Les Comédiens italiens, par Jean-Antoine Watteau, 1720. (c) Everett Collection - Shutterstock.com.jpg
Le Kearsarge à Boulogne, par Edouard Manet, 1864© Everett Collection - Shutterstock.com.jpg

Le Cateau-Cambrésis, berceau du génie de Matisse

Parmi les nombreux peintres des Hauts-de-France, Henri Matisse est probablement le plus marquant. À l'origine du fauvisme, il fut aussi bien admiré qu'envié par ses pairs.

Henri Matisse est né en 1869 au Cateau-Cambrésis et il a également vécu dans l'Aisne, dans le village de tisserands de Bohain-en-Vermandois. Une enfance durant laquelle il a connu les premiers contacts avec le monde de l'art car ses parents vendaient des couleurs et des pigments dans leur petit commerce. Sa maison familiale est située au 26 rue du Château, et vous pourrez la visiter pour découvrir l'histoire du village ainsi que son enfance. C'est ici qu'il a puisé son goût pour les couleurs et les formes végétales.

Lorsque sa mère lui offre sa première boîte de couleurs, le futur artiste a une révélation pour la peinture. Il connaît une deuxième révélation en admirant les peintures de Goya au palais des Beaux-Arts, dont Les Vieilles et Les Jeunes : l'art peut être un langage, il peut être le sien même s'il ne peint pas de manière conventionnelle.

Aujourd'hui, en plus de sa maison familiale, il existe de nombreux témoignages de la présence de l'artiste dans la région : son recueil Jazz au Palais des Beaux-Arts de Lille, soit 20 planches sur le cirque, les contes et voyages, offertes en 1947 ; mais aussi un vitrail en gouaches découpées, originellement destiné à la Chapelle du Rosaire de Vence, finalement offert à l'école du Cateau-Cambrésis dans laquelle il figure toujours (dans la salle de jeux). On retrouve un autre témoignage marquant dans la ville, le musée Matisse, dont la création remonte à une volonté de l'artiste, qui leur offrit 82 de ses œuvres. C'est une merveille de couleurs à visiter. Il décéda en 1954 avant de voir « son musée », mais celui-ci continue de rendre hommage à ce grand homme avec plus de 800 œuvres.

Le Valenciennois voit également naître de nombreux peintres : le plus reconnu est probablement Antoine Watteau, dont le musée de la ville détient quatre toiles et qui a donné son nom au lycée à proximité. On peut aussi citer Charles-Dominique-Joseph Eisen, Jacques Saly... Ils sont d'ailleurs souvent nombreux à avoir plusieurs casquettes de peintre, graveur, enlumineur ou sculpteur. Intéressant à savoir : au XVe siècle, les nombreux artistes peintres, graveurs, sculpteurs et brodeurs de Valenciennes se sont fédérés au sein de la confrérie de Saint-Luc.

Les peintres de la Côte d'Opale : toute une histoire

La désignation de « Côte d'Opale » de notre beau littoral trouve son origine dans la peinture et les arts. En 1911, c'est Édouard Lévêque, peintre touquettois, qui décide de désigner le littoral du Touquet en particulier et toute la côte entre Le Crotoy et Equihen-Plage, « Côte d'Opale », en hommage à sa lumière particulière. Depuis, l'appellation a subsisté, et a valu au Touquet le surnom de « Perle de la Côte d'Opale ».

C'est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle qu'un grand nombre de peintres commencent à fréquenter la Côte d'Opale. La peinture marine est alors particulièrement en vogue, de par sa nature saisissante, ses scènes de vie pittoresques, l'ambiance des ports ou encore les nombreux détails techniques des navires. Par ailleurs, le développement des lignes ferroviaires rend accessible de nombreuses villes à des peintres qui restaient alors sur leur territoire. Selon leur pied-à-terre, ces peintres seront surnommés l'école de Wissant, l'école des peintres d'Etaples ou encore Peintres de Berck.

C'est l'école de Wissant qui initie le mouvement, avec le couple phare Adrien et Virginie Demont-Breton, qui vont en accueillir d'autres comme Henri Duhem, Fernand Stévenart, Marie Huhem-Sergeant, Félix Planquette et Valentine Pèpe.

Puis, un an après, Étaples devient un lieu privilégié des Parisiens, et ce sont plus de 200 peintres qui viennent s'installer entre 1882 et 1914 et forment l'école des peintres d'Étaples. Ils sont français (Eugène Chigot, Henri-Eugène Le Sidaner), mais aussi américains, australiens ou encore scandinaves, conférant à l'endroit une effervescence artistique toute particulière retranscrite en partie à La Maison du Port et sa trentaine d'œuvres. La ville est en effet très appréciée pour son authenticité, ses paysages naturels et sa facilité d'accès en train depuis Paris.

Pour Berck, on peut citer Edouard Manet, Eugène Boudin, Louis Montaigu ou encore Charles Roussel. Tout cet enthousiasme artistique sera en partie étouffé par la Grande Guerre mais a marqué durablement la région, dont de nombreux musées rendent encore hommage aux fameux peintres de la Côte d'Opale.

De fin juin à fin novembre 2021, une première édition du « Chemin des peintres de la Côte d'Opale » est organisée par le Pas-de-Calais afin de valoriser les œuvres de ces peintures en partenariat avec de nombreuses communes. Que ce soit en bord de mer, ou dans des sites naturels, 82 panneaux grand format vous font découvrir des œuvres des peintres de la Côte d'Opale. Ce chemin vous emmène également à la Maison du Port départemental d'Étaples qui expose une trentaine d'œuvres sur les lieux, et au Château d'Hardelot.

Des lieux artistiques nombreux

De nombreux musées de la région font la part belle aux peintres des Hauts-de-France. Ainsi, au Musée de Picardie à Amiens, la galerie Nord est consacrée aux « Portrait(s) d'une région et d'une époque », regroupant des œuvres de différentes époques. On peut y admirer une œuvre monumentale de Francis Tattegrain, célèbre peintre berckois, intitulée Les Deuillants qui évoque la douleur d'une famille d'avoir perdu leur mari et père en mer.

Le dynamisme culturel et artistique est particulièrement présent sur la Côte d'Opale et les lieux sont nombreux pour cultiver le goût de l'art. À Calais, le musée des Beaux-Arts invite à découvrir la ville et ses artistes avec la collection « Calais, d'ici et d'ailleurs » et ses 150 œuvres, dont certaines d'artistes calaisiens (Louis Francia, Jeanne Thil...), des photographies du Calais du début XXe siècle, des peintures anciennes flamandes, des aquarelles anglaises ou encore de Bourdelle, Picasso, Roulland, Carpeaux... À noter aussi le musée du Touquet-Paris-Plage ou le FRAC Nord Pas-de-Calais à Dunkerque où on peut admirer plus de 1 500 œuvres.

Quand l'art investit la rue

En parallèle de cette effervescence culturelle, l'art investit de plus en plus les rues avec la création de nombreux circuits et festivals street-art. Qu'il s'agisse de rendre hommage au patrimoine ou de revaloriser certaines villes délaissées, l'effet est de toute beauté.

Dans la métropole lilloise, on retrouve ainsi de nombreux circuits à Lille, Roubaix, Tourcoing... Tous les deux ans, la BIAM (Biennale Internationale d'Art Mural) est organisée par le collectif Renart avec l'intervention de nombreux artistes dans la Métropole, mais aussi dans le Denaisis ou le Valenciennois. Tous les ans, c'est aussi dans le Roubaisis qu'a lieu le festival des Expériences Urbaines, autour du street-art, mais aussi de la danse, du sport et de la musique. D'autres acteurs de la culture urbaine se font régulièrement remarquer, comme la Halle de Glisse ou le Flow.

Dans l'Oise, le village de Pont-L'Évêque s'est fait remarquer en devenant le seul village de France à participer à un concours d'art urbain national. C'est le festival Pontépiscop'Art qui a lancé le mouvement en 2019, avec la sélection d'une des fresques (Utopie, de l'artiste Hopare) de la ville parmi les finalistes du Golden street-art.

Dans la Somme, à l'été 2021, un immeuble voué à la destruction a été complètement transformé en espace de transition éphémère d'art urbain à Abbeville. Celui-ci a remporté un succès fou avec des visiteurs venus de tous horizons et des créneaux quasiment tous complets.

Dans l'Aisne, la ville de Saint-Quentin tire son épingle du jeu. Depuis 2015, elle invite chaque année de nombreux artistes à venir transformer ses murs lors du festival Ceci n'est pas un tag. À Soissons également, vous pouvez suivre le parcours urbain C215 avec 25 portraits disséminés dans toute la ville, pour aller à la rencontre des grands personnages de l'histoire locale et nationale.

Dans le Boulonnais, le street-art a trouvé sa place depuis plusieurs années. Il rend souvent à l'histoire des lieux, avec de nombreuses œuvres autour de la mer et des pêcheurs, mais pas seulement. Tant et si bien que plusieurs festivals street-art ont vu le jour, comme celui de Boulogne-sur-Mer qui a lieu de fin juillet à fin août tous les ans, transformant la ville en « musée à ciel ouvert ». À cette occasion, on peut rencontrer de nombreux artistes à l'œuvre, qui transforment au fur et à mesure la ville. Parmi les œuvres les plus remarquables, le trompe-l'œil de Gonzalo Borondo sur un immense escalier de la ville, rue Jules-Baudelocque. Selon l'artiste, cette œuvre illustre la vie, elle affiche d'abord une porte fermée, mais plus vous montez les escaliers, et plus vous allez au-delà des difficultés. La fresque a ainsi reçu le premier prix du Golden Street Art 2020, une première pour la ville dont plusieurs fresques avaient déjà été finalistes, mais jamais lauréates. La ville s'est aussi fait remarquer en accueillant l'initiative « Les murs d'Audubon » en ces murs, dont les fresques sensibilisent aux espèces d'oiseaux menacés. La fresque de Boulogne-sur-Mer se situe rue Laënnec et met le faucon crécerelle au premier plan dans une œuvre colorée.

Boulogne-sur-Mer aurait-elle fait des émules sur la Côte d'Opale ? Il semblerait car en 2023, le festival street-art de Calais soufflait sa quatrième bougie et contribuait à faire rayonner la culture urbaine dans toute la ville. Il faut dire que celle-ci s'était fait remarquer avec la venue de Banksy. En 2015, celui-ci a dédié quatre œuvres pour sensibiliser aux conditions de vie des migrants. La première a été réalisée à l'entrée de l'ancienne « jungle » de Calais qui abritait alors des centaines de migrants. Elle représente Steve Jobs, lui-même fils d'un émigré syrien. Le second a été dessiné sur le mur d'un immeuble, s'inspirant du radeau de la Méduse. Celui-ci a malheureusement été effacé lorsque le propriétaire a décidé de rajeunir sa façade. La troisième est encore visible sur la plage de Calais, avec une jeune fille regardant à la longue-vue du côté de l'Angleterre, sans voir le vautour posé sur sa longue-vue. La quatrième est située sous un pont et plus minimaliste avec une simple inscription « Peut-être que tout ceci se résoudra tout seul... ».