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Les disparités du climat

« Les liens que les indigènes ont développés avec la variabilité du climat, ont permis une évolution lente et une adaptation. Par contraste, les colons européens ont amené avec eux leurs cultures, modes de vie, technologies et croyances développées en divers endroits, si bien que l'acceptation des colons de la fréquence des extrêmes climatiques a toujours été un parcours turbulent, qui perdure de nos jours ». Ces mots de Rebecca Jones, historienne spécialisée en environnement, résument assez bien l’hostilité du territoire australien. En dehors de l'Antarctique, l'Australie est le continent le plus sec au monde. Il y existe dix déserts, qui représentent environ 18 % du territoire, et 70 % du pays reçoit moins de 500 mm de pluies chaque année ! Ces zones arides sont très peu habitées, avec quelque 3 % de la population.

En raison de son immensité, l’Australie comprend plusieurs zones climatiques. Au nord du Western Australia, du Queensland et du Northern Territory, le climat tropical se caractérise par deux grandes saisons: la saison sèche et la saison des pluies. De décembre à mars, c'est la mousson, période particulièrement arrosée, avec possibilité de cyclone tropical. En octobre et novembre, c'est le build-up, saison pendant laquelle l'humidité augmente progressivement sans que la pluie n'arrive. Cette chaleur humide rend les gens irritables et un peu fous, et heureusement qu'il s'agit aussi de la saison des mangues! Cela vaut au build-up le surnom de mango madness. L'extrémité Nord-Est du pays dans le Queensland et quelques îles au nord du Northern Territory ont un climat équatorial. Une bonne partie des régions côtières du Queensland et du Western Australia a un climat subtropical. Les températures y sont beaucoup moins extrêmes qu'avec le climat tropical, il y fait bon toute l'année. Brisbane est en l'exemple parfait. Le climat désertique, prolongé par une zone semi-aride, couvre plus de la moitié de l’Australie. Les étés y sont très chauds, mais les hivers peuvent être frais : les températures peuvent descendre à -4 °C pendant les mois d’hiver. Rassurez-vous, le ciel bleu et le soleil font néanmoins remonter la température en journée et on passe souvent du bonnet au tee-shirt entre 7h et 14h. Le climat méditerranéen, avec quatre saisons, des étés chauds et des hivers frais, est celui du New South Wales, de South Australia, du Victoria, du sud de Western Australia. Le climat tempéré océanique concerne l’extrême sud-est de l’Australie et en particulier la Tasmanie. Des précipitations en toutes saisons sont dues à l’air polaire maritime et aux températures modérées.

Les catastrophes climatiques

L’expression « Sunburnt Country » – le « pays brûlé par le soleil » –, issue du poème très célèbre de la poétesse australienne Dorothea MacKellar (My country, 1908), dépeint parfaitement les conditions climatiques extrêmes du continent. La violence des intempéries, cyclones, inondations, méga-feux ravageurs et autres canicules, ne cesse de nous rappeler les conséquences du réchauffement climatique. Le continent reste une île et subit de plein fouet les caprices d'une météo de plus en plus aléatoire. Les épisodes de sécheresse sont inévitablement exacerbés par le changement climatique et de nouveaux records de chaleur sont relevés chaque année par le Bureau de météorologie. L'intérieur des terres est victime d'épisodes de sécheresse très importants et les agriculteurs, qui reçoivent très peu de subventions de l’Etat, sont donc obligés de trouver des solutions, changeant souvent de type de récolte, voire parfois en délocalisant leur ferme pour partir dans des zones plus fertiles. De la fin des années 1990 à 2007 environ, les fermiers ont ainsi connu presque dix ans sans pluie : c’est le Millenium Drought, la sécheresse du millénaire. Le début de l’année 2006 est marqué par les immenses incendies qui ravagent le sud de l’Australie et la Tasmanie : les Black Saturday Bushfires et ses 400 feux de brousse détruiront 20 000 kilomètres carrés de terres dans le Victoria en février 2009. On comptera pas moins de 173 morts et 2 000 maisons détruites. Cet épisode marquera profondément l’Australie par la violence des incendies de forêt qui continuent de dévaster le Victoria. En proie à des périodes de sécheresse de plus en plus récurrentes, l’Australie a particulièrement été ravagée par les flammes entre septembre 2019 et février 2020 : les feux de forêts, portées par des flammes qui peuvent se développer jusqu'à 60 km/h, ont brûlé près de 10 millions d’hectares. Ces incendies de grande ampleur, surnommés méga-feux, sont les plus dévastateurs qu'ait jamais connu l’Australie. Ces derniers sont provoqués par une conjonction de facteurs : sécheresse, températures extrêmes et vents violents. Les gens sont maintenant mieux préparés et beaucoup moins de vies humaines furent perdues que pendant le Black Saturday. Néanmoins, entre 500 millions et un milliard d'animaux auraient trouvé la mort, dont 30 % des koalas du sud-est du pays, d'après certaines estimations. Médiatisé mondialement, cet épisode tragique a dévasté l’Australie pendant des mois et traumatisé de nombreux esprits.

 

En plus des feux de forêt, tempêtes et inondations sont aussi courantes en Australie, et de plus en plus en raison du changement climatique. Le Queensland, le New South Wales et Western Australia sont les Etats les plus touchés, même si le Victoria et le Northern Territory ont également subi de lourdes inondations récemment. Année après année, l’Australie continue de payer le lourd tribut du réchauffement climatique : en 2022, puis encore en 2023, des inondations historiques causées par des bombes de pluies se sont déversées sur les Etats du Queensland et du New South Wales. Les zones les plus touchées ont enregistré jusqu’à 400 millimètres d’eau en l’espace de vingt-quatre heures et provoqué les crues de certaines rivières.

L’Australie face aux enjeux climatiques

Tandis que la société civile s'insurge contre la disparition annoncée de la Grande Barrière de corail, la destruction des forêts tropicales et la menace qui pèse sur la conservation de la biodiversité, le gouvernement semble sourd aux inquiétudes. Même si en 2007, l'Australie a ratifié le protocole de Kyoto et s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, de plus en plus d'Australiens reprochent au gouvernement de ne pas considérer le changement climatique. Suite aux méga-feux de 2019 et 2020, plusieurs ONG ont tenté d'alerter la population sur la conséquence des incendies, les médecins ont même constaté une augmentation des pathologies liées à la pollution de l'air par les fumées. Même si les bushfires se sont toujours produits et peuvent prendre une ampleur conséquente, ils sont toujours surveillés et contrôlés. Dès 2005, l'Australie a commencé à s’intéresser au modèle de prévision ; tout ce qui était annoncé est arrivé, mais cela n'a pas cessé de s'aggraver et de s'accélérer. Pour endiguer le feu, des contre-feux – appelés feu froid – sont mis en place afin de garder la situation sous contrôle. Les Australiens commencent donc à faire appel au savoir traditionnel des Aborigènes dans ce domaine pour réduire l'ampleur des feux de forêt. Il faut dire que les brûlis, ces feux de forêt volontaires répétés régulièrement selon les conditions environnementales locales, sont en effet utilisés par les Aborigènes depuis des millénaires, et continuent de l'être dans le Nord du pays.

Quatrième producteur de charbon au monde, l’Australie compte quantité de mines de charbon qui créent des emplois, mais qui entretiennent le problème du changement climatique. En Australie, il n'y a pas de contrôle technique des voitures, pas de vignettes indiquant le niveau de pollution ni de prime à la conversion des véhicules les plus polluants. Les voitures hybrides commencent à être plus courantes, mais vous constaterez très vite que le nombre de voitures électriques est minime comparé aux chiffres européens. Un retard énorme à rattraper. L'avion est également beaucoup plus normalisé qu'en Europe. Il est vrai qu'il faut faire face à des distances extraordinaires. L’émission de carbone constitue dès lors un danger de santé publique pour les Australiens, mais en 2014 le Parlement australien, poussé par le secteur minier, a supprimé la taxe carbone mise en vigueur par les travaillistes deux ans plus tôt.

Menacée, entre autres, par les espèces invasives, le réchauffement climatique et l'activité industrielle, la Grande Barrière de Corail a perdu de ses couleurs chatoyantes et, par endroits, les poissons ont complètement déserté ses eaux. Depuis le début des années 2000, le récif corallien a connu plusieurs épisodes sévères de blanchissement de ses coraux, dont deux consécutifs en 2016 et 2017, affectant plus de deux tiers des colonies arborescentes au squelette calcaire.

D’autre part, l’Australie, deuxième pays exportateur d’uranium, ne possède pas de centrale nucléaire et produit une énergie thermique extrêmement polluante à partir de ses gigantesques mines de charbon. La houille nourrit un débat entre les lobbies miniers et environnementaux, alors que l'électricité du pays est issue principalement de centrales thermiques au charbon : l’Australie est ainsi l'un des pays qui émet le plus de CO2 par habitant au monde.

En matière de ressources énergétiques renouvelables, l’Australie possède un potentiel hydro-électrique restreint en raison de son relief généralement peu élevé. Ses capacités éoliennes et solaires représentent maintenant 10 % et 12 % de la production énergétique du pays. Presque un tiers des foyers possède des panneaux solaires. Mais la production reste très minimale comparée à l'utilisation du charbon, et au potentiel de génération dans ce pays toujours ensoleillé. De nombreux projets de giga-fermes solaires sont également à l’étude.

Enfin, autre détail qui pourrait aider à la lutte contre le réchauffement climatique : contrairement aux vaches et aux moutons, le kangourou n’émet pas de méthane. Des recherches sont effectuées pour tenter de transplanter la bactérie présente dans son estomac chez les bovins, source significative de gaz à effet de serre. Le méthane provenant du bétail représente 14 % des gaz à effet de serre émis par le pays – soit la deuxième cause de pollution du continent !

Des objectifs face à l'urgence climatique

Après avoir négligé ses objectifs par le passé, l’Australie semble vouloir tourner le dos à de longues années de climatoscepticisme. Déjà en 2019, le combat difficile contre le projet de mine à ciel ouvert dans la vallée de Gloucester fut une victoire environnementale sans précédent : les écologistes ont gagné la bataille juridique pour empêcher d'ouvrir la mine et d'extraire du gaz de schiste. Le juge Preston a pour la première fois dans l'histoire de l'Australie justifié sa décision par le risque environnemental en raison du changement climatique. Puis, plus globalement, en réponse au protocole de Kyoto, l’Australie vise à mettre en place des technologies propres et avancées sans contraintes juridiques sur la réduction des émissions de CO2.

L’élection d’Anthony Albanese incarne donc un nouvel espoir pour l’Australie : le Premier ministre progressiste souhaite donner la priorité aux enjeux environnementaux. Depuis les élections de 2022, le pays s’est fixé des objectifs plus ambitieux en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Le nouveau gouvernement, élu sur un programme de réduction des émissions de 43 % d’ici à 2030 et une neutralité carbone atteinte d'ici à 2050, propose une politique plus progressiste que le Parti libéral. Son programme est fait pour limiter le réchauffement climatique à 2 °C, quand les ambitions internationales sont de le limiter à 1,5 °C. Tous les regards se tournent désormais vers Anthony Albanese : déterminé à chasser l’image de mauvais élève de son pays dans les négociations liées au climat, le nouveau gouvernement australien est d’ores et déjà candidat pour organiser le sommet COP de l’ONU pour le climat en 2026.