Milan possède 14 écoles de mode © eclipse_images - iStockphoto.com.jpg
Défilé de mode pendant la Fashion Week© CatwalkPhotos - Shutterstock.com.jpg

Naissance d’un phénomène

Si Paris se targue d’imposer la tendance au monde entier depuis Louis XIV, les diktats des podiums milanais datent de bien moins longtemps. La mode italienne et en particulier milanaise est fille d’une heureuse synergie entre créateurs, entrepreneurs et artisans talentueux. Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, l’Italie ne faisait concurrence dans le secteur de la mode que dans le domaine du bagage. Les bagagistes Prada (la classe incontestable) et Gucci (d’une excentricité tempérée) distribuaient déjà sacs et malles dans les années 1920. Mais dès l’après-guerre, le monde tombe sous le charme du raffinement des créations italiennes. Installées à Rome dans les années 1950, les maisons de couture migrent progressivement vers Milan pour s’y développer. La première ville lombarde possède en effet le tissu économique et industriel qui fait défaut à la capitale de l’Italie. Dans les années 1960, Milan relève donc le flambeau : métropole industrielle et financière en plein essor, un bien-être économique ambiant ainsi que les hautes exigences d’une bourgeoisie travailleuse seront le terrain fertile pour l’épanouissement des ateliers de couture.

En 1958, le coup d’envoi de la première fashion week italienne est lancé. Les stylistes de l’Italie entière affluent à Milan. Une collaboration vertueuse s’instaure entre le design et l’industrialisation des produits de mode, promulguée par la Chambre Nationale de la Mode italienne, l’organisme en charge de la promotion de la mode italienne à l’internationale. La consécration arrive entre les années 1970 et 1980 avec l’entrée sur le terrain de trois stylistes vedettes, surnommés « les 3 G » : Giorgio Armani, Gianfranco Ferré et Gianni Versace, plaçant Milan au premier rang de l’univers fashion. Dans les années 1980 la mode va se transformer en véritable business, avec les chiffres qu’on lui connaît aujourd’hui : le secteur pèse à hauteur de 4 % du PIB annuel du pays, il chiffre 4,5 milliards d’euros d’exportation par an, compte 850 showrooms rien qu’à Milan, plus de 6000 points de vente et 14 écoles de mode avec 6 000 étudiants.

Délires de créateurs

Parmi tous les créateurs ayant convergé à Milan dans les années 1970, de grandes maisons de couture tiennent encore et toujours pignon sur rue dans le Quadrilatère de la Mode, ce périmètre en centre-ville qui rassemble les boutiques les plus griffées. Pour n’en citer que certaines, voici les grandes maisons italiennes les plus chéries par les Milanais et qui ne cessent de dicter la tendance dans le monde entier.

Née en 1921, la maison Gucci n’a d’autre que Charlotte Casiraghi comme égérie de sa marque. Ses iconiques mocassins à mors et la ceinture à boucle en double G continuent de faire sensation.

Valentino, formé à Paris, devient l’un des stylistes symboles du Made in Italy avec des créations d’un raffinement hors du temps, où l’opulence française se marie à l’empreinte italienne. Le « rouge Valentino » est devenu une image de marque. Il signe la robe de mariage de Jackie Kennedy. Emilien d’origine, mais milanais d’adoption, Giorgio Armani (king Giorgio) perce dans les années 1980 avec ses créations d’une extravagance maîtrisée, des pièces au luxe audacieux dans les tons chics et sobres de gris, beige et noir. Il est le premier à rendre la mode un peu plus accessible avec la création du Emporio Armani, où trouver des habits signés mais moins chers. A la tête de l’empire Versace, une femme, Donatella, sœur de Gianni le fondateur, qui inculque une féminité transgressive dans toutes ses créations, aux couleurs vives et au graphisme exubérant. Autre histoire de passion, celle de Dolce & Gabbana, amoureux entre eux et amoureux de leur travail. Leur créativité à la fois harmonieuse et originale se rattache ouvertement aux origines siciliennes de Dolce. Enfin, les motifs géométriques des robes et des pulls de Missoni ne se démodent pas depuis leur apparition sur les podiums dans les années 1980.

Les Fashion Weeks

Deux fois par an, voici le moment tant attendu par les professionnels de la mode comme par le public. Que ce soit pour les collections automne/hiver (fin février) ou pour celles de printemps/été (fin septembre), Milan se remplit de journalistes, de photographes (plus de 2 500 professionnels de la presse) et de célébrités invitées pour l’occasion. Le rythme est effréné : 200 000 visiteurs dont 15 000 buyers animent la grande machine de la mode milanaise. On pourrait simplement déplorer le fait que, alors que les maisons de haute couture sont omniprésentes et quasi indétrônables, les jeunes créateurs peinent à trouver leur place, et restent souvent obligés de s’affilier à une maison.

Classe intemporelle

Le spectacle se poursuit bien au-delà de la passerelle. La mode cherche plus d’une forme d’expression et les Milanais sont eux-mêmes ambassadeurs du chic et de l’élégance des griffes du pays. En effet, lors des défilés, tout Milan se prend au jeu de la mode : bars, restaurants et clubs se remplissent de mannequins affichant avec nonchalance les tenues les plus improbables. L’ambiance électrique sent bon le glamour. Il suffit d’une promenade dans les rues de Milan pour s’en apercevoir. On comprendra à quel point la transition du podium à la rue se fait tout naturellement et avec quelle désinvolture les Milanais sont prêts à tout entreprendre pour se montrer sous leur meilleur jour.