Plant de vanille. iStockPhoto.com - LRPhotographies.jpg
Séchage de la vanille © JC DAVID .jpg

Une espèce énigmatique

Découverte dès le XVIe siècle au Mexique par les explorateurs, la vanille était utilisée par les Aztèques pour parfumer des boissons chaudes à base de cacao. Immédiatement séduits par les arômes de cette orchidée, les Européens la rapportent sur le continent pour l’étudier. Évoluant dans un climat humide et chaud, elle s’acclimate sous serre mais reste, à la surprise de tous, stérile. En 1819, un premier navire amène des plants sur l’île Bourbon, bientôt rejoint par d’autres. Malheureusement, si la plante prolifère à merveille sous le climat de l’île, seule une fleur sur cent se transforme en gousse. Mystère. La raison est pourtant simple : au Mexique, c’est une abeille qui vient féconder la fleur en mettant en contact les organes reproducteurs mâle et femelle lorsqu’elle butine, lui permettant de donner un fruit. Seulement l’abeille n’est présente ni en Europe ni sur l’île Bourbon, et aucun autre insecte présent sur place ne consent à effectuer le même travail. La vanille reste donc un casse-tête pour les botanistes pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’en 1841, un jeune esclave de douze ans nommé Edmond Albius réussisse à féconder manuellement la plante. S’emparant de son geste, répété sur chaque fleur, les planteurs de l’est de l’île ont ainsi pu obtenir de belles gousses et débuter la culture de la vanille.

Un long procédé

Cultivée dans des espaces chauds et ombragés, la vanille est une liane qui pousse en hauteur, généralement en sous-bois. La liane met environs trois ans pour être mature et donner des fleurs. Pendant trois mois, les fleurs s’ouvrent à la tombée de la nuit et flétrissent dès l’aube. Les planteurs doivent alors les féconder une à une avant qu’elles ne se referment. Depuis 1841 le geste est toujours effectué à la main, à l’aide d’une petite pique qui permet de mettre les deux organes reproducteurs en contact. La gousse apparaît et se développe pendant neuf mois environ. Récoltée verte, lorsqu’elle atteint un certain calibrage et une certaine teinte, la gousse est ramassée à la main également. Vient alors la mortification, qui consiste à plonger les gousses quelques minutes dans une eau à 65 degrés. La gousse est ensuite étuvée pendant un à trois jours dans une malle dont l’intérieur est tapissé d’une couverture en laine. C’est à ce moment qu’elle prend sa couleur chocolat. Pendant quelques semaines les gousses sont ensuite régulièrement extraites de la malle pour être séchées au soleil puis à l’ombre, afin d’éviter la formation de moisissures. Elles sont ensuite triées selon leur taille et réparties dans des caisses en bois étanches où elles resteront huit mois. C’est l’affinage, étape pendant laquelle l’arôme se peaufine véritablement. À l’issue de cette dernière phase, les gousses sont une dernière fois triées pour évaluer leur qualité, leur souplesse, leur taux d’humidité ou encore leur calibrage. Il faut donc attendre près d’un an entre le moment où la gousse est cueillie et le moment où la vanille peut être vendue. Un travail de longue haleine qui est fait entièrement à la main, l’automatisation étant absente dans ce processus.

L’âge d’or de l’or noir

Qualifiée « d’or noir », la vanille fait la fortune de la côte est de la Réunion pendant un demi-siècle : dès 1857 l’île produit 1 t de vanille à l’année, devenant le premier producteur mondial. La vanille présente en effet deux avantages considérables à l’époque : sa culture ne demande pas beaucoup d’espace et peu de matériel. Ce ne sont donc plus les grands propriétaires terriens qui ont le monopole, les petits et moyens planteurs sont concurrentiels. La production ne cesse d’augmenter jusqu’à atteindre son pic en 1902 avec 199 t de vanille exportées, mais retombe à 130 t dès 1920, soit au même niveau que vingt ans auparavant. Depuis, la production ne cesse de descendre, concurrencée par la vanille d’Indonésie et de Madagascar, l’île voisine, où les Réunionnais ont exporté leur savoir-faire tout en bénéficiant d’une main-d’œuvre moins chère. En 2023, il ne reste plus que 150 producteurs à la Réunion, répartis entre l’est et le sud-est, qui produisent aux alentours de 4 t de vanille noire chaque année. L’essentiel de la production mondiale de vanille Bourbon vient toujours de Madagascar (80 %) et son prix a flambé, atteignant un chiffre record de 650 $ le kilo au début de l’année 2018, suite aux mauvaises récoltes liées aux cyclones. Un nouvel âge d’or, semble-t-il, qui pourrait toutefois menacer la qualité de la vanille qui est par endroits récoltée de façon trop précoce pour éviter les vols, et dont le processus de transformation est parfois écourté pour répondre à une demande grandissante et pressante.

Quelle vanille choisir ?

À la Réunion, la vanille est présente sur tous les marchés, mais attention à sa qualité et à sa provenance. En effet, le label « Vanille Bourbon » étant international, il ne garantit pas que ladite vanille a été plantée et transformée sur l’île. Pour cela, il vaudra mieux se fier à une étiquette « Vanille de la Réunion » et à des prix plus élevés. De plus, une gousse de vanille, pour être de qualité, doit avoir conservé un certain taux d’humidité, elle doit être encore souple et surtout doit être conservée dans du verre ou sous vide pour garder son arôme. Évitez donc les gousses exposées en plein air sur les étals. Meilleur gage de qualité enfin, se diriger vers les plantations directement ou vers la coopérative de la vanille de Bras-Panon qui regroupe de nombreux producteurs. Vous aurez en prime la chance de faire une visite guidée et d’en apprendre un peu plus. Les producteurs proposent également d’autres produits qui peuvent être plus faciles à transporter ou utiliser : l’extrait de vanille et la poudre de vanille. De nombreux mélanges aux saveurs de la Réunion sont aussi vendus en boutique tel le rhum à la vanille, la confiture à la vanille ou encore le sucre à la vanille, un régal. Enfin, vous trouverez sur l’île de belles gousses de vanille givrée. Il ne s’agit pas là d’une espèce de vanille différente, mais d’une cristallisation apparue au cours du processus de fabrication de la vanille. Les cristaux de vanilline, très concentrés en arômes, peuvent être utilisés en cuisine et sont teintés de saveurs qui peuvent rappeler le pruneau ou le caramel.