L’université, de style Renaissance italienne, symbolise la résurrection du savoir. Il s’agit donc d’un conglomérat et d’une synthèse des grands styles architecturaux. Ces constructions sont d’ailleurs souvent critiquées pour leur manque d’originalité.

Sécession, Atelier viennois et Jugendstil

À la fin du XIXe siècle, l’Autriche refuse d’admettre l’affaiblissement de sa puissance. Une génération talentueuse allait pourtant percevoir cette réalité sociale et politique. Ainsi, en 1897, naît la « Sécession de Vienne » de la réunion d’artistes provenant de divers horizons tels que Josef Hoffmann (architecte et designer, 1870-1956), Marx Kurzweil (1867-1916), Carl Moll (peintre, 1861-1945) et Koloman Moser (designer et peintre 1868-1918). Groupe disparate d’artistes, ces plasticiens et architectes ont la volonté de promouvoir un Art nouveau viennois, moins floral et plus épuré et fonctionnel que ses pendants français, belge et italien. 

Aussi bien architecte que décorateur, créateur de meubles et d’objets, Josef Hoffmann reçoit le prix de Rome en 1895. Il fonde avec Koloman Moser, en 1903, le Wiener Werkstätte, le célèbre “Atelier Viennois”, spécialisé dans les arts décoratifs. À l’origine, les objets produits devaient être accessibles à tous, mais fabriqués à la main par des artisans de génie et avec des matériaux rares. Ils furent finalement réservés à l’élite. La somme des réalisations de Hoffmann est considérable, mais on peut cependant citer le palais Stoclet à Bruxelles, ainsi que le sanatorium de Purkersdorf, près de Vienne, dont il conçut la décoration et les sièges.

L’Art nouveau, ou Jugendstil, se poursuivit jusqu’en 1910. Si Joseph Maria Olbrich signe le Palais de la Sécession, le chef de file du mouvement est Otto Wagner (1841-1918), qui s’est distingué par les lignes de métro (en particulier U4) et les équipements attenants, notamment les pavillons remarquables de la Karlsplatz, mais il a aussi signé la Caisse d'épargne postale, la maison des Majoliques et la maison aux Médaillons, la Villa Wagner ou l'église Saint-Léopold am Steinhof. Ses élèves, à l’image d’Adolf Loos (1870-1933), ont perpétué et renouvelé ce style. Ce dernier rédige La Ville Potemkine, dans la revue de la Sécession Ver Sacrum, un violent réquisitoire contre l’historicisme de la Ringstrasse. Imprégné de l’œuvre de Palladio (1508-1580, architecte italien au style éponyme), il s’élève contre la tyrannie et le ridicule de l’ornement. En 1899, il aménage le Café Museum de Vienne. C’est avec la réalisation, en 1910, de la maison de Michaelerplatz (aujourd’hui Looshaus) qu’il devient célèbre : sa construction provoque un retentissant scandale ! Son refus affiché d’ornementation, en rupture avec la Vienne de l’époque, vaut à la maison le sobriquet de “maison sans sourcils”.

Le visage actuel de Vienne

À Vienne, comme dans toute grande métropole, les styles se chevauchent, et avec les époques, la physionomie de la ville évolue. Les tendances actuelles imprègnent la ville d’un modernisme devenu attentif à l’homme - à son échelle. Parmi les réalisations caractéristiques des dix dernières années, on peut trouver la Donau City et les bâtiments de l’Onu, le Gasometer A de Jean Nouvel, le Leopold Museum ou le musée d’Art contemporain Mumok ou encore la Sargfabrik

Hundertwasser (1928-2000) est l’architecte du XXe siècle le plus connu à Vienne. Il ne voit dans le minimalisme et le fonctionnalisme du Bauhaus que de simples carcasses de béton sans âme. Les cabanes d’ouvriers, la Barcelone de Gaudi (1852-1926) et le Jugendstil sont pour lui davantage l’expression véritable de la vie, de la liberté individuelle et d’une architecture saine. Écologiste affirmé, Hundertwasser concevait ses constructions comme une interpénétration de l’Homme et de la nature : la maquette de sa ville idéale (à la Kunsthaus) montre une cité sortie de terre, où les vaches peuvent brouter sur les toits des maisons qui suivent l’inclinaison du sol, et où la forêt sert de toiture naturelle. À Vienne, il a réalisé des logements sociaux, la Hundertwasser Haus, aux formes organiques surprenantes de modernité, et la centrale thermique Spittelau, utilisée pour chauffer une partie de la ville. Le lieu est à visiter tout comme sa maison, son musée ou son bateau !

Depuis quelques décennies, la ville connaît un nouvel essor qui vient combler le manque d’espace constructible au sol : le réaménagement des toits et l’extension verticale des bâtiments historiques. Le projet qui a ouvert la voie à cette nouvelle dimension est le Rooftop remodelling Falkestraße, finalisé en 1988 par le bureau d’architectes viennois Coop Himmelblau. Le réaménagement de la toiture d’angle a des allures de squelette étrange et déconstructiviste posé sur l’immeuble d’origine. Wolf D. Prix, l’un des cofondateurs de l’agence, se plaît à raconter la présentation du projet au maire de Vienne qui trouva que cela ressemblait plus à de l’art que de l’architecture - la loi interdisait aux architectes de toucher à la structure du bâtiment - ce qui permis, en changeant la nature officielle du projet, de le construire.