Des châteaux féodaux à la Renaissance : de l’utile à l’esthétique

Remontons le temps… jusqu’au XIIe siècle. Le féodalisme anglo-normand s’implante en Écosse. Les premiers « mottes-and-baileys » sont érigés. Ces fortifications édifiées en haut de petites buttes permettent de surveiller les environs. Dès la fin du siècle et au début du suivant, des châteaux plus imposants prennent le relais. Ils se composent alors d’un donjon, d’une enceinte circulaire en pierres et peuvent être entourés de douves. D’autres sont construits dans des lieux où ils jouissent d’une protection naturelle, à l’image de celui de Dunnottar (au sud d’Aberdeen) qui est protégé par trois côtés par une falaise escarpée dominant les flots marins. Le XIVe siècle voit l’apparition de la maison forte, ou tower house : elle est plus haute, intègre des ouvertures très étroites et des éléments défensifs variant selon les constructions. Ces mêmes éléments, quelque 100 ans plus tard, ne sont plus considérés comme utiles et deviennent décoratifs.

La quête de raffinement, d’esthétisme et de culture de la Renaissance se traduit, en Écosse, dans l’architecture. Les châteaux et palais royaux se font alors le reflet des idéaux de l’époque. La royauté comme la noblesse observent de près ce qui se passe dans le reste de l’Europe, notamment en Angleterre, France et Italie. Le XVIIe siècle marque une nouvelle évolution : les maisons fortes sont modernisées. Les seigneurs locaux assoient leur importance : on agrandit avec des ailes ou des tours supplémentaires, on joue avec les symétries, on sépare les espaces publics et privés, on élargit les fenêtres, on installe un escalier central d’apparat… Tourelles, cheminées à encorbellement, échauguettes, créneaux, mâchicoulis… Tous ces éléments perdent leur vocation guerrière et s’en voient attribuer une autre : embellir la demeure tout en connotant symboliquement la puissance du lieu et son aura héroïque. Le style seigneurial est à son apogée, à l’image du château de Thirlestane (à Lauder, au sud d’Édimbourg) ou du château de Crathes (au sud-ouest d’Aberdeen).

Entre classicisme et romantisme : à chaque lieu ses influences

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le manoir, avec son architecture classique et symétrique, prend le pas sur la maison forte. Les modes architecturales se succèdent et différents styles cohabitent :

Le style palladien : du nom de l’architecte italien Palladio, il s’inspire du classicisme des villas et palais italiens, avec des jeux de finitions et de juxtapositions de pierres de taille en façade, ainsi que des galeries reliant bâtiment central et pavillons. Symétrie, proportion et simplicité sont les maîtres mots de ce mouvement. Ex. : Hopetoun House (entre Édimbourg et Falkirk), palais de Holyroodhouse (Édimbourg), Duff House (côte nord de l’Aberdeenshire).

Le classicisme gothisant : au plan symétrique s’ajoutent des détails néogothiques. Ex. : Inveraray castle (Argyll & Bute).

Le style Adam : du nom de Robert Adam, ce style puise son inspiration dans l’Antiquité. On parle de dynastie Adam. William Adam (1689-1748), le père, a amené les références antiques en Écosse puis ses fils, James (1732-1794) et Robert (1728-1792), le plus renommé, ont pris sa relève et déployé ce style en Écosse, mais aussi en Europe et outre-Atlantique. Le style Adam mêle harmonieusement tradition nationale et conception antique, avec une obsession pour la symétrie. Il s’attache aussi particulièrement à la beauté du paysage qui entoure le château ou palais, celui-ci magnifiant alors l’œuvre architecturale. Ex. : Culzean castle (côte de l’Ayrshire, au sud d’Ayr), le Charlotte square à Édimbourg, Mellerstain House (Berwickshire).

Le style seigneurial : il demeure le plus représenté jusqu’au XXe siècle. À l’opposé du style classique, il se caractérise par l’absence de symétrie des façades, et des encorbellements ou autres décrochements générant des jeux d’ombres et de lumières. Le style seigneurial s’appuie sur une vision romantique de l’Écosse féodale, avec des valeurs chevaleresques exacerbées. Ex. : Torosay castle (île de Mull), manoir d’Abbotsford – la demeure de Walter Scott (dans les Borders).

Les bonnes idées pour visiter des châteaux

Ruines et fortifications : des tableaux à ciel ouvert

Outre les châteaux qui se visitent et bénéficient d’une mise en scène muséographique, l’Écosse offre de très beaux vestiges. Ils se découvrent au bout d’un chemin, au gré d’un détour improvisé – cette route sinueuse semble belle, et si on la suivait ? –, au bord d’une falaise. Ce qu’il reste ? Des fortifications éparses, une tour… De nombreux sites sont en accès gratuit et souvent libre. Quelques exemples ? Les ruines du château de Sinclair et Girnigoe, situées sur la côte escarpée du nord de Wick (Highlands), vous donneront l’impression, en certains endroits, de contempler un vaisseau fantôme… D’abord nommé Girnigoe, il devint la possession du clan Sinclair qui le rebaptisa, mais la mémoire locale conserva les deux noms. Le château d’Ardvreck, en surplomb du Loch Assynt, donnerait presque l’impression de flotter dans le bleu du lac. Propriété autrefois du clan MacLeod, il fait partie des vestiges d’où surgiraient parfois des fantômes. L’un serait James Graham Ier, noble écossais combattant les convenantaires lors de la Guerre des Trois Royaumes. Il aurait cherché refuge auprès du clan, qui l’aurait accueilli. Hélas, la trahison soupçonnée d’un des membres le conduisit en prison et à la pendaison. Depuis, il errerait là sous la forme d’un homme en gris. Et il ne serait pas le seul spectre dans les parages, car une petite fille apparaîtrait aussi parfois… La légende dit que les MacLeod auraient pactisé avec le diable pour édifier leur château et qu’une fillette lui aurait été offerte. Pour échapper à son sort, celle-ci se serait jetée dans le lac du haut de la plus haute tour. Morte noyée, elle hanterait à jamais le fort et ses environs. Deux châteaux, trois histoires… Citons aussi le château de Tantallon (East Lothian), les ruines du château royal de Tarbert (Argyll) ou le superbe Varrich Castle (que l’on aperçoit depuis la NC 500, à hauteur de Tongue) … Impossible de songer à l’exhaustivité sur ce sujet ! En effet, si l’Écosse a bien recensé un jour plus de 3 000 châteaux, la liste des sites où apercevoir des vestiges pourrait bien être très longue.

Des pass pour visiter plusieurs sites historiques

Si vous faites de votre séjour en Écosse l’occasion d’un trip historique, vous vous apercevrez vite que le budget de visites de châteaux monte très vite. La bonne astuce est alors de prendre des pass multisites. Il en existe plusieurs, regroupant différents sites, par zones géographiques et/ou par durée de validité. Pour visiter toute l’Écosse, vous aurez le choix entre le Historic Scotland Explorer Pass ou le Scottish Heritage Pass. Certaines régions, comme les Borders ou Dumfries & Galloway ont aussi mis en place ce système de billet global.

Si vous vous décidez sur place, après la visite d’un premier château, rien n’est perdu : on vous proposera souvent d’« upgrader » votre ticket. Cela peut fonctionner, selon les lieux, pour des pass ou pour des sites jumelés.

Un déjeuner ou un afternoon tea au château

La grande majorité des châteaux, palais, maisons, sites historiques et musées proposent des cafés (salons de thé, petite restauration pour le déjeuner) accessibles librement, sans droits d’entrée au château. Vous aurez parfois tout de même à régler le parking (entre £1 pour 1 heure et £4 pour une journée). Leurs « cafés » sont installés dans une pièce du château – souvent les cuisines, les écuries ou les parties où évoluait autrefois le personnel –, décorés et agencés dans l’esprit du lieu. Les menus sont simples avec, la majorité du temps, des produits frais préparés en soupes du jour ou sandwiches servis à l’assiette avec une salade et quelques chips. Cafés avec toutes leurs variations, thés, chocolats et gâteaux généreux en crèmes et génoises sont parfaits pour une pause gourmande, dans des décors insolites au charme désuet savamment travaillé.

Au château s’ajoute quasiment toujours est espace paysager. À chaque site son jardin ou son parc. Ils sont des espaces de promenade aussi colorés et foisonnants qu’agréables. Que l’on soit un adepte de l’art topiaire ou non, la magie opère… et c’est une nouvelle visite qui commence !