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Les canaux

En regardant une carte de Venise, vous remarquerez sa curieuse forme de poisson traversé au milieu par la longue épine du Canal Grande. Le Canal Grande est l’un des trois principaux canaux de Venise, les deux autres étant le Canale di Cannaregio au nord-est et le Canale della Giudecca au sud. Circuler sur ces grandes artères aquatiques est possible, il suffit de s’embarquer sur un vaporetto et de descendre à l’arrêt souhaité, tout comme pour un bus. Seuls les trois canali sont navigables ; quant aux rii (rio au singulier), plus étroits et moins profonds, ils ne vous seront accessibles qu'en gondole, en bateau-taxi, ou... en bateau privé.

Les rues

La circulation à pied est un peu plus compliquée, car elle nécessite un certain sens de l’orientation. Pour vous aider à surmonter cette difficulté, gardez à l’esprit les indications suivantes :

Venise compte 6 sestieri (singulier sestiere) : San Marco, Castello, San Polo, Santa Croce, Cannaregio, et Dorsoduro. A ces quartiers, il faut ajouter deux îles : Sant’Elena, reliée au sestiere de Castello, et Giudecca, séparée de la ville par le Canale della Giudecca. L’adresse type de Venise se compose du nom du sestiere, suivi du numéro du bâtiment (ex : Cinema Accademia, Calle Contarini, Dorsoduro, 1018).

Les noms des rues et des places sont assez spéciaux. Alors que dans le reste de l’Italie, les villes sont constituées de strada, de piazza et de via (route, place, rue), les voies de Venise portent des noms que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Voici un précis pour vous aider :

Calle larga : rue plus large que le calle, souvent marchande.

Calle : rue étroite.

Campiello, corte : petite place plus intime que le campo.

Campo : place. Littéralement « champ », car autrefois il s’agissait effectivement d’un champ cultivé autour duquel se déroulait la vie des habitants. Au milieu des campi il y a souvent un pozzo (puits).

Crosera : carrefour.

Fondamenta : quai.

Lista : grande rue marchande. Tient son nom du fait qu’autrefois elle dépendait d’une ambassade (ex : Lista di Spagna, près de la gare).

Piazza : seulement la place Saint-Marc a droit à ce nom.

Piscina : portion de rue plus large. Autrefois, la piscina était une sorte de bassin.

Ramo : littéralement signifie « branche ». Il s’agit des embranchements des canaux.

Rio terrà : ancien canal aujourd’hui comblé.

Riva : escalier en pierre permettant de passer du calle au canal.

Ruga : autre façon d’indiquer une calle larga. Ruga dérive du français « rue ».

Salizzada : calle pavée.

Sottoportego : passage public sous les habitations privées.

Strada : nom donné aujourd’hui aux nouvelles rues.

Un conseil, ne vous promenez pas le nez enfoncé dans les plans : laissez-vous plutôt séduire par les couleurs, les odeurs et les bruits d’une des plus belles villes au monde.

Numérotation des rues

Pour la numérotation des rues, Venise se distingue encore de ses voisines : la numérotation ne concerne pas une rue, mais le quartier entier (ex : Hôtel San Gallo San Marco, 1093/a). L’exercice s’avère d’autant plus difficile que cette numérotation ne suit pas un ordre logique. Ainsi, vous pouvez avoir rendez-vous devant le 5478 à Cannaregio et, une fois passé le pont dans la continuité de la rue, vous retrouver devant le 3475. On peut même, en traversant un pont, passer en même temps d’un sestiere à un autre sans s’en rendre compte. C’est un vrai casse-tête ! Heureusement pour les touristes, le Canal Grande constitue un excellent point de repère.

San Marco

San Marco est LE quartier mythique de Venise. Sa célèbre place est connue dans le monde entier et l'on vient de tous les continents pour boire un chocolat chaud dans un de ses cafés historiques face à sa prestigieuse basilique. C’est en 828 que deux marchands vénitiens dérobèrent à Alexandrie les reliques de saint Marc, disciple de l’apôtre Pierre, pour les emmener à Venise. Marc était venu évangéliser la région au Ier siècle et avait fait naufrage dans la lagune qui allait donner naissance en 452 à la Sérénissime. La basilique sera construite en son honneur, et le quartier portera son nom.

Siège du pouvoir et de la puissance vénitienne. Bordé au nord-est et au sud par le grand canal et le bassin de San Marco, le territoire du quartier San Marco épouse ainsi le cours de l’eau sur deux kilomètres, offrant le panorama grandiose d’une soixantaine d’édifices, vastes ou étroits, palais somptueux et maisons plus modestes. Les théâtres y sont tellement nombreux qu’à la fin du XVIIIe siècle la municipalité avait proposé d’appeler « Spettacolo » ce quartier qui s’étend le long du Canal Grande, de Rialto à San Marco.

Le sestiere s’organise autour du cœur commercial de la ville, formé par la zone de Rialto et par les Mercerie. Là était concentré le pouvoir sous toutes ses formes : étatique, ecclésiastique et économique. Ainsi, la Repubblica Serenissima siégeait au palais des Doges. Les riches commerçants et les grands ecclésiastiques avaient également leurs quartiers à San Marco.
Aujourd’hui, la zone autour de San Marco compte les plus riches palais, une grande partie des bibliothèques et des musées de la ville, les hôtels, les boutiques et les restaurants parmi les plus luxueux. Mais San Marco est avant tout un véritable musée à ciel ouvert, dont les merveilles traversent les siècles en gardant avec une étonnante facilité leur pouvoir d'attraction et d'émerveillement.

Les emblèmes de la ville. La basilique Saint-Marc est en effet beaucoup plus qu'une église, plus qu'un simple lieu religieux. C'est en même temps une œuvre éminemment politique destinée à renforcer l'identité et l'indépendance de Venise. Avec le palais des Doges et ses œuvres des plus grands maîtres du XVIe siècle, Titien et Véronèse en tête, la place la plus célèbre d'Italie (ou du monde ?) est le témoignage de la grandeur passée de la Sérénissime et de son influence, commerciale et artistique, sur le monde pendant la Renaissance. Aujourd'hui, sur cette place même envahie par les touristes et les pigeons, la grandeur passée est omniprésente et ne laissera personne insensible.

Non loin de là se dresse le mythique théâtre de La Fenice qui semble garder dans ses murs et dans la profusion de ses dorures les sonates des plus grands. Réduit en cendres par deux fois, rien ne semble pouvoir mettre à terre ce géant de la culture classique.

San Marco secret. Mais San Marco s'étend bien au-delà de ses célèbres joyaux et, après avoir traversé ses innombrables calli, les deux larges campi aérés de Sant'Angelo et de Santo Stefano sont une bouffée d'oxygène. Palais somptueux et terrasses salvatrices vous attendent avant de repartir à l'assaut du Rialto.

Pourtant, outre ses riches monuments qui attirent chaque année d’innombrables touristes, le sestiere de San Marco a aussi un charme plus caché. La nuit, désertés des touristes, ses cafés historiques, tels le Florian ou le Quadri, accueillent leurs habitués. La traversée nocturne de la piazza San Marco, accompagnée par la musique des orchestres des cafés huppés, est d’une douceur inoubliable. Le quartier possède encore des coins plus intimes, comme la Corte Seconda del Milion, où se trouve la maison de Marco Polo, ou bien de ces lieux qui abritent encore la vraie vie de quartier, comme le Campo San Bartolomeo, où de jeunes Vénitiens se donnent rendez-vous sous la statue de Goldoni. Étouffante parfois, San Marco reste une découverte unique sur laquelle le temps et les incessants passages paraissent n'avoir aucune prise.

San Polo

C’est donc ici que l’histoire a commencé. Berceau de l’histoire de Venise, le quartier San Polo est, avec ses 34 hectares, le plus petit quartier de la Sérénissime. Le quartier fait en effet partie des territoires les plus anciens de Venise. Il fut colonisé au IXe siècle, en même temps que son voisin San Marco, avec lequel il faisait partie des îles de Realtine. Les fondations de l’église San Polo datent de cette époque.

C’est ici qu'en 1907 naît Rialto, le marché principal de Venise. Ou plutôt que s'est construite sa célèbre halle néogothique, car la Pescheria, le marché en lui-même, existe depuis le XIVe siècle. Haut lieu de l'ambiance vénitienne, ses étals, courus par tous les (bons) restaurateurs de la cité des Doges, sont certainement les plus typiques et les plus vivants d'Italie. A quelques pas de là, l'Erberia, le marché aux légumes, offre également son lot de couleurs et son ambiance si particulière. Se promener avec les anciens à travers ces allées, c'est sentir Venise telle qu'elle est vraiment, au-delà des hordes de touristes : animée et authentique.

Au XIIIe siècle, le quartier de San Polo fut relié à la rive droite de la cité des Doges par le pont du Rialto. Mais il dut se relever de ses ruines après les secousses sismiques qui le dévastèrent en 1343. Cela n'empêcha pas le petit quartier du Rialto de rester le poumon économique de la ville, à l'image des murs du Bancogiro qui, s'ils abritent aujourd'hui un restaurant, ont été les gardiens de la première banque de la cité des Doges. Marchands de tous horizons y déambulaient perpétuellement, ce qui n'échappa d'ailleurs pas aux filles de petite vertu qui proposaient leurs services non loin de là, sur le bien nommé Ponte delle Tette...

Le sestiere San Polo est donc une partie très ancienne de la ville. D'ailleurs, les maisons sont vieilles, souvent humides, serrées les unes contre les autres, et ne laissent donc guère passer les rayons du soleil. Le dédale des rues débouche cependant assez fréquemment sur des campi lumineux et souvent ombragés. L'ambiance y est absolument charmante. Les vieux affalés sur un banc pestent contre l'inexorable exode que connaît leur chère cité, les enfants, en bons Italiens qu'ils sont, improvisent à toute heure une petite partie de football et le visiteur se délecte des découvertes qu'offrent les innombrables petites calli de San Polo.

Mais l'épicentre du quartier, c’est le large Campo San Polo qui a donné son nom à cette partie de Venise. C’est un lieu incontournable où les Vénitiens aiment se retrouver depuis toujours au rythme des parades militaires, des bals populaires, mais aussi des combats de taureaux et autres jeux cruels. Jusqu’à leur abolition en 1802, rassurez-vous !
Aujourd'hui, les activités sont heureusement plus pacifiques et vous y trouverez durant le carnaval de quoi ne surtout pas passer inaperçu grâce aux petits stands qui s'installent çà et là sur le campo. L'été, la place est l'occasion d'une belle soirée avec l'être cher grâce à son très romantique cinéma en plein air. Unique à Venise.

Enfin, l'exceptionnelle église Santa Maria dei Frari a élu domicile dans ce quartier pour notre plus grand bonheur. Cette église médiévale renferme en son sein une multitude de trésors. Titien, Canova et Giovanni Bellini n'y sont d'ailleurs pas étrangers.

Non loin de là se dressent également les deux « grandes écoles » du quartier : la Scuola Grande di San Rocco et la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista. Majestueuses, elles renferment quelques perles signées du Tintoret.
Mais les merveilles que possède le quartier, qu'elles sautent aux yeux ou qu'il faille les mériter, sont encore nombreuses. Alors n'hésitez pas, perdez-vous, demandez votre chemin à un groupe d'anciens en pleine partie d'échecs sur un petit campiello perdu ou... suivez-nous. Et laissez-vous aller à la découverte d'un quartier résolument authentique, qui mérite qu'on lui consacre un peu de temps. Loin des bandes de touristes mais au plus près des Vénitiens...

Santa Croce

Au tout début de l’histoire de Venise, le Luprio était une zone de marais salants. Comme le sestiere (quartier) San Polo, souvent considéré comme son jumeau vénitien, le quartier de Santa Croce y est né.

Si vous arrivez en voiture, c’est ici que vous entrerez à Venise à la gare routière et vous déposerez votre véhicule sur le vaste parking de Piazzale Roma. Cette dernière voit quotidiennement arriver les nombreux visiteurs qui empruntent le Ponte della Libertà qui relie Mestre à la Sérénissime. Le sestiere de Santa Croce est donc le seul qui connaisse quelque peu la circulation automobile. La modernité se traduit non loin de là par le Ponte della Costituzione, quatrième et dernier pont qui enjambe le Grand Canal.

Objet de toutes les polémiques, il a alimenté les discussions de comptoirs pendant de nombreuses années avant d'être inauguré le 11 septembre 2008. Conçu par l’architecte Santiago Calatrava, tout en courbes, en équilibres et en envolées de marches, son évident côté pratique s'est pourtant heurté à de nombreuses protestations. Il faut dire que l'on est loin du style du Pont des Soupirs. Mais, voilà, il reste un bon exemple de cette Venise tiraillée entre ses traditions architecturales et son audace et sa patte en matière d'art contemporain.

Le nom de ce sestiere trouve ses origines dans la fondation d'une église consacrée à la Sainte Croix. Mais elle fut démolie sur ordre de Napoléon, en même temps que le monastère bénédictin dont elle faisait partie. Aujourd'hui, des vestiges de l’église sont encore visibles dans l’hôtel Santa Chiara de la Piazzale Roma. A la place furent dessinés et plantés les Giardini Papadopoli. Mais le jardin fut coupé en deux par le percement du canal Rio Nuovo et sa surface bien réduite à la suite de la construction du Ponte della Libertà et du terminal de Piazzale Roma. Reste que se promener dans ces jardins, couchés sur les bords du Grand Canal, est la garantie d'une halte rafraîchissante et réparatrice. Un délicieux moment en perspective.

Plus loin, sur le Grand Canal, l'imposant et néanmoins remarquable Palazzo dei Turchi. Le musée d'Histoire naturelle de la ville avec sa double galerie s'impose majestueusement et paraît être sorti tout droit des eaux de la Sérénissime. On comprend mieux pourquoi le Sénat y faisait loger ses hôtes les plus prestigieux.

A quelques pas, l'étonnant musée du Costume qui a posé ses valises dans le palais Mocenigo sera l'occasion d'admirer une fois de plus l'artisanat vénitien qui réserve, encore et toujours, de nombreuses surprises.

Si rapidement traversé par les badauds, Santa Croce possède encore quelques trésors. La jolie et vaste place San Giacomo dell'Orio abrite un des premiers édifices religieux de la cité des Doges. L'église du même nom, bâtie au Xe siècle et reconstruite à partir de 1225, est un charmant mélange de style roman et gothique. Avant ou après la visite, n'oubliez pas de profiter du campo et de sa douce et enfantine agitation. D'ailleurs, les terrasses ne manquent pas.

Enfin, il ne vous faudra manquer sous aucun prétexte le Ca' Pesaro. Cet imposant palais baroque du XVIIe siècle renferme le musée d'Art oriental et une importante collection d'art japonais de la période Edo. Avis aux amateurs ! Mais il abrite également le musée d'Art moderne de la ville où de grands artistes y ont élu domicile. De Klimt à Chagall en passant par Miro ou Matisse, la collection n'a rien à envier aux plus grands musées.

Santa Croce est donc une découverte à elle seule. Elle qui semble souffrir de son incessant jumelage avec San Polo s'offrira à vous sous ses plus beaux atours. Mais, encore une fois, il faudra prendre le temps...

Dorsoduro

Lieu de prédilection de la jeunesse locale, ce quartier est un enchantement pour le visiteur qui voudra concilier la grandeur passée de la Sérénissime et l'insolent dynamisme dont fait parfois preuve la cité des Doges. Cette audace, la jeunesse vénitienne, celle qui ne part pas sous d'autres cieux, s'en fait le porte-drapeau à travers les étonnantes galeries que vous pourrez croiser au hasard des ruelles de Dorsoduro.

Son nom signifie littéralement le « dos dur ». Car cette partie méridionale de Venise, au sud des sestiere de Santa Croce et de San Polo, fut, en effet, le seul quartier construit sur la terre ferme et rocheuse et non sur un marécage sablonneux. Au-delà du canal de la Giudecca, ce sestiere comprend également les îles de la Giudecca, de SaccaFisola et de Sacca San Biagio à la pointe occidentale de la Giudecca.

C’est au départ la partie occidentale du quartier actuel, qui constituait l’île de Mendigola, qui fut colonisée. A l'emplacement de cette île fut érigée au XIIe siècle la très belle église San Nicolò dei Mendicoli (Saint-Nicolas-des-Mendiants) dont le portail d’entrée, de style médiéval, est à peu près le seul conservé de cette époque.

Plus tard furent colonisées les îles adjacentes jusqu’à la Pointe de la Douane. La dernière zone bonifiée fut l’endroit où se trouve aujourd’hui la basilica della Salute, située au débouché du Grand Canal sur le bassin de San Marco. Elle est posée sur pilotis : il ne fallut pas moins, dit-on, de 1 556 627 pieux de 4 mètres de longueur, recouverts de moellons et de mortier, pour supporter l’imposant édifice dont la construction fut décidée par la République de Venise après la terrible épidémie de peste qui ravagea la ville en 1630.

Devant l’église, le vaste parvis dallé et le quai s’étendent jusqu’à la douane de mer. Les promeneurs y sont rares, bien qu’une partie de la collection d'art contemporain de la Fondation Pinault soit désormais rassemblée dans les anciens entrepôts des douanes. La vue d'ensemble sur la Sérénissime mérite pourtant le détour : du quai des Schiavoni jusqu'à l’est de la ville et ses jardins, le bassin de Saint-Marc et l'île de San Giorgio Maggiore...

...tout comme ne pas profiter de l'agréable flânerie qu'offrent les Zattere, certainement la promenade préférée des derniers habitants de la lagune. Le soleil qui vient s'évanouir sur les églises du Redentore et des Zitelle, sur la Giudecca voisine, est un spectacle éblouissant qui vaudra certainement une halte à la terrasse d'un café. Touristes et artistes en mal d'inspiration vous accompagneront dans ce délicieux moment.

Allez admirer les artisans au travail dans le squero di San Trovaso, où l'on répare les gondoles selon les mêmes techniques depuis plusieurs siècles, les galeries de l'Accademia et ses illustres peintres et constatez comme ces merveilles du passé tranchent radicalement avec la Punta della Dogana et ses œuvres d'art contemporain, ou avec celles de la fondation Peggy Guggenheim, et encore avec l'étonnante créativité des jeunes artistes qui aiment exposer dans les petites galeries autour du Campo Santa Margherita.

C'est sur cette place que se retrouve la jeunesse estudiantine de Venise pour refaire le monde en descendant des spritz, parfois jusqu'au petit matin. C'est cette même jeunesse qui a fait de Dorsoduro le « Quartier latin » vénitien, témoin à la fois de la grandeur passée de la cité des Doges et du dynamisme d'un art contemporain profondément ancré dans cette nouvelle culture vénitienne.

Alors n'hésitez pas et allez humer ces étonnants contrastes et cette ambiance si particulière qui fait de Dorsoduro un agréable quartier qui semble suspendu dans le temps, tiraillé entre passé et avenir et empêtré dans sa constante recherche d'une nouvelle identité.

Cannaregio

Jadis seul lien important avec la terre ferme, Cannaregio est le quartier le plus septentrional et le plus peuplé de Venise. Un peu plus petit que le grand Castello, c’est ici qu’aboutissent le Ponte della Liberta et les voies de chemin de fer qui relient la ville au continent. Cannaregio est donc l'endroit où l'on passe de l'autre côté du miroir, où l'on quitte le monde réel pour entrer dans l'univers fantasmagorique de la cité des Doges.

Avant la construction des digues et la consolidation des sols, ce vaste territoire fut longtemps la partie la plus marécageuse de Venise et un foyer important de paludisme. Il était sans doute recouvert de joncs et de roseaux (canne), d’où peut-être son nom. Une autre hypothèse quant à l’origine de son patronyme serait celle du Canal Regio (canal royal) qui permettait d’entrer facilement dans la ville pour les visiteurs venant du continent.

Le Canal di Cannaregio, avant la construction d’un lien ferroviaire aboutissant à Venise, était en effet l’entrée principale pour les visiteurs de la Sérénissime. Il relie le Grand Canal, à la hauteur de l’église San Geremia, avec la lagune. Deux ponts permettent de le franchir : le Ponte delle Guglie (pont des Aiguilles), car les quatre angles sont décorés d’obélisques, et le Ponte dei Tre Archi, le seul pont à trois arches de Venise.

Aujourd'hui, les touristes, en particulier ceux qui descendent du train à la gare Santa Lucia, se pressent en nombre sur la Lista di Spagna ou sur la Strada Nuova pour rejoindre le Rialto et oublient de se perdre dans le dédale enchanteur et paisible des petites rues latérales. Malheur à eux ! Ils viennent de laisser s'échapper trésors et découvertes authentiques. C'est en effet un de ces rares endroits qui continuent à faire vivre les si riches traditions de la Sérénissime. Car ce quartier est caractérisé par un tissu urbain typiquement vénitien.

Au nord, une vaste zone de rii (petits canaux) parallèles, sur lesquels donnent des maisons et des palais alignés aux quais. Souvent l’espace s’ouvre sur de petites places qui laissent avec malice apparaître la façade d’une charmante église ou le visage d'une inquiétante statue.

Plus au sud, à proximité du Ponte delle Guglie, se dresse le ghetto, le premier de l'histoire, installé à cet endroit depuis cinq siècles. Les juifs vénitiens venus d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, du Portugal, du Proche-Orient y fondèrent leurs synagogues. Car, du fait de l'antisémitisme ambiant dans la région, la cité des Doges, bien consciente du pouvoir économique de ces riches marchands, les cloisonna dans ce quartier fermé et isolé du reste de la ville. Voilà donc la funeste origine de ce mot.

Mais il y a plus joyeux et surtout plus charmant pour celui qui continuera à déambuler dans le Cannaregio. Car ce sestiere se caractérise également par ses larges quais à l'ambiance des plus romantiques, les Fondamenta degli Ormesini, della Misericordia et della Sensa. Avec leurs petites terrasses et leurs nombreux ponts subtilement illuminés, ils offrent la garantie d'une paisible promenade.

En descendant vers le sud-est du quartier, on atteint le splendide palais gothique Ca' d'Oro, dont la façade si finement dessinée ne pourra vous laisser... de marbre. Cannaregio abrite aussi deux autres merveilles : la petite église San Giovanni Crisostomo, dont l’intérieur abrite des chefs-d’œuvre de Giovanni Bellini et de Giorgione, et surtout l’église à la façade en marbre polychrome de Santa Maria dei Miracoli. Un bijou !

Mais se promener dans Cannaregio, c'est aussi avoir la certitude de croiser plus de Vénitiens en quelques minutes qu'en une journée à San Marco, c'est savoir que les poissons que l'on trouve dans son assiette sortent tout frais de la lagune et que les débats endiablés en venesian feront fureur au bar de la charmante enoteca que vous aurez choisie pour déguster votre spritz quotidien. Vivre Venise en toute simplicité, en somme...

Castello

Vaste oliveraie au Moyen Age, ce quartier s’appelait à l’époque Olivolo. C’est en référence à la forteresse aujourd’hui disparue qui se trouvait sur la petite île de San Pedro qu’il prit son nom actuel. Aujourd'hui, Castello est le plus grand des six quartiers de la Sérénissime et sans doute le plus paisible... Venez trouver ici quiétude et tranquillité.

Castello est dominé, dans sa partie orientale, par les hautes murailles de l’Arsenal, lieu symbolique de la puissance maritime militaire de Venise. Il s’étend à l’ouest jusqu’aux environs immédiats de San Marco dont il est séparé par le Rio di Pallozo della Paglia, derrière le palais des Doges et la basilique Saint-Marc.

C'est surtout un lieu de contrastes. Alors qu'à l'ouest l'agitation touristique de San Marco est omniprésente, à l'image de l'encombrée Salizada San Lio, l'est est un des derniers coins de repli des Vénitiens qui ont fui le musée à ciel ouvert et l'envolée des prix. Authentique et charmant, le dédale de petites ruelles est un enchantement pour le visiteur, alors n'hésitez pas et perdez-vous à la découverte de cette Venise, encore quelque peu... vénitienne.

Côté nature, on découvre aussi des recoins de verdure, dissimulés ici et là... N'hésitez pas à pousser la porte de ses jardins secrets mais également d'autres espaces verts, tels les jardins de Napoléon ou encore ceux de Sant'Elena. De la station de vaporetto Giardini, situé entre San Marco et le Lido, accédez aux jardins qui permettront à vos enfants de se dégourdir les jambes.
Côté architecture, églises drapées d'or et de fresques de style byzantin, baroque ou Renaissance, comme la majestueuse église Santi Giovanni e Paolo, et les pavillons de l'Arsenal qui accueillent tous les deux ans la Biennale, fer de lance de l'art contemporain international.

Au-delà du Rio di San Lorenzo, qui coule du nord au sud, on arrive donc à l’Arsenal fondé au début du XIIe siècle pour doter Venise d’un entrepôt naval et d’un dépôt d’armes et de munitions, qui a inspiré Hugo Pratt.

A partir du XIVe siècle, la nécessité d’accroître l’armement naval de guerre et la mainmise de la République sur les flottes marchandes provoquèrent une forte extension de l’Arsenal. Cales sèches, fabriques de fusils, de rames et de mâts, entrepôts de bois et de charbon s’étendaient là. Le quartier a gardé l’empreinte des ateliers de l’Arsenal et des maisons ouvrières des Arsenallotti. Visiter le Museo Storico Navale permet d'ailleurs de mieux comprendre l'importance de l'eau et de la batellerie dans la longue histoire de la cité des Doges. Une nécessité avant d'aller flâner sur la Riva degli Schiavoni pour une agréable promenade où vous serez partagé entre le souvenir des bateaux remplis d'esclaves qui jetaient l'ancre à cet endroit et la magie du Palazzo Dandolo, qui abrite le mythique hôtel Danieli.

Au sud-est, le quartier est plus populaire et vous y entendrez le dialecte vénitien, le venesian, dans les petits restaurants authentiques et bon marché qui pullulent pour votre plus grand plaisir. Mais, au moment de la Biennale (d’art ou d’architecture, un an sur deux), le quartier est envahi par les visiteurs, et l'anglais devient la langue nationale. Ici se trouve également l’unique espace vert de la ville (I Giardini) aménagé à la demande de Napoléon sur des marécages asséchés. L'endroit est une bouffée d'air pur et l'un des rares lieux paisibles de la ville. Et, pour ne rien gâcher, la vue sur la lagune au coucher du soleil est inoubliable.

C’est aussi Napoléon qui fit consolider les berges et construire les quais des îles de Sant’Elena et de San Pietro. Cette dernière, qui paraît s'être endormie pour toujours, a pourtant été la première habitée. Et c’est dans cet ancien haut lieu ecclésiastique de Venise, qui fut détrôné par San Marco en 1807, que se rendent les Vénitiens, chaque dimanche de carême, pour assister à la cérémonie des Pardons.

Paradoxe, enfin, lorsqu'on garde à l'esprit que l'un des derniers quartiers véritablement vénitiens a été pendant des siècles le repaire des communautés grecques et arméniennes et le point de rassemblement des marchands venus d'Orient. Comme si l'histoire voulait peu à peu pousser hors de la lagune une population qui a rayonné sur le monde des siècles durant.

Un quartier marchand. Néanmoins, si vous voulez faire une immersion dans la Venise marchande, on vous conseille de flâner dans la plus large artère de la ville, la via Garibaldi, où les marchands de fruits et légumes (les marchés sont généralement ouverts de 7h à 14h) se donnent rendez-vous pour notre plus grand plaisir, dans une ambiance authentique et moins touristique qu'au Rialto.

La Giudecca

La Giudecca étant une île, on y arrive forcément par la mer, en taxi ou en vaporetto (au départ de San Zaccaria ou des Zattere). C’est sans doute la zone la plus hétérogène de Venise : logements, couvents, usines et entrepôts.

Cette île de pêcheurs s’est d’abord appelée Spina Longa, en raison de sa forme en arête de poisson. L’origine de son nom actuel est controversée. Certains prétendent que l’île aurait servi de lieu de déportation aux giudei, « juifs » en italien, ou encore aux zudegà, « jugés » en vénitien (c’est-à-dire condamnés), car au IXe siècle on appelait ainsi les nobles que la République y envoyait en exil.

Au XVIe siècle, les nobles allaient choisir cette île plus spontanément, non pas comme lieu d’exil, mais plutôt comme lieu de loisirs. Ils y bâtirent de merveilleuses demeures entourées de jardins, dont le légendaire hôtel Cipriani garde aujourd'hui le meilleur souvenir. C’est également à cette époque que fut construite l’église du Redentore. Aux XVIIIe et XIXe siècles, avec le développement industriel, les infrastructures portuaires, les casernes et les usines se multiplièrent, et l’île fut habitée par des ouvriers de plus en plus nombreux.

L’île de la Giudecca est formée de huit petits îlots et traversée par une longue fondamenta principale, commençant sur la Sacca Fisola et aboutissant au quai des Zitelle. La partie sud de l’île est occupée par des jardins et des maisons ouvrières. La Giudecca est à la fois l’île la plus vaste et la plus proche de Venise.