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Sculpture traditionnelle

Visible un peu partout au Maroc, cette technique ancestrale consiste à sculpter le plâtre en intégrant ses motifs à l’architecture. Décorative, elle satisfait à l’interdit de représentation figurative dans l’art islamique. Le gebs recouvre la partie supérieure des murs, mais décore aussi les arcades, les plafonds et les coupoles. Se déploient des textes calligraphiés ou des motifs géométriques : frises, entrelacs ou rosaces. Dans le Grand Sud marocain, les nombreux musées d’artisanat et de traditions se nichent dans des bâtisses richement ornées. Ainsi, le Musée du ksar à Oulad Edriss occupe l’ancienne maison du chef du village. Sa cour intérieure, ses arcades et ses tours sont de parfaits exemples de l’élégance du gebs.

Blanc ou rosâtre, le stuc peut être teint, peint ou doré. De tels résultats s’obtiennent au terme d’un processus de fabrication long et minutieux. Dans un premier temps, le plâtre est étalé en couche épaisse sur la surface murale, hérissée de clous pour une meilleure tenue. Le temps de séchage du plâtre étant relativement long, les maîtres ont tout le loisir de sculpter la matière avec un raffinement inégalable.

Emergence de la peinture

Deux événements marquent la mémoire picturale du pays : l’islamisation du Maroc au IXe siècle et la colonisation à partir de 1912. L’art préislamique, qui octroie une place importante aux représentations de scènes de vie, se voit, avec l’islamisation, dominé par l’art arabo-musulman qui interdit toute forme de représentation zoomorphe ou humaine. D’une richesse infinie, il trouve son expression dans les formes et les motifs géométriques complexes, les représentations du monde végétal et la calligraphie. Les calligraphes écrivent avec un calame, une plume en roseau dont la taille détermine le style de graphie. Quant à l’encre, elle est traditionnellement fabriquée avec la suie des bougies.

La peinture de chevalet est adoptée ultérieurement, au début du protectorat. C’est en quelque sorte un retour aux sources puisqu’elle renoue avec la représentation de scènes de la vie quotidienne. La période du protectorat français est évoquée au Musée de la Résistance et de l’armée de libération, à Ouarzazate, à travers des photographies et des portraits de la dynastie Alaouite, du XVIIe siècle à nos jours.

Le XXe siècle voit éclore des talents qui contournent les interdits religieux. L’ouverture des premières écoles d’art marocaines, à partir de 1945, donne un élan incontestable à la vie artistique.

Art naïf

L’art naïf se développe tout au long du XXe siècle, pour atteindre son apogée dans les années 1960 et 1970. Les deux maîtres de cette tendance sont Mohammed Ben Ali R’Bati (1861-1939) qui a représenté tous les aspects de la vie tangéroise, et Mohamed Hamri (1932-2000). La manière plus stylisée d’Hamri a joué un rôle clé dans la peinture marocaine.

D’autres peintres s’éloignent de la figuration, pour se rallier à l’abstraction. Ahmed Cherkaoui (1934-1967), dont la notoriété dépasse les frontières, est l’un des précurseurs du modernisme marocain. Son œuvre interrompue prématurément a bouleversé l’histoire artistique du pays. A l’intersection de son héritage arabe et berbère et des grandes tendances modernes internationales, cet artiste a développé un langage personnel d’une forte richesse symbolique.

Cependant le Maroc manque encore de lieux de diffusion. Mais le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Marrakech devient en 2014 la première institution nationale consacrée à cette période. Sa collection comprend Giacometti, Monet, Cézanne mais aussi Hassan El Glaoui (1923-2018), peintre des fêtes traditionnelles d’antan.

Orientalisme

Les artistes étrangers du XIXe puis du XXe siècle se laissent envoûter par le charme des villes marocaines. Ils font certes rayonner le Maroc mais ils éclipsent les artistes locaux.  C’est ainsi que la « peinture orientaliste » regroupe les œuvres réalisées par des Européens en Afrique, au Proche-Orient ou en Asie. Ce genre prend naissance à la fin du XIXe siècle, avec des peintres romantiques venus renouveler leur inspiration au Maroc.  Leur vision idéalisée s’exprime dans des images à l’atmosphère enchanteresse.

Envoyé en mission par le roi Louis-Philippe, Eugène Delacroix contribue à la propagation de la mode de l’exotisme oriental chez les peintres romantiques.

Farid Belkahia (1934-2014)

Né à Marrakech, Belkahia fréquente les cercles artistiques cosmopolites en compagnie de son père. Encore adolescent, il expose ses premières gouaches qui révèlent déjà une tendance à l’expressionnisme. Il séjourne à Paris puis à Prague, et revient marqué par le contexte d’après-guerre. Dès son retour au Maroc en 1962, il explore la notion de modernité en se livrant à diverses expériences picturales. Il abandonne notamment la peinture de chevalet.

Sa curiosité dans le domaine esthétique ouvre la voie à l’art moderne au Maroc. Nommé directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, il sensibilise ses élèves à la mouvance avant-gardiste. Soucieux de relier ce renouveau au patrimoine marocain, il travaille la peau puis le cuivre. Par le choix des matériaux, il souhaite réunir mémoire et liberté créatrice. La Fondation Farid Belkahia avec son Musée Mathaf Farid Belkahia expose nombre de ses œuvres et apporte son soutien à la création contemporaine.

La photographie marocaine

Au XIXe siècle, de nombreux Européens venus documenter le monde s’adonnent à la photographie, accompagnés de scientifiques, d’historiens et d’écrivains. À une époque charnière, ils fixent les premières images d’un Royaume encore méconnu des Occidentaux. Ils immortalisent ses villages fortifiés, ses kasbahs, ses montagnes et ses provinces sahariennes. Dans les années 1880, alors que le pays s’ouvre davantage, des photographes y installent leur studio. Majoritairement utilisée à des fins administratives et patrimoniales, la photographie se limite aux paysages et aux monuments.

Par la suite, une photographie plus esthétisante se développe, avec les « scènes de types », à mi-chemin entre souci ethnographique et exotisme. Les Marocains musulmans restent néanmoins hostiles à cet art qui va à l’encontre de l’interdiction de représentation humaine.

A l’entre-deux-guerres, le français Gabriel Veyre, photographe attitré du Sultan Mouley Abd el Aziz, joue un rôle clé dans le développement de la photographie. Auteur de centaines de clichés du pays et de ses habitants, il est l’un des premiers à saisir la vie quotidienne locale avec naturel. Visibles à la Maison de la Photographie de Marrakech qui met en valeur la diversité du pays à travers le regard de photographes célèbres ou anonymes, des débuts de la photo à l’époque moderne (1879-1960).

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la photographie se démocratise. Le pays compte aujourd’hui de nombreuses figures internationales et différents lieux d’exposition, dont la Galerie 127 de Marrakech. Elle est aujourd’hui considérée comme un art à part entière.

Hassan Hajjaj, né en 1961 à Larache, est l’un des représentants de la photographie contemporaine marocaine, en plus d’être le pionnier du Pop Art marocain. Sa double culture s’exprime par son style coloré, plein de plaisantes contradictions.

Le photographe belgo-marocain Mous Lamrabat (né en 1983) secoue les stéréotypes sur le monde arabe pour diffuser un message de paix à travers des images humoristiques.

Un art contemporain florissant

L’évolution de l’art marocain reflète les changements que traverse le pays. L’art figuratif n’est plus tabou. La nouvelle génération s’attaque aux problèmes sociaux et politiques : inégalités, sexisme, immigration, crise climatique.

Malgré les défis auxquels il doit faire face, le pays s’affirme peu à peu comme un hub artistique régional, de plus en plus connecté à ses voisins maghrébins et subsahariens. Le Printemps arabe de 2011 a grandement contribué à faire bouger les choses, ravivant non seulement l’intérêt des étrangers, mais permettant surtout aux artistes de réaliser le rôle qu’ils pouvaient jouer en exprimant leurs points de vue à travers l’art.

Pour n’en citer qu’une, Lalla Essaydi, née en 1956 à Marrakech, est une artiste photographe incontournable. Elle a grandi au Maroc et en Arabie saoudite, et vit aujourd’hui entre New York, Boston et Marrakech. Diplômée de la School of the Museum of Fine Arts à Boston, c’est l’une des artistes marocaines les mieux cotées. On trouve ses tableaux au Louvre ou encore au British Museum de Londres. Son travail tourne notamment autour de la figure de la femme arabe, et déconstruit les stéréotypes féminins représentés dans la peinture orientaliste tout en incorporant la calligraphie arabe.

L’incontournable Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden de Marrakech, MACAAL a récemment mis à l’honneur un courant d’artistes souiris caractérisés par leur univers fantastique, débordant d’imagination. Parti de la rue, ce courant d’autodidactes qui puisent leur inspiration dans la rue et le quotidien, a été repéré pour la première fois par Frédéric Damgaard, qui ouvre en 1988 la première galerie d’Essaouira, la Galerie d’art Damgaard. Dans ce lieu dédié aux artistes d’Essaouira, il expose Abdelmalek Berhiss, Mohamed Tabal et Ali Maimoun. Découvreuse de talents, la Matisse Art Gallery réunit des références de l’art marocain comme Noureddine Chater et Hassan El Glaoui.

Désormais, l’Espace Othello est la deuxième adresse à visiter à Essaouira pour découvrir les peintres et sculpteurs contemporains. Dans la Médina, la multitude de petites galeries parfois annexées à un atelier comme à l’Arbre bleu, témoignent de la vigueur culturelle.

Art au grand air

Après une période d’adaptation, le street art compte de nos jours de nombreux jeunes talents comme Kalamour, le duo Placebostudio (composé de Brick top et Abid), Rebel Spirit ou encore Mevok. Désormais à l’avant-garde de la scène contemporaine, Morran Ben Lahcen est un enfant du graffiti. Il en est même le pionnier. Né en 1982 à Tahanouat, il exprime son attachement à ses racines par l’abstraction. A Guéliz, la rue Oum er-rbia abrite certains de ses premiers portraits.

Instrument de revitalisation urbaine, le street-art est célébré lors de la Biennale de Marrakech qui encourage les graffeurs à travers le projet Liberty Walls. Des créations d’artistes internationaux parsèment les rues de la médina : C215 ; Hendrik Beikirch ; l’italien Run et ses personnages géométriques près du palais Bahia ; rue Dar El Bacha, le Britannique Sickboy.

A Essaouira, le programme Mogador Street Art lancé en 2019 associe musique et peinture. La fresque géante Les sourires de Mogador, réalisée en janvier 2022 par Caterina Tur, rend hommage aux enfants de la ville.

Aaron Horkey, Esao Andrews ou Andrew Hem ont choisi le désert marocain, aux environs de Ouarzazate, pour s’exprimer. Animaux et créatures farfelues surgissent sur des ruines, au cœur d’un paysage lunaire. Le Grand Sud marocain n’a pas fini de nous étonner !