DANMYE © Pierre Sotier.jpg
DSC_4893.jpg
DSC_4893.jpg
DSC_5735 Le Bèlè.jpg

Mythologie du ladja

Dans ses chants, le ladja fête souvent ses propres héros : les combattants célèbres. Des hommes (et parfois des femmes) dont la grande histoire ne retiendra pas les noms ni les exploits, mais dont les chants construisent la mythologie du ladja, si l’on peut dire. On peut penser ici à l’Iliade, où Homère dans ses chants immortalisera les combats d’Achille, d’Hector, d’Ajax, Patrocle, etc. De même, la chanson du ladja fait connaître les exploits des grands maîtres de ce jes djérié (art martial) martiniquais : Mémé Makésa, Ira Belgad, Davila, Andréya, Henri Papillon, Léona-Planè, André (de) La Palmène, Lagraviè-Bay-Sab, et tant d’autres… Sans oublier les hauts lieux de la discipline, cadres de leurs exploits : le Pont Abel (à l’entrée de la ville du François, aujourd’hui comblé), l’Habitation Peter-Maillet et le quartier La Palmène, tous deux situés au Saint-Esprit, La Poterie, la Ravine-Pavée (aux Trois-Ilets), le Calebassier (au Lamentin), l’Anse-à-l’Âne (aux Trois-Ilets), etc.

On peut noter que ces héros, outre les bains démaré protecteurs, savaient chercher aussi la protection de « dieux locaux ». En effet, s’il n’y a pas eu, à proprement parler, de vaudou à la Martinique, on a pu y trouver l’évocation de divinités locales qu’on peut rapprocher des lwa (dieux de la religion vaudou en Haïti). Certains combattants du ladja demandaient dans leurs oraisons (prières) la protection de saint Bismarck, saint Bènwa, saint Bwazar. Si les deux derniers demeurent assez énigmatiques, on peut avancer l’hypothèse que saint Bismarck serait lié à l’Insurrection du Sud de 1870 : les Insurgés voyaient dans les Prussiens, vainqueurs des Français, des héros et des alliés, certains les imaginant même Noirs (témoignage de Menche de Loisne, gouverneur de l’époque). En dehors du ladja, on connut en Martinique saint Expédit, en vogue aussi à la Réunion, ou encore saint Boulvess (tous deux invoqués pour expédier en enfer ou rendre malades nos ennemis, si l’on se fie à leurs noms).

Le ladja, tradition guerrière de combat

Dans la tradition des jes djérié (tradition de combat ou tradition guerrière), on distingue le danmié, le wolo et le konba-baton. D’entrée de jeu, nous parlerons d’abord de l’art du danmié puis nous aborderons ensuite celui des autres luttes que sont le wolo et le konba-baton avec Georges Dru, pratiquant bien connu dans le monde des danses et luttes traditionnelles :

Le danmié, appelé encore, ladja, wonpwen, kokoyé, est de loin le plus populaire et le plus réorganisé aujourd’hui. C’est un art qui met à profit toutes les armes du corps pour le combat. Coups avec les membres supérieurs, les membres inférieurs, la lutte, les capacités psychiques et spirituelles, « Tout kò’w sé konba », tout le corps est au combat, autorisant ainsi la confrontation entre deux combattants de poids, de tailles, de corpulences, de styles différents. Il s’organise avec la musique et la danse comme éléments intégrants. Le mouvement et le déplacement se font en cadence avec la musique. Les actions d’attaque, de défense de ruse sont en étroite liaison avec la musique. Il utilise, de manière systématique et généralisée le « ou wè’y ou pa wè’y » (ruse, camouflage de l’intention). Il développe un rituel particulier qui permet de mobiliser toutes les ressources physiques, psychiques, spirituelles du combattant, d’intégrer ses connaissances de son environnement et d’entrer en relation avec l’Énergie.

Le wolo, pratique la plus connue de combat dans l’eau. C’est une manière de se battre qui se fait aussi hors de l’eau, dans le sable et également à terre. C’est également un aspect du combat ladja/danmié car il y a certaines techniques de wolo que le danmié a intégrées. Les coups sont portés avec les pieds et avec d’autres parties du corps. Tout le corps est une arme de combat excepté les bras, qui servent de défense, de parade pour contrer un coup, et servent aussi d’appui à la surface de l’eau ou au fond de l’eau.

Le konba baton, appelé encore bat baton, bat bwa-a, jankoulib, koujanlib, jankouloubé, ladja baton. Il se pratique avec ou sans musique. Il s’agit d’une des premières formes de combat amenées partout où se sont trouvées des personnes mises en esclavage. Deux personnes dans un cercle se battent avec une arme, le bâton. Le port du bâton par l’esclavagisé a été considéré comme une arme et a été interdit par le Code noir pendant l’esclavage dans son article 15 : « Défendons aux esclaves de porter aucunes armes offensives ni de gros bâtons à peine de fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis à l’exception de ceux qui sont envoyé à la chasse par leurs maîtres ... ». Jusqu’à l’entre-deux-guerres, le konba baton est une pratique populaire.

Le bèlè

Les danses traditionnelles se transmettent dans les familles. Il faut en effet perpétuer ce savoir-faire que l’actualité se doit de préserver pour la postérité. Aussi, dans cette perspective, des associations se sont mobilisées à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Parmi elles, depuis 1986, l’association Mi Mes Manmay Matnik (AM4) s’est mise au service de la préservation et la transmission du Danmié-kalennda-bèlè.

On peut danser et l’on peut chanter le bèlè, car le bèlè c’est les deux à la fois. On peut aussi danser et chanter les kalennda. Cependant, pour les bien nantis, le bèlè, qu’au plus fort de l’assimilation, des précieux traduisaient par le mot bel-air, pas plus que la kalennda, n’ont eu l’honneur de la cour des grands. Décriée, longtemps déconsidérée souvent comme affaire de nègres, affaire de sauvages, cette danse bèlè fut circonscrite à l’usage et au contentement des travailleurs de canne qui, le samedi jour de paie, pouvaient s’offrir le luxe, devant leurs cases ou ailleurs, de faire le voyage intérieur, danser et chanter la tradition sur l’habitation ou dans des kay bèlè. Toute la semaine, comme ils l’ont toujours fait, ils se sont échinés sur cette canne-objet qui va donner le sucre, qui va donner le rhum, ce depuis des générations et générations de déportés amarrés à la tâche dès la naissance. Et les contes fusaient, et le tambour frappait dans la nuit qui n’en pouvait mais, il houklait (hurlait). La Martinique des mornes et des contes : voilà l’authentique pays dans lequel le bèlè se joue partout. Le bèlè, implanté jusqu’à la fin des années 1960, dans les régions de Sainte-Marie, de Basse-Pointe, du Sud (Les Anses-d’Arlet, Les Trois-Ilets, Le Diamant) est vivant aujourd’hui (notamment dans sa forme samaritaine) sur tout le territoire martiniquais. Il s’affirme (ainsi que les musiques et danses qui lui sont associées) comme un repère essentiel de l’identité martiniquaise. Trois foyers principaux sont bien connus. Celui de Sainte-Marie, avec un rayonnement sur les communes avoisinantes : Le Marigot, Le Lorrain, Le Gros-Morne. Ici, quatre rythmes : le bèlè proprement dit ou bidjin bèlè, le gran bèlè, le béliya, le bèlè twa pa, appelé encore marin bèlè, bouwo ou mazouka bèlè. Dans cette région, le bèlè se danse à huit et en formation quadrille (deux carrés emboités).

Le foyer de Basse-Pointe avec le bèlè, la bidjin bèlè, le gran bèlè, le béliya. Dans cette région le bèlè se danse plutôt en ligne, mais on connaît également la forme quadrille et le cercle/rond (bidjin).

L’autre foyer est celui du sud-Caraïbe (Les Anses d’Arlet et Les Trois-Ilets principalement mais aussi Le Diamant). Ici, deux rythmes : le bèlè proprement dit et le gran bèlè. On danse à huit, mais on peut danser à deux, à quatre, à six, à dix ou douze. On danse en couple, dans une formation en cercle ou en ligne ; et le gran bèlè, dans certaines circonstances, se danse en dispersion. Ici, pas de formation en quadrille.

Le bèlè, dans l’état actuel des recherches, ne semblent pas avoir existé dans toute la Martinique. Néanmoins pratiqué de Sainte-Marie, Basse-Pointe, Le Saint-Esprit, en passant par Les Trois-Ilets, Les Anses d’Arlet et Le Diamant, ces trois dernières villes étant réputées pour leur bèlè reconnaissable aux différents tambours. Il y a trois tambours, le tanbou-labas pour le rythme de base, le tanbou gwokou qui marque les évolutions du danseur et il y avait le tambour d’aisselles pour l’accompagnement (c’était un petit tambour que l’on plaçait sous les bras) aujourd’hui disparu, il est remplacé le plus souvent par un deuxième tanbou-labas.

On reconnaît le bèlè en mode lisid, dit bèlè-li-sid à son rythme plus ou moins lent, lancinant, il est le plus souvent chanté par des femmes. Le chant est nostalgique et évoque dans ses paroles des drames, qui ont construit l’histoire du pays et notamment « l’Insurrection du Sud ».

Un extrait de Bèlè li Sid de G.-H. Léotin traduit du créole et paru aux Éditions Dézafi nous décrit ces moments intenses :

« Un proverbe créole affirme que « le sang est plus épais que l’eau, que l’héritage des ancêtres ne se dilue pas dans l’océan ». Une parole dit aussi qu’une chose peut être en nous présente sans qu’on en ait toujours conscience (là sans là) dit le créole : eh bien nous portions dans nos corps, sur nos faces, la terre d’Afrique en nous : dans notre démarche, nos fières allures, notre port altier, notre façon de nous tenir debout, comme ces femmes bien droites avec un panier posé sur une torche, ce linge roulé qu’elles se mettent au-dessus de leurs têtes pour porter un fardeau, pareil à une couronne, ce qui fait dire à un poète qu’elles méritent toutes le titre de princesse. L’Afrique, c’est une façon de virevolter dans la danse du bèlè, de battre le tambour dans le combat du ladja et bien d’autres coutumes et habitudes. »

Les kalennda

Mis à part les danses bèlè, il existe d’autres danses, dont la kalennda. Le père Labat la trouvait lascive et « déshonnête ». Il y a plusieurs danses qui portent encore le nom de kalennda. D’autres, pouvant être identifiées comme telles, n’en portent plus le nom.

Les kalennda proprement dites. Une qui se danse en individuel, appelée couramment Tikanno, a été principalement propagée par les Samaritains. On la distingue d’une autre, que l’on retrouve aujourd’hui principalement dans le Sud-Caraïbe, qui se danse par couples et en nombre illimité, et qui se différencie par l’empreinte très forte des gestes mayaka et chapé. Une autre kalennda a été pratiquée dans la région de Basse-Pointe ; sa connaissance reste à approfondir.

Dans les mornes du Nord-Caraïbe, il faut signaler « Lariviè léza » C’est une figure de kalennda exécutée à l’aide de bâtons. Lafcadio Hearn, de passage en Martinique à la fin du XIXe siècle, la décrit dans Esquisses martiniquaises. Elle est décrite par les témoins à la fois comme une pratique de malaxage de la boue qu’on projetait sur les maisons en bois tibonm en guise de mortier (« Téraj kay »), et à la fois comme une danse exécutée par les hommes à l’aide de bâtons (appelée autrefois « kalennda »).

Parmi toutes ces danses citées, les kalennda, tout comme le danmié, semblent avoir existé dans toutes les régions de la Martinique, sous des formes et des appellations diverses.

D’autres danses, évoquant les kalennda, n’en portent plus le nom : mabélo, béséba, wolo, dansé djab wouj. Sans oublier les autres danses, celles qui ont été, plus fortement marquées par l’influence des colonisateurs européens, et qui participent également de la tradition martiniquaise : bidjin, mazouka, vals kréyol, lawottay, etc.

Et puis, il y a les mes travay. Il s’agit principalement de pratiques liées au travail de la terre, et aussi à la construction de maisons traditionnelles. Liés aux koudmen, à la réorganisation du travail par les Nègres marrons et par les nouveaux libres d’après 1848 selon le principe de solidarité, ils prennent des formes et des noms divers selon les régions : lafouytè, plasman, rédi bwa, ralé chodiè dans le nord-atlantique, fouyétè, leskap, madjoumbé dans le Sud-Caraïbe, lasotè/britè/gaoulé/bouwajtè, téraj kay, lariviè léza, dansé kako, dansé mòtié dans le Nord-Caraïbe.

Notons aussi une pratique de travail, lavwa bef, mais qui ne relève pas du koudmen entre petits paysans, mais du travay ba bétjé : le travail pour l’exploitant.

La haute-taille ou taille-haute

Parmi les danses traditionnelles on peut nommer le bèlè, la kalennda, la mazurka, la biguine, la haute et la basse taille nommées aléliwon en créole, le zouk étant beaucoup plus récent.

Qu’appelle-t-on la haute-taille ? C’est un quadrille d’origine européenne, une danse de bal et de salon en vogue au XVIIe siècle. Selon les archives des Quadrilles Antillais, « il est directement issu de la contredanse française telle qu’elle était dansée au XVIIIe siècle, c’est une danse à figures, dansée en couples placés en deux colonnes ou en carré quatre couples disposés sur les côtés d'un carré dansent à deux, à quatre ou à huit, selon que la figure le commande. Classiquement, la danse se déroule en alternant neuf « entrées » ou « syncopes » (couplets) avec un « refrain » (figure spécifique à chaque contredanse). Les neuf entrées sont, dans l'ordre : le rondla mainles deux mainsle moulinet des damesle moulinet des hommesle rond des damesle rond des hommesl'allemande et, à nouveau, le rond pour terminer ».

La contredanse française se danse « en carré ».

Marie-Frantz Tinot, ancienne responsable culturelle municipale de la ville du François, précise que « La haute-taille ou taille-haute à la Martinique est nommée quadrille à la Guadeloupe. Ce sont des danses de salon ancrées dans nos patrimoines respectifs.

Nous avons un mélange de quadrille écossais et de quadrille français du Second Empire, mêlant pas de danse et mise en scène dans une chorégraphie minutieusement étudiée et aux gestes appliqués avec délicatesse. Un commandeur mène le rythme au son de ses paroles et du tambour.

La ville du François regroupe sur son territoire quatre principaux quartiers historiques où cette pratique s’est construite après 1848 et s’est perpétuée de générations en générations jusqu’à nos jours. Il s’agit des quartiers Perriolat, Morne Pitault, Bonny-Chopotte, Bois-Soldat reconnus comme les bastions de la haute-taille.

C’est le travail des groupes de quartier et celui des associations martiniquaises, qui ont permis de conserver intact ce pan du patrimoine martiniquais ».

« On distingue : le pantalon (huit mesures), l'été (vingt-quatre mesures), la poule (trente-deux mesures), la pastourelle (cinquante-six ou soixante-quatre mesures).

Les contredanses sont d'origine anglaise mais certains historiens leur prêtent une origine française antérieure » (doc. archives des Quadrilles Antillais). La contredanse dite Haute-taille à la Martinique fut adoptée par les colons des milieux bourgeois, puis par le milieu rural, ensuite par les esclaves qui, le soir, allaient écouter et regarder danser les maîtres qui « obéissaient au donneur d’ordres » qu’était le commandeur ordonnancier.

« Man pa ka dansé wottay pou moun pa koumandé mwen » ("Je ne danse pas la haute-taille pour ne pas avoir à subir d’ordre") répètent certains récalcitrants.

Figures de la haute-taille. À la Martinique, les figures de la haute-taille sont les suivantes : première figure, en avant avec chaîne ; deuxième figure, en avant sans chaîne ; troisième figure, demi ronde ; quatrième figure, l’été. La chaîne est un mouvement de danse d’où l’on part d’une place de départ vers une place d’arrivée. Le croisé les huit : il y a quatre couples, chaque couple fait un croisé, le croisé est un mouvement exécuté entre un cavalier et une dame.

Selon David Khatile, anthropologue spécialiste de la danse, musique, langue créole, on trouve dans la haute-taille les figures suivantes :

Le rond (ou grand rond) : les huit danseurs se tiennent les mains et le cercle tourne pour former huit mesures dans le sens des aiguilles d'une montre (en chassés latéraux, assembler au dernier temps) et « détourne » huit mesures dans le sens contraire.

L'allemande : les partenaires étant côte à côte, épaules droites en contact, ils se donnent les mains, bras croisés derrière le dos (l'homme, bras gauche derrière le dos, prend la main droite de la dame ; la dame fait l'inverse). Ils tournent ainsi un demi-tour dans le sens des aiguilles d'une montre en deux mesures.

Le rond : reprise de la première entrée.

En avant et en arrière ou avancer et reculer : le danseur exécute un pas en avant (deux mesures) et un en arrière (deux mesures).

L'allemande aux quatre coins.

Chasser et déchasser (ou chasser dessus et dessous) : les partenaires, étant côte à côte au départ, changent de place latéralement en deux mesures (en pas chassés). La dame chasse à gauche, devant l'homme qui chasse à droite. Les deux mesures suivantes ramènent les partenaires aux places d'origine, l'homme passant cette fois devant la dame. On ajoute souvent un pas de rigaudon à la fin de chaque déplacement.

Chasser en long et chasser de côté : les partenaires des couples impairs se font dos et chassent avec le contre-partenaire, puis reviennent à leurs places d'origine. Les couples pairs exécutent ensuite la même figure entre eux.

La queue du chat : elle est exécutée par les couples en vis-à-vis qui se tiennent par la main. Les deux couples se contournent dans le sens contre la montre, jusqu'à se retrouver aux places opposées. La figure occupe huit mesures et se danse en pas de gavotte (danse à deux temps) ou en demi-contretemps. Elle se termine par un rigaudon ou rigodon (danse à deux temps, aux mouvements vifs, indique aussi l’air sur lequel on l'exécutait). Les deux autres couples font de même. Après une reprise de tout, chaque couple se retrouvera à sa place d'origine.

Les instruments. René Agot, lui-même accordéoniste expérimenté, précise que « l’on y joue divers instruments, comme l’accordéon, le chacha qui rappelle le maracas, le tambour ou parfois le siyak. Le siyak est le nom créole d’un instrument à percussion constitué d’un racloir. Il s'apparente au güiro fréquent à Cuba et Porto Rico ». Cet instrument très répandu dans les musiques afro-caribéennes est peut-être originaire de la culture bantoue de la République démocratique du Congo, cependant certains historiens ont noté la présence d'instruments similaires dans la musique des peuples autochtones, les Kalinagos, avant leur disparition.

Les éditions du festival du François. Le festival a permis de maintenir la pratique de la haute-taille en Martinique et par extension de découvrir les autres formes de quadrilles répandues à travers le monde. Il se passe au François, commence en 2003 et a lieu tous les deux ans.

Beaucoup de pays et pas des moindres ont été invités aux différentes éditions. La ville du François a voulu, à travers le festival international de haute-taille et des quadrilles du monde, montrer sa reconnaissance envers tous les Martiniquais qui ont contribué à élaborer, pratiquer et transmettre ce patrimoine. Elle encourage ainsi la vitalité d’une pratique culturelle, reflet de la noblesse de la tradition revendiquée, assumée.

Il est important de souligner qu’à chaque édition du festival, un colloque avec le concours d’anthropologues et ethnomusicologues abordait les aspects de l’histoire du genre contredanse, quadrille, apportant des éclairages et réflexions sur la nécessité de la sauvegarde et les modalités de transmission de cette culture.

C’est ainsi qu’un grand nombre de Martiniquais s’est réapproprié ce rythme. Et que plus d’une vingtaine d’associations pratiquant la danse et la musique ont vu le jour sur le territoire, alors qu’il n’y en avait que deux quand le festival fut lancé en 2003. Aujourd’hui, les groupes de haute-taille font le tour de l’île pour donner des spectacles, sans oublier les bals de haute-taille qui refleurissent.

La pratique de la haute-taille et des quadrilles du monde correspond à une forme d’affirmation de la spécificité culturelle de notre société. Après l’abolition de l’esclavage, on a vu apparaître de nouvelles formes d’organisations sociales.

La pratique de la haute-taille témoigne d’un aspect de la vie commune sur l’habitation en situation servile, traduit la volonté d’esclaves de ne pas perdre davantage leur âme, car ils utilisent un élément culturel importé en le transformant progressivement à la lumière des racines profondes jamais reniées. Les Noirs esclaves vont positionner les nouvelles contredanses, quadrilles créoles comme vecteurs de leur propre construction identitaire.

L’écrivain Roger Parsemain, originaire du François, cite aussi la ville de Rivière-Pilote et précisément le quartier Saint-Vincent, où la pratique de la haute-taille a été elle aussi très animée.

Dans la Caraïbe, le quadrille comprend des apports d’origine européenne et africaine.