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Trésors du passé

L’histoire de la Floride est millénaire et pour le découvrir, rendez-vous au site archéologique de Crystal River State qui aurait été habité de 200
av. J.-C au XVIe siècle ! Des stèles ou pierres cérémonielles flanquent plusieurs tumuli funéraires indiens, que les archéologues pensent avoir été surmontés de temples, dans la tradition des grandes civilisations méso-américaines. Les Indiens Seminoles sont les directs descendants de ces grands peuples de fait, les premiers véritables Floridiens. Pourtant, des siècles durant, ils furent attaqués et chassés, contraints de se réfugier au cœur des terrains marécageux des Everglades. Vivant aujourd’hui dans de petites réserves, tel le Miccosukee Indian Village, ils perpétuent leurs traditions, notamment en matière d’habitat, comme le montrent les chickees, huttes de feuilles de palmier et de cyprès, au plancher en bois imputrescible surélevé d’un mètre environ, pour limiter les dommages de l’humidité. Au XVIIe siècle, la Floride se fit aussi espagnole. Les premières constructions des colons étaient souvent de rudimentaires cabanes de bois aux toits de chaume. Ce sont les congrégations religieuses qui construisirent beaucoup à travers la Floride, mais des centaines de missions en bois de l’époque, il ne reste que peu de vestiges.  En revanche, impossible de manquer celui qui peut s’enorgueillir d’être le plus grand fort espagnol des USA : le Castillo San Marcos de Saint-Augustine ! Son système de fortifications est impressionnant : douves, allées couvertes et glacis, pont-levis et herses en poutre de pin recouvertes de fer, murs d’enceinte pouvant aller jusqu’à 6 m de large et plateformes de tirs protègent cette petite ville dans la ville organisée autour de sa Plaza de Armas. Un ensemble construit dans un étonnant matériau : la lumachelle, roche sédimentaire et calcaire formée de millions de coraux et coquillages compressés qui peut résister à l’impact d’un boulet de canon sans se briser !

Etonnant XIXe siècle

Le matériau phare de ce XIXe siècle est le bois, que la Floride peut exploiter à loisir dans ses grandes forêts. Des villes entièrement dédiées à la coupe du bois seront même construites, à l’image de Cedar Key. Les toutes premières constructions des Crackers de Floride étaient assez sommaires mais témoignaient d’une grande ingéniosité, notamment dans la recherche d’aération et d’isolation. Les maisons étaient ainsi généralement posées sur des bases mêlant pierres calcaires et bois imputrescibles. Leurs planches de cyprès et cèdre rouge étaient assemblées avec des picots de bois et des clous en fonte. Qu’elles se composent d’une pièce (single-pen house), de deux pièces avec un foyer central (saddlebag house) ou de deux pièces séparées par un passage central couvert (dogtrot house), ces maisons possédaient toujours un toit à deux pans et une galerie en façade. Avec l’apparition de la charpente à claire-voie, ces maisons modestes ont pu ensuite s’agrandir. A voir : la maison McMullen au village traditionnel de Pinellas County avec son toit incliné couvert de tuiles de cyprès. Les four-square houses, elles, se reconnaissent à leurs toits à 4 versants surmontés d’un lanternon destiné à favoriser l’aération de la maison. Ce souci constant d’adaptation au climat se retrouve également dans les maisons de Key West, très largement inspirées de l’habitat créole des Bahamas. Bâties sur des fondations en piliers permettant à l’air frais de circuler et reconnaissables à leurs volets et pignons orientés vers la rue, ces maisons conservent la sobriété de volumes et de plans des « shotgun houses », maisons consistant en une simple enfilade de pièces. Puis progressivement, dans les Keys, comme dans le reste de la Floride, ces maisons vont se laisser gagner par les styles à la mode, du néoclassique au style victorien, en passant par l’extravagant style Gingerbread avec ses étonnantes balustrades sculptées. A Key West, les « maisons à sourcils » sont des incontournables. Ces sourcils sont, en fait, les avancées de toits élégamment travaillées pour cacher les fenêtres du premier étage. Autre style très populaire : le « steamboat » dont les superbes décorations de bois rappellent les bateaux à vapeur de l’époque. Pensacola, Fernandina Beach, Mount Dora et Tallahassee sont riches de superbes demeures en bois aux décorations toutes plus élégantes et travaillées. Autres chefs-d’œuvres de bois : les maisons de maître des grandes plantations, telles Goodwood House et Gamble House. Ces maisons sont toujours au centre de la plantation et possèdent souvent un parapet sur le toit permettant de surveiller les travaux des champs. Leurs façades sont ornées de grandes vérandas soutenues par d’imposantes colonnades, mais aussi de loggias, tourelles décoratives et dentelles de bois. Mais cette richesse de décor ne doit pas faire oublier la réalité de ce système esclavagiste… une visite à la Kingsley plantation où subsistent 23 cases d’esclaves construites en tabby, béton artisanal composé de coquillages brûlés et de coraux, au confort plus que rudimentaire se chargera de vous le rappeler. La fin du siècle est marquée par la concurrence que se livrent les deux grands magnats du chemin de fer : Henry Flagler et Henry Plant. Les deux hommes vont rivaliser d’audace et imaginer les hôtels les plus somptueux pour attirer les visiteurs dans les grands terminus de leurs lignes ferroviaires respectives. Parmi les plus beaux édifices de cette course à l’extravagance, notons : le Flagler College (anciennement Ponce de Leon Hotel) avec sa rotonde au foyer de marbre et sa coupole dorée et décorée de stucs ; le Zorayda Castle, réplique au 1/10e de l’Alhambra de Grenade ou bien encore le Henry B. Plant Museum (ancien Tampa Bay Hotel), dont les minarets sont visibles des kilomètres à la ronde… vous l’aurez compris l’influence hispano-mauresque était de mise !

Foisonnement éclectique

La première moitié du XXe siècle est marqué par un boom architectural sans précédent. Le style alors en vogue est le style méditerranéen, qui se place dans la continuité du style hispano-mauresque très prisé au siècle passé. Murs aux couleurs pastel, toits en tuile d’argile rouge, galeries, tours décoratives, jeux d’arcatures et de baies voûtées et élégantes décorations de ferronnerie caractérisent ce style qui sied à merveille au climat floridien. L’un des grands amateurs de ce style est Addison Mizner, architecte et promoteur à qui l’on doit la naissance de Palm Beach. Il y crée des voies piétonnes inspirées des rues des villages espagnols et multiplient les demeures avec cours et jardins. Sa fantaisie ? Couvrir les murs de lait condensé frotté à la laine de verre afin de leur donner un style patiné ! Autre grand promoteur immobilier et amateur de styles éclectiques : George Merrick, créateur de Coral Gables, ensemble paradisiaque abritant quelques édifices insolites : le Biltmore Hotel avec sa réplique de 96 m de la Giralda de Séville, son immense hall bordé de piliers et surtout sa piscine, plus grand bassin hôtelier des USA ; la Venetian Pool, piscine publique faite de loggias, grottes et tours à la vénitienne ; et surtout les 7 villages internationaux donnant tour à tour à la station des airs de petit France ou de cité interdite chinoise. Etonnant ! Espanola Way à South Beach et Fort Lauderdale sont deux autres fascinants projets urbains nés durant ce boom, qui voit également apparaître les demeures privées les plus folles. Les deux plus célèbres sont Vizcaya et Ca’d’ZaBiltmore Hoteln. La première est tout simplement la plus grande résidence privée de Floride ! Difficile de décrire ce mastodonte d’extravagance, ceint de somptueux jardins mêlant influences italiennes et françaises, et qui abrite un salon de musique rococo, une chambre chinoise et des salles de bain couvertes de marbre et de plaques d’argent ! Rien d’étonnant à ce que la villa abrite aujourd’hui un musée des Arts décoratifs européens ! La seconde, propriété de la riche famille Ringling, surplombe Sarasota Bay du haut de sa terrasse de 60 m de long. Cours pavées de marbre, sols en onyx, marqueterie d’acajou… rien n’est trop beau pour les magnats de l’époque. C’est aussi à cette époque que Downtown Miami se dote de ses premiers gratte-ciel : la Freedom Tower qui, elle aussi, s’inspire de la Giralda de Séville, et la Ingraham Tower mêlant motifs néoclassiques et Renaissance et célèbre pour ses plafonds recouverts de feuille d’or.

Puissance Art déco

Vous ne le saviez peut-être pas, mais Miami Beach abrite la plus grande concentration de bâtiment Art déco au monde ! Alors qu’en Europe, l’Art déco cherche à rompre avec les exubérances historicisantes, prônant des lignes sobres et épurées, en Floride, ce dernier va se teinter d’une certaine dose de fantaisie. Ce style fut d’ailleurs appelé Tropical Déco. Il n’est ainsi pas rare de voir apparaître sur les façades des motifs à frises, palmettes, chevrons ou ziggourats d’inspirations maya, aztèque ou égyptienne et même des flamants roses typiquement floridiens ! Puis cette richesse décorative va faire place à un style plus épuré dont les lignes se font les témoins d’une nouvelle forme de modernité. C’est l’avènement du Streamline Moderne, parfois connu sous le nom de style nautique, qui met en avant les nouveaux matériaux de construction : acier, chrome, brique de verre et bien sûr, encore et toujours, le béton. La fenêtre-hublot devient alors très populaire. Fascinant témoin de ces riches années 30-40, ce patrimoine Art déco a pourtant été longtemps délaissé. Mais dans les années 70, Barbara Capitman lança une grande campagne de préservation qui permit de protéger près de 800 édifices. Dans les années 80, l’Art déco revient sur le devant de la scène sous l’impulsion de l’artiste Leonard Horowitz. Originellement, les bâtiments étaient blancs ou de couleurs très clairs, les tons plus prononcés étant réservés aux ornements. Un parti pris esthétique autant qu’une contrainte économique. Passionné de ce courant artistique, Horowitz décida de le mettre en avant en repeignant les façades de 150 bâtiments des couleurs les plus vives et brillantes. Le Déco Dazzle, comme le baptisa son créateur, transforma la physionomie de South Beach. Pour admirer les différentes évolutions de ce style, rendez-vous sur Ocean Drive où s’égrènent des chefs-d’œuvres tels que les édifices Park Central, Avalon et Beacon ; les hôtels Carlyle, Cardozo et Cavalier, sans oublier, non loin, la Beach Patrol Station. Mais que ce tourbillon Art déco ne vous fasse pas manquer les autres visages de la modernité ! Le Florida Southern College est ainsi l’œuvre du célèbre architecte Frank Lloyd Wright. Ayant eu carte blanche pour aménager le campus, le maître a pu laisser libre cours à son architecture organique. A ne pas manquer la Chapelle Annie Pfeiffer et sa tour spectaculaire mais qui s’intègre harmonieusement à l’environnement.

Frénésie contemporaine

Destination touristique phare, la Floride est soumise à une spéculation immobilière sans précédent qui fait naître, dès les années 50, des stations balnéaires et resorts tapageurs aux qualités architecturales parfois discutables. A Miami Beach, l’Hôtel Fontainebleau, réinterprétation libre et surtout clinquante d’un château à la française par Morris Lapidus, en est l’exemple le plus frappant. Toujours plus haut, toujours plus clinquant, tel pourrait être le crédo de l’architecture autoroutière qui se développe également. Bordées de néons éblouissants et d’édifices rivalisant d’incongruité stylistique et formelle, les highways se transforment en un show architectural quelque peu déroutant. Dérouté, le visiteur ne peut que l’être à Orlando, ville de toutes les folies, multipliant les parcs à thèmes en tout genre. C’est là que Walt Disney imagina Disney World, plus grand parc d’attraction au monde. Chose étonnante, c’est le célèbre architecte Arata Isozaki, qui y réalisa le Team Disney Building tout en formes géométriques et illusions d’optiques ! En parallèle, Walt Disney imagina Epcot (Experimental Prototype Community of Tomorrow). Pour réaliser cette cité expérimentale, il fallut assécher 11 000 ha de marécages, pelleter 54 millions de tonnes de terre et faire venir 16 000 tonnes d’acier pour les superstructures. A l’époque, avec ses 80 000 photopiles sur son toit, Epcot était le plus grand parc solaire privé du monde. Les années 80-90 sont également une période de transformation pour Miami dont le Downtown District est redessiné par les plus grands architectes. Ieoh Mig Pei y réalise la Miami Tower, tandis que la grande agence Skidmore, Owings & Merrill imagine le First Union Financial Center. Mais c’est une agence locale, la désormais célèbre agence Arquitectonica, qui va faire beaucoup parler d’elle avec ses réalisations audacieuses et colorées comme le Miracle Center Mall de Coral Gables et surtout ses trois luxueuses tours d’appartements baptisés Palace, Imperial et Atlantis, cette dernière étant célèbre pour son ouverture en façade qui cache palmiers et jacuzzis ! Dans les années 90, alors que partout ne cessent de pousser tours et immeubles uniformisés, le promoteur Craig Robbins décide de transformer Miami. C’est à lui que l’on doit le Design District et c’est à lui aussi que l’on doit d’avoir fait venir à Miami la célèbre foire d’art contemporain Art Basel, qui attire toujours dans son sillage les plus grands noms de l’architecture. Après Elastika, œuvre d’art tout en fluidité imaginée pour relier les anciens et nouveaux espaces du Moore Building, Zaha Hadid a dessiné le One Thousand Museum à la façade en verre posée sur un exosquelette incurvé composé de 5 000 morceaux de béton armé et de fibre de verre. Le célèbre duo d’architectes suisses Herzog & de Meuron a révolutionné l’architecture des parkings avec son garage du 1111 Lincoln Road, structure de 7 étages formée de dalles fines de béton posées sur des piliers triangulaires d’épaisseurs différentes et placés irrégulièrement, créant dynamisme et légèreté. On leur doit aussi The New Perez Art Museum Miami (PAMM) dont les pilotis se prolongent en colonnes supportant une superbe canopée. Frank Gehry a abandonné ses courbes exubérantes pour réaliser le très sobre New World Center, grand volume rectangulaire mêlant verre et revêtement blanc, s’intégrant à merveille au patrimoine Art déco de Miami Beach. Rem Koolhaas a également laissé son empreinte à Miami avec le Faena Forum et des tours élégantes dans le complexe Park Grove à Coconut Grove. Quant à Renzo Piano, c’est à North Beach qu’il a imaginé sa tour Eighty Seven Park avec ses superbes jardins privatifs. Une liste fascinante à laquelle s’ajouteront bientôt les noms de Bjarke Ingels et Norman Foster. Miami n’a pas fini de se transformer !