shutterstock_1660987036.jpg
shutterstock_1542839471.jpg

Un peu d’histoire

Rythmes latino, défilés hauts en couleur, comparsas ou murgas et toute une déclinaison de spectacles, chaque année, le carnaval de Santa Cruz accueille des milliers de personnes au début février. Et c’est devenu un rendez-vous à ne pas manquer puisqu’il est considéré par certains comme le deuxième carnaval au monde, après celui de Rio de Janeiro, réunissant à lui seul l’élégance vénitienne et la fièvre brésilienne et ne suivant qu’une seule ligne directrice : s’amuser. Si l’on est pratiquement certain que son arrivée aux Canaries a suivi celle des premiers Européens, c’est seulement au XVIIIe siècle que lui sont accolées ses premières références littéraires, lorsque le journal de Lope Antonio de la Guerra y Peña, écrivain canarien, mentionne l’existence d’un bal célébré à Santa Cruz de Tenerife au cours duquel se produisaient déjà des comparsas, groupes de chanteurs, de musiciens et de danseurs participant à un carnaval. Au cours du XXe siècle, il se maintiendra, mais en prenant le nom de « Fête d’hiver » sous les dictatures de Primo de Rivera et du Général Franco, afin d’éviter toute interdiction éventuelle et avant de reprendre son nom de carnaval, en 1976.

Une notoriété en progression constante

Sa notoriété augmentant dans les années 1960, c’est à partir de 1962 que sera réalisée l’affiche annuelle accompagnant chaque édition, avec des œuvres signées notamment par des créateurs de renom comme Javier Mariscal ou César Manrique, puis objet d’un concours ouvert à tous, à partir de 2009. La décennie 1980 lui sera aussi propice puisqu’il sera déclaré fête d’intérêt touristique international le 18 janvier 1980 et qu’il sera thématisé pour la première fois en 1987. Une année qui sera également marquée par un record enregistré au Guinness Book : 250 000 personnes assistant au concert à l’air libre donné par la célèbre chanteuse cubaine Celia Cruz. L’année 2000 marque une nouvelle étape puisque Santa Cruz de Tenerife devient la capitale mondiale du carnaval et le siège de la XXe convention de la fédération des villes européennes du carnaval. Tout au long de son histoire, les principales scènes des festivités (concours ou élection de la reine du carnaval) ont changé d’emplacement, passant du théâtre Guimera à la Plaza de Toros puis à la Plaza de España, au centre international des congrès et à l’esplanade du Parc maritime César Manrique pour finalement alterner en fonction des années et des besoins de la scénographie. Aujourd’hui, quelques données rendent compte de son écho : chaque année, les entrées aux spectacles les plus emblématiques comme la finale des murgas adulte ou le gala ponctuant l’élection de la reine sont épuisées moins d’une heure après leur mise en vente et la retransmission de l’élection de la reine fait les beaux jours des chaînes télévisées. Fort de cette réussite, le carnaval aspire à intégrer le Patrimoine immatériel de l’UNESCO, ce qui en ferait le sixième carnaval au monde à en bénéficier et le premier en Espagne.

Une thématique différente chaque année

Depuis 1987, un thème différent est choisi chaque année afin de servir de couleur et de ligne directrice au carnaval. Avec une palette de sélection très variée. Si le thème romain a été le premier retenu, les colonnes de style ionique déployées Plaza de España à cette occasion ont été repeintes et recyclées l’année suivante pour évoquer la selva, la forêt vierge, de manière un peu aléatoire. Mais l’on notera toutefois quelques pistes d’inspiration récurrente comme le cinéma, avec les westerns en 1992, Les Mille et Une Nuits d’Aladin en 1995, les comédies musicales de Broadway en 2005 (Grease, La Fièvre du samedi soir et West Side Story), le cinéma d’horreur avec la référence à Nosferatu en 2009, ou encore l’univers de Bollywood en 2013. Retrouver l’esprit d’une époque s’est aussi très souvent décliné en thématique. En s’arrêtant sur la Préhistoire, le Moyen Âge, les Années folles qui ont vu se côtoyer comme décors, peut être de manière une peu surprenante, une tour Eiffel, la statue de la Liberté et le pont du Golden Gate, mais aussi les années 1960 et son Flower Power et ce qu’il fallait de hippies et de protest songs contre la guerre du Vietnam, les années 1980 incarnées par la Game Boy et Freddie Mercury. Sans oublier de retourner vers le futur en consacrant l’année 2001 à l’Odyssée de l’espace et en installant une navette spatiale sur la Plaza de España. L’évocation de lieux géographiques (Mexique, Chine) ou d’univers créatifs (magie, dessins animés, graffitis) a aussi servi de base créative à l’inventivité de ce carnaval. Toutefois, certains thèmes ont marqué de manière plus indélébile les mémoires. Tout carnavaleux se souvient notamment de l’année 1989 qui avait vu la Plaza de España accueillir un décor de sphinx et de palais pour évoquer l’Égypte millénaire et qui dans l’esprit de tous reste comme l’un des plus beaux décors de carnaval. Personne n’a oublié non plus l’année 1993 évoquant le cirque, au cours de laquelle une candidate au titre de reine du carnaval a arboré un costume de 6 mètres de haut sur 6 mètres de large, intitulé « Pachá entra en mi sueño » s’imprimant dans la mémoire collective, mais contribuant aussi à la renommée internationale du carnaval, à cette époque largement diffusé à la télévision. Même si en matière de retombées médiatiques internationales, c’est l’année 2017 avec son thème des Caraïbes qui aura le plus de répercussions grâce à la reconstitution d’un voyage en croisière, voguant vers diverses destinations accueillant d’autres carnavals : Venezuela, Porto Rico, Cuba, Jamaïque, Bahamas, etc. En 2018, le carnaval réalise une première en retenant trois femmes comme maîtresses de cérémonie pour animer le thème « fantaisie », avec sorcières, licornes et dragons, pour partir à l’assaut des réseaux sociaux consacrés à l’événement. On peut aussi saluer l’exploit réalisé en 2019 pour la thématique « profondeurs marines » qui a vu arriver à Tenerife un buste de Poséidon de 6 mètres de hauteur, réalisé par des maîtres falleros valenciens et transporté par bateau, de Valence à Santa Cruz.

Une préparation pendant près d’un an

Chaque année, les festivités liées au carnaval durent un mois, le plus souvent de janvier à février. Peu avant Noël, on dévoile l’affiche du carnaval et un mois avant l’élection de la reine du carnaval, tout démarre avec la présentation officielle du programme de l’année, Calle de Noria. Différentes manifestations viennent rythmer le pré-carnaval : festival chorégraphique, concours de déguisements, présentation des candidates au titre de reine dans le salon d’honneur de la mairie, choix de la chanson du carnaval ou concours de comparsas, adultes ou enfantines. Toutefois pour les groupes du carnaval, la préparation dure pratiquement un an durant lequel ses amateurs vont répéter et mettre au point leur comparsas, leurs murgas (parodies chantées du pouvoir en place) et leurs rondallas (groupe musical d’instruments à cordes), chacune ayant un caractère spécifique. Une fois lancé, on distingue le carnaval officiel qui rassemble plus de 100 groupes d’environ 50 participants, en charge des murgas, comparsas, rondallas et déguisements, et le festival de rue, durant lequel les habitants se mettent eux-mêmes en scène. Avant que la rue ne se mette en marche, c’est le grand gala de l’élection de la reine du carnaval qui en marque le premier temps fort, généralement le mercredi de la première semaine de festivités. Lors de ce concours, les candidates défilent sur une scène de 1 200 mètres carrés, vêtues de costumes grandioses et fantaisistes qui peuvent peser de 150 à 200 kg et sont départagées par un jury de personnalités, complété par un vote par SMS, depuis quelques années. Munie de son sceptre, la gagnante paradera durant tout le carnaval et représentera les Canaries dans les ferias du tourisme, un peu comme une Miss France. Puis le vendredi précédant le Mardi gras, c’est le grand jour de la Cabalgata, défilé spectaculaire annonçant l’ouverture du carnaval, avec comme participants : la reine et ses demoiselles d’honneur dont le char est accompagné de comparsas, des chars privés, mais aussi des dizaines de milliers de personnes et de groupes musicaux formant un serpent multicolore qui va parcourir toute la ville, le plus souvent en partant du parc de la Granja pour terminer sur la place d’Europa ou derrière le Cabildo de Tenerife, non loin de la Plaza de España, au rythme des batucadas et autres sons latinos. Une fois la nuit bien avancée, la fin de ce défilé d’environ 4 heures marque le début officiel de la fiesta dans la rue, avec ses groupes de carnavaleros pastichant l’actualité politique et sociale via les murgas. Le samedi sera entièrement dédié à la danse dans les rues également remplies de chiringuitos et de chars. Et sachez que si vous songez à vous y rendre, c’est la Calle Bethencourt Alonso, connue populairement sous le nom de Calle San José, qui est le haut lieu de cette fiesta qui dispose aussi de trois scènes principales, dont la Plaza de España et celle du Principe. Depuis 2008, le dimanche de carnaval fait participer les familles et le lundi sera le point d’orgue de ces trois jours, avec présence de DJ’s sur toutes les scènes.

Grands défilés et enterrement de la sardine

Vient ensuite le mardi de carnaval qui constitue le point culminant de la fête et voit arriver la foule des curieux venus suivre le Coso, le grand défilé, avec chars, voitures décorées et groupes de carnavaleux qui parcourent généralement l’avenue de l’Anaga. C’est le lendemain, jour du Mercredi des Cendres, que l’on célèbre l’enterrement de la sardine. Transportée sur son carrosse dans les rues de Santa Cruz en deuil, elle est finalement brûlée, accompagnée par le cortège des veuves qui la pleurent. Sa mort marquant la fin de l’esprit du festival. Une fin qui n’empêche pas que la fête soit déjà de retour le week-end suivant, à l’occasion du samedi et du dimanche de la Piñata Chica. Spectacles, bals populaires et défilés se succèdent de nouveau le samedi, suivis avec un intérêt tel que ce jour est devenu aussi populaire que le grand jour du carnaval, le lundi, notamment au plan international. Si vous vous y rendez, sachez que de 12h à 16h, des concerts de musiques ont lieu en simultané sur les places accueillant les trois grandes scènes de la ville : Weyler, Principe et Candelaria. Le dimanche verra enfin se dérouler des concours de voitures et des concerts, mais sera surtout ponctué par un splendide feu d’artifice. La vraie fin du carnaval… jusqu’à l’année prochaine. 

Si vous n’avez pas la chance d’y assister, sachez qu’il dispose de sa maison, la Casa du Carnaval, depuis juillet 2017. Installée dans un grand espace moderne de plus de 1 000 m², elle héberge une exposition permanente avec des costumes des différentes années et quelques éléments donnant à voir l’ambiance, telle la première affiche de 1962. Chaque année, de nouveaux éléments viennent la compléter.