iStock-1278391191.jpg
iStock-475323970.jpg

Identité baléare et richesse des langues

La question de l’identité baléare est un sujet riche en débats, de la même manière qu’en Catalogne ou au Pays basque. Elle est de fait fortement liée à la langue. Depuis que les îles Baléares forment une communauté autonome, le catalan est la langue officielle de l’archipel. Accompagnée du castillan (espagnol), il s’agit, en fait, d’une co-officialité, selon les termes utilisés dans les textes de loi. La majorité des insulaires affirment comprendre le catalan, mais environ 30 % d’entre eux ne le parlent pas. En réalité, l’usage du catalan est limité aux institutions politiques. L’enseignement dans les écoles publiques est censé être dispensé dans les deux langues dès l’école maternelle, ce qui favoriserait une insertion professionnelle en Catalogne, ou bien une suite d’études universitaires sur le continent. Mais encore une fois, la réalité diffère : dans les écoles, le castillan est majoritaire dans la salle de classe, et les dialectes locaux (mallorquí à Majorque, ibicenco à Ibiza) sont principalement parlés dans la cour de récréation. Ces derniers sont même devenus des symboles de nationalisme pour les plus âgés.

Ce modèle officiel a néanmoins été menacé à partir de 2013 par la réforme du système éducatif du gouvernement de José Ramón Bauzá (PP), qui propose un système trilingue catalan-castillan-anglais, en réduisant les heures de catalan au profit de l’anglais. Malgré son annulation par la Cour suprême en 2014, cette réforme a fait l’objet de nombreux débats. Actuellement, avec le Parti socialiste au gouvernement depuis juin 2015, les esprits se sont calmés et les deux langues devraient retrouver un équilibre au sein des établissements scolaires. Conséquence d’un tourisme très développé, certaines langues étrangères (l’anglais, l’allemand, l’italien et le français) sont parlées assez couramment, dans certaines zones de Majorque et d’Ibiza. À Minorque, le catalan demeure toutefois la langue la plus parlée, tout comme à Formentera, où il reste un pilier linguistique puisque 73 % de la population sait le parler et près de 90 % le comprend. Si ces deux dernières îles conservent une identité traditionnelle bercée par des us et coutumes séculaires, la population a malgré tout fortement changé de visage ces dernières années. Formentera est par exemple de nos jours très cosmopolite et compte près de 4 000 résidents étrangers, soit plus du tiers de la population totale de l’île.

Il faut dire que les Baléares accueillent aussi un bon nombre d’émigrés, travaillant sur toutes les îles. En 2009, les Baléares sont recensées comme la communauté autonome d’Espagne accueillant le plus grand pourcentage d’étrangers, avec plus de 20 % d’immigrés. Autrement dit, 1 personne sur 5 est étrangère aux Baléares. Les Majorquins distinguent les locaux et les forasters (étrangers) : cet adjectif désigne les familles espagnoles originaires de la péninsule. Bizarrement, les touristes sont mieux acceptés que les immigrés espagnols : un Madrilène, même installé aux Baléares depuis plus de dix ans, restera toujours un foraster. Parmi les principales nationalités représentées dans l’archipel, l’Allemagne arrive en première position, suivie de l’Équateur, du Maroc et de l’Argentine. Depuis 2010, les Baléares enregistraient une forte baisse de l’immigration, conséquence directe de la crise. Une tendance qui s’est inversée en 2017 avec une augmentation de 33 % du nombre d’immigrés étrangers.

Brève histoire du mouvement hippie à Ibiza et Formentera

Si Ibiza a acquis une renommée internationale avec l'arrivée en grand nombre des hippies dans les années 1960, l'île jouissait déjà depuis les années 1930 d'une réputation de sanctuaire de la vie douce. En effet, de nombreux intellectuels et artistes européens d'avant-garde, forcés de fuir les régimes autoritaires (la guerre civile espagnole notamment), trouvèrent refuge sur l'île blanche. Après la Seconde Guerre mondiale, le monde se reconstruit petit à petit et la créativité et la liberté sont des valeurs qui prennent de l'importance, si bien que de nombreux artistes déjà coutumiers de l'île commencent à affluer à nouveau, bientôt rejoints par de jeunes Européens et Américains, adeptes du mouvement hippie naissant. Pour ces âmes éprises de liberté et de paix, de rapport sain avec la nature, Ibiza – mais aussi sa petite voisine Formentera – offre tous les ingrédients du bonheur, si bien que des communautés hippies se forment rapidement dès le début des années 1960, principalement dans les zones rurales du centre de l'île.

Si San Francisco est considéré comme le berceau du mouvement, Londres et Amsterdam, en raison de leur atmosphère cosmopolite et bohème, sont également des foyers importants de cette culture émergente. Considérés comme adaptés à la pratique de la méditation, le Népal et l'Inde sont également des destinations de premier ordre. Ce que va offrir Ibiza aux hippies, c'est un contact direct et simple avec la nature, un climat clément, mais aussi un territoire encore épargné par le tourisme de masse. Les habitants de l'île reçoivent cette nouvelle population avec curiosité et bienveillance, les nommant les « peluts » (« poilus » en catalan), en raison de leurs chevelures hirsutes, et la coexistence est plutôt bonne. Lors de cet âge d'or des hippies à Ibiza (1965-1975), penseurs, artistes, idéalistes et doux rêveurs opérant leur retour à la terre contribuent à populariser l'île et bientôt le tourisme commence à gagner du terrain, diluant peu à peu cet esprit hippie authentique de la première heure…

On pourra tout de même encore aujourd'hui approcher un peu de ce que fût cette époque se rendant au marché dominical de Sant Joan, dont les étals d'artisans demeurent peut-être les plus authentiques de l'île. La petite crique d'Atlantis ou celle de Punta Galera sont également des spots qui conservent encore de cette magie un brin psychédélique des années 1960. À voir aussi, le rassemblement des joueurs de tambours sur la plage de Benirràs, tous les dimanches de la belle saison, à l'heure de crépuscule. En 2016, une sculpture de bronze représentant un hippie et son enfant (inspirée d'une célèbre photographie de l'époque) a été inaugurée dans la Marina d'Eivissa, en hommage à cet épisode fondamental de l'histoire et de la culture d'Ibiza.