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Vendredi saint et ses accras

Le Vendredi saint, jour du chemin de croix effectué par les pratiquants, est aussi jour de jeûne réservé aux accras. Ce sont des petits beignets salés de légumes faits spécialement pour l’occasion. Ces légumes spécifiques sont apparentés au taro (dachin en créole, dasheen en anglais), ce sont ce que nous appelons des choux caraïbes cultivés dans nos régions pour leurs tubercules souterrains qui poussent sur un rhizome et qui sont comestibles. Les puristes qui respectent le jeûne de manière drastique mangent les accras naturels, avec les légumes seulement, les autres y ajoutent des écrevisses, de la pâte à crabe sans s’en priver, dur-dur de parler de jeûne.

Le Samedi Gloria

Le lendemain, jour du Samedi Gloria, c’est la résurrection des cloches, moment où de nombreuses personnes se baignent comme pour se purifier. Des soirées de danse traditionnelle locale, le bèlè et le ladja, sont prévues dans l’île.

Le lundi de Pâques, de Pentecôte et leurs crabes

Après un mois de jeûne supposé, l’on mange du matoutou crabes à la plage comme on le fera aussi le lundi de Pentecôte. Toute la population, même celle qui n’est pas de confession catholique, célèbre en effet le lundi de Pâques à la plage ou à la rivière (au Saut du Gendarme à Ajoupa-Bouillon par exemple), mais depuis les pollutions dues à la chlordécone, cet insecticide organochloré polluant les sols de manière durable, cette molécule qui a provoqué un scandale sanitaire dans nos régions, l’habitude a hélas régressé pour les rivières.

Le 22 mai 1848 et l’abolition de l’esclavage

Suite aux journées révolutionnaires de février 1848 qui ont permis de renverser la Monarchie de Juillet, le gouvernement provisoire élabore des décrets abolissant l’esclavage dans toutes les colonies françaises. Ces décrets, qui ont été signé le 27 avril 1848, prévoyaient l’abolition dans un délai de deux mois après leur promulgation, ils ne parviendront à la Martinique que le 4 juin 1848. Compte tenu des distances, ils auront mis du temps avant de parvenir aux colonies et pouvoir s’appliquer.

Le peuple révolté en décida autrement, les rebelles se sont alors rassemblés, autour de l’esclave nommé Romain plus exactement sur l’habitation Sainte-Philomène au Prêcheur, pour réclamer l’abolition de l’esclavage à la Martinique.

Des conférences, des marches commémoratives, des soirées de bèlè (danse traditionnelle), ouvertes à tous sont organisées partout, depuis. Cette journée particulière permet d’honorer l’histoire de la Martinique.

De nos jours chaque année à la même date, c’est l’île tout entière qui commémore ce jour, qui revêt une importance de premier ordre. Cela n’a pourtant pas été toujours le cas car ce n’est que sous la mandature du président Mitterrand qui a instauré en 1983, le 22 mai comme jour chômé férié, que nous sommes invités à nous imprégner de ce moment essentiel de notre histoire.

Le journal L’Humanité rapporte que « c’est Gabriel Henry, professeur d’anglais, qui a été la première personnalité martiniquaise à mettre en lumière la portée du 22 mai 1848, date à laquelle les esclaves ont conquis eux-mêmes leur liberté. Le décret du 27 avril n’était alors pas connu des 60 000 esclaves qui se soulevèrent en Martinique le 22 mai 1848 ». Armand Nicolas a fait ses recherches à partir des indications de Gabriel Henry. Le professeur va réveiller cette date du fond des archives ce qui va changer les habitudes. Des militants vont alors demander que ce jour du 22 mai devienne l’occasion d’honorer dignement l’événement le plus important de l’histoire des Martiniquais et réclamer désormais que cette date soit fériée et chômée.

Les statues. La journée du 22 mai 2020 a été spécialement marquée par la destruction de deux statues de Victor Schoelcher, une qui se trouvait au centre-ville de Fort-de-France, l’autre dans la commune de Schoelcher. Celui-ci avait signé les décrets abolissant l’esclavage et la traite négrière dans les colonies. On lui reproche sa participation à la demande d’indemnisation scandaleuse qui a été accordée à partir de 1849 aux propriétaires d’esclaves, les békés. Ce même jour a aussi été détruite, sur la Savane, la statue de Joséphine, l’épouse de Napoléon Ier. On reproche à ce dernier d’avoir, par la loi du 20 mai 1802, réintroduit l’esclavage dont l’abolition avait été votée par la Convention en février 1794. Dans le même mouvement, la statue de Pierre Belain d’Esnambuc, un colon français né le 9 mars 1585 à Allouville et mort en 1636 à Saint-Christophe, dans les Antilles, a été démolie comme symbole représentatif du colonisateur.

Dans le Nord. Ce jour du 22 mai est l’occasion de faire résonner partout, et notamment sur l’habitation Sainte-Philomène au Prêcheur où une stèle a été érigée, les tambours bèlè, les tibwa, les conques de lambi et aussi l’occasion de participer au « Lasotè », ce symbole de solidarité, d’union, et d’entente. Des hommes armés de houes commencent à retourner ensemble la terre, au rythme des tambours et des conques de lambi qui les accompagnent : le Lasotè, c’est tout l’art de transformer un travail en plaisir en ce jour de commémoration.