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Héritage viking et habitat traditionnel

L’Islande étant dépourvue de forêt, et la pierre y étant une denrée rare, les premières constructions étaient principalement composées de tourbe aux propriétés extrêmement isolantes. Cette dernière était découpée en longues bandes herbues (strengur) ou en blocs (hnaus). La tourbe était alors disposée sur une ossature faite le plus souvent en bois flotté, le bois importé étant réservé aux plus aisés. Les murs étaient légèrement inclinés vers l’intérieur de manière à encaisser le poids de la toiture. Lorsque la construction possédait des fondations, ces dernières étaient réalisées en roches volcaniques. Les Vikings ont largement utilisé ce type de construction avant de développer un autre type de structure : la maison longue. Ses murs étaient composés de planches de bois, tandis que la charpente était supportée par deux rangées de poteaux disposés de chaque côté de la maison. La toiture pouvait être de chaume, de gazon ou parfois en bardeaux de bois. Les murs de ces maisons étaient là encore inclinés vers l’intérieur, donnant à l’ensemble des allures de drakkar renversé. L’élément central de ces maisons longues et étroites était le foyer, en partie enterré dans le sol, et qui courait quasiment sur toute la longueur de la maison. Les premières maisons ne possédaient qu’une seule salle, puis elles se sont progressivement dotées de nouveaux espaces de stockage et d’accueil notamment. Par sécurité autant que par confort, les dépendances des maisons longues leur étaient souvent reliées par des tunnels ou passages protégés. Le site archéologique de Stöng est l’un des plus étonnants. Là, vous découvrirez notamment une impressionnante maison longue comportant un petit salon (stofa) et même une chambre destinée aux maîtres. Le long des murs, vous apercevrez deux tranchées… qui semblent avoir été des toilettes communes ! Au fil du temps, la maison longue va finalement être abandonnée au profit de constructions rappelant celles des premiers habitants de l’île. Voilà comment les « maisons d’herbes » sont devenues indissociables du pays et de son histoire. Ces constructions sont généralement creusées dans le flanc d’une colline, la roche ou la terre de cette dernière constituant le 4e mur de la maison ; les 3 autres étant constituées d’un mélange de pierres et de tourbe disposé le long d’une ossature en bois. Le toit, lui, se compose souvent d’un mélange de tourbe et d’ardoise pour être plus isolant. Ce dernier, pentu, dépasse légèrement à l’avant de la maison, protégeant ainsi l’entrée qui fait l’objet de toutes les attentions décoratives (frises, sculptures, lambrequins…) Au fil du temps, les pignons de ces maisons vont se faire plus hauts et étroits donnant à l’ensemble un effet presque aérien, alors même que la maison semble enfouie dans le sol ! Certaines maisons vont également être jointes tout en conservant leur propre toit, créant ainsi un étonnant effet de perspective. Simplicité et modestie caractérisent ces maisons qui offrent tout à la fois un abri contre la rudesse du climat et une ouverture sur la nature. Pour découvrir la richesse de cet habitat traditionnel, rendez-vous à la ferme Tyrfingsstadir dont les bâtiments possèdent de très belles décorations de bois et de tourbes, les blocs d’herbe créant des motifs étonnants ; à Þverá avec ses belles maisons en pierre de lave et toits de bouleaux et d’herbes ; à Eyjafjördur avec la ferme Laufás et son sauna chauffé ; sans oublier Hofskirkja, magnifique construction en tourbe qui n’est autre qu’une… église !

Influences classiques

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les constructions en bois se multiplient, qu’il s’agisse de fermes ou d’églises. Ces dernières, en grande majorité luthérienne, se caractérisent par de petits volumes compacts, des plans carrés ou rectangulaires simples et une grande sobriété générale qui valorise d’autant plus les couleurs vives des toits, portes et encadrements. Ces églises ont également la particularité d’être édifiée dans des endroits isolés et souvent sur des espaces aux allures de promontoire. Parmi les plus jolies, ne manquez pas l’église au toit rouge de Vik, la petite église bleue de Seyðisfjörður ou bien encore l’étonnante église de Buðir peinte entièrement en noir, à l’exception de ses portes et fenêtres peintes en blanc. Ce ne sont là que quelques exemples des presque 500 églises du pays ! Dans les campagnes, les fermes en bois, reposant sur des fondations en dur, sont souvent blanches aux toits colorés, certaines possédant de jolis porches en bois également. De très beaux exemples sont à voir sur le site de Glaumbaer. En parallèle, les premiers édifices officiels commencent à faire leur apparition, qu’ils soient en pierre ou en bois préfabriqué. Ils sont le plus souvent réalisés par des architectes danois pour le compte de leur gouvernement qui avait alors la mainmise sur l’Islande. Certains de ces édifices se caractérisent par des murs bas et goudronnés de l’extérieur, ce qui leur donne un aspect compact et sombre ; d’autres au contraire se distinguent par une imposante toiture en ardoise ou en bois, des portails à colonnes, des corniches et frontons décorés, des façades blanches… autant d’attributs résolument classiques. La résidence de Bessastaðir, construite entre 1761 et 1766, le montre très bien. Elle détonne fortement d’avec l’actuel bâtiment du Parlement d’Islande qui date, lui, de 1849. L’aspect massif et austère de l’édifice, largement renforcé par le gris de sa pierre basaltique, est « contrebalancé » par la présence sur la façade d’éléments décoratifs à l’effigie des 4 grands esprits païens du pays : le géant, l’aigle, le taureau et le dragon; une manière de rappeler que cet édifice de facture classique est résolument islandais. Vous remarquerez d’ailleurs que la plupart des édifices officiels ne sont protégés par aucune enceinte, mais au contraire sont ouverts sur le monde. Un symbole de la transparence de la démocratie à laquelle les Islandais sont farouchement attachés, comme le montre bien le lien indéfectible qu’ils conservent avec le site historique de l’Þingvellir, siège du tout premier Parlement islandais où vous pourrez également observer de nombreux vestiges de cabanes de pierre et tourbe qui accueillaient les participants à ses grandes assemblées !

Effervescence moderne et contemporaine

En matière d’architecture individuelle, le début du XXe siècle est encore très largement marqué par l’influence des pays scandinaves, la Norvège notamment, à qui les Islandais emprunte le « style chalet ». Les maisons de ce style sont le plus souvent entièrement préfabriquées et se caractérisent par des espaces et des ouvertures plus grands et des décorations de bois ciselées venant encadrer portes et fenêtres. Voilà qui contraste avec les maisons-terriers en herbe ! En parallèle, la tôle ondulée, importée d’Angleterre dès le XIXe siècle, continue sa progression. À Reykjavik, la plupart des maisons en sont recouvertes. Mais les Islandais ont su en atténuer l’aspect peu esthétique en la peignant de couleurs vives. Matériau phare du XXe siècle, le béton va transformer l’architecture islandaise. Guðjon Samuelsson est le premier Islandais à recevoir une formation en architecture : son style s’appuie sur les propriétés architectoniques du béton tout en s’inspirant des paysages et du folklore islandais, créant ainsi un style national. On lui doit certains des bâtiments les plus emblématiques du pays : l’Université d’Islande dont les lignes géométriques rappellent l’Art déco ; la cathédrale-basilique du Christ-Roi de Reykjavik avec son imposant clocher cubique ; l’église d’Akureyri surnommée « la cathédrale de glace » ; et bien sûr la célèbre Hallgrimskirkja dont la structure tout en volumes découpés rappelle les orgues basaltiques. Autre architecte phare de la modernité : Hogna Sigurdardottir-Anspach, toute première femme architecte à avoir construit dans son pays ! Élégance et sobriété caractérise son style. Parmi ses plus belles réalisations, notons la maison Thorvardur (Reykjavik) avec ses volumes clairs et lisses et son toit-terrasse, et la maison Hafsteinn (Gardahreppur), réinterprétation des maisons de tourbe organisée autour d’une monumentale cheminée de béton. Une sobriété des formes que l’on retrouve dans la très belle Nordic House (Reykjavik) d’Alvar Aalto, dont les formes organiques, surmontées d’un toit de céramique d’un bleu profond, s’intègrent harmonieusement à l’environnement. Le pays compte également quelques réalisations insolites à l’image du musée d’Art Asmundarsafn de Reykjavik avec ses arches et son dôme qui donnent à l’ensemble des allures de palais arabo-méditerranéens ; ou bien encore l’église de Blonduos dont la forme conique et la couleur rappellent les volcans islandais. À Reykjavik, la figure de proue du renouveau contemporain est la salle de concert Harpa. Récompensé par le prix de l’Union européenne de l’architecture, l’édifice a été réalisé par Henning Larsen en collaboration avec le plasticien Olafur Eliasson. Ce dernier travaille avec un matériau appelé « quasi-brique » en référence aux quasi-cristaux dont il reprend la forme et à la brique dont il reprend la fonction. Pour la façade de Harpa, des panneaux de verre coloré ont été ajoutés au matériau, créant un effet kaléidoscopique et d’étonnants jeux de lumières et de reflets. Les gratte-ciel contribuent également à redessiner la skyline de la capitale, à l’image de la Höfðatorg ou de la Turninn, dont le mur-rideau de verre reflète la lumière et le paysage, permettant ainsi à la structure de s’intégrer sans s’imposer. Une philosophie que partagent tous les créateurs contemporains, à l’image de l’agence MINARC à qui l’on doit le superbe ION Luxury Adventure Hotel, réhabilitation d’une structure sur pilotis existante agrandie par une élégante structure en béton ; ou de l’agence Basalt à qui l’on doit le sublime The Retreat at Blue Lagoon Iceland, avec son spa creusé dans la lave et ses baies vitrées s’ouvrant sur la nature. Mais le plus impressionnant des hôtels de l’île reste bien sûr The Cliff Retreat dont la structure de verre, béton et acier semble comme suspendue dans le vide. Le pays voit également se multiplier de magnifiques maisons d’architectes aux lignes épurées et aux matériaux naturels, à l’image de la Villa Lolá de l’agence Arkis, dont le bois de mélèze se grise avec le temps, lui donnant un aspect minéral faisant écho à celui des montagnes environnantes. Enfin, la capitale devrait bientôt accueillir le plus grand édifice en bois du pays. Imaginé par l’agence Jakob+MacFarlane, le projet « Living Landscape » se compose d’un bâtiment zéro carbone organisé autour d’un noyau central recréant un véritable écosystème (plantes indigènes, roches locales…), une manière innovante de renouer le dialogue entre nature et urbanité !