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La musique traditionnelle

Au même titre que chez sa cousine guadeloupéenne, le carnaval est en Martinique un des emblèmes de l’île. Durant cinq jours de frénésie défilent costumes splendides, musiques, fanfares et tambours au sein de ce qui est la plus grande fête de l’année. Le grand Vaval – gigantesque statue de plusieurs mètres représentant un thème d’actualité –, porté aux nues par la foule, ouvre les festivités puis les ferme avec son enterrement le dernier jour du carnaval (le mercredi des Cendres). Entre les deux, chacun donne libre cours à son imagination et fait la fête parmi les « vidés », ces splendides cortèges et chars carnavalesques que la population suit avec ardeur en se déhanchant.

Autre tradition musicale incontournable de Martinique : le bèlè. Mêlant chant, musique, danse et conte, le bèlè (ou « bel air  ») s’organise autour d’un chanteur qui mène l’ensemble d’une voix imposante tandis que dialoguent les danseurs et le tambouyé (joueur de tambour). Le terme « bèlè » désigne d’ailleurs également l’instrument principal, le tambour bèlè, membranophone conique recouvert d’une peau de cabri ou de mouton qui se joue en frappant et frottant les mains et les doigts. Si son origine est sujette à débat, on estime que cette musique serait née durant la période esclavagiste, d’une transplantation des traditions musicales africaines et d’influences européennes. Pour se faire une idée plus précise, les albums de grands maîtres du genre comme Ti Émile ou Edmond Mondésir (dans les années 1980) sont d’excellents points de départ.

Découlant du cœur rythmique du bèlè, on trouve aussi le chouval bwa, une musique qui accompagnait les manèges de chevaux de bois traditionnels. Si le genre semble un peu plus marginal, il a connu quelques vraies stars comme Dédé Saint-Prix ou Claude Germany.

Et bien entendu, impossible d’aborder la musique traditionnelle en Martinique sans évoquer la biguine. Forme musicale parmi les plus populaires de l’île, la biguine prend forme à la fin du XIXe siècle, peu après l’abolition de l’esclavage, en se constituant (elle aussi) à partir de bèlè et d’influences européennes comme la polka, avant de s’enrichir de jazz dans les années 1970. A l’origine, la biguine était jouée par un orchestre regroupant une flûte, un violon, une clarinette, une guitare, un banjo, un saxophone, une trompette et une batterie, mais les formations sont devenues plus fluides et variables avec le temps. Bien que très protéiforme et touche-à-tout, Malavoi, le groupe iconique de Martinique, a joué de la très belle biguine. Eugène Delouche, superbe clarinettiste des années 1930 (hélas tombé dans l’oubli), ou Alexandre Stellio, vrai dynamiteur de la biguine, furent deux grands acteurs de ce swing des Caraïbes.

Côté concerts, les événements organisés par la Maison du bèlè à Sainte-Marie sont de très bonnes occasions d’en entendre, l’endroit s’étant fixé pour mission la préservation et la transmission du genre. Autrement, on peut écouter de la bonne biguine le dimanche chez Tante Arlette, restaurant de Grand-Rivière ou au Biguine Jazz Festival, rendez-vous annuel qui égrène sa bonne programmation sur toute l’île. Sinon, le Festival Culturel de la ville de Fort-De-France, organisé chaque année dans les premières semaines de juillet, ouvre une fenêtre intéressante sur les traditions musicales de Martinique.

Musique populaire

Lorsque l’on pense « musique martiniquaise », on pense forcément au zouk. Indissociable des Antilles françaises - dont il est un pilier de l’identité -, le zouk apparaît dans les années 1980, descendant de la kadans (méringue haïtienne populaire dans les Antilles françaises durant les années 1970) et de la cadence-lypso (kadans de la Dominique) tout en conviant de nombreux éléments locaux comme la biguine.

Si le genre est on ne peut plus populaire en Martinique, c’est une icône guadeloupéenne qui va le populariser en France et dans le monde : Kassav. Tout commence en 1979, quand Pierre-Edouard Décimus, membre de l’orchestre phare de kadans Les Vikings de la Guadeloupe, décide avec Freddy Marshall, autre musicien antillais, de renouveler et de moderniser la musique qu’ils ont toujours jouée. Jacob Desvarieux (disparu en juillet 2021) les rejoint alors et le groupe prend forme. Via son premier album, Love and Ka dance, ce tout jeune groupe nommé Kassav donne naissance à un nouveau genre musical : le zouk. Avec le second album, Lagué mwen, entre en piste Jocelyne Beroard, martiniquaise de naissance. Le groupe s’agrandit alors et Kassav est couronné de succès dans le monde entier : Paris, Cap-Vert, New York... Sous l’impulsion du groupe, le zouk s’exporte et devient vite un carton mondial.

Depuis sa naissance, le genre n’a cessé d’évoluer en incorporant de nouveaux courants. Fin des années 1990, le rythme se simplifie et les paroles tournent au mièvre avec la vague « zouk love » puis au début des années 2000 le zouk se teinte de hip-hop ou de R’n’B et des artistes comme la Martiniquaise Perle Lama connaissent le succès en chantant en français (et non plus en créole).

Bien que beaucoup moins joués aujourd’hui, le compas (Kompa) et la kadans, deux formes distinctes de méringue haïtienne, ont toujours le vent en poupe en Martinique. Les vétérans de La Perfecta, actifs dès les années 1970, en sont un parfait exemple.

L’île regorge d’endroits où écouter du zouk. À Fort-de-France, ce grand complexe qu’est l’Atrium en programme régulièrement. On en entend aussi beaucoup à la Nouvelle Savane, en plein air, autour des petits kiosques ou encore les soirs de concerts au café le Babaorum.

Les musiques actuelles

Amoureuse de musique et attentive à ce que l’ensemble des Caraïbes produit, la Martinique a accueilli à bras grands ouverts le ragga. Produit purement jamaïcain, le ragga (ou dancehall) a vite trouvé ses marques en Martinique et de nombreux artistes locaux font et ont fait date : Kalash, qui a collaboré avec le rappeur Booba, Matinda, le pionnier, Paille reconnaissable à son chapeau (de paille...) ou encore X-MAN un temps considéré comme un des meilleurs de sa génération.

Si les concerts ragga se déroulent majoritairement à l’Atrium, de très bonnes soirées avec DJ peuvent avoir lieu dans des clubs comme le Cosmopolite de Rivière-Salée ou (plus chic) le Kinky Mango du Lamentin. Autrement, poser quelques questions au marché rasta de Saint-Pierre permettra de connaître les meilleurs tuyaux et d’acheter quelques bons albums.

Danse

Autre pan de culture largement connu et développé de l’île : la danse. Entre zouk, bèlè, biguine, kalenda, mazurka, les possibilités d’expression physique ne manquent pas et l’île propose aussi à voir quelques formes singulières et typiques. Parmi elles, la mazouk (ou mazurka créole), danse où le cavalier enlace sa partenaire au plus près du corps, est l'une des plus sensuelles. Le ladja, quant à lui, frappe par sa proximité avec la capoeira brésilienne. Cette danse de combat accompagnée de tambour et chant, aussi appelée danmyé, fut interdite au moment de la départementalisation avant de connaître un regain dans les années 1980.