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La poterie

Située aux Trois-Ilets depuis 1783, la Poterie, une des plus anciennes entreprises de la Martinique, a donné son nom au village qui l’environne. On y travaille la terre que l’on fait cuire et qui donne des briques, carreaux ou tuiles, des carafes en terre cuite qui sont réalisées sur place grâce aux nombreux gisements d’argile exploités dès les premiers peuplements amérindiens pour la fabrication d’objets de nécessité quotidienne. Le Village de la Poterie est très touristique, c’est un village de terre rouge qui abrite aujourd'hui des artisans, des potiers, des commerçants, qui sont venus entourer la plus ancienne briqueterie en activité de France qui est située sur un ancien couvent de Jésuites qui s’y étaient établis à la fin du XVIIe siècle. On peut y faire une balade en kayak dans la mangrove pas loin. Autour d’elle des maisonnettes créoles construites en briques et tuiles rondes provenant de la poterie avec aussi comme les maisons du bourg les toits au style particulier propre aux frises dorsales que l’on voit de moins en moins orner l’échine des toits.

L'argile porteuse d'histoire. Ce sont chez les artisans les techniques de poterie amérindiennes qui ont survécu au temps, et comme à Sainte-Anne la technique du colombin utilisée par les Arawaks demeure la plus pratiquée et continue à se perpétuer. Elle s’enrichit néanmoins de l’apport des autres cultures ainsi que du modernisme. Elle est encore utilisée par les potières de Sainte-Anne, notamment la fille de madame Trime a pris la relève de sa mère. Les ustensiles de cuisine tels que le canari, le coco neg et le tesson qui servent tous à la cuisson, proviennent de cette tradition. C’est à eux que l’on doit les hommes et femmes d’argile très attendus dans les défilés durant le carnaval. Ils sont recouverts d’argile, se déplacent et, soudain statufiés, restent figés comme le mime Marceau dans des postures immuables évocatrices de scènes de tous les jours, puis repartent pour recommencer plus loin.

Le bois-flotté

Le bwa-floté, en français le bois qui flotte, ne doit pas être confondu avec son homonyme le bwaflo qui désigne le bois creux. Le bois flotté, lui, est issu de la mer qui en se retirant ramène certes des algues, aussi des déchets fort souvent, mais entraîne sur la plage des coquillages, des bouts de bois flottants qui grâce à l’ingéniosité de ceux qui les ramassent se transformeront en trésor puisque le bois qui flotte, rebut de la mer a fait naître depuis peu l’art du bwa-floté. On réalise des rideaux, des décorations et design du plus bel effet avec ce bois flotté, devenu matériau très original, car lorsque la mer l’a poncé, façonné, et a fignolé son aspect, les mains expertes des artistes naturalistes prendront la suite pour s’appliquer à lui donner une seconde vie. Ce ne sont au départ que de simples bouts de branches ou de brindilles qui ont simplement été ramassés sur les plages.

Les brodeuses et l’art de manier le fil au Vauclin

Tandis que les maris partaient au champ ou à la pêche, les dames festonnaient toute la journée des broderies qu’elles allaient vendre au marché. C’étaient des napperons faits de broderies Richelieu, de points bourdons, de grébiches, point de tige, jours échelles ou jours simples que des femmes, brodeuses de mère en fille depuis plusieurs générations, réalisaient. La broderie c’était la renommée du quartier Coq. Comment est née l’idée de faire le premier point ? Le mystère reste entier.

Pour éviter la grande concurrence sur place au Vauclin même, elles allaient vendre leurs « produits » aux marchés de Rivière-Salée, du Saint-Esprit ou du François. Elles confectionnaient, à plusieurs, les commandes de draps. Tout le quartier en faisait et tout le monde en vivait. Au bourg aussi les dames du Vauclin fabriquaient, des taies d’oreillers, des sacs à pain et des draps personnalisés, des napperons pour l’autel avec de simples bouts de tissus qui devenaient des merveilles.

Tout est fait à la main avec un fil DMC, un dé et la plus petite aiguille, continue de nous raconter Moïse, la dernière, 74 ans qui n’a plus ses bons yeux et qui ajoute nostalgique : « la broderie à la machine a tué la broderie à la main, mais je suis d’accord pour montrer à qui veut comment faire les points ».

Les balais en bambou et les balais en latanier

Le balai en bambou dit, balié-zo avec lequel on pouvait récurer le sol était fait d’un bout de chaume de bambou, coupé à la lune descendante. On ne le fabrique pratiquement plus. Le chaume, coupé en lamelles fines dans le sens de la longueur, est égalisé puis monté sur un manche.

Le balai en latanier. Le latanier est un palmier à grandes feuilles ressemblant à des éventails, il est originaire des Mascareignes. Il peut atteindre 10 mètres de hauteur. Ses feuilles séchées, égalisées, montées sur un manche, avec de la ficelle mahot, sont de moins en moins utilisées pour la confection de balais. Il est vraiment dommage que ces outils, issus de l’environnement, cèdent de plus en plus leur place à des objets et récipients importés qui sont en plastique, pas obligatoirement très solides et à la longue, dégradent la nature.

Les anciens sont morts, la relève n’a pas été assurée et l’économie locale en a souffert. Si nous ne changeons nos habitudes, l’artisanat va retirer ses pieds sans laisser de traces. Sauf si un regain de lucidité vient convaincre, donner le ballant, décider chacun de se battre pour le faire revivre, espérons-le.

On peut regretter que le sort soit aussi pitoyable pour les balais en latanier, les chaises en jonc, ainsi que la vannerie en bambou, ce petit artisanat qui était pratiqué un peu partout dans l’île qui permettait de réaliser notamment un grand panier en bambou ou pannié-tè appelé aussi sanbouwa en créole.

La vannerie héritée des Kalinagos

Si en parlant de vannerie, à la Martinique on a fort souvent l’habitude de penser au bakoua, et donc à la vannerie obtenue à partir des feuilles séchées de l’arbre qui porte le même nom, il faut savoir que cette vannerie est cependant très récente. Elle date de l’introduction de la plante nommée bakoua à la Martinique au début du XIXe siècle. Les Martiniquais ont en effet hérité d’un autre savoir-faire, beaucoup plus ancien, celui des peuples Kalinagos, les premiers habitants de l’île qui leur ont transmis l’art de la corderie ainsi que celui de la vannerie, une de leurs multiples traditions.

Selon ce que nous ont laissé les chroniqueurs européens, nous savons qu’en 1658, dans son ouvrage intitulé Histoire naturelle et morale des îles Antilles publié à Rotterdam, Charles de Rochefort souligne avec les mots caraïbes l’art de la vannerie dans son Second livre, au chapitre XVII intitulé « Des occupations et des divertissements des Caraïbes ». Rochefort qui n’avait pas toujours la connaissance, ou la précision, ni le nom réel des plantes locales note que les Caraïbes font « des paniers de joncs et d’herbes de diverses couleurs ». Il appelle improprement « jonc » (plante qu’il connaît dans sa contrée d’origine avec laquelle on peut faire des objets similaires) mais il s’agit ici de l’aroman et du cachibou des plantes tropicales avec lesquelles sont fabriquées ces choses. L’auteur cite la confection de petites tables « que les autochtones appelaient « Matoutou ». Ce mot d’origine Kalina est resté dans la langue créole pour désigner un plat cuisiné à base de crabes : le matoutou. Il parle aussi « des tamis nommés « hibichets » mot qui en créole se dit lébiché et désigne toujours un tamis, ainsi que des catolis « qui sont des hottes » ce mot ne nous est pas parvenu.

Au siècle suivant, dans le tome premier du Nouveau voyage aux isles de l’Amérique qu’il publie à La Haye en 1724, le père Labat consacre lui aussi, un chapitre aux coutumes des Amérindiens. Il intitule un chapitre de son ouvrage « Des Sauvages appelés Caraïbes, de leurs vêtements, armes, vaisseaux et coutumes ». Il parle des mêmes thèmes que Charles de Rochefort. Il décrit minutieusement les différents objets réalisés en vannerie par les « sauvages ». Il explique que le « matoutou est une grande boite carrée sans couvercle, une espèce de table dans laquelle on peut mettre de l’eau sans craindre qu’elle ne s’écoule, tant les côtés sont travaillés, serrés ». Il donne le nom de la matière qui selon lui est faite de « roseaux ou de queues de lataniers, peints de plusieurs couleurs ». Il ne donne aucun détail sur les techniques utilisées.

Il parle du hamac dans lequel « on dort au frais on n’a besoin ni de couverture, ni d’oreillers », sans pour autant parler de la technique de réalisation de l’objet.

De l’aroman et du cachibou. La vannerie pratiquée dans nos régions est un artisanat hérité des Indiens dit Caraïbes, les Kalinagos premiers habitants de l’île. Ils fabriquaient beaucoup d’objets du quotidien en vannerie, à base des fibres des plantes. Ils s’en servaient principalement pour créer des objets d’utilités quotidiennes, des paniers, des chapeaux, des nattes et autres contenants avec le cachibou et l’aroman deux plantes tropicales. Ils ont transmis leurs rudiments à la population servile et notamment aux marrons avec lesquels ils étaient plus aisément en contact et « partageaient » aussi un même ennemi : le colon. La tradition s’est perpétuée par les marrons puis de père-en mère-en fille et se pratique encore aujourd’hui notamment à Morne des Esses, un quartier de Sainte-Marie.

L’aroman (Maranta arouma) ou arouman (Ischnosiphon arouma) est une plante qui est assez répandue dans les Antilles notamment : à la Martinique, Guadeloupe, Dominique, Grenade, Saint-Vincent. L’aroman produit des espèces de flèches qui laissent entrapercevoir de rares inflorescences sans prétention qui semblent s’être déposées sur la tige de la plante. C’est une plante utilisée dans la fabrication de la vannerie.

Le cachibou (Calathéa lutea) est une plante qui peut atteindre 1,5 à 2 m. Ses feuilles assez larges semblent s’être hissées sur des échasses pour partir à la rencontre du soleil. Il porte des fleurs de couleur jaune engoncées dans une gaine toute pourpre et bien droite. Sa floraison a lieu de juin à août. On trouve le cachibou dans la région des Grandes et Petites Antilles, en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

L’aroman et le cachibou sont tous les deux de la famille des Marantacées. Ce sont deux plantes herbacées tropicales que l’on trouve dans l’île, très souvent aux abords des sentiers au sol humidifié ou des rivières. Avec la paille séchée de leur tige, travaillées conjointement, on fabrique des « paniers caraïbes » nom vernaculaire de petites valises. De nos jours on habille les objets, carafes ou bouteilles, on fait des chapeaux, des boucles d’oreilles, toute une panoplie de petits sacs à main. Tout un ensemble d’objets de plus en plus différents et modernes est fabriqué de fibre de cachibou et d’aroman. Ces plantes permettent de réaliser la grande majorité de la vannerie faite au Morne des Esses.

Préparation de l’aroman. Cueillir les tiges d’aroman, une fois que les plantes ont fleuri. Prendre les flèches. Diviser chaque tige recueillie en quatre à l’aide d’une « qua » en bambou (une espèce d’instrument fait maison avec lequel on va les équarrir (dégrossir). Les mettre à sécher à plat au soleil, pendant quinze jours, jusqu’à ce qu’elles prennent une couleur marron-rougeâtre. L’aroman en séchant au soleil, devient naturellement rouge.

Les transformer en lanières larges et fines. Les laisser macérer trois à quatre jours pour obtenir des teintes encore beaucoup plus foncées allant jusqu’au noir, en faisant tremper les fibres dans la vase recueillie près des rivières. Fendre les tiges en deux ou quatre sur la longueur. Une fois la matière première préparée, disposer des lanières de trois couleurs différentes pour tisser : l’aroman marron, l’aroman noir et le cachibou blanc nacré. Recalibrer les lanières si on le souhaite. La matière est prête.

Préparation du cachibou. Prendre un petit canif, écorcer le cachibou en deux, trois ou quatre, lanières. Faire bouillir les lanières obtenues une heure de temps à partir de l’ébullition. Faire sécher au soleil trois jours, pour obtenir une couleur blanc-nacré. Dédoubler ensuite en lanières et les affiner comme pour l’aroman.

Le tressage. Les tiges doivent être de bonne qualité, être solides et souples. Comme toujours l’artisan va créer des motifs en combinant et en entrecroisant des brins d’aroman et de cachibou. Les vanniers se servent de moules en bois fabriqués le plus souvent sur mesure pour créer leurs objets, ils travaillent aussi directement sur les formes courbes (carafes, bouteilles, abat-jour). En fonction de l’artisan, la pièce est assez souvent unique. Les motifs ont cependant évolué sur des nouvelles formes beaucoup plus modernes et de plus en plus la vannerie s’approprie d’autres réalisations moins traditionnelles. Des bijoux en vannerie caraïbe (bracelets, boucles d’oreilles, sacs, etc.), sont fabriqués. La vannerie caraïbe est accessible à pratiquement presque tout. Et ainsi l’objet prend forme sous les doigts experts qui lui donnent vie.

Un patrimoine à sauvegarder. Cependant, hormis les clubs de loisirs fréquentés le plus souvent par les seniors, ou encore quelques associations qui voudraient préserver ce pan du patrimoine, il n’existe aucune formation professionnelle proprement dite mettant l’accent sérieusement sur l’apprentissage du tressage et la préparation de la paille.

Les objets réalisés en paille caraïbe ont de moins en moins le même usage, ils servent bien plus à décorer, à offrir, qu’à servir d’objet utilitaire comme autrefois. Ils sont remplacés par les ustensiles modernes ce qui met la fonction en danger. Pour ne pas disparaître comme bien d’autres avant elle, la vannerie caraïbe, qui fait partie de notre patrimoine, doit absolument s’adapter au monde moderne. Il est primordial de la connaître, de maîtriser son savoir-faire pour la faire perdurer auprès des jeunes générations qui devront en retour la perpétuer.

La corde mahot

Le bananier (Musa) maho dit pied de banane maho ou bannann kod en créole (ce qui signifie : la banane avec laquelle on fait des cordes), est une plante qui peut atteindre de 2,50 à 3 m de hauteur. Les fruits de ce bananier aux fibres spéciales sont âcres et beaucoup plus petits que les bananes dites frayssinettes (une variété de petites bananes de dessert). On trouve le bananier mahot à Sainte-Marie, à Pérou et un peu partout dans l’île, mais sans négliger le peu d’intérêt que procurent ses fruits trop insignifiants, ses fibres se font remplacer chaque jour, un peu trop, par les cordes en nylon que l’on va acheter sans se poser de question sur la composition et encore moins sur les risques de pollution qui s’amplifient irrémédiablement au détriment de la planète. Tout cela a fait que cette corde faite de fibres naturelles est donc en voie de disparition. On trouve cependant la même technique de préparation de la fibre dans le Pacifique Sud. C’est une fibre naturelle considérée comme étant une des plus solides.

Une technique de fabrication simple. Après la récolte des régimes de bananes, le tronc du bananier appelé tonton-fig en créole est coupé afin de permettre au rejeton de se développer avec plus de vigueur. Le tronc du bananier-mahot, lui, est mis à sécher pendant plusieurs jours. Il est ensuite fendu sur la longueur pour récupérer les côtes des feuilles qui ont une forme de gouttière. On ne garde que les parties latérales, ce sont les plus fibreuses.

Les fibres récupérées sont à nouveau séchées puis elles sont tressées en nattes. Les nattes obtenues mises bout à bout, peuvent permettre de réaliser des cordes de plusieurs mètres.

Mise à part la fibre du bananier-mahot, on distingue aussi à la Martinique des espèces indigènes d'arbres ou arbustes, appartenant au dombeya ou au genre hibiscus qui sont appelées mahots. À l'origine ce sont des espèces d’hibiscus ou Hibiscus elatus et leur nom a été emprunté à la langue des Taïnos, les premiers habitants qui se servaient de l'écorce interne. Certaines espèces appartiennent ou sont apparentées à la famille des malvacées ou leur ressemblent et procurant des produits comparables, comme le mahot piment, le mahot noir, le mahot vert, le mahot savane, appelé aussi mahot cousin, le mahot bleu. Leur écorce peut être transformée pour donner des fibres solides avec lesquelles on peut faire des lanières. Le mahot bois-bleu, a été utilisé à Cuba pour retenir les cigares Havane en paquets. La fibre du mahot est connue pour la production d'objets en textile. Ces cordages étaient utilisés pour attacher le bétail au champ et aussi pour amarrer les embarcations de pêche. Le mahot a la propriété de devenir encore plus résistant au contact de l’eau. Les lanières issues de l’écorce interne ont été utilisées pour attacher les nasses en bambous, jusqu’au jour où le modernisme s’étant invité, le grillage se dépêcha de remplacer le bambou, et chacun s’empressa alors de se convertir à la mode de la consommation de ficelles et de cordes synthétiques, venues toutes d’ailleurs et qui n’ont rien à voir avec l’écologie. Et les mahots tantan, les mahots roses, les petits mahots, les bleus, les blancs, les rouges, sont tous devenus des mahots bâtards.

Faire renaître une technique. Malgré sa grande fiabilité, sa solidité et sa résistance aux intempéries, la corde mahot a dû capituler devant la facilité : les agriculteurs et les pêcheurs préfèrent aller au centre commercial, pour acheter les nouvelles cordes, c’est plus près que la forêt, et puis celles-ci sont déjà toutes faites.

Perdre cette technique de la vannerie du mahot qui nous donnait un moyen de vivre en autarcie, sans être éternellement dépendant de l’ailleurs, en sommes-nous conscients ?

Le bakoua

Origine et utilisation. Le bakoua, de son nom latin Pandanus sanderi, appartient à la famille des pandanacées. « C’est un arbre tropical à croissance rapide qui mesure 5 à 10 mètres de hauteur à l'âge adulte. Il a été introduit à la Martinique au tout début du XIXe siècle. Ses feuilles séchées fournissent des fibres textiles utilisées en vannerie. Il a été introduit à la Martinique au tout début de l’existence du jardin botanique, établissement créé par l’arrêté du 30 pluviôse an XI (19 février 1804). Il a fait partie de la riche collection de plantes que deux administrateurs de l’Inde avaient envoyée à la Martinique ». (Reisser, Historique du Jardin des plantes de Saint-Pierre Martinique, 1846). Il pousse dans les régions chaudes d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Dans son Dictionnaire des sciences naturelles, Frédéric Cuvier (1773-1838), naturaliste, le classe dans la famille des pandanées et en donne une description sous son nom vernaculaire baquois. Le nom savant de pandanus lui a été donné par un naturaliste du XVIIe siècle, qui s’appelait Ramphius. Toujours d’après Cuvier, il tire son nom baquois et son origine de l’espèce que l’on trouve à l’Isle de France (île Maurice) et a été utilisé pour désigner toutes les espèces de pandanus ».

Le baquois est « un genre de plante composé de cinq espèces d’arbrisseau de l’Afrique et des Indes ».

L’utilisation du bakoua s’est développée dès son introduction à la Martinique au début du XIXe siècle. En 1857, Charles Belanger, directeur du jardin botanique de Saint-Pierre, fait figurer le pandanus ou vaquois parmi les trente-huit espèces de « plantes industrielles » qui composaient la collection du jardin des plantes de Saint-Pierre, dans son rapport adressé au directeur de l’intérieur de la Martinique. (Revue coloniale, mars 1857, « Martinique. Jardin botanique de Saint-Pierre »).

Si la vannerie est un art hérité des Kalinagos, ils n’ont cependant pas transmis l’art et la technique du bakwa, car le pandanus ou bakoua ils ne l’ont pas connu.

L’arbre femelle fait des fleurs qui donnent un fruit ressemblant à une grosse pomme de pin verte, qui peut devenir jaune et les graines qui tombent sont jaunes et vertes. L’arbre mâle donne des hampes de fleurs longues très mellifères. Les feuilles ont les bords épineux, elles peuvent atteindre jusqu'à 1,50 m de longueur. En Martinique on utilise les feuilles séchées du bakoua mâle et du bakoua femelle, pour des travaux de vannerie. Le chapeau traditionnel fait en feuilles de bakoua s’appelle bakwa en créole. On peut faire des nattes tressées que l’on va coudre et avec lesquelles on va fabriquer des paniers, des sacs, des ceintures et mêmes des boucles d’oreilles. D'autres réalisations moins connues sont possibles avec le fruit de cet arbre. Il est servi comme légume, on peut en faire de la farine, aussi de très bonnes confitures, ou encore l’utiliser en pâtisserie, mais selon Jean-Louis Marie-Rose, nous n’avons pas chez nous l’arbre dont les fruits et les feuilles peuvent servir à la fabrication de la teinture vert pâle et vert jaunâtre ni le parfum. Une fois le tronc coupé et séché ce végétal qui devient mou pouvait autrefois servir de matelas en paillasse ou des pans de cloison.

Le fruit est une espèce de porte graines puisqu’il est composé d’une multitude de graines qui enveloppent la chair. Elles sont posées sur le trognon que l’on mange. Les graines qui sont tout autour ne sont pas comestibles cependant leur fermentation dans de l’eau peut donner du cidre légèrement aigre ou aussi du vinaigre.

On extrait du trognon qui supporte les graines, une chair qui comme un légume peut se consommer crue ou cuite et dont on peut aussi en extraire une farine avec laquelle on confectionnera des beignets, des gâteaux, des gratins, du pain, etc.

La racine du bakoua combat la fièvre et le paludisme...

Les souvenirs d’un artisan-chapelier. Jean-Louis Marie-Rose, artisan-chapelier autodidacte qui habite la commune du Lamentin au quartier Morne Pitault transmet son « savoir-faire » acquis auprès de ses oncles qui étaient eux-mêmes chapeliers. Il précise que son aptitude il la doit surtout au fruit de sa propre expérience, car ses oncles qui agissaient lui ont appris son métier sans le lui expliquer. Il nous explique combien, depuis plus d’une vingtaine d’années, l’arbre nommé bakoua, et les feuilles du même nom font pratiquement partie de manière intrinsèque de sa personne. Jean-Louis Marie-Rose, qui est aussi artiste-peintre à ses heures, et encadrant social, nous révèle que dans sa plus tendre enfance, dès l’âge de 12 ans, la technique du bakoua l’intéresse. Il aimait déjà reproduire à l’identique, le tressage que son père et ses oncles réalisaient. Après leur journée de travail, ces hommes faisaient des chapeaux qu’ils troquaient ou vendaient pour améliorer leur quotidien, allant du chapeau conique du pêcheur pour le protéger du soleil, à celui à bord plus ample de l’agriculteur dans son jardin, sans oublier ceux à bords larges et aux tresses très élaborées, portés par les femmes. Plus tard, la mode des chapeaux importés, tels que les panamas, les casques coloniaux, les chapeaux en feutre, les melons ou autres galurins et bérets sont venus détrôner chez certains les chapeaux bakoua comme avec un relent de dénigrement. Mais l’indispensable bakoua semble vissé sur la tête des politiciens, ainsi que de certains bourgeois, tout cela semble-t-il dans l’objectif inavoué, évidemment de faire peuple, car ce chapeau est tout de même resté très populaire.

Le travail du bakoua. Selon notre chapelier, il faut chercher l’arbre, ramasser les feuilles bien mûres pour empêcher qu’elles ne soient piquées par les mites. Les reconnaître comme objet « transformable » pour éviter alors qu’elles ne s’effritent. Les faire sécher, enlever les épines qui se trouvent tout le long des feuilles, assouplir ensuite ces dernières avec un couteau, les traiter, les laisser se reposer puis les découper en lamelle pour faire les brins que l’on va tresser avant de les monter en chapeau. Il existe plusieurs types de tressage selon le nombre de brins que l’on aura pris. L’homme prend en considération l’équilibre du chapeau, sa forme, sa transformation, sa couture… L’originalité de Jean-Louis Marie-Rose c’est qu’il a fait évoluer la tradition. Il produit sur mesure des pièces uniques. Il a une sensation tactile très fine et experte et sait ressentir la qualité, la souplesse de la feuille. Cette sensation est même reconnue les yeux fermés, dit-il. Il explique aussi que les feuilles de l’arbre femelle, se travaillent plus facilement en tressage.

Chapeau monsieur Marie-Rose ! Une activité gigantesque de répétition d’un même geste est entreprise de l’aube à la nuit tardive, ce qui nécessite assurément une patience extrême et de tous les instants. Le chapeau bakoua d’aujourd’hui bénéficie d’un savoir-faire au service de la modernité et Jean-Louis Marie-Rose a su faire de lui un chapeau qui attire un nouveau modèle de client : ceux qui apprécient les chapeaux de luxe, mais l’homme désabusé ne veut plus rien entendre. Il cède la place et va faire un musée pour montrer les merveilles que l’on peut obtenir avec une simple feuille de bakoua.

Aujourd’hui sans rejeter la tradition, le chapeau bakoua renaît autrement aussi sous des formes variées. La pratique d’un savoir-faire ancestral exerce encore son pouvoir sur ce matériau et continue de mettre en valeur un patrimoine qu’il nous faut maintenir vivant.