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Central do Brasil © Andre Luiz Moreira - Shutterstock.com.jpg
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L'architecture coloniale de Rio

Malgré les importantes transformations urbaines qu'a subies Rio depuis ses origines, il reste encore des édifices baroques du XVIIe siècle comme le monastère São Bento ou le convento de Santo Antônio. Ainsi que des bâtiments datant du XVIIIe siècle comme l’igreja São Francisco da Penitencia (Saint-François de la Pénitence) et l'aqueduc qui constitue aujourd'hui les arches de Lapa (arcos de Lapa) construit en 1768. Les gouverneurs puis la cour portugaise qui fuyaient les invasions napoléoniennes en 1808 vont s'installer au cœur d'un ensemble urbain sis aujourd'hui autour de la praça XV (Rio antigo, Arc de Telles). C'est l'élégant Paço Imperial entouré de ses belles églises comme l'église catholique coloniale Nossa Senhora Mae dos Homens (Notre-Dame Mère des Hommes) fondée en 1758. Sa façade refaite en 1856 est de style néoclassique. C’est l'une des rares églises à avoir un plan curviligne. L’intérieur tout en courbe est richement décoré avec des détails soignés. Le spectaculaire autel présente les œuvres du maître Inácio Ferreira Pinto et l’image de la sainte, sculptée dans le bois.

Le Minas Gerais baroque-rococo religieux et civil

Le Minas est une étape incontournable dans le tourisme culturel brésilien. Le développement de l'art baroque, d'une profusion exceptionnelle, est ici le fruit du rôle majeur de l'Eglise catholique et des richesses issues des mines d'or. Les églises surchargées, aux drapés et bois sculptés sont décorées de manière somptueuse, les ordres et les confréries se défient à travers l'opulence des atours de leur paroisse. Ils ont besoin d’artistes et de bâtisseurs. Le système des corporations permet aux apprentis talentueux mais désargentés de développer leur art auprès de maîtres (ce qui ne sera plus possible après que les Français aient institué les académies des Beaux-Arts, accessibles aux seules personnes issues des classes privilégiées). La lourdeur de certains décors tranche avec l'expression naïve des personnages peints ou sculptés comme ceux par exemple du chemin de croix de Congonhas, d'une finesse rare. Deux noms vont marquer l'architecture baroque : le sculpteur Aleijadinho et le peintre Ataíde. Leurs burins vont sculpter et leurs pinceaux peindre les chapiteaux en pierre à savon et les plafonds en bois des plus belles églises du Minas. En 1766, Aleijadinho produit à Ouro Preto l’igreja São Francisco de Assis, chef-d’œuvre du baroque brésilien avec ses courbes ondulées sur la façade. Ouro Preto mais aussi Tiradentes, Diamantina, Sabarà ou Mariana font partie des villes où les monuments religieux et civils expriment toute la prospérité du XIXe siècle. En novembre, une semaine de festivités, la Semana de Aleijadinho, rend hommage au maître.

Courant néoclassique à la française et éclectisme

Au XIXe siècle, le positivisme fait la part belle à l'art, à l'architecture française et aux bâtiments imposants. Une mission culturelle française est invitée à Rio par João VI dès 1816 pour développer l'enseignement des Beaux-Arts et transformer Rio en un petit Paris : sous la houlette inspirée du peintre Jean-Baptiste Debret et de Granjean de Montigny et Levasseur, les architectes, cette mission laissera une indéfectible empreinte. On va raser des morros pour remodeler et désenclaver des quartiers et construire des immeubles « à la française », comme la maison France-Brésil ou le Palacio do Catete. Le néoclassicisme va inscrire dans la pierre une touche définitivement française. Bon nombre de palais de style éclectique sont érigés dans la lignée, mêlant influence gothique, néoclassicisme et Renaissance italienne à grand renfort de colonnades massives et dorures impériales. On peut citer le Théâtre municipal, par exemple, très fortement inspiré de l'Opéra Garnier de Paris, et le Museo nacional de Belas Artes, une autre des merveilles architecturales du Centro, tout comme le Palácio D. João IV devenu le nouveau musée MAR ou le Copacabana Palace.

Le courant Art déco et moderniste à Rio et Belo Horizonte

Au XXe siècle, Rio voit son centre prendre une verticalité américaine, influencée par la vague de construction de gratte-ciel Art déco et modernistes qui sortent de terre aux Etats-Unis. Cet Art nouveau va enrichir la ville des verrières de la célèbre Confeitaria Colombo et de la désormais célèbre gare Central do Brasil immortalisée par le film de Walter Salles. Le Cristo Redentor du Corcovado reste l'exemple le plus édifiant de la vague Art déco à Rio. Puis Le Corbusier, Gropius et Mies von der Rohe inspireront le plus grand architecte brésilien de l’époque, Oscar Niemeyer (né en 1907), qui jouera un rôle majeur dans la conception architecturale de nombreux bâtiments de Rio comme le palais Capanema et l’emblématique Museu de Arte Contemporânea (MAC) de Niteroi aux lignes pures et futuristes ou encore le quartier de Pampulha à Belo Horizonte. Si quelques édifices remarquables ont été détruits (son courant est contesté pour son esthétique), il reste le fabuleux édifice du musée MAM ou encore l'aéroport Santos Dumont. La cathédrale métropolitaine avec son modernisme brutaliste détonne dans le paysage du quartier des affaires de Rio.

Porto Maravilha

Grâce à l’impulsion des Jeux olympiques qui ont eu lieu à Rio en 2016, le projet pharaonique de rénovation urbaine de Porto Maravilha dans le Centro a transformé le quartier portuaire de Rio longtemps négligé en quartier des affaires et de la culture où il fait bon vivre tout en prenant en considération les enjeux de développement durable. Deux nouveaux musées ont vu le jour, le Museo de Arte do Rio (MAR) et l'impressionnant Museu do Amanhã, signé par Santiago Calatrava ainsi que la plus grande galerie d’art urbain à ciel ouvert de tout le pays.

Grands architectes de la région

L'Aleijadinho, Antonio Francisco Lisboa. Maître du baroque mineiro, Aleijadinho est l'artiste le plus fameux du baroque brésilien. Fils d’un architecte portugais et d’une esclave affranchie, Antonio Francisco Lisboa (1738-1814) est surnommé l’Aleijadinho (le petit infirme) parce qu’il est atteint à 40 ans d’affections rhumatismales, incurables, comparables aux effets de la lèpre, mutilant ses mains et ses pieds. Il travaille les dix-huit dernières années de sa vie en se faisant attacher ses outils à ses membres. Dès l’enfance, son père l’a associé à son travail d’architecte et il participe au projet de l’église des Carmes à Ouro Preto. Les Minas Gerais comptent, au milieu du XVIIIe siècle, moins de 40 000 Blancs pour plus de 100 000 Noirs. Ainsi que le suggère F. Cali (L’Art des Conquistadores) : « Peut-être ne peut-on mieux définir humainement le baroque colonial, art adultère, art métis ou mulâtre, que par cette douloureuse rencontre entre deux races sur un troisième continent. » Aleijadinho est l’une des grandes figures de la sculpture et de l’art baroque du Minas Gerais ; il a participé à la construction et à la décoration d’une cinquantaine de sanctuaires et donné au Brésil son premier manifeste architectural. Mais, homme de couleur, coupable d’infamia mulato, il lui est interdit de signer un contrat. Il finit sa vie pauvre, sans titre de maître d’œuvre. On retiendra ses façades des églises São Francisco, à Ouro Preto (1766) et de São João del-Rei (1774), sculptées en stéatite, et les statues de douze prophètes à taille humaine à la gestuelle théâtralisée décorant l’escalier en terrasse du santuário do Bom Jesus de Matosinhos à Congonhas do Campo, ainsi que l’ensemble des statues en bois polychromes des sept chapelles de la Passion. Les soixante-dix figures de ce chemin de croix sont remarquables d’expressivité. La simplification de leurs formes annonce déjà l’impressionnisme.

 Oscar Niemeyer. C'est le plus grand, le plus prolifique et le plus célèbre architecte brésilien. Père de l’architecture moderne, nourrie par le style international, son œuvre monumentale se caractérise par le minimalisme, des lignes épurées et une forme fonctionnelle. Oscar Niemeyer fut le concepteur des principaux monuments publics de la ville de Brasilia, capitale administrative du pays nouvellement fondée en 1960, sortie de nulle part, au milieu de la forêt vierge. L’étonnante structure hyperboloïde de la cathédrale de Brasília, le congrès national, le théâtre national, le palais de justice sont autant d'édifices imaginés par le génial Niemeyer. Symbole visionnaire de l’œuvre architecturale exceptionnelle d’Oscar Niemeyer, Brasilia, est la seule ville construite au XXe siècle qui est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Quelques années auparavant, cet amoureux du béton, de la courbe abstraite et du gigantisme avait déjà pu faire ses preuves à Belo Horizonte en réalisant plusieurs édifices modernistes notamment dans le quartier de Pampulha. Il a également participé à la conception du siège des Nations Unies à New York entre 1947 et 1952, au sein d’une équipe dont faisait partie Le Corbusier. Communiste convaincu et profondément humaniste, il dut s'exiler en 1965 à cause de la dictature et se réfugia en France, où il conçut entre autres le siège du Parti communiste français, place du colonel Fabien à Paris. Il faudra attendre 1985 pour qu’il revienne définitivement s’installer au Brésil et poursuivre ses travaux. En 1996, à l’approche de ses 100 ans, Oscar Niemeyer réalisa le superbe musée d'Art contemporain (MAC) de Niterói. Édifice hors norme et emblématique du Brésil, cette soucoupe volante futuriste aux courbes de béton brut peint en blanc domine la baie de Guanabara, en face de Rio de Janeiro.

A Niteroí, ville peu fréquentée par les touristes, le Caminho Niemeyer permet de découvrir 6 autres édifices créés par l’architecte. Inauguré en 2013, le chemin Niemeyer est, après Brasilia, le second plus grand ensemble architectural du maître brésilien. On trouve aussi plusieurs de ses réalisations à São Paulo dans le Parque Ibirapuera.

Lauréat du Pritzker Price en 1988, à l’âge de 81 ans, Oscar Niemeyer aura dessiné 600 bâtiments dans le monde pendant ses 70 ans de carrière. Il est décédé le 5 décembre 2012, à la veille de ses 105 ans, dans sa ville de naissance, Rio de Janeiro, sur l'immense Avenida Atlântica, dans l’un des immeubles qu'il a conçus.