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Ekebergparken © designium - Shutterstock.com.jpg

Traditions ancestrales

Les premières manifestations artistiques norvégiennes sont réparties dans un fjord du Grand Nord. Regroupés sur cinq sites, les pétroglyphes d’Alta, classés au patrimoine mondiale de l’Unesco, illustrent les croyances et le quotidien des premiers peuplements. Des millénaires d’histoire à découvrir à l’Alta Museum.

Des siècles plus tard, les Vikings jettent l’une des bases de la culture norvégienne. La sculpture sur bois connaît sa première apogée durant le Haut Moyen Âge nordique, comme le montre la collection du musée des Navires vikings d’Oslo, actuellement fermé pour travaux. Les bas-reliefs ornent tous les objets, portails, chariots et navires. La tradition, longtemps perpétuée, évolue à partir du XIXe siècle vers le Dragestil, ou style dragon, architecture néo-viking qui intègre la culture préchrétienne à ces apports.

Culture sâme

La culture sâme découle des peuples autochtones, habitants des vastes espaces du Nord qui s’étendent jusqu’en Russie. Leur religion, fondée sur le chamanisme, est piétinée au XIIIe siècle par les missionnaires chrétiens. Toutefois, leurs croyances restent vivaces en Norvège. L’art décoratif ou duodji occupe une place majeure.

John A. Savio (1902-1938) est reconnu comme le premier artiste norvégien. Ses gravures sur bois, ou xylographes, illustrent le quotidien de son peuple : les rennes, la vie sauvage, la chasse et le ski. Quelques portraits également, au trait épuré fortement expressif. Savio explorait la Norvège en pratiquant le dessin et la peinture. À la même époque, Nils Nilsson Skum (1872-1951) traite par le dessin des thèmes similaires. Savio et Skum sont les premiers artistes à diffuser un regard autochtone sur leur culture.

Plus récemment, Iver Jåks (1932-2007) se situe à la croisée des traditions et du modernisme. Ses installations, ancrées dans le duodji, font entrer la culture norvégienne dans une nouvelle ère. Dès les années 1970, ses créations participent à l’affirmation identitaire des Samis au sein d’une société qui se redéfinit.

Aujourd’hui, les artistes sâmes sont accueillis dans les plus grandes manifestations nationales et internationales.  Ils bénéficient d’un centre d’art en Norvège : le musée Sámi Dáiddaguovddáš (ou Sami Center for Contemporary Art), à Karasjok. Parmi les musées et festivals qui leur sont dédiés : le Sami Museum du musée des Collections sâmes, à Karasjok, le Musée sami de Varanger et le musée des Traditions populaires (Norsk Folkemuseum), à Oslo. Le festival sami de Pâques Kautokeino réunit concerts et expositions pour le bonheur de toute la famille.

Vers le modernisme

Jusqu’au XIXe siècle, la peinture norvégienne est exclusivement religieuse, et reproduit les codes des écoles étrangères. Le premier courant local regroupe des paysagistes. Il est porté par Johan Christian Dahl et Johannes Flintoe. Knud Larsen Bergslien (1827-1908) se fait connaître pour ses portraits et ses scènes historiques.

Harriet Backer (1845-1932) se tourne très tôt vers l’étranger. Elle parfait sa formation à Berlin, puis en Italie avant de participer à l’Exposition universelle de Paris de 1889 où son travail est salué par une médaille d’argent. À Paris, elle côtoie le peintre Léon Bonnat qui la sensibilise à l’impressionnisme. Rentrée à Oslo en 1889, elle développe le style qui fera sa réputation. On peut admirer ses jeux de lumière et de couleurs dans la Pastorale, tableau de 1892 exposé à la Galerie nationale (Nasjonalgalleriet) d’Oslo.  Elle fonde dès 1890 une école d’art d’où sortiront la plupart des peintres importants des décennies à venir. Parmi ceux-ci, Martin Aagaard (1863-1913), également élève de Knud Bergslien, excelle dans la peinture maritime. Ses œuvres ont intégré les collections du Nordmøre Museum ainsi que des musées maritimes de Trondheim et Bergen. Autre élève d’Harriet Becker, Nikolai Astrup (1880-1928) complète son apprentissage à Paris. Astrup bénéficie d’une notoriété certaine au début du XXe siècle. Peintre et graveur du néoromantisme, il exécute des paysages  aux couleurs lumineuses, des scènes capturées dans la région de Jølster. Devenu enseignant, il guide la génération dite des « élèves d’Astrup » à Sandastrand, qui réunit entre autres Elias Eide, Johan Indrekvam, Toralv Flatjord, Malfinn Berquam. Cette période artistique est valorisée au musée d'Art (Lillehammer Kunstmuseum).

Le symbolisme de Munch

C’est dans ce contexte que le plus célèbre des artistes scandinaves met la peinture au service de ses émotions. Avec Edvard Munch (1863-1944), la vie et l’œuvre ne font plus qu’un. Personnage tourmenté poursuivi par la mort, il exalte ses angoisses à travers un style singulier. Munch grandit à Oslo au sein d’une famille aisée. Enfant, il perd sa mère puis sa sœur, et est recueilli par une tante qui l’encourage à dessiner. Munch fréquente l’École royale de dessin, puis l’atelier de plein air dirigé par Frits Thaulow. Il se lance ensuite dans un voyage à travers l’Europe. À Paris, il est frappé par les œuvres de Paul Gauguin et de Vincent Van Gogh. De retour à Oslo, il est en proie à des troubles psychologiques.

En 1893, il réalise Le Cri (tempéra sur carton, 91 x 73,5 cm) désormais visible à la Galerie nationale (Nasjonalgalleriet) d’Oslo. La légende raconte que ce personnage hurlant sous un ciel torturé lui serait apparu au cours d’une promenade. La silhouette, qui a quelque chose d’universel, évoque un hurlement enfoui en chacun de nous.

Peintre symboliste et précurseur de l’expressionnisme, Munch marque une rupture en délaissant l’aspect au profit de la psychologie, des états d’âmes et du ressenti. La mort, la mélancolie, l’angoisse qui le hantent appellent des formes picturales novatrices.  Il participe régulièrement à des expositions qui font scandale. Ce faisant, sa notoriété se renforce au-delà des frontières norvégiennes. Graphiste novateur, il explore d’autres techniques dont la photographie et le court-métrage. À la fin de sa vie, Munch s’essaie au paysage, alors qu’il souffre des troubles de la vision. Il exécute de nombreux autoportraits au cours de sa carrière. Dans l’un des derniers, Autoportrait, entre l’horloge et le lit, l’artiste se représente coincé entre le temps et le lit, entre la vieillesse et le repos éternel. Classé artiste dégénéré par l’envahisseur nazi, Munch lègue son œuvre à la ville d’Oslo avant de s’éteindre dans la solitude en 1944. Plusieurs œuvres majeures de Munch sont exposées au KODE -  Musées des arts de Bergen, l’un des plus grands musées scandinaves. Pour l’essentiel, les 28 000 œuvres de la collection de l’artiste sont rassemblées au Musée Munch (Munch Museet) d’Oslo, entièrement rénové par Juan Herrero et inauguré en octobre 2021. Dressé à plus de 60 mètres du sol, le bâtiment incliné transperce la ligne d’horizon  urbaine.

Signalons la série de tableaux réalisés par Andy Warhol autour du travail d’Edvard Munch, et exposée au Haugar Vestfold Kunstmuseum à Tønsberg.

Art au grand air

Les parcs de sculptures séduisent les amateurs de randonnée et de culture. Le Parc Vigeland Vigeland Sparken), situé dans le Frognerparken à Oslo, rassemble 214 sculptures en bronze, en fer forgé ou en granit, signées Gustav Vigeland (1869-1943). Toutes d’un réalisme frappant, elles complètent la visite du Musée Vigeland (Vigeland Museet), consacré au sculpteur, et de l’intrigant Musée Emanuel Vigeland, à proximité de la demeure bâtie par Emanuel Vigeland, frère de Gustav. Destinée à abriter ses peintures et ses sculptures, la bâtisse devint finalement son mausolée. Un musée hors du commun !

À quelques minutes de tramway du centre d’Oslo, s’étale le Ekebergparken. Dans ce parc à vocation artistique, une nature magnifiée recèle des œuvres d’artistes de renommée internationale. Les sculptures de Louise Bourgeois, James Turrell, Sarah Lucas ou encore Damien Hirst, partagent ces espaces naturels avec des ruines antiques et des gravures rupestres.

Poursuivons la balade par une découverte de l’art urbain norvégien. Longtemps rejeté, le street art s’épanouit depuis une dizaine d’années dans les villes et les contrées les plus reculées de la Norvège. Parmi les street-artistes norvégiens reconnus, Dolk, TEG et Argus officient à Bergen, Pøbel à Stavanger, Martin Whatson et DOT DOT DOT à Oslo.

Les municipalités financent des projets qui facilitent l’accueil de cette explosion chromatique par la population. Tous les ans au mois de septembre, le Nuart Street Art Festival met la ville de Stavanger aux couleurs de l’art urbain, y compris les bus. Toute l’année, Stavanger reste un stop incontournable.

Dans les rues d’Oslo, graffeurs locaux et internationaux unissent leurs talents pour entretenir l’originalité de son street art. La ville propose une carte interactive pour se repérer. Un indice ? Le quartier de Tøyen offre une forte concentration en art urbain. Il s’organise d’ailleurs en futur musée street art à ciel ouvert. La ville de Bergen est également réputée pour être un hot spot en la matière.

L’art urbain norvégien ne se cantonne pas aux villes. Au nord, dans les îles Lofoten, des bâtiments abandonnés abritent le projet Ghetto spedalsk porté par Dolk et Pøbel. Leur objectif étant d’alerter sur le dépeuplement des zones rurales.

À l’extrême sud de la Norvège, le quartier hollandais de Flekkefjord arbore ses fresques chatoyantes qui tranchent joliment avec la blancheur des anciennes maisons de bois.

Art contemporain

La scène contemporaine norvégienne est d’un dynamisme remarquable. Sa vigueur se ressent dans l’affluence des lieux d’exposition. En plus des innombrables musées publics et privés, les artist run spaces se multiplient.

Parmi les précurseurs, Rolf Aamot, né à Bergen en 1934, explore la peinture, la photographie et la musique. Pionnier de la peinture électronique, il allie arts du spectacle, musique et arts plastiques. Ses images électroniques incorporent son travail photographique. Les énergies électromagnétiques produisent formes et couleurs. En Norvège, on peut notamment découvrir ses créations au KODE -  Musées des arts de Bergen. Depuis 1980, l’artiste multimédia Pia Myrvold a acquis une renommée internationale.

L’art norvégien de 1960 à nos jours est magnifiquement mis en valeur à Oslo, au Musée Astrup Fearnley, une collection privée logée dans un immeuble signé Renzo Piano. Artistes contemporains norvégiens, européens et américains font l’objet d’expositions temporaires. La collection permanente compte parmi ses pièces maîtresses la sculpture monumentale la Grande Prêtresse d’Anselm Kiefer.

Photographie et histoire s’entremêlent harmonieusement à Horten, au Preus Museum (ou musée national de la photo). Dans ces anciens entrepôts de la Marine, toutes les époques de la photographie sont évoquées à travers des tirages et du matériel. Parmi les grands photographes norvégiens représentés : Anders Beer Wilse (1865-1949) a documenté la Norvège d’autrefois ; la photojournaliste Elisabeth Meyer (1899-1968) connue pour avoir pris les premières images de Gandhi ; Morten Krogvold (né en 1950) et ses portraits de célébrités ; Dav Aleng (né en 1953 à Oslo) dont les paysages en noir et blanc font le tour du monde.

Le bien nommé MUST abrite à Stavanger la collection de Jan Groth, dédiée à l’art des années 1960 à nos jours. Un panorama d’envergure essentiel à la compréhension de l’esprit créatif norvégien !