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Aux origines

Les haouanet, datant de l’Âge du Bronze, sont les plus anciennes structures de Tunisie. Il s’agit de petites chambres funéraires cubiques creusées à même la roche, dont on peut observer des exemples dans le village de Chaouach notamment. Grands maîtres de l’urbanisme, Phéniciens et Carthaginois développent, eux, de grandes cités organisées selon des plans aux larges avenues se coupant à angle droit. Stucs, céramiques, et sols mêlant ciment de briques et éclats de marbre et de coquillage parent les demeures agencées autour d’un patio, auquel on accède, depuis l’entrée, par un couloir coudé permettant de préserver l’intimité. Kerkouane abrite les plus beaux vestiges urbains puniques. C’est également de cette période que datent les puissants remparts et fossés défensifs de la cité de Carthage. D’un point de vue stylistique, on assiste à un étonnant mélange d’influences égyptiennes (corniche sculptée et peinte appelée « gorge égyptienne », pyramidion, volumes massifs), grecques (colonnes ioniques et doriques) et puniques (art de la mosaïque et du décor). Le mausolée de Dougga en est un bel exemple. La forteresse des rois numides de Makthar témoigne, elle, de la diversité des structures rituelles de l’époque. Dolmen et tombeaux à chambres multiples y côtoient les tophets, aires sacrées dédiées à Baal et Tanit. Aux Puniques succèdent les Romains. Après l’avoir détruite, ils reconstruisent Carthage selon un plan en damier qui sera repris dans toutes les villes de la province, que les Romains modernisent à grand renfort de puissantes infrastructures. Apparaissent ainsi des kilomètres de route, des ponts et surtout d’impressionnants aqueducs, dont celui de Zaghouan qui mesurait près de 125km. Ces aqueducs alimentaient les citernes, ainsi que les fontaines et bassins des patios domestiques et bien sûr les thermes. Pragmatiques, les Romains n’en apprécient pas moins la monumentalité et l’ostentation d’une architecture qui doit souligner leur pouvoir. Temples et capitoles se multiplient, tout comme les théâtres et les colisées. Parmi les sites à ne surtout pas manquer : le gigantesque colisée d’El Jem, les grands thermes de Bulla Regia, Dougga et Makthar ou bien encore les superbes trois temples capitolins de la cité de Sbeïtla. Un pouvoir glorifié également par l’édification de puissants arcs de triomphe menant à de somptueux forums ceints de portiques, comme celui de la nouvelle Carthage. La prospérité romaine se lit enfin dans les riches demeures patriciennes aux peintures et mosaïques polychromes. A Bulla Regia, nombreux sont les riches Romains à avoir doublé leur surface habitable en aménageant les sous-sols afin d’y créer une seconde demeure plus fraîche où supporter les mois d’été ! La période romaine voit également se développer une architecture paléochrétienne. Les catacombes de Sousse, ainsi que la chapelle voûtée, la rotonde et l’église du site Damous el Karita à Carthage en sont les grandes représentantes. Passée sous le contrôle de Byzance qui adopte définitivement la foi chrétienne, la Tunisie se dote de belles églises reprenant un plan basilical à trois nefs et se parant de somptueux décors de mosaïques. Les Byzantins excellent également dans l’art des fortifications comme le montrent la puissante forteresse de Kélibia et la massive citadelle de Haïdra.

Splendeurs de l’islam

Les premiers témoins de l’architecture islamique en Tunisie relèvent d’un étonnant mélange d’architecture militaire et religieuse, à l’image des ribats, véritables citadelles de la foi, que l’on repère à leur silhouette massive et crénelée et à leur tour de guet appelée nador. Les plus impressionnants sont à voir à Sousse et Monastir. Les premières mosquées, souvent réalisées à partir de matériaux provenant d’édifices romains et byzantins, prennent aussi des allures de forteresses, à l’image de la Grande Mosquée de Kairouan, dont on ne peut manquer le puissant minaret, imaginé sur le modèle des tours de guet méditerranéennes. Cette dernière, avec sa cour à portique et son plan en T surmonté d’une coupole, inspirera de nombreuses autres mosquées comme celles de Tunis et Mahdia. Ces grandes mosquées sont au cœur de la médina, elle-même protégée par d’imposants remparts que dominent de puissantes kasbahs ou citadelles fortifiées, comme on peut le voir à Sousse ou encore à Sfax dont les remparts remontent au IXe siècle. C’est au cœur ce lacis de ruelles étroites, que se découvrent les joyaux de l’Islam. Les souks, bouillonnants marchés parfois abrités d’une voûte en berceau, côtoient les medersas et zaouïas, établissement d’enseignement religieux, ainsi que les caravansérails accueillant marchands et voyageurs, les hammams et les dars ou maisons de ville. Ces dernières sont entièrement pensées selon un principe de respect de l’intimité. La façade extérieure ne possède pas ou peu d’ouverture, si ce n’est une porte massive et un portail dont la décoration traduit le statut social du propriétaire. Les quelques ouvertures existantes sont toujours protégées par d’élégants moucharabiehs. A l’intérieur, la demeure s’organise autour d’une cour centrale comme le montre très bien le très beau Dar Al Jaziri dans la médina de Tunis, elle-même classée au Patrimoine mondial de l’Unesco. En matière stylistique, l’austérité des premiers édifices a progressivement fait place à une effervescence décorative, notamment entre les XIIIe et XVe siècles, lorsque la Tunisie devint le refuge des artistes et artisans andalous, qui ont laissé leur empreinte faite de virevoltantes arabesques, d’arcades entrelacées et de plafonds à caissons décorés de muqarnas ou stalactites. Sous la régence ottomane, l’architecture de l’Islam va connaître de nouvelles évolutions. Les mosquées multiplient les étagements de coupoles que l’on voit s’élever vers le ciel, tout comme les minarets qui sont désormais octogonaux, plus élancés et souvent surmontés d’un lanternon pyramidal. Les mosquées se dotent également de tourbets, des mausolées richement décorés, surplombés d’une coupole, et tout entier dédié au souvenir d’un souverain. Tunis abrite de superbes exemples de cette architecture ottomane : la mosquée Mohamed Bey avec sa haute silhouette, ses coupoles blanches et ses somptueux revêtements de marbre, plâtre sculpté et céramique ou bien encore la mosquée Youssef Dey avec son mausolée coiffé d’un toit pyramidal couvert de tuiles vernissés et revêtu d’une superbe polychromie de marbre. L’époque ottomane est aussi celle du renouveau des villes avec la multiplication de fondouks – servant tout à la fois d’entrepôts et d’auberge –, de médersas, de casernes et surtout de somptueux palais urbains, délaissant progressivement les influences locales pour se tourner vers les influences françaises ou italiennes, notamment sous la dynastie des Husseinites. A ne pas manquer : les ruines du Palais de La Mohamedia, imaginé comme un Versailles tunisien, le Palais Kobbet Ennhas à La Manouba mêlant motifs autochtones, arabo-andalous et italiens ou bien encore le Palais Essaâda à La Marsa, étonnant mélange d’hispano-mauresque et d’influences franco-italiennes.

Architecture vernaculaire

L’identité de la Tunisie se découvre également dans la richesse de son architecture vernaculaire. Au nord, vous pourrez découvrir les traditionnels gourbis, réalisés en branchage et en chaume, ou élaborés à l’aide de briques de terre et de paille. Dans les villages de pêcheurs, les habitations ravissent le regard par leur blancheur ponctuée de couleurs éclatantes - que l’on retrouve sur les balcons et les moucharabiehs -, leurs toits-terrasses et leurs élégants patios. Sidi-Bou-Saïd en est le fier représentant. L’île de Djerba possède une architecture bien à elle, celle des menzels, grandes exploitations agricoles protégées par de hauts murs regroupant écuries, greniers et ateliers autour de la maison principale, la houch, organisée autour d’un patio central. Aux frontières du désert s’est développée une architecture saharienne, que l’on reconnaît à ses façades de briques ocre agencées de manière à créer de très beaux motifs géométriques, comme à Tozeur. Mais les plus étonnantes habitations vernaculaires sont à découvrir au sud de la Tunisie. C’est là que les Berbères, tentant d’échapper à la conquête arabe, ont imaginé un habitat souterrain. A Matmata, ces derniers ont véritablement creusé sous la terre et ainsi créé des habitats troglodytes. Vu du ciel, le village a des allures de paysages lunaires avec ses cratères géants, pouvant aller jusqu’à 10 m de profondeur, au fond desquels se trouvent les patios de ces étonnantes demeures. Lorsqu’ils ne pouvaient pas creuser dans le sol, les Berbères ont creusé dans le flanc des falaises et érigé d’étonnants villages fortifiés, les ksour, dont les silhouettes mystérieuses dominent les crêtes. Chenini se compose ainsi de trois étages de maisons troglodytes intégrés à une structure colossale dont la citadelle semble être un prolongement de la pierre. Dans les ksour, les maisons possèdent une cour de pierre clôturée permettant d’assurer l’intimité du foyer. Mais les structures les plus visibles de ces villages sont leurs ghorfas, des greniers fortifiés, dont les cellules voûtées se superposent, telles les alvéoles d’une ruche. Servant d’ateliers et d’entrepôts de stockage, certains ont également été transformés en habitations. Les plus beaux exemples de cette architecture sont à voir à Ksar Ouled Soltane, Douiret et Ghomrassen.

Architecture coloniale

Sous le protectorat français, Tunis et Sfax se voient doter de nouvelles extensions baptisées « villes européennes », caractérisées par un plan en damier et de larges avenues arborées. Ce sont d’abord les styles néo qui vont avoir la faveur du pouvoir. L’ancienne Cathédrale Saint-Louis de Carthage est ainsi un étonnant mélange de style byzantin et mauresque, avec ses frises polychromes, ses arcs outrepassés et ses coupoles de faïence bleue. Les édifices néo-mauresques vont ensuite se multiplier, associant les motifs orientalistes traditionnels aux nouvelles possibilités techniques qu’offrent la fonte, l’acier et le béton. L’architecte Raphaël Guy est le grand représentant de ce courant. La Poste de Bab-Souika à Tunis avec sa tour-clocher en forme de minaret est l’une de ses réalisations les plus célèbres. Puis les styles néo vont faire place à une étonnante effervescence art nouveau qui, là encore, va composer avec l’ornementation orientale. La grande figure de ce courant est l’architecte Emile Resplandy à qui l’on doit notamment le Théâtre Municipal de Tunis avec ses rampes aux ferronneries superbement ciselées et aux loges protégées de moucharabiehs. Les immeubles de la rue Oum Kalthoum sont également de fiers représentants de ce courant avec leurs cages d’escalier très ouvragées, leurs motifs floraux et animaliers et leurs mosaïques en façade. Les Italiens aussi participent à ce renouveau architectural, à l’image de Giuseppe Abita et ses immeubles reconnaissables à leurs balcons et rotondes et à leur richesse ornementale. La communauté italienne est si importante en Tunisie, et à Tunis notamment, que des quartiers comme la Petite Sicile se développent. On y trouve de petites maisons à une ou deux pièces rappelant les modestes habitations traditionnelles de Sicile. Mais on y trouve également des édifices d’importance comme le Palais Gnecco, le théâtre à l’italienne Rossini ou bien encore le Consulat d’Italie, dont les volumes simples et sobres sont une parfaite illustration de l’architecture fasciste. L’Art déco se fait plus discret, mais compte une représentante de taille : la Grande Synagogue de Tunis, avec ses murs aux motifs géométriques et aux couleurs éclatantes. Etonnant ! Entre 1928 et 1932, le milliardaire George Sebastian se fait construire une superbe villa à Hammamet, mêlant architecture traditionnelle et design européen… et amorce sans le savoir la transformation de la paisible cité en station touristique prisée.

Tunisie contemporaine

L’indépendance s’est traduite, en architecture, par le brutalisme et le style international. L’Hôtel du Lac à Tunis, structure de verre, béton et acier dont les étages sont reliés par des escaliers en porte-à-faux à chaque extrémité créant une pyramide inversée, en est un des édifices les plus célèbres. Tout comme l’Hôtel Africa et son rideau de verre que l’on doit à Olivier Clément Cacoub, grand architecte de l’époque, qui réalisa également de nombreux palais présidentiels – entre sobriété des lignes et monumentalité des volumes –, le complexe olympique d’El Menzah, ou bien encore l’Hôtel des Congrès de Tunis. C’est aussi à Cacoub que l’on doit, en 1979, la création de la première station touristique intégrée du pays, Port El Kantaoui, imaginée sur le modèle de Sidi Bou Saïd. Dès les années 60, la Riviera tunisienne avait vu se multiplier hôtels et marinas, une bétonisation liée au tourisme de masse qui s’est poursuivie jusque dans les années 90 avec la création de la station Yasmine Hammamet et ses centaines d’hôtels et sa « fausse » médina. Fort heureusement, ces géants de béton ne gâchent en rien le charme des médinas originelles ! A cette époque, la population de Tunis continue de croître. Pour la loger, la ville multiplie les immeubles de béton en périphérie de la ville, tout en développant de nouvelles zones, telle la Perle du Lac, autour du lac nouvellement assaini. En parallèle, la ville prend conscience de l’importance de revaloriser et de revitaliser son centre historique, multipliant les campagnes de préservation. Ce souci du passé n’empêche pas pour autant d’imaginer les projets les plus fous. En 2011, la Cité de la Culture en a dérouté plus d’un avec son architecture mêlant futurisme et décor oriental. Aujourd’hui, c’est le projet de la Cité économique de Tunisie qui laisse… sans voix. Dévoilé en 2014, ce projet est celui d’un futur méga-complexe intégré à la cité moderne d’Enfedha. C’est là que le milliardaire russe Vasily Klyuki projette de construire le White Sails Hospital & Spa, spectaculaire croisement d’un gratte-ciel et d’un paquebot à voile. Moins extravagant et plus respectueux des traditions, le projet Art Village Arena à Utique a été imaginé par l’agence MOA, avec notamment un amphithéâtre donc la façade en latte de bois est un hommage à l’artisanat local. Un respect des traditions que l’on retrouve à l’Hôtel Dar Hi à Nefta, superbe écolodge dont les chambres troglodytes sont directement inspirées de l’architecture vernaculaire tunisienne. Cette dernière se convertit d’ailleurs de plus en plus à l’écotourisme… une jolie manière de découvrir un patrimoine unique !