22_part_222924.jpg
shutterstock_1659030115.jpg
Teatro municipal, Rio de Janeiro© Aleksandar Todorovic - Shutterstock.com.jpg

Les musique et danse traditionnelles

Si vous additionnez Rio plus « traditions », vous obtiendrez comme résultat « Carnaval ». Cela ne fait aucun doute, le plus célèbre des rendez-vous cariocas, aussi populaire (il a attiré 6,5 millions de personnes en 2018 !) qu’iconique est un des piliers de la culture de la ville. Descendant de l’entrudo, un défilé historique portugais, auquel se sont jointes des influences africaines, cette fête unique en son genre et son importance est une vraie galerie d’esthétiques et pratiques traditionnelles. A commencer par le frevo. Né fin XIXe siècle dans le Pernambouc, ce rythme fiévreux tout en cuivres et percussions, s’apparente dans ses mouvements, à un cousin de la capoeira, lui aussi plein d’agilité et de couleurs.
Egalement originaires du Nordeste, mentionnons le forró, musique célèbre dans tout le pays, jouée à l’accordéon et fondée sur des danses européennes africanisées ainsi que le maracatu expression afro-brésilienne pratiquée depuis le début de la colonisation.
Parmi la galerie d’instruments traditionnels brésiliens, les plus courants sont sans doute le berimbau, arc relié à une calebasse accompagnant généralement les combats de capoeira ; le cavaquinho, petite guitare à quatre cordes ou encore la cuica, tambour frotté de l’intérieur avec un bâton émettant ce « rire » typique de la musique brésilienne.
Hormis le carnaval, des événements de Paraty comme le Festa Do Divino, dix jours de processions ou le Festival Da Pinga mettant à l’honneur la cachaça locale, présentent bon nombre de pratiques folkloriques. A l’année, le Club Finlândia de Rio propose des danses folkloriques traditionnelles costumées.

La musique populaire

Quelle musique est plus emblématique du carnaval de Rio que le samba ? Oui, vous avez bien lu : LE samba, au Brésil, le mot est masculin. Genre carioca par excellence, le samba naît au début du XXe siècle dans le port de Rio, parmi les esclaves libérés du Nordeste venus chercher du travail dans la capitale. Caractérisé par ses percussions foisonnantes à l’infini, ses chants choraux et sa joie de vivre rayonnante, le samba est également une danse aussi entraînante que contagieuse, immanquablement au cœur de tous les carnavals du pays. Très populaire, donc très joué, le genre a connu ses lettres de noblesse entre les mains de mestre Cartola, fondateur de Mangueira, la plus célèbre des écoles de samba, Beth Carvalho, Paulinho da Viola ou encore Zeca Pagodinho.
Une excellente adresse pour écouter du samba à Rio est le Carioca da Gema, lieu on ne peut plus typique voyant passer de nombreux groupes locaux. Citons également la Cahaçaria Mangue Seco, un club de samba aussi célèbre pour son incroyable bar que pour la qualité de ses concerts.
Héritière immédiate du samba, la bossa nova est devenue avec le temps un des visages du pays. Née à la fin des années 1950, elle est, très grossièrement, une forme de samba alanguie et plus intime, gorgée de jazz. On marque souvent la naissance du genre avec Chega de Saudade, premier album du Bahianais João Gilberto (1931-2019), un des colosses de la musique brésilienne à la voix angélique et à la légèreté douce-amère. Si cet album est aussi important, c’est sans doute aussi car il est un carrefour où plusieurs grands esprits de la musique brésilienne se croisent, dont les deux cadors cariocas Antonio Carlos Jobim et Vinícius de Moraes.
Le premier, mieux connu en tant que Tom Jobim (1927-1994), était à la fois compositeur, pianiste, flûtiste et reste considéré comme un des pères de la bossa nova. Auteur de quelque 500 chansons, Jobim est à tout jamais lié à Girl from Ipanema, écrite en 1964, un vrai bijou qui exporta la bossa nova dans le monde entier. Les paroles étaient d’ailleurs signées… Vinicius de Moraes (il n’y a pas de hasard). Si la musique brésilienne a atteint un tel degré de popularité, c’est beaucoup grâce à cette personnalité généreuse et aussi poétique que rayonnante. Compositeur et parolier prolifique de la bossa nova, Vinicius de Moraes (1913-1980) est associé de près ou de loin à quantité de grands succès nationaux. Un artiste légendaire s’il en est. D’ailleurs, sans surprise, l’institution du genre à Rio porte son nom : le Vinicius Bar. Installé dans la rue également éponyme, l’endroit est de loin une des meilleures adresses en ville pour un concert de bossa, sa scène mythique ayant accueilli les sommités du genre : Baden Powel, Wanda Sa, Dori Caymmi... Même rue, un peu plus loin, on trouve aussi le Toca Do Vinicius, librairie et (surtout) véritable centre culturel de la bossa nova.
Prolongement de la bossa nova, la musica popular brasileira – signifiant littéralement « musique populaire brésilienne » et souvent désignée par son acronyme « MPB » – marque un tournant dans la musique nationale. Pas une esthétique codifiée en soi, le MPB est plutôt un mouvement protestataire joignant mélodies sophistiquées, influences traditionnelles, textes contestataires et samba, bossa, jazz, rock dans un même élan. Le genre a pris vie sous l’impulsion de deux des plus grands musiciens de Rio : Chico Buarque (1944), compositeur, chanteur et écrivain, auteur de nombreux standards brésiliens et Baden Powel (1937-2000), virtuose de la guitare et compositeur d’une musique instinctive, lumineuse, parfois surprenante, toujours chaude et tendre. Son album Os Afro, composé en collaboration avec Vinicius est largement considéré comme un pilier du genre.
Moins populaire désormais, la MPB a tout de même connu une seconde jeunesse dans les années 2000 avec un groupe d’artistes qui, pour la plupart, portaient des noms de famille déjà connus du grand public : Moreno Veloso (fils de Caetano), Leo Maia (fils de Tim Maia), Maria Rita (fille d’Elis Regina) ou Jairzinho et Luciana Mello (fils de Jair Rodrigues).

La musique classique

Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, la région de Minas Gerais attire de très nombreuses exploitations coloniales d’or et diamants, drainant avec elle une population importante. De très nombreux compositeurs étaient alors en activité, dont certains sont restés dans la postérité comme Lobo de Mesquita, Francisco Gomes da Rocha ou Marcos Coelho Neto, auteurs essentiellement de pièces de musique sacrée. Avec l’appauvrissement des mines à la fin du siècle, l’activité musicale se déplace vers Rio, la ville étant devenue le lieu de résidence de la famille royale portugaise dès 1808 – et cette dernière ordonnant à des compositeurs et musiciens portugais de la rejoindre. C’est à cette époque que quelques compositeurs brésiliens d’importance apparaissent : José Maurício Nunes Garcia (1767-1830) très influencé par Mozart et Haydn ou encore Antônio Carlos Gomes (1836-1896), compositeur d’opéras aux codes italiens mais imprégnés de thèmes nationaux brésiliens. C’est notamment le cas d’Il Guarany ou Lo Schiavo, deux de ses plus grandes œuvres qui furent tous deux jouées à la Scala. Au Brésil aussi, l’opéra connaît alors un âge d’or et c’est d’ailleurs à cette époque que de nombreux édifices importants sont construits, comme l’épatant Theatro Municipal do Rio De Janeiro, inspiration directe de Garnier et résidence de l’orchestre symphonique brésilien (un des principaux du pays).  
A l’instar de nombreux endroits du monde, apparaît ici au début du XXe siècle la volonté d’établir une musique nationale. Authentiquement brésilienne, celle-ci doit s’affranchir des influences européennes et baigner dans le folklore du pays. Si Alberto Nepomuceno (1864-1920) est considéré comme l’initiateur de ce nationalisme musical, c’est bel et bien l’homme de Rio, Heitor Villa-Lobos (1887-1959) qui en est le grand héraut. Compositeur le plus célèbre du Brésil, il a su brillamment marier le classicisme de ses maîtres (Bach en tête) aux sonorités traditionnelles du pays. Après avoir mené huit ans d’enquête ethno-musicale dans les régions les plus reculées du pays, l’artiste a pu élaborer une œuvre singulière et profondément brésilienne. Sa pièce maîtresse est Bachianas Brasileiras, véritable apothéose de la fusion entre le folklore et les influences de Bach.
Les amoureux de sa musique ne manqueront pas de se rendre au Museu Villa-Lobos dans le quartier de Botafogo. Cette petite maison de la fin du XIXe siècle abrite une collection d’objets personnels ayant appartenu au célèbre compositeur brésilien où se croisent partitions, correspondances, photographies, vidéos et quelques instruments dont son piano à queue Gaveau.
Et en parlant de piano, impossible de ne pas mentionner ici un des plus grands pianistes de la seconde moitié du XXe siècle : Nelson Freire (1944-2021). Originaire de Boa Esperança dans le Minas Gerais, ce proche de proche de Martha Argerich reste dans les mémoires comme un interprète d’une sensibilité et d’une expressivité rare.

La musique électronique

Ces dernières années, un style originaire de Rio a fait rayonner le Brésil sur la scène électronique mondiale : le baile funk. D’ailleurs, si on l’appelle ainsi hors du pays, il est généralement désigné par funk carioca au Brésil voire simplement par funk à Rio. Mais ne vous fiez pas à son nom, cette musique purement électronique n’a que très peu de lien de parenté avec James Brown, Stevie Wonder ou Georges Clinton. Datant des années 1980 et puisant son inspiration dans la Miami Bass (une variante dansante et très licencieuse du hip-hop), le funk carioca se distingue du rap par sa froideur minimaliste et mécanique, sa dureté et sa sauvagerie. Elle est, génération après génération, la musique plus populaire de la jeunesse du pays, portée par des stars comme la chanteuse Anitta, surnommée la « Beyoncé do Brasil », MC Kevinho ou MC Fioti (qui a eu un petit succès en France).