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Un patrimoine religieux de toute beauté

Les principaux monuments historiques que l’on rencontre dans n’importe quelle région de Géorgie sont des bâtiments religieux. Construits dans des sites naturels imprenables et magnifiques, beaucoup d’entre eux ont survécu à des siècles d’hostilité. Avec la conversion de la Géorgie au christianisme, l’architecture religieuse s’est développée de manière fulgurante, souvent sur des anciens sites païens ou zoroastriens. Les églises et monastères de Géorgie, par leur situation géographique souvent inattendue, sont des trésors inestimables pour le pays.

Les premières églises, comme celle de Svetitskhoveli à Mtskheta, étaient souvent construites en bois pour être ensuite consolidées en pierres taillées rectangulaires, scellées par du mortier. On retrouve facilement les techniques de construction de l’art roman occidental avec des éléments comme les voûtes d’arête, les voûtes en plein cintre, les coupoles, les arcs et piliers.

Du IVe au VIIe siècle, les églises sont construites en nombre pour pouvoir accueillir les fidèles, toujours plus nombreux. Les premières basiliques édifiées en Géorgie sont celles de Bolnissi (478-493), d’Ourbnissi et d’Antchiskhati à Tbilissi. On retrouve des caractéristiques semblables entre les différents édifices avec un toit recouvrant les trois nefs, la nef centrale étant plus haute que les deux nefs latérales, munies d’une voûte en demi-berceau. Dans la seconde moitié du VIe siècle, apparaîtront véritablement les églises à coupole, qui prend place au centre de l’église.

De très beaux exemples à aller voir sont l’église de Djvari (586-604), qui surplombe Mtskheta, ainsi que les églises de Martvili, d’Atenis Sioni et de Chouamta. Elles ont été construites sur le même modèle – appelé plan tétraconique à coupole – qui se développe alors en Géorgie. Étant semblables à des monuments religieux que l’on trouve en Arménie, c’est alors que naît le style dit « caucasien ». La structure est pourvue de quatre chambres d’angle et sa partie centrale est surmontée d’une coupole.

Mais les dimensions des églises sont trop modestes pour abriter le nombre toujours croissant de fidèles. C’est pour cette raison qu’à partir de la seconde moitié du VIIe siècle et jusqu’au Xe siècle, l’architecture religieuse se développe selon des types très particuliers, mêlant harmonieusement éléments traditionnels, formes et thèmes divers, et innovations. C’est aussi à cette époque qu’apparaît dans les églises géorgiennes un élément d’origine byzantine : la coupole sur pendentifs.

Sous le règne du roi Bagrat III (975-1014), la Géorgie est unifiée et une prospérité économique favorise l’épanouissement de l’art architectural. Les nouveaux édifices construits sont imposants. La cathédrale de la Mère-de-Dieu à Koutaïssi (1003), la cathédrale Saint-Georges-d’Alaverdi (XIe siècle) et Svetitskhoveli à Mtskheta (1010-1029) témoignent de la nouvelle puissance du pays. De nombreux éléments décoratifs sont aussi réalisés, sur les façades, les arcs, les portes et les fenêtres. À l’intérieur, ce sont des peintures qui recouvrent les murs et les voûtes. L’église de Samtavissi (entre Kaspi et Gori), même si elle est de taille plus réduite, est particulièrement remarquable par sa façade orientale, sculptée de motifs très détaillés (lys, griffon, croix, arbre de vie). Seule cette façade est d’origine ainsi que le mur d’enceinte. Le reste a souffert du tremblement de terre de 1283 et des destructions mongoles.

Par la suite, le pays va connaître différentes phases. On construit des églises plus petites entre le XIIe et le XIIIe siècle, mais on insiste davantage sur les fresques et les ornements. Du XIVe au XVIIIe siècle, les troubles que connaît le pays provoquent une nette diminution des constructions d’édifices religieux. En parallèle, des villes prospères sont saccagées et abandonnées (comme Gremi, capitale de la Kakhétie). En revanche, des forteresses comme Ananouri, des bains et des caravansérails, sous l’influence des puissances musulmanes, se multiplient.

Au XIXe siècle, c’est le renouveau avec la prospérité amenée par l’annexion russe. La Russie orthodoxe favorise la construction d’églises, influencées par l’architecture russe. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le romantisme national inaugure un style néomédiéval, reprenant les canons architecturaux du siècle d’or, mais en agrandissant les dimensions, comme l’église Kachveti sur l’avenue Roustaveli de Tbilissi. L’avènement de l’URSS sonne le glas de l’architecture religieuse, mais celle-ci reprend de plus belle à partir de la fin des années 1990, dans un style national souvent critiqué pour sa mégalomanie (la nouvelle église Sameba, gigantesque et couverte de marbre à l’intérieur, dépasse la taille des cathédrales d’Alaverdi et de Svetitskhoveli). Dans les zones urbaines non historiques, quantités d’églises aux allures médiévales sont construites.

D’autres styles religieux ont fleuri en Géorgie. Les églises arméniennes du pays ont notamment leur propre style, distinct de l’architecture religieuse d’Arménie. Leur ressemblance apparente avec les églises orthodoxes est d’ailleurs une source de dispute sur certains bâtiments. Tbilissi comporte un très grand nombre d’anciennes églises arméniennes (en fait, la plupart des églises de la vieille ville, même si elles sont aujourd’hui orthodoxes) ; pratiquement chaque ville comporte une église arménienne. Enfin, la Samtskhé-Djavakhétie est riche en bâtiments religieux arméniens.

Les églises catholiques construites entre le XVIIe et le XXe siècle sont d’un style autochtone ; notamment un type, comme l’église de Gori ou celle de Koutaïssi, qui métisse l’architecture jésuite et des couleurs locales.

Enfin, le territoire du Sud-Ouest géorgien est truffé de ruines de mosquées et de madrassas des XVIe ou XVIIe siècle, élevées par les Ottomans. Il en reste rarement grand-chose, et les mosquées qui ont survécu (Batoumi et Tbilissi) sont des bâtiments du XIXe siècle sans intérêt architectural particulier. Tbilissi comportait un grand nombre de mosquées chiites de type iranien, mais Beria les a toutes rasées dans les années 1930, pour laisser sur pied l’une des rares mosquées sunnites de la ville, peu raffinée.

L’architecture laïque, influence russe et habitat traditionnel

En Géorgie, les bâtiments civils antérieurs au XIXe siècle se font rare. On peut cependant voir quelques palais comme celui d’Irakli II à Telavi, de style persan, ou celui des Eeristavi d’Akhalgori, ainsi que maintes forteresses, souvent en ruine.

1801 est une date importante de l’histoire du pays, puisqu’elle correspond au rattachement de la Géorgie à la Russie. Sans que les traits spécifiques à l’architecture locale ne disparaissent, le style classique russe envahit les villes, dans les bâtiments administratifs mais aussi dans l’habitat. Dans le vieux quartier de la capitale Tbilissi, ainsi que dans les anciens quartiers des principales villes (Koutaïssi, Telavi), on reconnaît facilement l’empreinte russe. Un style persanisant persévérera aussi longtemps dans les ornements et le dessin des rues de villes, antérieur à l’époque russe, comme dans le vieux Tbilissi. Une particularité locale emblématique de Tbilissi et de la Kartlie-Kakhétie est l’usage de balcons en bois finement orné. Leur structure parfois rocambolesque est pour beaucoup dans le pittoresque de l’endroit. On distingue un orientalisme qui a été intégré par des architectes russes et européens ayant fait au XIXe siècle du vieux quartier de la capitale géorgienne un « nouvel Orient ». On le remarque très bien en contemplant des bâtiments comme la mairie de Tbilissi ou l’Opéra, de style très mauresque.

Dans les régions, l’architecture des habitats est variée et a été réalisée en fonction des modes de vie des habitants et des conditions climatiques. Alors que dans les plaines, les maisons sont dotées de grande terrasses en bois et de tonnelles dans les jardins où se réfugier par les chaudes soirées d’été, plus on grimpe en altitude et plus le bois laisse place à la pierre, bien plus isolante. Dans le Grand Caucase, comme en Svanétie, les étranges tours-maisons sont l’un des habitats les plus surprenants.

Certains villages où des dizaines de tours austères sont côte à côte en impressionneront plus d’un, elles prennent place près des maisons dans lesquelles les habitant se réfugiaient par temps d’hostilité.

Pour observer une autre curiosité architecturale, il faut passer par les vieilles rues de Bolnissi et Dmanissi, pour voir les maisons construites au XIXe siècle par les colons allemands. Elles allient l’aération des maisons transcaucasiennes (boiseries, terrasses, balcons) et les solides dimensions des fermes souabes. Comme un ornement du vieux Tbilissi sur une maison du Bade-Wurtemberg, cette architecture est l’un des plus évidents métissages architecturaux de la région.

Les années staliniennes auront légué de nombreux bâtiments néoclassiques, moins impressionnants que ceux que l’on peut voir à Moscou, et qui reprennent souvent des motifs locaux, comme l’Académie des sciences ou la poste de Tbilissi, le musée Staline de Gori. Le moins reluisant de cette époque sont les nouveaux quartiers à l’architecture verticale à la périphérie de Tbilissi (Glani, Temka, Moukhiani, le plateau de Noutsoubidze, Didi Digomi). Datant des années 1950, ces grands ensembles sont mal entretenus et enlaidissent le paysage.

L’habitat typique des années 1960 est la khroutchovka, petite barre de béton aux logements tous identiques. Mais au fil des années, elles est remplacée par des barres HLM construites de plus en plus hautes et de moins bonne qualité.

Les nouvelles constructions

En 2003, Mikhael Saakachvili arrive au pouvoir à la suite de la révolution des roses. Il intervient alors fortement dans le domaine de l’architecture avec la volonté de faire disparaître certains éléments du passé, comme les statues communistes et les mémoriels rendant hommage aux soldats russes. En parallèle sont introduits des éléments d’architecture contemporaine dans un style proche des nouvelles mégapoles comme Dubaï ou Hongkong. Ils visent à rénover les anciens bâtiments soviétiques (les hôtels Adjara et Iveria à Tbilissi, couverts de verre), ou à en construire de nouveaux comme les hôtels de Batoumi dans le vieux Tbilissi.

En ce qui concerne les rénovations à but touristique, elles peuvent surprendre tant elles ne semblent pas respecter l’architecture ancienne des bâtiments. En témoigne la cathédrale de Bagrati à Koutaïssi et son surprenant toit vert.

L’architecture troglodytique en Géorgie

La Géorgie possède trois sites troglodytiques remarquables. La ville d’Ouplistsikhe date du VIe siècle avant J.-C. et connut son apogée au haut Moyen Âge, où elle comptait 700 grottes transformées en lieux d’habitation, palais, églises et théâtres pour environ 20 000 habitants. On peut en voir encore 150 de nos jours, parmi lesquelles un théâtre de l’époque romaine et un ancien temple païen. Ouplistsikhe, « le château de dieu », fut habitée jusqu’au début du XXe siècle ; c’est aujourd’hui un musée.

Les monastères de David Garedja sont un remarquable exemple d’architecture monastique à même la roche. Fondé au VIe siècle, le complexe contient lui aussi des grottes à vocation religieuse et d’autres vouées à l’habitat. Elles ont été aménagées entre le VIe et le XIXe siècles. Plusieurs églises sont taillées dans des grottes, dont l’église de la Transfiguration du VIe siècle. Le site est à présent de nouveau habité par une cinquantaine de moines.

Mais le plus étonnant des sites troglodytiques géorgiens est certainement la ville de Vardzia. C’est sur ordre d’une femme, Tamar, qui avait le titre de roi, que cet ancien monastère a été creusé dans la montagne Erusheti à la fin du XIIe siècle. Sur treize niveaux, les différents espaces accueillaient des habitations, des bibliothèques et des boutiques. Au total, la ville a accueilli jusqu’à 50 000 habitants. Si, en 1283, un tremblement de terre a détruit une large partie de sa superficie, la partie non endommagée accueille un petit groupe de moines qui vit sur place, et il est possible de visiter les lieux.