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Les terrasses de Lavaux

À partir d’Ouchy, vous commencerez à apercevoir les longues parcelles de vignes en gradins cultivées directement dans la pente, un paysage étonnant et intrigant qui sépare ces importantes agglomérations que sont Lausanne et Vevey-Montreux. En raison des pentes très abruptes plongeant vers le lac, de 13 à 43 % d’inclinaison, les vignobles du Lavaux sont donc contenus par des murs construits en terrasses. Au total, sur 898 ha, ceps de vignes et petits murets de pierre tracent de longues lignes parallèles à la route et au lac, pour atteindre 32 km de long entre Ouchy et le château de Chillon, voire un peu plus si l’on compte les débordements côté Lausanne et côté Vevey-Montreux. Là où l’inclinaison est la plus forte, la largeur des terrains n’excède pas 2 ou 3 m. Les habitations des villages sont resserrées, de manière à ne pas empiéter sur les vignes. Cet aménagement en terrasses remonterait au XIe siècle et aurait été réalisé par des moines bénédictins et cisterciens qui ont minutieusement travaillé sur cet environnement, de manière à orienter les vignes au maximum vers le soleil.

Un point d’histoire

L’histoire de Lavaux est très riche, marquée par la civilisation romaine et intimement liée à celle du canton de Vaud. Les luttes menées par les Helvètes et leur repliement, l’emprise de la maison de Savoie, la conquête et l’occupation bernoise, sans oublier la Réforme, en 1536, ont contribué à façonner les esprits et les mœurs. Mais n’allons pas trop vite en besogne : tout a vraiment commencé au XIIe siècle avec l’arrivée de moines cisterciens qui fait progresser considérablement les techniques viticoles. Ce sont eux qui prennent l’initiative de la construction de terrasses superposées, soutenues par des murets. Avec comme devise Ora et labora, « Prie et travaille », ils introduisent également des plants de pinot noir, tout en cultivant les plants sauvages de raisin blanc.

Jusqu’en 1900, les agriculteurs qui reprendront les vignes sont également éleveurs. Ils possèdent du bétail et quelques champs dans l’arrière-pays. À la fin du XIXe siècle, le phylloxera, sorte de puceron ravageur de vignes, sème le chaos dans tous les vignobles d’Europe et marque la fin des exploitations mixtes. C’est la greffe de cépages locaux sur des plants américains qui va permettre de remédier aux dégâts de ce parasite. Sauvée, la vigne continue de se transmettre de père en fils et aujourd’hui en fille également. Certaines familles habitent la même maison depuis le XVIe siècle ! Vous sentirez dans les villages un véritable amour pour leur terre, même chez les plus jeunes, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Certains cependant réfléchissent à des façons de déguster le vin dans un cadre plus contemporain, tout en veillant à garder le charme de l’authentique ; ils proposent ainsi des recettes novatrices, ou encore des étiquettes décalées…

Étapes du travail dans la vigne de Lavaux

La vigne, c’est bien ce qui fait le charme de la région. Mais savez-vous comment elle est travaillée ici ? En hiver, c’est la taille des sarments (jeunes rameaux de vigne). Au printemps, lorsque la vigne a poussé, on ébourgeonne. En été, on attache, effeuillage et cisaillage. Entre fin septembre et fin octobre, viennent finalement vendanges. Les raisins cueillis sont placés dans des caissettes, qui seront entreposées à la cave. Le raisin est alors pressé et le jus extrait (le moût) passe ensuite dans une cuve où a lieu la fermentation. Sous l’action de levures, le sucre du raisin se transforme en alcool et le jus devient du vin. Enfin, on clarifie le vin en le filtrant et on procède à la mise en bouteilles. Les vins blancs sont généralement mis en bouteilles au mois d’avril et les rouges à la fin de l’été.

Petite particularité locale : les pentes à pic et l’espace étroit empêchent une trop grande mécanisation. La récolte est donc faite en grande majorité à la main, le plus souvent par une main-d’œuvre étrangère saisonnière. Seul un monorail à crémaillère permet de faire glisser un siège et des wagons de raisins. Sur la pente très abrupte du Dézaley, un funiculaire a été spécialement mis en place. Une chance pour les visiteurs qui peuvent se balader dans un si beau paysage !

Le vin de Lavaux

Alors finalement, que doit-on goûter lorsqu’on se retrouvera en balade au milieu des vignes ? Voici quelques éléments de réponse… La particularité de Lavaux, c’est la qualité de son vin, qualité due non seulement à la terre, mais aussi aux « trois soleils » : celui qui vient directement du ciel, celui que réverbère le lac Léman, enfin celui que les murets des terrasses ont emmagasiné sous forme de chaleur.

Par ailleurs, la grande diversité des sols et le microclimat qui y règne, très doux grâce au lac, même sur un espace si réduit, permettent au vigneron de mettre à profit son savoir-faire afin de produire une large gamme de vins. En effet, pour une même vigne, on obtiendra des vins très différents les uns des autres suivant que leur encépagement se trouve proche du lac, en bordure de forêt ou sur des terrasses soutenues par des murs épais.

Ainsi, la région viticole de Lavaux ne compte pas moins de six appellations d’origine contrôlée (AOC) : lutry, villette, épesses, saint-saphorin, chardonne et vevey-montreux, ainsi que deux grands crus : dézaley et calamin. Le plus grand cru de Lavaux est sans aucun doute le dézaley, qui est l’un des meilleurs vins blancs de Suisse. Ce vin est sec et doré, riche et racé, avec une certaine amertume (goût que le vin prend à la suite de certaines attaques microbiennes). Il est entré dans la culture suisse à un tel point qu’une image du vignoble figure au verso des billets de 200 francs.

Comme dans tout le canton de Vaud, le principal cépage des vignes de Lavaux est le chasselas, qui s’accommode bien au sol et au climat pour donner des vins secs, fruités et robustes, supérieurs à ceux qu’il fournit en France. Mais parmi les rouges, on compte aussi des pinot-gamay et pinot noir avec quelques spécialités.

Chasselas ou fendant ?

Le chasselas est donc la grande spécialité vigneronne du pays de Vaud ! Un vin blanc discret, vous dira-t-on, qui met de côté les arômes primaires typiques des vins de cépage pour laisser dominer les notes issues des particularités de la vinification et des sols sur lesquels il a poussé, propres au canton de Vaud et particulièrement à Lavaux.

Après avoir porté plusieurs noms depuis le XIIe siècle, le raisin a été le plus couramment appelé le « fendant »… parce qu’il se fend facilement sous la dent ! Après la guerre du Sonderbund, vers 1847, les Valaisans voisins se sont mis à planter massivement du « fendant » et à le commercialiser sous cette appellation. Obligés de se différencier, les vignerons vaudois ont alors décidé de donner à leur cépage le nom de « chasselas », même si, dans toute l’Europe, ce nom était alors associé à du raisin de table. Le chasselas représente ainsi 66 % du vignoble vaudois (90 % du vignoble de Lavaux) et, pour les habitants du canton de Vaud, c’est le vin d’apéritif par excellence !

Tourisme et gastronomie

En général, on visite Lavaux tout en logeant à Lausanne, à Vevey ou à Montreux, car ici, les quelques possibilités d’hébergement sont plutôt des hôtels de luxe, idéalement placés au milieu des vignes et face au lac. Certains vignerons proposent également des appartements et chambres d'hôte, mais ceux-ci ne sont pas ouverts toute l’année, il vaut mieux vous renseigner auprès de l’office de tourisme de Montreux-Vevey pour avoir leurs coordonnées. Les habitants des villages de Lavaux sont restés attachés à des valeurs authentiques et, pour accompagner un bon vin, ils se montrent exigeants en matière de qualité culinaire ! Aussi, les petites pintes nichées dans les villages proposent une cuisine traditionnelle dans de charmants décors rustiques. Plusieurs d’entre elles possèdent une plaque pinte vaudoise recommandée, signifiant qu’elles sont recensées et contrôlées par l’Office des vins vaudois. La gastronomie inventive s’invite également sur des terrasses installées au milieu des vignobles et face au lac.

Balades pédestres dans Lavaux

Pour partir à la découverte des terrasses de Lavaux, on vous propose de commencer depuis Vevey, où vous prendrez le train des vignes pour Chexbres-Village (8 minutes). De Chexbres, soit vous prenez le sentier viticole pour redescendre vers Saint-Saphorin (30 minutes), soit vous choisissez une balade plus longue mais plus belle : empruntez le sentier viticole qui passe au-dessus du domaine de Dézaley, puis de Calamin (villages d’Épesses, puis de Riex) et jusqu’à Cully (2 heures). Pour le retour, depuis la gare de Cully, des trains partent en direction de Lausanne et de Vevey/Montreux.

Au cours de votre balade, n’hésitez pas à vous arrêter dans les caveaux des villages ou, si ces derniers sont fermés, à frapper directement chez les vignerons. Vous pouvez aussi atteindre Chexbres à partir de Lausanne : prenez le train en direction de Palézieux et descendez à Puidoux-Chexbres. Surtout, descendez bien à Puidoux-Chexbres, sinon vous vous retrouverez de l’autre côté du versant, dans les pâturages. Il est possible d’emprunter le sentier dès Puidoux-Chexbres, mais vous pouvez aussi prendre le train des vignes en direction de Vevey et descendre à Chexbres-Village.

Enfin, pour les plus téméraires, il est aussi possible de faire la grande traversée. Une randonnée exceptionnelle de 33 km, d’Ouchy jusqu’au château de Chillon, presque uniquement à travers les vignobles. Il faut compter 8 à 9 heures de marche. Le terrain étant assez plat, il est possible de le faire en une journée. Mais il vaut mieux vous arrêter et passer la nuit du côté de Chexbres, Saint-Saphorin ou Vevey.

Et pourquoi pas en train ou en bateau ?

Pour ceux qui ne veulent ou qui ne peuvent pas trop marcher, il existe des solutions très sympathiques : le Lavaux Express ou le Lavaux Panoramic. Ces petits trains, entretenus par des associations de vignerons, proposent plusieurs itinéraires au départ de Lutry, de Cully ou de Chexbres, d’environ 1 heure chacun. Un programme spécial inclut même une virée dans un caveau avec dégustation de vins.

Si vous souhaitez profiter d’une petite croisière sur le lac, profitez donc d’un circuit à bord d’un bateau Belle Époque. Parmi les seize bateaux de la Compagnie générale de navigation (CGN), huit sont équipés de roues à aubes et proposent un véritable voyage dans le temps sur le lac Léman. Vous avez la possibilité de vous arrêter presque à chaque point important de la rive. Vous pouvez ainsi prendre un bateau depuis le port d’Ouchy, à Lausanne, pour Chillon et visiter le château, puis reprendre un bateau et visiter Montreux, La Tour-de-Peilz, Vevey, Saint-Saphorin, Cully, Lutry et, enfin, revenir à Ouchy.

Mais au fait, pourquoi « Lavaux » ?

Le terme de Lavaux apparaît au XIIe siècle dans une bulle du pape Innocent II, qui mentionne la vallis de Lustriaco, « la Vaulx de Lustrie » en ancien français, ce qui signifie la « vallée de Lutry ». C'est là que l'on comprend pourquoi on ne dit pas le Lavaux, puisque cela donnerait « le la vallée » ! Au XIVe siècle, Aran, Riex et Villette sont intégrées à cette vallée, qui sera orthographiée Lavaux au siècle suivant.