L'orchestre des Nations, dirigé par Antoine Marguier au Victoria Hall © Martin Good - Shutterstock.com.jpg

La musique classique

Souvent perçue comme une belle endormie autour de son jet d’eau, Genève entretient pourtant une vie musicale des plus trépidantes. Pour le constater, les mélomanes n’ont qu’à rejoindre la place de Neuve, de l’autre coté de la plaine de Plainpalais. C’est ici que se niche le quartier dédié à la musique. Vous y trouverez le Grand Théâtre de Genève – qui n’est autre que l’Opéra de Genève –, magnifique édifice aux faux airs de palais Garnier. Entre son foyer tout en moulures, dorures et faux marbre, sa salle de spectacle moderniste (reconstruite après l'incendie de 1951) et sa programmation de haute volée – devenue hyperaudacieuse sous la houlette d’Aviel Cahn –, le lieu est une véritable institution genevoise. Un incontournable en Suisse pour une représentation d’art lyrique et chorégraphique, un récital voire une pièce de théâtre. Sur la même place (Neuve), on croise aussi le Conservatoire de musique où se déroule chaque année le concours international de musique de Genève. Un peu plus loin, derrière la Maison des arts du Grütli se dresse le Victoria Hall, haut lieu de concerts à la façade néoclassique et à l’acoustique exceptionnelle. L’endroit est l’emblématique siège de l’Orchestre de la Suisse romande (OSR), l’un des ensembles symphoniques les plus prestigieux du pays. Fondé en 1918 par Ernest Ansermet – illustre musicien qui entre 1915 et 1923 se vit confier la direction musicale des spectacles des Ballets russes par Serge de Diaghilev –, l’OSR s’occupe très bien des œuvres de Milhaud ou Stravinsky et a été dirigé par des pontes tels que Neeme Järvi (entre 2012 et 2015). Moins célèbre que ce dernier mais important dans le classique suisse, l’OSR fut aussi dirigé par Armin Jordan, un des grands chefs d’orchestre du pays qui a, par ailleurs, beaucoup dirigé les opéras de France (Lyon, Nancy, Bordeaux, plus sporadiquement Marseille) .

À noter qu’outre ses salles, Genève dispose de quelques beaux événements faisant la part belle au classique. Parmi eux, Musiques en été est clairement un des temps forts de l’année avec une très belle programmation de classique, jazz et opéras dans des lieux d’exception. Pour les plus matinaux, le fameux rendez-vous estival Aubes musicales permet d’assister à un beau concert – gratuit et en plein air – les matins de 6 à 7h, durant le lever du soleil, aux Bains des Pâquis. Un réveil magnifique avec une part belle faite au classique (quoi de mieux pour accueillir le soleil ?). Pour les âmes plus aventurières, le festival Archipel se tenant entre fin mars et début avril consacre la musique d’aujourd’hui et notamment la création savante contemporaine à travers des invités de marque (Carter, Harvey, Ligeti, etc. par le passé).

Les musiques actuelles

Ne vous fiez pas à ses apparences tranquilles, Genève a longtemps couvé une scène alternative bouillonnante. Si les années 1960 appartiennent à Zurich et Bâle – épicentres du rock’n’roll dans le pays avec des groupes comme Les Sauterelles, les Beatles helvètes –, Genève va quant à elle devenir un foyer musical actif à la fin des années 1970, lors de l’émergence de la scène punk. C’est dans cet esprit et avec l’envie de promouvoir le rock et la scène alternative que vont naître des lieux emblématiques comme L’Usine, Le Rhino et un peu plus tard Artamis, des squats devenus avec le temps des incontournables de la vie nocturne genevoise. Si la pression des autorités et la bulle immobilière ont entraîné la fermeture des espaces de ce type – hormis L’Usine ou L’Îlot 13 qui résistent tant bien que mal –, on peut retrouver leur esprit ici et là en ville. Comme dans les événements organisés par l’Association pour l’encouragement de la musique improvisée, l’AMR, offrant une grande place au jazz, à l’avant-garde et aux formes musicales libres.

Aujourd’hui, c’est toujours dans la Jonction, le quartier de L’Usine, que bat le cœur de la vie musicale genevoise. Un secteur un peu bohème, assez alternatif et finalement plutôt branché avec des lieux comme La Barje, café coopératif et militant avec une offre culturelle innovante et diversifiée, ou l’Ethno Bar, un incontournable avec ses 300 m2, son ambiance industrielle, sa terrasse face au Rhône et sa programmation pointue. Incontournable et pointu, deux termes qui qualifient parfaitement aussi Le Chat Noir, scène mythique et hyperactive (près de 120 concerts par an) très appréciée des deux côtés de la frontière.

À noter également, le très bon festival Antigel qui propose musique, théâtre, danse, disco, piscine, marchés, apéros, clubbing, sport dans des lieux atypiques tels qu’une piscine ou une église. L’occasion de côtoyer les noms intéressants de la scène genevoise comme Vendredi sur Mer et sa disco-pop, Aïsha Devi et son électronique envoûtante, les rappeurs Di-Meh, Slimka ou Makala ou encore l’excellent travail du label Bongo Joe (aussi très bon disquaire) qui réédite des perles et déniche des groupes actuels fabuleux (à commencer par Altin Gun).

Le théâtre et la danse

Disposant d’une trentaine de salles et de théâtres, Genève propose une offre culturelle très dense, surtout rapportée à son nombre d’habitants. Toute la palette du théâtre y est présente, répertoire classique autant qu’œuvres d’auteurs contemporains, en passant par les shows d’humoristes de talent. Pour les amoureux de théâtre classique, en ville, rien ne vaut la Comédie de Genève. Scène prestigieuse, elle est le terrain de rencontre de tous les beaux textes – Racine, Oscar Wilde, Tennessee Williams ou Tchekhov et bien d’autres – et un lieu privilégié de création, de débats et de réflexion, dont la réputation dépasse largement Genève. Une institution qui concentre à elle seule quelques-uns des grands noms de la dramaturgie suisse dans la liste de ses directeurs et metteurs en scène successifs : André Talmès, Benno Besson, Claude Stratz ou Hervé Loichemol. Plus contemporain, le Théâtre du Grütli est une autre grande scène de Genève, et un espace reconnu de création atypique et audacieuse. Divisé en deux espaces – la Black Box et la White Box –, le Grütli propose spectacles, lectures et performances qui remettent en question le rapport traditionnel entre les artistes et les spectateurs, ainsi que la séparation entre disciplines. Aussi, à Carouge, le Théâtre de Carouge fait la fierté de ses habitants. Bien que petite structure, son directeur Jean Liermier veille à l’innovation constante des représentations théâtrales. Un succès, sa réputation dépasse les frontières du pays et pas moins de 50 000 personnes le fréquentent chaque année. Autrement, en été, un incontournable de la saison à est le Théâtre de l’Orangerie et ses deux serres accolées. Si l’endroit propose une saison courte, elle n’en demeure pas moins intense, généralement faite de beaux classiques et de créations contemporaines. C’est ici que chaque été ont lieu les spectacles de l’estival de La Bâtie.

De beaux lieux et rendez-vous qui sont autant d’occasions de rencontrer les grands textes de la dramaturgie suisse. À commencer par ceux de Robert Pinget, un des représentants du Nouveau Roman, dont la quasi-totalité de l’œuvre fut publiée en France aux Éditions de Minuit, ou encore Dominique Ziegler et son théâtre criblé de personnalités ambiguës, mais aussi Manon Pulver et son humour au vitriol.

Côté danse, Genève est aussi bien pourvue avec des institutions classiques comme le Ballet du Grand Théâtre de Genève qui, depuis quelques décennies, sous l’impulsion de son directeur Philippe Cohen, est synonyme d’audace chorégraphique (et la critique ne tarit pas d’éloges). On peut y voir des travaux de grands chorégraphes genevois comme Gilles Jobin, illustre nom de la danse suisse, ou Ioannis Mandafounis, très en vue.

Autrement, la référence à Genève depuis 1986 pour la promotion de la danse contemporaine est sans conteste l’Association pour la danse contemporaine-ADC. À voir entre la salle des Eaux-Vives et le Pavillon de danse, sa future résidence attitrée.