Ancienne mission à Hermannsburg © Paulharding00 - Shutterstock.com.jpg
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L'Australie, terre sacrée des Aborigènes

Dans le grand mythe d’origine, l’homme et tout ce qui fait l’univers s’articulent dans un système de croyances complexes. Cette mythologie extrêmement riche est appelée le Dreamtime, ou le Temps du Rêve. Elle s’exprime notamment par le biais d’une abondante littérature orale, du chant et de la danse. Au cœur de ce système, on trouve le totémisme. Cette croyance repose sur une relation de parenté entre chaque être humain et tout ce qui participe de la Création (animaux, plantes, sources, montagnes, rochers…) : tous sont investis d’une valeur spirituelle. Principe d’organisation et d’identification tant individuel que collectif, le totémisme exprime et explique à la fois le respect des Aborigènes à l’égard de la nature en son entier. Les croyances aborigènes considèrent qu’auparavant, le monde était informe et déséquilibré. C’est alors que Warramurrungundji a donné naissance aux êtres humains. Il a été suivi par d’autres esprits, qui ont sculpté le relief de la terre. Ainsi, Ginga, l’ancêtre crocodile, a façonné les contrées rocheuses, Gandajitj, le kangourou géant, a creusé les canyons et les cavités. Almudj, le serpent arc-en-ciel, a engendré les alignements des collines. Connus sous des noms différents, ils se déploient en de nombreux endroits sur tout le continent. Le serpent, animal particulièrement emblématique, est le gardien et protecteur des lieux vitaux pour la survie dans les régions désertiques. Une fois leurs actes créateurs terminés, les grands esprits ancestraux ont indiqué aux premiers humains les itinéraires de pèlerinage. Voyant leur vie comme un voyage en quête de leurs ancêtres, les Aborigènes allaient de site en site (walkabout), se lançant sur un parcours initiatique où ils chantaient des airs du Dreamtime, les songlines, adaptés à chaque lieu. De plus, la religion aborigène se caractérise par des rites secrets et des cérémonies d’initiation. Loin d’être une religion qui cherche à proliférer, elle cherche au contraire à réserver ses savoirs à des initiés. Selon la région, ces rites s’étendent sur des périodes plus ou moins longues. En général, on initie un enfant avec un groupe d’hommes de la puberté jusqu’à environ ses 40 ans. On lui apprend les rites, les codes, mais on lui révèle aussi les mystères de la cosmogonie aborigène. Les femmes, elles, sont exclues de l’initiation sacrée exclusivement réservée aux hommes.

Les mythes créateurs

Pour les Aborigènes, de nombreux récits expliquent la création du monde. Environ 500 tribus vivaient sur le continent à l'arrivée des colons, mais malgré l’évidente disparité des cultures, il existe bien un tronc commun à toutes ces religions. La croyance la plus répandue est celle de la déesse-créatrice : une déesse endormie et enfermée dans le sous-sol s’échappa et utilisa ses pouvoirs pour faire tomber la pluie des années sur la terre désolée. Les traces laissées par son passage dessinent les rivières, les montagnes, ou encore les vallées. Certains endroits abreuvés par le lait de ses seins deviennent fertiles et font pousser des fruits, des fleurs et des grandes forêts tropicales. Après avoir créé le règne animal, elle finit par réveiller un homme et une femme et leur enseigne les usages qu'ils doivent appliquer : respecter le vivant, la Terre, tout est sacré et fait partie du monde qu'elle a créé « vous n'êtes pas les propriétaires de la Terre, mais seulement les gardiens » déclare-t-elle avant de retourner s’assoupir dans les entrailles de la Terre. Mais un autre mythe originel s’ensuit : la dispute et lamentation des animaux. Ces derniers se plaignaient de leur anatomie et cela parvint aux oreilles du Grand Esprit créateur. Ainsi, la Déesse prit la décision d’écouter leurs plaintes et d’exaucer leurs souhaits de transformation. Le wombat, trop maigre, voulait être vif et trapu, l'échidné demanda des piquants pour se protéger, le cacatoès souhaita une huppe jaune afin de colorer son plumage et un bec solide pour broyer toutes les graines. Les kangourous, pour leur part, souhaitaient être plus colorés, plus petits, plus grimpeurs… Ainsi différents marsupiaux aux différentes caractéristiques peuplèrent le territoire. L'ornithorynque était le plus indécis, il hésitait entre les atouts du canard, de la loutre, du castor ou encore du serpent. Elle le transforma en une apparence toute particulière répondant aux différents critères sollicités par l’ornithorynque : impossible de le confondre avec un autre animal, il put être mammifère, oiseau et reptile à la fois ! 

Missionnaires européens et évangélisation

Contrairement à ce que l'on pense, la colonisation de l'Australie par les Britanniques n'a rien eu d'une occupation pacifique. Lorsque James Cook débarque le 6 mai 1770, il prend possession des terres sur lesquelles il aborde au nom du roi d’Angleterre, chef de l’Eglise anglicane. Les Aborigènes accueillent en premier lieu les colons, selon les lois de l’hospitalité, mais réalisent que leurs terres sacrées sont convoitées. Ainsi, des actes de renonciation seront par la suite signés par des Aborigènes ne sachant ni lire ni écrire : ils cèdent sans le savoir la terre sur laquelle ils vivent. Les missionnaires européens, catholiques et protestants, qui ont déjà la connaissance ou l'expérience de la colonisation de l’Amérique, ont déjà l’intention d’assimiler les Aborigènes à la culture occidentale. Les colons et autres missionnaires surent alors contrôler les rébellions aborigènes par des expéditions dites de « pacification », terme peu révélateur des réelles pratiques coloniales. Ainsi, à travers le territoire, certains missionnaires baptisèrent peu à peu les autochtones tandis que d'autres s’intéressent aux cultures locales : ces missionnaires, considérés également comme les premiers ethnographes, étaient chargés d’étudier les langues et les cultures. Par exemple, dans le centre de l'Australie, une mission luthérienne coordonnée par le pasteur Strehlow s'installa à la fin du XIXe siècle. Afin de les « protéger » de la brutalité des éleveurs de bétail, la mission s’initia aux rites et aux cultes des Aborigènes Aranda et le fils du pasteur devint même anthropologue. Encourageant les Aborigènes à se convertir au christianisme, certains missionnaires font également co-exister spiritualité locale et chrétienne à travers le syncrétisme : on assimile Jésus à un ancêtre créateur, ou on établit un équivalent entre une figure mythique et le dieu des chrétiens, comme cela a été souvent fait en Amérique du Sud. Par exemple, un culte millénariste s'est mis en place autour de la figure d'un Jésus à la peau mi-blanche mi-noire.

Un christianisme prédominant

Lors de l’installation de la première colonie, deux tiers des premiers Européens étaient des protestants, et un tiers, des catholiques. Cette immigration principalement britannique a donné le ton pour des décennies et des décennies : le peuple australien serait éduqué dans la tradition chrétienne. Puis, la Constitution de 1901 interdit au gouvernement l’établissement d’une Eglise ou d’interférer avec la liberté de religion. Cependant, le pays reste à prédominance chrétienne et la monarchie est encore approuvée par ses habitants. Ceci se vérifie toujours dans les chiffres avec 25,3 % de catholiques et 17,1 % d’anglicans.

En novembre 1999, les électeurs refusent même la suppression de la monarchie australienne lors d’un référendum : anarchistes ou républicaines, les croyances politiques n'empêchent pas les Australiens d'aimer et de respecter leur Reine. Si le christianisme est aussi persistant, c’est qu’Elisabeth II, « la grand-mère de la nation », a maintenu des croyances très conservatrices dans un monde qui a complètement changé. Les Australiens modernes n'échappent pas à la figure nostalgique de la Reine, personnage davantage symbolique que politique. Ambassadrice de la monarchie et de la religion chrétienne, elle fut le premier monarque d'Australie à visiter le pays : ses visites provoquent d’immenses bains de foule et, à l’époque, on estime que les trois quarts de la population australienne se seraient déplacés pour la voir. Les valeurs que porte Elisabeth II encouragent la culture, la philanthropie ou encore la charité, des principes de vie qui vont au-delà de la religion.

Mais l’affection entretenue face à cet idéal unificateur n’empêche pas le désintérêt croissant des Australiens pour l’Eglise : aujourd’hui, ils continuent partiellement de soutenir la monarchie, mais en descendant dans les classes d’âge, ce soutien devient minoritaire. L’anglicanisme est concurrencé depuis une cinquantaine d'années par le catholicisme, l'hindouisme ou encore l’islam. On compte par exemple 2,5 % de bouddhistes et 2,2 % de musulmans. En 2012, le pays comptait 4 300 000 athées. Cette tendance se retrouve particulièrement chez les Australiens descendants de populations issues des quatre coins du monde : ils n’entretiennent plus les traditions du Commonwealth et cherchent un peu plus de modernité. L’Australie multiculturelle est donc de plus en plus sceptique face au pouvoir de la monarchie et, indirectement, de l’Eglise.

Croyances et légendes modernes

Au-delà des religions et des croyances spirituelles, l’Australie est aussi le terrain de jeu de certaines légendes liées à son histoire et son territoire. Avez-vous déjà entendu parler du « Drop Bear » ? Inventé pour faire peur aux enfants, et parfois aux touristes, la légende du Drop Bear est en vérité un running gag qui consiste en l’existence d’un koala géant et carnivore. Ce dernier surprend ses proies en se jetant sur elles depuis la cime des arbres. Une autre croyance conseille même de s’appliquer du Vegemite derrière les oreilles afin de les faire fuir !

Moins cocasse, une légende aborigène explique l’existence du koala : une tribu aurait recueilli un enfant à la mort de ses parents. Maltraité et assoiffé, il mastiquait longuement des feuilles d'eucalyptus pour se désaltérer. Un jour, resté seul, l’enfant s'empara des récipients d'eau de la tribu et fuit vers les eucalyptus. La tribu, prétendant ne pas lui en vouloir, le persuada de redescendre. L’enfant, confiant, revint au sol, mais il fut trahi : ils le frappèrent et au fur et à mesure des coups, l'enfant se transforma et se couvrit de poils avant de regagner en toute hâte l'eucalyptus : transformé en koala, il restera sur son eucalyptus afin de fuir les hommes.

Après les légendes du bush, les légendes urbaines connaissent aussi un certain succès telle la légende du fantôme du fermier Frederic Fisher : l’une des plus populaires d'Australie. Cet ancien bagnard, devenu fermier à Campbelltown, au sud de Sydney, disparut de manière mystérieuse et soudaine. Depuis, on raconte que Fisher hante toujours les lieux. Dans les terres, au cœur du désert, les Australiens prennent très au sérieux l’apparition et la visite d’extra-terrestres. Certaines localités sont devenues de véritables centres touristiques dédiés à l’observation des petits hommes verts : la ville de Wycliffe dans le Northern Territory s’est même autoproclamée capitale australienne des extra-terrestres. D’après les locaux, vous aurez la chance d’apercevoir des OVNIS tous les jours…