La musique traditionnelle et folklorique

Les premiers musiciens professionnels apparaissent à la cour de Kiev au IXsiècle. Ces skomoroki se distinguent par l’originalité des instruments qu’ils utilisent : le rozhok, instrument à vent, le gusli, à cordes pincées et la volinka, sorte de cornemuse. La conversion de la Russie à l’orthodoxie va conditionner l’histoire de la musique pour plusieurs décennies. Cette dernière, soumise à la loi de l’Église qui ne tolère que le chant et considère tous les musiciens comme profanes, est inexistante. Seul le carillon ne fut pas prohibé, et l’on comprend pourquoi les Russes sont passés maîtres dans l’exercice de cet instrument.

Ainsi, bien que les musiques traditionnelles varient selon les régions, elles ont souvent pour tronc commun d’être purement vocales (avec des exceptions ici et là). Sur tout le territoire, on trouve des polyphonies mnogogolossié (« plusieurs voix »), des byliny ou des tchastouchka (poèmes chantés). Dans l’ensemble, les musiques traditionnelles et folkloriques ont très bien été préservées au travers des âges et particulièrement valorisées durant l’ère soviétique, car symbole de l’identité russe. Un des meilleurs moyens de découvrir ces chants et danses de tout le pays est de se rendre au Palais Nikolaevsky. Dans ce majestueux bâtiment construit par l’empereur Nicolas Ier, sont organisés désormais des spectacles folkloriques toute l’année. L’une des têtes d’affiche de la programmation est le spectacle « Sentez-vous russe » (Potchuvstvuy sebya Russkim), une véritable attraction touristique en soi avec ses danses et chants cosaques et ses nombreuses performances typiques. Dans le même esprit, on ne peut mieux conseiller que d’assister au spectacle de l’ensemble de musiciens et danseurs cosaques « Bagatitsa » (« feu » en langue cosaque). Installé dans la prestigieuse salle Smolninskiy (qui accueille globalement les meilleurs spectacles folkloriques de Saint-Pétersbourg et de Russie), ce show unique propose de voir des descendants d’authentiques familles cosaques interpréter les épopées, l’âme et la pensée cosaques. Tout en chorales dansantes et ballets chantants, chaque tableau du spectacle met en scène avec beaucoup d’entrain des épisodes de la vie des Cosaques. Pensé pour être compris par tous les publics, nul besoin d’être russophone ou spécialiste de l’histoire russe pour profiter pleinement du spectacle. Étant donné la qualité de ses propositions, la notoriété de la troupe a largement dépassé les frontières russes. Cette dernière a même remporté le Grand Prix du Festival international FolkFest en 2010, qui distingue les meilleures troupes de spectacles folkloriques du monde. Ayant faite sienne la devise cosaque « Sur la garde de l’Âme russe ! », Bagatitsa dévoile mieux que personne cette mystérieuse « âme russe » en la restituant au travers de chants et de danses. Un incontournable.

La musique classique

Immense, et d’une richesse qui n’a d’égale que sa beauté, il faut une vie entière pour embrasser pleinement la musique classique russe. Peuplée de grands esprits et d’œuvres bouleversantes, la musique symphonique du pays a offert au monde la splendeur du romantisme russe de Piotr Tchaïkovski, la virtuosité de Rachmaninov ou encore la modernité classique de Prokofiev… En somme, le classique doit énormément à la Russie et Saint-Pétersbourg, à elle seule, a abrité quelques géants du genre. À jamais lié à la ville par sa Septième Symphonie – qu’il lui a dédiée en soutien face à l’envahisseur allemand – Dimitri Chostakovitch (1906-1975) est la grande figure musicale de Saint-Pétersbourg. Natif de la ville et pianiste diplômé du Conservatoire de Leningrad, il demeure l’un des plus grands compositeurs russes du XXe siècle. Un artiste unique dont l’œuvre (notamment quinze magnifiques symphonies) est marquée par une beauté tourmentée. Autre personnalité fabuleuse de la ville, Igor Stravinsky (1882-1971) a bouleversé la musique par son éternel avant-gardisme. Compositeur et chef d’orchestre extraordinairement novateur, ses œuvres – et plus particulièrement Le Sacre du printemps  provoquent de vrais scandales lors de leur première. Inspiré par son existence mouvementée, Stravinsky laisse derrière lui une création protéiforme, sans cesse renouvelée, où toutes les acquisitions du passé se conjuguent aux découvertes du présent. Parmi les autres personnalités notables de la ville, citons Mikhaïl Glinka (1804-1857), père de la musique classique proprement russe ; Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), auteur de quelques symphonies, cantates, romances, ainsi que de quinze opéras, dont Snegourotchka (« Fille de neige ») ; ou encore Modest Moussorgski (1839-1881), qui a composé à Saint-Pétersbourg plusieurs opéras, dont les drames populaires Boris Godounov et Khovanchtchina.

La période contemporaine n’est pas exempte de figures pétersbourgeoises révérées dans le classique, bien au contraire. Incarnation de ce style russe moderne, passionné et intense, Valery Gergiev fait partie des dix meilleurs chefs d’orchestre de sa génération. Un talent qui l’a conduit à la tête des Orchestres philharmoniques de Rotterdam et Munich, l’Orchestre symphonique de Londres ou le Metropolitan de New York. Excellant dans le répertoire russe, il est le visage du théâtre Mariinsky, auquel il a rendu son prestige. Le voir diriger un opéra sur place est une expérience inoubliable (et particulièrement courue). Mariinsky est, au même titre que le Bolchoï de Moscou, un des témoignages de l’impérissable qualité musicale en Russie. Fondé en 1860, en face du grand théâtre Kamenny et nommé en l’honneur de l’impératrice Marie, femme d’Alexandre II, le théâtre Mariinsky a été le premier à présenter des œuvres de Glinka, Moussorgski, Rimski-Korsakov ou Prokofiev (pour ne citer qu’eux). Il a accueilli les plus grands interprètes, parmi lesquels Rostropovitch ou Richter, et les plus fameux danseurs russes comme Istomina, célébrée par Pouchkine, Pavlova, Nijinski et bien d’autres. À partir de 1870, la troupe de ballet du Mariinsky est dirigée par le chorégraphe français Marius Petitpa, à qui l’école russe de ballet doit son formidable essor, et dont le travail avec le compositeur Tchaïkovsky a marqué l’histoire du ballet. En 1895, c’est ici qu’a lieu la première du Lac des cygnes, l’éternel, sur la musique de Tchaïkovsky. Ce furent ensuite les tournées européennes, les fameux ballets russes de Diaguilev, avec en star Nijinski et la Pavlova. Tout cela était avant les années difficiles de l’URSS, où le Mariinskiy devint le Kirov et perdit de son prestige au profit du Bolchoï, le théâtre de la capitale promu par le pouvoir soviétique. Aujourd’hui le théâtre Mariinsky a retrouvé tout son prestige et a même accueilli en 2013, une petite sœur sobrement baptisée Mariinsky-2. Reliée au premier par une passerelle, cette annexe à l’architecture très contemporaine peut accueillir jusqu’à 2 000 personnes sur 7 niveaux et propose une acoustique exceptionnelle.

Moins connue, mais presque aussi fabuleuse, la Philharmonie de Saint-Pétersbourg est la magnifique maison de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg – le plus vieux de Russie du haut de ses 135 ans – dirigé par le vénérable Iouri Temirkanov. Lieu gorgé d’Histoire, c’est ici qu’autrefois furent inaugurées toutes les symphonies de Chostakovitch. Un inratable qui, lui aussi, a été gratifié d’une petite sœur, la Salle Glinka, où se déroulent des récitals et des concours. Autrement, tout mélomane qui se respecte, et de passage à Saint-Pétersbourg en hiver, se doit d’assister au Arts Square Winter Festival, le festival d’hiver de la place des Arts, un des meilleurs de l’année, présentant les meilleurs interprètes contemporains dans le cadre magnifique de la Philharmonie.

Le rock russe

De Victor Tsoï, icône éternelle, à l’hyper populaire Lyube – dont Vladimir Poutine est le premier fan –, les Russes adorent le rock. Et par conséquent en produisent beaucoup. Si l’Histoire du genre dans le pays remonte à la perestroïka avec le rock psychédélique de Iouri Morozov dans les années 1960, c’est durant les années 1980 que la scène explose avec, hasard ou non, des groupes pour la plupart pétersbourgeois : Akvarium, DDT, Zoopark et surtout les mythiques Kino. Légende absolue du rock russe, emmené par son iconique leader Viktor Tsoï, le groupe Kino et sa new wave sombre et douce demeurent toujours aussi populaire parmi les enfants des années 2000 et l’on ressent leur influence sur des cartons récents du rock comme Motorama ou Pinkshinyultrablast.

C’est indéniable, une âme rock'n'roll flotte dans Saint-Pétersbourg. Peut-être est-ce dû à la quantité pléthorique de lieux dédiés qu’abrite la ville. À commencer par Fish Fabrique, la salle de concert mythique des années 1990 qui se trouve au Musée d’art non conformiste et accueille aussi bien les piliers de la scène rock alternatif que les nouveaux noms du genre. Autre très bonne adresse, le Griboedov propose depuis 1996 des concerts rock (mais pas que) presque tous les soirs avec une programmation de qualité. Plus design et branché – mais tout aussi bien – le Produkty et son ambiance de café-rock de banlieue des années 1960 dégage un charme fou. Juke-box rétro, meubles en Formica, carrelage blanc, tout y est, sans oublier les concerts des nouvelles pointures du rock. Sinon, plus calme et blues, il est toujours bon d’éplucher la programmation du Money Honey et de fouiller dans celle du Cosmonaute (КОСМОНАВТ), salle de concert moderne invitant régulièrement des têtes d’affiche. Et pour les plus aventureux, le Festival International Serguei Kouryokhine (hommage à Serguey Kouryokhine, l’un des leaders de la scène underground de Leningrad des années 1970 à 1990) propose la crème de la musique expérimentale.

La danse

Éluder la danse en Russie, c’est un peu visiter le pays en oubliant un de ses monuments principaux. Si le pays regorge de danses traditionnelles – le Khorovod ou la Troïka en sont de beaux exemples –, il brille depuis des générations par son excellence dans le domaine de la danse classique. Bien que le Bolchoï de Moscou soit aujourd’hui l’emblème national de la discipline, c’est bien à Saint-Pétersbourg que s’initie le ballet russe, en 1703, sous l’impulsion de Pierre Ier, qui impose les danses européennes. Le Bolchoï de Moscou, lui, n’ouvre ses portes qu’en 1825 et restera longtemps le deuxième théâtre après Mariinsky. Très tôt, chorégraphes français et danseurs russes collaborent, mais c’est au XIXsiècle que cette union franco-russe va devenir sacrée lorsque Marius Petipa et Piotr Tchaïkovski s’associent et mettent au monde d’éternels chefs-d’œuvre comme La Belle au bois dormant, Casse-Noisette et Le Lac des cygnes. Réciproquement, le travail à Paris de Serge de Diaghilev, et ses fameux « Ballets russes » composés d’étoiles du Mariinsky, va implanter ici la réputation de la danse russe. Ce n’est qu’un début. Durant l’URSS, le régime soviétique utilise l’excellence de son ballet comme vitrine de l’Union. C’est à cette époque que le monde découvre les fabuleux Maïa Plissetskaïa, Mikhaïl Baryshnikov et Rudolf Noureev. Aujourd’hui, le ballet russe a conservé tout son lustre et le même degré d’exigence. Un trésor vivant à voir sur les planches de Mariinsky, du magnifique théâtre Alexandrinski ou du théâtre Mikhaïlovsky. La ville compte aussi un rendez-vous incontournable, le Dance Open, festival international de ballet où se produisent non seulement les plus grands danseurs du Mariinsky, du Bolchoï et de toute la Russie, mais également du monde entier (Opéra de Paris, American Ballet, etc.). À noter aussi que le Festival musical des Étoiles des Nuits Blanches programme les meilleurs danseurs et chanteurs d’opéra du moment dans deux lieux magnifiques comme le théâtre de l’Ermitage.